jeudi 31 décembre 2020

Lendemain de saint-Sylvestre 3 – Chronique du 1er janvier

Histoire de Pauline et Julien suite (voir les épisodes précédents ici et )

 

Bonjour-bonjour

 

* Vendredi 1er janvier, 6 heures du matin. Pauline vient d’arriver dans la cuisine clignant des yeux, la chevelure en bataille et l’air maussade. Hier le réveillon s’est passé au mojito et au daïkiri, avec Julien (son compagnon) et Anthony, le copain de Julien, qui a été largué par sa chérie et qui est venu festoyer avec eux. Pauline le retrouve lui aussi attablé dans la cuisine, enfin… il a juste repoussé les boites à pizza et les bouteilles vides pour mettre sa tasse de café noir.

C’est Pauline qui parle :

- Déjà levé, Anthony ? On dirait que la soirée ne t’a pas réussi… Enfin pas plus qu’à moi.

- Oui, sûrement, car je n’ai pas réussi à fermer l’œil depuis 4 heures. 

Rien à faire pour dormir, surtout depuis que Laura m’a quitté.

- Alors, pour 2021 il faut te souhaiter de rencontrer une nouvelle Laura ?

- J’y songe, vois-tu. Et puis en même temps je me dis que son départ est peut-être une bonne chose.

- Ce n’est pas ce que tu disais il y a peu.

- Oui, je sais… Mais je me dis aussi que me retrouver seul c’est peut-être l’opportunité pour reprendre mes études, avec des cours du soir pour passer manager commercial dans ma boite.

- Alors voilà des vœux tout trouvés : serre les dents et ne lâche rien, Anthony, c’est ça qui doit compter pour toi. Si tu sens que tu risques de flancher, viens nous voir, on sera toujours là pour toi.

 

…Anthony et Pauline s’étreignent très ému – c’est le moment de les quitter sur la pointe des pieds et de reprendre notre réflexion abandonnée depuis un bout de temps : comment entrer dans la nouvelle année avec de bonnes dispositions ? Comment croire que tout va aller mieux simplement parce qu’on a changé de millésime ?

 

Pour répondre à cette question, on pourrait songer à l’attitude d’Anthony, qui au lieu de pleurer sur son triste sort, relève la tête et déclare qu’il va profiter de sa situation pour améliorer sa vie. Car peut-être qu’il y a là quelque chose qui est valable pour nous : on peut estimer qu’il y a du bon dans tout ce qui nous arrive, ce n’est qu’une question de point de vue.

Rappelez-vous : nous avions évoqué 2020 comme annus horribilis, parodiant le poème de John Dryden intitulé Annus mirabilis. Dryden y décrivait l’année 1666 comme merveilleuse – alors que l’Angleterre avait été frappée de nombreux désastres, dont la peste qui avait ravagé le pays. Tout ça aurait été « mirabilis » ? Oui, parce que selon Dryden Dieu avait eu alors l’occasion de monter sa sollicitude envers les anglais en les aidant à endiguer la maladie.

Vous voyez où je veux en venir ? Oui, nous aussi nous avons avec le covid l’occasion de voir combien l’espèce humaine est bonne et industrieuse, elle qui fait de la protection des plus faibles une priorité, et qui invente un vaccin en quelques mois. Alors comme Anthony, entrons en 2021 en chantant à la louange de nos contemporains : « Quand les hommes vivront d’amour, il n’y aura plus de misère… Mais nous nous serons morts, mon frère » (écoutez nos amis canadiens ici). Eh bien, nous y sommes déjà !

 

* 1er janvier, 18 heures : j’apprends qu’en rentrant chez lui Anthony est mort : il s’est jeté sous une rame RER.

mercredi 30 décembre 2020

C’est la fin – Chronique du 31 décembre

Bonjour-bonjour

 

Que dire un 31 décembre qui ne soit ni convenu ni ennuyeux ? 

On ne spéculera pas ici sur ce que nous réserve 2021 : il y a des palanquées de prévisionnistes, commentateurs et autres chroniqueurs pour ça. On devrait plutôt se demander en quoi consiste la fin, que ce soit celle de l’année, de la vie, de la saison, etc. ? Et est-ce que la fin est en même temps le « début d’un commencement » ? Et s’il faut qu’on fasse quelque chose pour que ça finisse ? Etc…

 

- Commençons par le commencement : on réfléchira à la ressemblance entre la fin et la limite. Quoi de plus identique entre cette fin de l’année et la limite qui sépare deux territoires ? On dira ainsi que, si 2020 doit finir le 31 décembre, c’est parce que 2021 commence le lendemain 1er janvier. Autrement dit, pas de limite sans « limité », mais aussi pas de limité sans « limitant ». C’est comme une frontière : il y a deux côtés à la frontière, et il faut que ces côtés soient reconnus de part et d’autre ; sinon on est dans le conflit – bien sûr il en irait de même avec les frontières naturelles, qu’on se rappelle de la France qui, pour certains, devait aller de Dunkerque jusqu’à Tamanrasset (1).

Bref : la fin, s’il elle doit se comporter comme une frontière, doit être posée et admise par ceux qui en ont la garde, et elle peut fort bien être annulée ou déplacée. Là encore la diplomatie nous servira d’exemple : il n’est que de se rappeler les innombrables deadlines imposées aux négociations sur le brexit ! C’est même l’évènement de cette fin d’année que de voir respectée la date limite des négociations.

Mais alors, pouvons-nous dire : « Pas de réveillon le 31 décembre ? Aucune importance : on va décréter que l’année nouvelle commence comme autrefois le 1er avril ! » Pourquoi pas ?

Mais du coup, pour prendre au sérieux les vœux de nouvel an, il faudrait une fin qui soit absolument radicale ; que le monde du 1er janvier ne soit plus celui du 31 décembre. 

- Et il arrive en effet que la fin soit aussi quelque chose d’irrévocablement différente : elle peut, comme la fin de la vie, être absolument irréversible, sans retour possible : elle est alors une cassure radicale dans le temps. Du coup, elle ne parait pas très adaptée à la situation du 31 décembre : aucun phénomène astronomique ne vient matérialiser l’existence de cette rupture, rien ne dit qu’une révolution de la terre autour du soleil prenne fin à ce moment, ni qu’une nouvelle débute alors. D’ailleurs on ne sait même pas s’il est correct de chercher à matérialiser cet évènement, puisque chaque instant de chaque révolution est parfaitement identique à tous ceux qui l’ont précédé, et que pour qu’un terme soit assigné à ce phénomène il faudrait une fin radicale, quelque chose comme un astéroïde venu percuter la terre et l’éjecter de sa trajectoire.

Cette idée de fin radicale est donc tributaire d’un état nouveau qui soit inscrit dans sa nature, que ce qui finit soit si radicalement transformé qu’on puisse considérer son état antérieur comme anéanti.

Alors, voilà : pour que cette année lamentable s’achève radicalement, il faudrait que quelque chose comme une catastrophe se produise : soit une mort du virus, soit une mort de la civilisation, soit une mort de l’humanité.

Une chance sur trois de s’en tirer : ça fait flipper !

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(1) Le général de Gaulle déclamait en 1958 : « Tous Français, de Dunkerque à Tamanrasset »

mardi 29 décembre 2020

A Buckingham la Reine Elizabeth danse sur son bureau – Chronique du 30 décembre

Bonjour-bonjour

 

Vous voyez ceci ?



C’est une vidéo qui montre la reine britannique dansant sur son bureau à Westminster sur une musique disco (?) après avoir prononcé une allocution où elle dénonçait la pénurie de papier toilette à Buckingham, ainsi que le départ de Harry et Meghan qui ont préféré vivre avec des canadiens plutôt que de rester dans leur royale famille.

Cette vidéo qui a beaucoup choqué les britanniques était destinée à illustrer un avertissement qui devait alerter le public des dangers liés aux procédés modernes de trucage des images. Il paraissait tellement évident que personne ne serait trompé par une telle vidéo que la vertu pédagogique de cette diffusion paraissait garantie quand bien même le commentaire aurait été coupé.

Eh bien les réactions indignées du public montrent qu’il faut manier avec plus de prudence les images des personnes car, même avec l’information qu’elles sont fausses, le choc qu’elles suscitent est toujours aussi fort. Ce qui explique l’existence d’un droit à l’image qui inspire aujourd’hui bon nombre de procès : chacun dispose en effet de ce droit qui interdit à quiconque de diffuser sans autorisation une image où cette personne est reconnaissable (1).

En France on a l’obligation légale d’inscrire sur l’image contrefaite la mention « Réalisé avec trucage ». Sommes-nous sûrs que cela suffirait ici ? Ne porte-t-on pas quand même atteinte à la dignité de la reine avec ce procédé ? Ne retrouve-t-on pas cette très ancienne croyance selon la quelle représenter une chose ou un être donne un pouvoir sur lui ? On croit que les représentations d’animaux faites dans les grottes il y a 20 ou 30000 ans servaient par cet envoûtement à s’assurer de bonnes prises à la chasse. Toute la tribu savait que ce n’étaient pas les vrais animaux, mais cela ne changeait rien au pouvoir magique des dessins. N’en va-t-il pas de même avec la Reine Elizabeth ? Et si elle était maintenant envoûtée par cette vidéo ? Si à présent elle se mettait, dans le secret de sa chambre, à danser une musique de disco ?

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(1) « Le droit à l’image est le droit de toute personne physique à disposer de son image entendue comme l'ensemble des caractéristiques visibles d'un individu permettant son identification. » Art. Wiki

lundi 28 décembre 2020

Le pire n’est pas certain, il n’est que probable – Chronique du 29 décembre 2020

Bonjour-bonjour

 

« Que pouvons-nous nous souhaiter pour la future année 2021 ? Comment faire la fête si elle nous apparait comme devant être aussi désastreuse que 2020 ? » Je vous ai planté dimanche dernier avec la promesse de répondre à cette question, et j’avoue avoir négligé cet engagement au profit d’autres évènements plus urgents. Mais je dois y revenir et j’y reviens maintenant.

 

Nous retrouvons Pauline et Julien (alias Mimine et Choupinet) déjà rencontrés samedi dernier alors qu’ils préparaient leur réveillon de Noël en philosophant sur le meilleur moyen de faire la fête. Nous les retrouverons le lendemain matin alors que Pauline se réveille le crâne un peu douloureux.

- Ohlàlà… La cuite ! J’ai un crâne trop petit pour ce qu’il y a dedans : tu crois que j’aurais pris la grosse tête pendant la nuit ?

- … (Pour toute réponse, Julien ronfle bruyamment)

- Et ! Choupinet je te parle ! Réveille-toi !

(Secoué avec force, Julien se retourne, ouvre un œil émet plusieurs borborygmes avant de parler)

- Mufff… Qu’est-ce qu’il y a Mimine ?

- Il y a que j’ai la migraine et que dans mon cœur ça ne va pas. Il faut que tu me consoles.

- Te consoler de quoi ma Mimine ? Est-ce qu’hier soir on n’a pas fait la fête attendue ? Va compter les bouteilles sous la table du salon : tu verras qu’on a fait ce qu’il fallait pour débrider nos instincts. « Quand tu n’as plus été chatte et que tu es devenue chienne, et qu’à l’appel du loup tu as brisé tes chaînes »… la fête a été complète.

(Comme on le voit Julien reste fan de Johnny Hallyday ; mais ça ne déride pas Pauline qui a le cœur au bord des larmes)

- Mais tout ça c’était hier, et pas aujourd’hui. Nos élans, nos amours, ils n’ont duré qu’un instant. Maintenant nous retrouvons les inquiétudes et les soucis d’hier, d’avant-hier et d’avant-avant-hier – et je me réveille certaine que demain sera comme hier. Notre rêve a été réel juste un instant. La réalité, la vraie, elle, elle dure. 

- Mais de quoi tu parles, Mimine ? Tiens, touche là ; allez n’hésite pas, mets ta petite main sous les draps. Là, voilà ! Tu sens la réalité comme elle est dure ?

(On a compris que Julien après avoir célébré le souvenir de Johnny, se trouve dans d’heureuses dispositions. Mais cela ne déride toujours pas sa chérie)

- Ça va bien Julien ! Tu crois qu’avec ça, demain nous ne serons plus confinés, plus en télé travail avec la gamine sur le dos qu’il faut faire jouer et sortir au parc parce que l’école est fermée ? Et l’argent ? Tu penses que notre Livret A il va durer jusqu’à quand ?

- Ah, Mimine, arrête de faire ta Cassandre ! Écoute ça : « Le pire n’est pas certain, il n’est que probable » : tu sais où j’ai trouvé ça ? Sur Internet où il y un blog formidable (1). Et tu sais ce que ça veut dire ? Que le 1er janvier ce sera un jour nouveau, que nous aurons sûrement un nouveau vaccin, que dans un mois nous serons délivrés du covid et que, du coup, nous pourrons revivre comme avant.

- Oui, nous aurons tout ça… ou pas. Et puis fais-moi rêver, veux-tu? Raconte-moi que nous allons échanger nos vies : toi tu te lèverais la nuit quand la petite a fait un cauchemar, tu passerais la serpillère avant de partir au travail et tu reviendrais à toute vitesse pour arriver à temps à la crèche. Hein, ça te dit comme année 2021 radieuse ?

Ah : j’oubliais. Tu aurais tes ragnagnas chaque mois.

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(1) Il s’agit du « Point-du-jour », à lire ici.

dimanche 27 décembre 2020

Aimer, boire et chanter – Chronique du 28 décembre

Bonjour-bonjour

 

Aujourd’hui le ministre de la santé est devenu le sinistre de la santé si on veut bien me permettre cette paronomase. Car, voilà : alors que nous sommes en plein dans les préparations des fêtes du jour de l’an, il nous promet, si nous nous laissons aller, de nous réembastiller pour un mois. 

Nous savions déjà que ce n’était pas le divertissement mais le travail qui était essentiel ; voilà maintenant la fête qui est dénoncée comme dangereuse. Mais pourquoi la fête serait-elle dangereuse pour notre santé ? Demandons à Johan Strauss le célèbre compositeur de la valse « Aimer, boire et chanter » :

 


« Who does not love wine, wife and song will be a fool for his lifelong », peut-on lire dans cette illustration : telle est la leçon de vie que nous donne sa musique.

Il faut donc oublier ce qui nous entoure, oublier les précautions que nous devons prendre, oublier l’isolement imposé par notre sécurité. La fête est insouciance, elle nous amène une bienheureuse inconscience par la quelle la réalité quotidienne disparait au profit de tout ce qui procure du plaisir ; ce qui n’aboutit pas au plaisir et à la félicité est immédiatement rejeté. C’est cela la loi de la fête et c’est cela qui constitue un risque : c’est est une sorte d’ivresse qui nous fait oublier la nécessité… d’en sortir ! Freud le disait déjà : nous sommes gouvernés par deux principes antithétiques : le principe de plaisir qui exige qu’on satisfasse à la demande de jouissance toute affaire cessante ; et le principe de réalité qui nous impose de nous soumettre à nos besoins avant de satisfaire nos désirs. La fête est le refus d’obéir au principe de réalité pour n’écouter que le principe de plaisir. 

Le covid quant à lui ne fait jamais la fête, entendez qu’il n’a qu’une loi simple et toujours la même : se reproduire. Celle que nous écoutons provient du divin marquis ( = de Sade) : oublions « le plat souci de la propagation de l’espèce ».

samedi 26 décembre 2020

Que faire des cadeaux du Père Noël ? – Chronique du 27 décembre

Bonjour-bonjour

La famille, les amis, ont été particulièrement généreux on dirait, parce que je vois que votre petit 2 pièces-terrasse est envahi ! Même en admettant que vous allez vous débarrasser des objets devenus caducs du fait de la venue de leur remplaçant dans la hotte du Père Noël, il reste pas mal de choses qui ne vont pas trouver place dans vos placards.

- Et puis, avouez-le, il y a surtout des « choses » que vous avez reçues de gens mal inspirées, ou pas inspirés du tout comme ceux qui vous ont offert tous ces machins immettables ou insupportables à regarder : un tee-shirt humoristique ; le coffret de parfum Yves Rocher ; la carte-cadeau de France-Loisirs ; des bougies-senteur : bref, pas forcément le pire du pire, mais quand même pas non plus des objets qui font rêver.

- No problemo : je ne vais pas tarder à bazarder toutes ces cochonneries sur le Bon Coin. D’ailleurs on est de plus en plus nombreux à le faire et ça ne choque plus personne.

- N’aurez-vous pas quand même un peu honte de l’avoir fait ?

- Honte sûrement pas ; ce qu’on m’offre m’appartient et je fais ce que j’en veux.

- Oui, oui… Et vous iriez dire à ces généreux donateurs que vous avez revendu leur cadeaux ?

- Hum…

 

Bon, chers lecteurs, vous constatez comme moi que ça ne va pas de soi. Mais rassurez-vous, il y a une autre solution : tous ces objets, ne les vendez pas – donnez-les. Oui, on le reconnaitra, donner est plus moral que vendre. C’est comme ça, même en pays capitaliste, où la transformation des choses en marchandise est une règle de base (1), cette marchandisation de la générosité heurte un peu nos valeurs. Oui, nos valeurs : celles qui sont issues de nos racines, chrétiennes ou républicaines - qu’importe ? Que ce soit par charité ou par respect pour la dignité humaine, donnez à ceux qui n’ont pas. D'ordinaire le cadeau n’est jamais tout à fait gratuit, on attend en retour quelque chose ; un contre-cadeau (comme avec le potlatch) ou la reconnaissance : en donnant vos cadeaux de noël, ne cherchez-vous pas quelques chose comme ça? Du coup, ne va-t-il pas vous rester un petit bout de mauvaise conscience ?

Pour éviter cette pollution, donnez donc ces cadeaux parce qu'ils vous embarrassent. Donnez au pauvre en lui disant : « Tenez, mon brave, prenez ça. Inutile de me remercier, ça me débarrasse. »

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(1) Voir « La société du spectacle » le célèbre livre de Guy Debord 

vendredi 25 décembre 2020

O, temps, suspend ton vol – Chronique du 26 décembre

Bonjour-bonjour

 

Crainte ou espoir, cette suppression du temps ou plutôt de son écoulement est une éventualité qui plane au-dessus des fêtes du réveillon le jour de la saint Sylvestre : et si le douzième coup de l’horloge à minuit ne retentissait pas ? Et si les fêtards attendant l’ultime instant du 31 décembre comptaient : « 8, 9, 10, 11, 11, 11… » En bref, si 2020 refusait de partir ? « O, temps, suspend ton vol », chantait le poète : et si ce vœu devenait la terrible menace qui plane sur nous ? 

Fantasme ou réalité ? A part le physicien quantique, qui donc pourrait répondre à cette question ? Le philosophe quant à lui peut tenter non pas de répondre mais d’imaginer comment le temps pourrait s’accommoder de cette situation.

- D’abord un temps immobile est par définition impossible, sauf s’il se transforme en instant. C’est ainsi qu’on définit l’éternité : un instant qui s’étendrait jusqu’aux limites du temps, qui irait du plus lointain passé jusqu’à l’avenir le plus éloigné. Temps figé, rien ne pourrait ni disparaitre ni apparaitre en lui. 

- Mais comme ce temps ne peut être que celui de Dieu, les hommes imagineront un temps non pas immobile mais répétitif. Le temps cyclique, celui du mouvement qui se reproduit incessamment – comme celui des étoiles dans le ciel, est celui qui ressemble le plus à cette éternité-là, C'est le temps des étoiles qui, comme le disait Platon dans le Timée (37d-38a), « est l’image en mouvement de l’éternité immobile »

- Mais comment cette éternité cyclique pourrait-elle exister ailleurs que dans la voute étoilée ? Comment les êtres vivants s’en accommoderaient-ils ? Tous simplement en se reproduisant : c’est toujours Platon mais dans le Banquet cette fois, qui définit la reproduction comme l’immortalité des mortels (1). Mais alors, nous revoici face à la pandémie : la nature ne nous garantit pas de lui résister, mais seulement de pouvoir nous reproduire à temps pour perpétuer l’espèce. C’est ainsi que nous pourrons nous éterniser – non pas nous, pauvres individus, mais l’humanité entendue comme la collection des êtres humains.

Dans la lutte contre la pandémie, nous ne suivrons pas la nature en nous isolant mais ne nous reproduisant. Copulons donc mes frères pour nous reproduire et laisser derrière nous des êtres qui pourront prendre notre place.

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(1) « Chez le vivant mortel c'est cela même qui est immortel : la fécondité et la procréation » - Le Banquet – Discours de Diotime

jeudi 24 décembre 2020

A child is born – Chronique du 25 décembre

 

 


 

Haendel – Le Messie A child is born à écouter ici

 

Bonjour-bonjour

 

Aujourd’hui c’est Noël et nous sommes nombreux à nous dire que, si la fête n’a pas été à la hauteur des autres années, en même temps quelque chose nous est resté : c’est quelque chose de plus intime, à la fois émouvant et radieux ; je veux parler de l’émerveillement de la nativité.

A Noël on a l’habitude de nous faire écouter l’Hallelujah du Messie de Haendel et certes c’est un air qui soulève l’âme d’allégresse quand bien même on n’en comprendrait pas les paroles. Mais il y a un autre air dans le Messie, tout autant allègre et qu’on peut encore plus justement écouter à Noël c’est « For unto us a child is born » :

« For unto us a Child is born, unto us a Son is given, and the government shall be upon His shoulder; and his name shall be called Wonderful Counsellor, the Mighty God, the Everlasting Father, the Prince of Peace. » –  à écouter par exemple ici (1)

Noël, que nous soyons religieux ou sceptiques, ou simplement indifférents, nous touche par ce miracle de la Nativité, miracle que les croyants accueillent comme un don de Dieu, célébré comme une promesse de rédemption ou de paix (comme dans ce passage du Messie) et que les athées considèrent comme le retour d’un mythe sans doute aussi vieux que l’humanité elle-même : la mise en scène du miracle de la vie. Mais, même si cette naissance de Noël n’est qu’un mythe, il touche une émotion fondamentale en nous tous, et c’est l’occasion de le revivre.

- Jésus ne serait donc qu’un miracle fort trivial, celui de l’apparition de la vie ? On pleurerait de joie comme on pleure à la naissance de son enfant ? Sans doute, mais pas seulement, car il y a dans la Nativité quelque chose de plus que les prêtres célèbrent à la messe de Noël, mais que chacun peut retrouver en lui : ce miracle, c’est celui du don. Jésus n’est pas un quelconque enfant qui naît ici, dans telles circonstances, mais il est annoncé par les prophètes : Un fils nous est donné, dit Isaïe, et c’est cela que nous ressentons. C’est ce don qui va au cœur de l’humain, et si pour l’athée ce don n'est pas le fait de Dieu mais une manifestation profane de l’humain lui-même – cela reste le don de la vie fait au vivant. C’est peut-être un mystère difficile à explorer, mais justement le mythe est là pour nous l’éclairer : c’est pour nous que cette vie apparait et c’est cela que cette fête nous fait revivre.


... Mais avons-nous encore besoin d'un mythe? Si Noël est cette année une célébration particulièrement sensible c’est aussi qu’en cette période d’épidémie, ou la mort personnelle est une menace qui peut être ressentie par n’importe nous pouvons vivre cette émotion du don de la vie : on se rappelle que Boris Johnson a « vécu » la proximité de la mort durant sa covid et qu'il a senti un médecin se pencher sur lui et lui donner les soins qui l’ont conservé en vie ; et il en a été si bouleversé qu’il n’a pas hésité à donner à son enfant, né peu après, le prénom de ce médecin, en reconnaissance de ses soins.

On dit que Noël est devenu une fête profane – peut-être. Mais profane ou pas, il y a de l’ineffable en elle.

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(1) En français « Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, Et la domination reposera sur son épaule ; On l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » C’est un extrait du livre d’Isaïe, 9 :6

mercredi 23 décembre 2020

Violent un jour, violent toujours – Chronique du 24 décembre

Bonjour-bonjour

 

On devrait être en train de nous bousculer dans les rues illuminées en criant "Noël! Noël!", la joie dans le coeur et des étoiles plein les yeux. Au lieu de cela c'est un terrible massacre de gendarmes qui occupe le devant de l'actualité.

- Symptôme des temps actuels où la fête est bien oubliée au profit du stressant et de l’anxiogène ? Goût immodéré pour les faits divers qui font ressentir des émotions qu’on adore ? Toujours est-il qu’en suivant l’actualité, on oublie la joie de noël pour évoquer ces malheureux gendarmes tombés sous les balles d’un forcené qui menaçait de tuer sa femme.

Cet homme armé jusqu’aux dents qui en menaçait sa femme refugiée sur le toit de leur maison était déterminé à commettre des violences homicides : ce qui a poussé Marlène Schiappa à déclarer : « Les hommes violents avec leur femme ou leurs enfants sont un danger pour toute la société ». La violence contre les femmes n’est pas une violence différente des autres, elle leur est au contraire tellement homogène qu’elle peut en être le marqueur. Entre l’homme aviné qui met une gifle à sa femme qui lui fait des reproches et le criminel sur-armé qui va commettre un massacre il n’y a qu’une différence de degré. Et donc reconnaitre le massacreur dans le mari violent est utile pour protéger la société. 

Faut-il pour autant envoyer un commando du GIGN lorsque des voisins sont dérangés par une altercation familiale ? A ce compte on aurait dû expédier des forces armées chez Boris Johnson quand il se disputait avec sa femme : la police comme on s’en rappelle s’est quand même déplacée.  

Reste l’idée intéressante qui est que la violence ne se décline pas au pluriel ; il y a non pas « des » violences, mais « une » violence - toujours la même c’est-à-dire avec toujours la même nature, la même origine. Et dire cela c’est déconnecter la violence des circonstances environnantes : quel rapport entre la dispute chez les Johnson et les cris qu’ils ont poussés ? Et entre la pension alimentaire impayée par le forcené gendarmicide et la mort de ces trois malheureux ? Aucun, car la source véritable  de la violence c’est le cerveau humain – ou plutôt le centre de la violence situé dans l’hypothalamus, qui peut s’exciter en dehors des évènements venus de l’environnement. Les chercheurs ont en effet déterminé qu’au plus profond de l’hypothalamus se trouve une région appelée « aire d’agressivité hypothalamique » qui une fois excitée provoque des réactions agressives. « Il s’avère que c’est la même région où d’autres pulsions et comportements instinctifs puissants, comme manger, boire ou s’accoupler, sont activés » précise l’article au quel nous faisons référence, et on se doute bien que la faim, la soif, la pulsion sexuelle sont de puissants excitants de la violence. Mais il ne faut pas oublier que cette violence dépend d’une zone qui lui est propre et qui peut avoir un comportement indépendant avec des excitants autogènes. Et dans ce cas, Marlène Schiappa a raison : toute violence, quelle qu’en soit l’origine explicite, est indice un de la violence en général.

mardi 22 décembre 2020

Allons-nous vers la fin des cinémas ? – Chronique du 23 décembre

Bonjour-bonjour

 

Des signes alarmants concernant la pérennité des salles de cinéma nous parviennent d’un peu partout. D’abord, les exploitants de salles nous expliquent qu’après 6 mois de fermeture et avec des perspectives menaçantes sur leur réouverture, leur trésorerie est exsangue ; et puis, venant des États-Unis, des dépêches nous apprenent que des accords d’exclusivité ont été passés par les majors hollywoodiennes au bénéfice des plateformes, Netflix en tête ; enfin des sociologues de la culture discernent un net désintérêt du public pour cette question : tout se passe comme s’il était indifférent de voir un film dans une salle obscure ou bien sur sa télé.

 

Durant les 60 dernières années, j’ai vu disparaitre bien des choses que je croyais hors du temps, comme le vélo Solex ou le disque vinyle ; mais jamais je n’aurais cru que le cinéma viendrait allonger cette liste. Dans ma prime jeunesse, alors qu’on ne regardait la télé que lorsqu’un magasin mettait un poste dans sa vitrine, on pouvait entendre une chanson à la radio, dont le refrain disait « La télévision / C’est un cinéma / Où on peut aller / En restant chez soi » (1). A l’époque l’écran de télé était ridiculement petit ; mais aujourd’hui, même si les nôtres occupent tout un mur du salon, il semble tout de même qu'ils ne permettront jamais de remplacer la salle de cinéma, avec son ambiance, avec son espace qui nous enveloppe même dans l’obscurité - et puis surtout avec son public dont nous sentons la présence et dont les réactions entretiennent les nôtres : comment renoncer à tout cela ? 

 

Un article en ligne (voir ici) expose ce débat, en mettant en avant que les jeunes utilisateurs sont trop habitués aux écrans mobiles pour accepter de retourner dans les salles obscures pour voir leurs films au moment où ils sortiront partout en même temps. On affirme aussi que les casques de réalité virtuelle prendront en charge l’ambiance immersive actuellement réservées aux salles. C’est peut-être vrai, mais il faudra quand même beaucoup d’imagination pour que la réalité virtuelle vienne remplacer la réalité tout court.

… A moins que la réalité « tout court » n’existe pas ? Il faudrait alors admettre que, même dans la salle de ciné ce soit mon imagination qui me fasse voir, entendre, sentir tout ce que je ressens ?

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(1) Ça a été repris par Truffaut dans son film de « Tirez sur le pianiste », vous pouvez l’entendre ici. Mais en réalité c’était bien une chanson interprétée par Ray Ventura – ou Jacques Hélian ?

lundi 21 décembre 2020

Quelques aphorismes – Chronique du 22 décembre

L’étude entamée ces derniers temps des moyens disponibles pour sortir de l’année 2020 de façon acceptable marque une pause suite à l’urgence du moment.

 

Bonjour-bonjour,

La surprise du virus qui se décide à muter de façon inquiétante (alors qu’on s’attendait à ça depuis très longtemps, au point d’avoir cru qu’il en était incapable), nous invite à la réflexion. L’avenir est devenu si opaque pour nous… A quel état des lieux sommes-nous conduits ?

Toujours soucieux de formuler ma pensée de façon concise je vous propose ces quelques aphorismes.

 

1 – Souriez : demain sera pire

C’est en effet cette formule qui s’impose après quelques 10 mois d’épidémie. Souvenez-vous : en février, on ricanait quand on évoquait la maladie qui se répandait en Chine. Frappés et confinés, en mars les plus pessimistes estimaient qu’il faudrait nous protéger jusqu’en … Juillet ? Septembre ? Plus tard on a pensé que l’on devait être bien prudents jusqu’à noël, et puis après, pfuittt ! Et voilà que débarque le SARS CoV-2 que les londoniens prennent en pleine figure, sans même avoir la possibilité d’en attribuer la responsabilité à Boris Johnson. Alors, oui, il ne reste qu’à se tourner vers les doctrines du pessimisme et se dire qu’en effet il vaut mieux jouir de la vie (ou de ce qu’il en reste) aujourd’hui, car au vu des mois passés, demain sera sans doute pire.Les spécialistes chevronnés qui interviennent sur les plateaux télé avec l’autorité de l’habitude tentent avec une naïveté désarmante de tranquilliser les gens : non, le nouveau virus ne sera pas plus virulent que l’ancien ; oui, le vaccin qu’on commence à inoculer – et qu’on attendait comme le Messie pour Noël – sera également performant contre ce virus.

Mais à quoi bon nous cacher la réalité : au mieux personne n’en sait rien, et si nous voulons être lucides nous devons inclure l'éventualité de l’impuissance de notre science et de notre civilisation à dominer ce fléau.

 

2 – Après la Peste, lisons l’Homme révolté.

Toujours Camus ! Son retour en grâce après une longue traversée du désert peut surprendre, mais Albert Camus répond à toutes les caractéristiques de notre situation. Car après avoir proclamé l’absurdité d’un monde sourd et aveugle aux exigences les plus hautes des hommes, le voilà qui nous rassure : dans cette situation désespérante, nous ne devons pas être désespérés. Car même impuissants à renverser le cours des choses, nous avons toujours la possibilité de la révolte, de crier notre refus de l’ordre des choses. Même tendus vers un ciel vide, notre révolte est une façon de découvrir nos valeurs et de les poser : « La révolte engendre des valeurs » 

3 – Tu es, toi mon semblable, mon frère inconnu.

De quelles valeurs s’agit-il ? Alors que tombent les principales protections érigées autour de nous par les technologies actuelles devenues impuissantes à nous protéger, restent les actes humains dans ce qu’ils ont de plus humble, de plus discret, de plus essentiel. Les applaudissements de 20 heures ont souligné cela : au-delà des prestiges du pouvoir et du savoir, les soins que les êtres humains s’apportent les uns aux autres sont les seuls faits qui comptent à la vie souffrante. 

Et cela ce n’est pas nouveau : ça date même des premiers hommes.

dimanche 20 décembre 2020

Réveillon de la saint-Sylvestre – 2ème.

Nous avions laissé hier Pauline et Julien alors que l’atmosphère du réveillon était en train de s’envenimer. Laissons nos jeunes gens aux prises avec leurs problèmes de couple, et demandons-nous : qu’est-ce qu’on fait le 31 décembre ? On fait la bamboche ou bien on s’interroge sur le temps qui passe sans que nous n’y puissions rien ?

Serpentin et langues de belles-mères, ou bien dialogue au coin du feu ?

 

Écoutons d’abord les fêtards, ceux qui vont faire péter le champagne sur les Champs’, au risque d’alimenter les clusters de la Saint-Sylvestre. 

- Nous autres, les noceurs de la Saint-Sylvestre, nous ne cherchons pas simplement à nous étourdir d’alcool et de bruit. Nous faisons une fête sans laquelle le cycle du temps ne fonctionnerait plus, et l’année nouvelle serait simplement le prolongement de l’année passée 

Il faut fêter la fin de cette année 2020, cette année de m***, pour que l’année suivante ne nous laisse pas dans la m***. Nous accueillons avec joie 2021 qui nous promet de revivre comme avant.

- Bon. Mais cette débauche de fêtes, de champagne, de pétards, c’est pourquoi faire ?

- Hé bien comme nous l’avons dit, c’est pour faciliter le passage d’une année à l’autre car sans la joie, sans la fête, rien ne se ferait vraiment : on se retrouverait le 1er janvier comme on était le 31 décembre. Il faut se mobiliser !

- Mais croyez-vous que vous puissiez comme ça, avec vos beuveries et vos pétards, obtenir que les choses se fassent comme vous avez envie qu’elles soient ? Par exemple, que le virus plie bagage parce que vous l’avez bien mérité ?  

… Mais nos amis les fêtards ne nous ont pas répondu :  ils ont jeté leurs masques et bu leur gel hydroalcoolique et ils sont déjà partis. Ce n’est pas encore pour eux le temps de philosopher sur le « lâcher-prise » 

 

Devons-nous lutter contre la nature ou bien attendre qu’elle nous apporte ce dont nous avons besoin ? Vous le saurez demain en revenant ici même.

samedi 19 décembre 2020

Réveillon de la saint-Sylvestre – 1ère.

Nous sommes chez Pauline et Julien, jeune couple (34 ans pour lui, 28 pour elle) ; ils sont tout seuls pour cette saint Sylvestre 2020, leur petite fille (2 ans) étant en vacances dans la grande maison de ses grands-parents (paternels) 

La soirée s’annonce chaude chez Mimine et Choupinet (ce sont leurs noms d’amoureux). La première bouteille de champagne a roulé sous la table du salon – vide. Julien vient de sortir un joli paquet cadeau pour Pauline.

 

- Oh ! Choupinet ! Un cadeau ? Mais moi je ne t’ai rien offert !

- Mais si tu vas m’offrir quelque chose Mimine. Simplement tu ne le sais pas encore.

- Qu’est-ce que tu dis ? Je n’y comprends rien.

- Tu vas comprendre : ouvre d’abord.

(Bruit de papier déchiré)

- Oh ? Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Un soutif rouge et noir ? Avec des plumes blanches dans le décolleté ?

- Regarde la suite Mimine

- Qu’est-ce qu’il y a aussi ? Une culotte noire lamée argent ! Plutôt décorative… Mais qu’est-ce que je vois ? Elle est ouverte à l’entrejambe ? C’est plutôt pratique pour faire pipi !

- Arrête Mimine ! J’ai trouvé ça chez « Nuit d’amour » tu sais la grande surface d’article érotiques. J’ai pensé que ça pourrait nous inspirer pour la nuit de folie qui va accompagner la nouvelle année. J’ai aussi acheté un flacon d’huile chauffante pour massages d’ambiance. Je sortirai ça tout à l’heure.

- Bon… Je vois… mais alors le cadeau que je suis supposée t’offrir, c’est moi ? Tu espères que chauffée à l’huile spéciale je vais faire exploser ma libido, pendant que la tienne va déborder sous l’effet de mon deux-pièces d’enfer ? 

Mais dis-donc qu’est-ce que je suis pour toi ? Une escort girl disponible pour tes fantasmes ? C’est comme ça que tu me vois ?

- Dis comme ça c’est vrai que ça parait chelou, Mimine. Mais attend un peu, quand on aura regardé quelques vidéos sur l’ordi, tu sentiras que ça monte sans même que tu y penses.

- Ah ! Parce qu’en plus tu veux me faire mater des pornos ? Mais tu sais bien que ça me dégoute ces machins-là !

- Pas forcément Mimine, rappelle-toi l’an dernier pour mon anniversaire… 

- C’est vrai, mais c’était la première fois ; maintenant je sais ce que c’est, et rien que d’y penser je n’ai plus qu’une envie, c’est d’aller me coucher – seule.

- Ce que tu es rabat-joie ! Mais dis-moi, comment penses-tu qu’on puisse se souhaiter la bonne année si ce n’est pas dans une débauche de désirs ? Comment oublier que l’année qui vient de passer risque de se prolonger l’an prochain ? Comme faire la fête à deux, à moins de déchainer les nos libidos ?

 

Comment ? Pour le savoir revenez demain … et les jours suivants.

vendredi 18 décembre 2020

Pourquoi Homo sapiens a-t-il remplacé Neandertal ? – Chronique du 19 décembre

Bonjour-bonjour


 Je me doute que cette question vous ne vous la posez pas le matin en vous levant. Ni même plus tard en vous rasant…

On nous dit que nous autres sapiens nous n’aurions, à cette lointaine époque, pas du tout été des massacreurs de race inférieure. Que c’est par l’amour et non par la guerre que ces gens auraient disparu. Que cette extinction s’expliquerait par le métissage plus que par la violence. En effet, comme les néanderthaliens étaient à l’époque très peu nombreux et dispersés sur un territoire immense, ils auraient eu des difficulté d’accouplement vu le faible nombre de partenaire possibles ; et que les sapiens, plus nombreux et sans doute mieux organisés en clans ou en tribus se seraient reproduits plus facilement. Alors on peut supposer que les malheureux néanderthaliens sautaient sur tout ce qui passait de copulable, y compris les sapiens présents dans leur secteur, engendrant des rejetons qui au cours des générations ont peu à peu peu leur caractères originels.

Bien sûr nous présumons que ça marchait dans les sens néanderthal-sapiens et non l’inverse. Mais après tout qu’en savons-nous ? Pourquoi l’esthétique de l’époque aurait-elle été opposée à l’aspect physique des néanderthals – même avec leur crâne en forme de ballon de rugby et leur visière suborbitale ? Regardez la femme que nos ancêtre sapiens ont statufiée :

 


La Vénus de Willendorf, - 25000 ans. À voir en 3D, ici

 

Certains diront que nous avons toujours des femmes comme celles-là, mais que tant qu’à faire de sculpter une statuette féminine on choisira un modèle plus glamour – à moins d’être adepte des rondeurs féministe – ou artiste comme Niki de Saint Phalle)


Mais ces étonnements portent la preuve de l’erreur que nous commettons à juger du passé en fonction du présent, comme ici de croire que la sexualité serait dominée par le désir érotique. En fait ces statuettes aux attributs féminins hypertrophiés sont probablement liées à des cultes de la fécondité célébrée à travers les organes qui la favorisent. Si la préoccupation dominante de l'époque était elle-là, alors nous imaginerons facilement que, quand un monsieur Néanderthal voyait passer une madame Sapiens il ne se disait pas « Qu’est-ce qu’elle est b*** celle-là ! » mais plutôt « En voilà une à qui je vais pouvoir faire un rejeton histoire de dupliquer mes gènes » 

Car c’est là la difficulté que les hommes comme les femmes de Néanderthal ont rencontrée : comment se reproduire ? On voit bien que même les communautés humaines actuelles sont dans cette problématique : en cas de sous-population, les hommes qui ont pour eux la force et la violence vont enlever des femmes des villages à côté pour leur faire des enfants – qui vont perpétuer leurs gènes. Là est la loi des espèces – de toutes les espèces.

jeudi 17 décembre 2020

Reconnaissance à N.D. des miracles… - Chronique du 18 décembre

Bonjour-bonjour

 

Je vous propose aujourd’hui une méditation sur les exvotos, ces remerciements pour une grâce obtenue à l'issue d'un vœu (votum) formulé en ce sens. Apposé dans une église ils s’adressent au Bon Dieu ainsi qu’à ses Saints.

 


Vous voyez ici un exvoto datant de 1885 en remerciement pour un succès à un examen adressé à Notre Dame des Miracles dont l’histoire se perd au fond des temps (voir ici).

C’est un passé lointain… Aujourd’hui toutefois, nos étudiant aux prises avec leurs examens auraient bien besoin de cette ressource miraculeuse pour réussir leurs partiels – alors que certains d’entre eux pénètrent dans un amphithéâtre pour la première fois de l’année.

Je pense ici principalement aux étudiants de première année qui cumulent toutes les difficultés qu’on peut imaginer, de s’adapter à des études nouvelles, avec des exigences à découvrir, des méthodes inconnues ; sans oublier l’éloignement peut-être pour la première fois de leur famille et les problèmes d’argent en raison la disparition des « petits boulots » dûe à la pandémie. Comment ne pas compatir avec eux ? Et comprendre le ton affligé du Premier Ministre qui répète les « mots-du-Président » qui lui-même parodiant la phrase de Nizan soupire : « C’est dur d’avoir 20 ans aujourd’hui »… 

 

Autant dire que Notre-Dame des miracles aurait beaucoup de boulot aujourd’hui, tant par le nombre de cas à secourir que par l’étendue du miracle à accomplir. Car il ne suffirait pas d’apporter un surplus de connaissances au cours d’un examen ; il faudrait aussi fournir les ressources sociales et matérielles sans lesquelles un jeune de 18 ans balancé dans un monde inconnu où il ne retrouve pas ses amis, où une fois payé son loyer il n’a plus qu’à aller faire la queue aux Restos du cœur, n’a plus aucune chance de réussir à s’adapter.

On dira que si ces exvotos existent c’est qu’il y a eu des miracles de ce genre à attribuer au Bon Dieu ou à ses saints. Oui – Mais remarquons aussi que depuis quelque temps ces témoignage de reconnaissance ont cessé d’apparaitre dans les Églises, ce qui suggère que les saints ont autre chose à faire – à moins que les bénéficiaires aient perdu le sens de la politesse ?

mercredi 16 décembre 2020

Rien n’est trop beau – Chronique du 17 décembre

Bonjour-bonjour

 

C’est Ettore Bugatti, créateur de la célèbre voiture, qui le disait : « Rien n’est trop beau ». Il est vrai qu’il ajoutait aussitôt : « Rien n’est trop cher ».

1 – L’articulation des deux formules laisse entendre que la beauté est affaire d’argent, et que ce qui est beau est aussi nécessairement cher – ou du moins que pour posséder ce qui est beau (comme un Supercar Bugatti), on doit nécessairement payer cher – très cher.

Bien sûr on contestera l’idée en disant que la beauté peut être une création imaginée par un artiste méconnu qui travaille seul suivant son inspiration : nul n’a jamais dit que les Muses fassent payer leurs inspirations ! 

Mais plus encore on s’interrogera sur la réciproque : suffit-il qu’on paye une œuvre d’art très cher pour qu’elle soit belle ? On reconnait là une polémique qui met en jeu les galeries d’art, qui parlent du marché de l’art comme d’un instrument d’évaluation de la qualité esthétique d’une œuvre. Les ventes pharamineuses des œuvres de Bansky restent dans les mémoires, non seulement parce qu’à ces prix on s’attendrait à pourvoir acquérir la Joconde, mais encore parce qu’il s’agit d’un créateur de street art dont les œuvres s’offrent gratuitement aux passants : preuve du caractère irrationnel du marché. 

2 – Mais on peut s’arrêter à la première partie de la formule d’Ettore Bugatti : « Rien n’est trop beau »

On s’offusquera : selon quel critère déclarer que quelque chose pourrait être « trop beau » ?

Comment admettre qu’on puisse déclarer que la beauté devrait être limitée – j’allais dire « rationnée » – et qu’il serait mauvais pour nous de contempler des œuvres qui outrepasseraient cette limite ? 

On aurait tort pourtant : en témoigne le « syndrome de Stendhal » qui caractérise le malaise consécutif à la contemplation de la beauté extrême de certaines œuvres (voir ceci).

Certes sans doute personne de nos jours n’a vraiment ressenti cet évanouissement effet de la beauté. Mais sous une forme atténuée, à bas bruit, n’y aurait-il pas une sensation particulière à cette rencontre ? Quelque chose comme un choc, qui nous arrêterait et nous bloquerait à distance respectueuse ? Le mystère de la beauté ne résulte-t-il pas de cette étrange sensation ?

Si cela était attesté, nous aurions ainsi un critère d’évaluation de la beauté qui permettrait de la distinguer de toute autre émotion – à commencer par l’attirance sensuelle prise comme caractéristique de la beauté humaine (cf. ici)

mardi 15 décembre 2020

Noël ! Noël ! – Chronique du 16 décembre

Bonjour-bonjour

 

Ça y est ! Dans un peu plus d’une semaine ce sera noël ! On trépigne déjà d’impatience et on est prêt à affronter toutes les bousculades et toutes les fatigues qui accompagne ce moment.

Mais attention ! Cette année est spéciale : il vous faudra d’abord réfléchir aux précautions à prendre pour éviter de vous retrouver au 1er janvier à l’hôpital.

 

 

--> Réfléchir certains l’ont fait pour vous. Voici les 5 mesures à prendre :

1 - S’auto-confiner avant les fêtes : donc pas de courses aux cadeaux de dernière minute, ni de flâneries dans les rues illuminées

2 - Aérer la salle commune, et penser à sortir pour prendre l’air au cours du réveillon. 

(J’avais ici même conseillé il y a quelques jours de préparer la réunion dans le jardin ou dans le square voisin – bien sûr avec ouvertures de survies.)

3 - Port du masque au maximum : remettre le masque après la bûche de noël.

4 - Ne pas partager les couverts : privilégier les portions individuelles directement dans les assiettes plutôt que les plats communs ou sont disposés apéritifs et dinde au marron.

5 – Pas plus de six adultes à table : monsieur-madame + papy-mamy des deux familles. On ne compte pas les enfants : c’est cadeau.

 

Tout ça me fait penser à une blague qu’on attribue à Woody Allen : « Depuis que je sais ce qu’il faut faire pour vivre jusqu’à cent ans, j’ai beaucoup moins envie de vivre jusque-là »

C’est tellement vrai que du coup on a décidé pour vous que le réveillon du 31 décembre était supprimé. En effet, un réveillon de la saint Sylvestre sous couvre-feu, c’est-à-dire sans sortie ni pour aller venir de chez soi à chez les autres, ni réunion festive dans la rue avec des inconnu(e)s qu’on bise, ça n’est plus ça.

Mais un jour de l’an en réa, ça n’est plus ça non plus.