jeudi 4 décembre 2025

Quelque chose de plus grand que soi – Chronique du 5 décembre

Bonjour-bonjour

 

Je découvre toute une série d’articles qui pointent un phénomène qui m’avait échappé : on observe un retour de la pratique religieuse chez les jeunes, observable principalement depuis le carême 2025 (simultané avec le ramadan) qui a vu de nombreux jeunes se retrouver sur les réseaux (en particulier TicToc) pour évoquer cette pratique, affirmant faire le choix « de se consacrer davantage à Dieu, de jeûner, de ne plus jurer, de se priver de leurs gourmandises préférées, des cigarettes, du maquillage ». (Lire ici)

Les raisons de ce nouvel essor du religieux seraient, selon le frère dominicain Paul-Adrien « que les gens veulent des réponses à leurs questions, des réponses simples. Ils attendent qu’on leur donne un peu d’espérance. » Non seulement l’intérêt pour la religion augmente, mais encore « le grand corps social, athée, militant est en train de fondre au soleil »

On le voit : à côté du groupe Bolloré il faut aussi penser aux influenceurs de TicToc. Quant à l’action de la hiérarchie catholique, on n’assisterait pas à une remontée en puissance.

 

--> Une remontée de la pratique religieuse spontanément issue de la jeunesse, associée à un recul de l’athéisme ? Peut-on croire qu’il s’agit d’une tendance profonde et non d’une mode passagère ?

Je relève deux observations qui me paraissent significatives :

            * D’abord une quête de sens qui vise « quelque chose de plus grand que soi »

            * A cela s’ajoute la régression de l’athéisme en tant que réponse à cette quête de sens – et cela depuis l’effacement du marxisme et de la Grande Révolution prolétarienne.


Après Marx, Jésus ? Pourquoi pas ? Du moment qu’on a une réponse à nos « Pourquoi(s) » ?

mercredi 3 décembre 2025

L’IA : un engouement excessif ? – Chronique du 4 décembre

Bonjour-bonjour

 

Un des thèmes le plus évoqué ces jours-ci est la destruction d’emploi dûe à l’IA – et en particulier à l’IA générative. Il ne s’agit pas seulement des employés à des tâches peu compliquées, comme de préparer des dossiers ou fabriquer des documents standardisés, mais aussi des traducteurs ou des comédiens spécialisés dans le doublage des films étrangers.

Bien qu’on admette que souvent l’IA ne constitue qu’un instrument pour aider à la réalisation de certaines tâches, il n’en reste pas moins que des firmes comme Amazon ou – justement – Google annoncent des milliers de licenciements. 

- L’IA dévoreuse d’emploi ou simple outil au service des employés pour optimiser leur travail ? Le doute est-il permis ? On reconnait que les emplois les mieux protégés sont ceux où l’action humaine reste indispensable. On pense alors aux métiers de relations (infirmières) ou ceux qui exigent une activité créative : designers ou musiciens – encore que ce soit justement sur ces derniers métiers que les avancées de l’IA soient les plus spectaculaires.

--> Occasion de s’interroger sur la nature de ce facteur humain non « mécanisable ».

Par exemple, les doubleurs de cinéma se lamentent : l’IA parviendrait à imiter parfaitement la voix du comédien doublé, et l’IA générative façonnerait la diction pour s’adapter au contexte. Toutefois, il reste quelque chose que la machine ne sait pas faire, c’est jouer le rôle, car le doubleur doit aussi être un comédien qui interprète le personnage. Autrement dit, ce doublage mécanisé ça marcherait pour faire la voix-off d’un documentaire mais pas pour doubler Lady Macbeth.

- Mais enfin, pourquoi un chabot ne saurait pas imiter la joie ou la peine d’un personnage ? Si ça ne marche pas aujourd’hui, pourquoi ça ne marcherait pas demain avec de nouvelles machines ? – Peut-être parce que pour simuler le joie ou la folie, il faut la susciter en soi, être un peu terrifié comme Lady Macbeth sortant de ses cauchemars. 

Et ça, c’est le domaine des émotions, celui qui reste inaccessible aux ordinateurs.

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N.B. Nous aborderons prochainement la question de la comparaison entre la reproduction propre à la machine et la création propre aux humains

mardi 2 décembre 2025

La séduction est-elle un droit ? – Chronique du 3 décembre

Bonjour-bonjour

 

On évoquait il y a peu le statut de l’amour selon la Bible (Cf. ici). Dès l’origine du couple primordial Adam-Eve la Bible insiste sur le fait qu’à l’inverse de ce que l’on pense d’habitude, l’amour charnel doit être une reconnaissance de l’autre dans son statut de sujet, et non la sujétion de la femme au désir masculin.

Ce retournement de la relation sexuelle homme-femme reste encore aujourd’hui au centre des préoccupations. Écoutons Virginie Efira qui évoque la célèbre scène de « Basic instinct » où « Sharon Stone exerçait son pouvoir sur les hommes en écartant les jambes ! » (Lire ici)



Le décroisement des jambes dans Basic Instinct


On se souvient de cette séquence qu’on a même cataloguée comme la mise en scène d’une allumeuse – d’où le rejet de cette attitude comme avilissante pour qui s’y livre. 

- C’est précisément là que l’actrice porte le débat : « Ce n’est pas parce qu’on est une femme à la féminité exacerbée qu’on perd ses droits, sa dignité, et qu’on se soumet à l’homme pour autant. », concluant de façon très logique : « On a dépassé depuis longtemps le statut d’objet sexuel, alors pourquoi ne pas en devenir un si on en a envie ? ». Les femmes objet du désir masculin sont aussi des sujets qui ont pour projet d’être désirée – ou de ne pas l’être.

- Restons un instant au niveau de cette relation sujet-objet : être un sujet, c’est être source de ses volontés, de ses actes etc. Par contre, être un objet c’est être pensé par un sujet – et non une chose (qui existe par soi-même, qu'on y pense ou pas.). Par conséquent la seule question est de savoir qui produit cet objet : celui qui ressent du désir (production de fantasme) ou celui (= celle) qui suscite ce désir (séduction) ?

On a limité la question au fait de savoir quelle était la valeur morale de la séduction : car construire une relation désirante autour de l’attirance qu’on exerce sur autrui, c’est bien lui donner le statut d’objet. On ne suscite pas un désir sans rester le sujet actif qui modèle l’objet par le désir qu’on suscite. N’est-ce pas une faute comme le suggère Kant (à la suite de la Genèse) pour qui on doit toujours considérer l’autre également comme un sujet ? 

- Or la révolution féministe insiste sur le fait que les femmes peuvent rester des sujets tout en provoquant la libido masculine – et surtout que c’est un droit.

C’est sur ce principe que se situe l’actrice qui joue les rôles de femmes charnelles.

Mais c'est aussi là que se trouve le débat.

lundi 1 décembre 2025

L’IA : ce n’est pas parce que c’est déjà fait qu’il ne faut rien faire – Chronique du 2 décembre

Bonjour-bonjour

 

En 1925 les jeunes qui passaient le certificat d’études devaient répondre à ce questionnaire :

 


 

- Aujourd’hui, plus personne ne saurait répondre correctement à ces question – plus encore : chacun prendrait son smartphone et questionnerait Google, avec les réponses obtenues dans la seconde. – Éventuellement il interrogerait chatGPT pour une réponse plus charpentée.

 

Y a-t-il un inconvénient à procéder ainsi ? Aucun, sous réserve bien entendu d’avoir du réseau partout et toujours. Le rôle du certif’ était de vérifier que les jeunes de 11 à 13 ans disposaient d’un savoir de base leur assurant une bonne capacité à faire face aux besoins de la vie quotidienne (on suppose que la connaissances des difficultés financières sous Louis XV faisaient alors partie de ce bagage nécessaire)

- Et aujourd’hui ? A quoi bon se donner le mal d’apprendre ce qu’on peut savoir à tout moment simplement avec son smartphone ? (1) Certes, s’il s’agit d’un savoir ponctuel comme le nom de la préfecture de la Saône-et-Loire (cf. document) : il suffit de posséder la machine qui saura à notre place. Mais il y a des connaissances plus « structurantes », qu’on doit patiemment reconstruire en suivant le procédé de leur découverte pour les comprendre parfaitement et pouvoir les utiliser.

Si on demande à chatGPT de faire un exposé à notre place, à supposer qu’on ait à soutenir ensuite l’exposé, ça sera impossible si on n’a pas fait personnellement ce chemin de compréhension.

Autrement dit, l’IA : c’est comme la pub pour « la cuisine de Marie » (= plats surgelés) : « ce n’est pas parce que c’est déjà fait qu’il ne faut rien faire »

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(1) À lire : de Laurent ALEXANDRE, Olivier BABEAU – Ne faites plus d’études : Apprendre autrement à l'ère de l'IA(Ed. Buchet Chastel) Ce livre qui sort ces jours-ci nous met en garde : évitons de nous investir dans des études devenues inutiles, réservons nos efforts pour une autre façon d’apprendre.

dimanche 30 novembre 2025

Les guerres hybrides et l’art de la guerre de Sun Tzu – Chronique du 1er décembre

 


 

Bonjour-bonjour

 

Un ouvrage chinois datant de 2500 ans est en tête des ventes en librairies ; vous l’aurez peut-être déjà remarqué tant ses éditions de luxe retiennent l’œil. Il s’agit de L’art de la guerre de Sun Tzu, sous-titré :  comment vaincre en évitant le combat.

« Nourri de culture taoïste, Sun Tzu incite à utiliser le potentiel général des situations en intervenant le moins possible sur le champ de bataille. On fait plus pour nuire au potentiel d’un adversaire en sapant son plan qu’en tuant ses soldats. » précise cet article.

Bien entendu le succès de cet ouvrage en 2025 renvoie aux conflits actuels où des armées s’affrontent à coup de canons laissant un sillage de sang et de chair consumée. La question de savoir si la culture chinoise pourrait nous montrer comment, sans faire appel à la diplomatie, mais dans un affrontement sans armes obtenir l’affaiblissement de l’ennemi et son retrait du front des combats. Cela, Sun Tzu l’explique dans sa perspective Taoïste, et l’auteur de l’article cité montre que les concepts mis en œuvre par Sun Tzu sont opérants pour les conflits où la Chine actuelle se trouve engagée, particulièrement autour de Taiwan.

Mais la lecture de Sun Tzu est sans doute opérante ailleurs que dans les conflits impliquant la Chine. Si nous prenons le cas des guerres hybrides menées en particulier par le Kremlin, qui consistent à déstabiliser par tous les moyens les pays ennemis afin de les affaiblir, on peut les comprendre grâce au concept de « wuwei » qui explique, selon l’Art de la guerre, comment cultiver la situation où se trouve l’ennemi pour l’amener sans combats à capituler sans recours à la violence en stimulant simplement une tendance déjà à l’œuvre. Ainsi, quand les agitateurs russes nous donnent à croire faussement que l’antisémitisme est une force agissante chez nous, ou que nos dirigeants sont corrompus, font-ils autre chose qu’aggraver des failles déjà ouvertes chez nous ?

Alors, oui : (re)lire l’Art de la guerre est une bonne précaution si l’on veut se préparer à affronter nos ennemis en 2026.

samedi 29 novembre 2025

Surprise ! – Chronique du 30 novembre (2)

Bonjour-bonjour

 

Ouiiiiii ! Demain on pourra ouvrir la première case du calendrier de l’Avent – vous savez ces calendriers pourvus de 24 cases à ouvrir chaque jour du 1er au 24 décembre pour trouver un petite surprise et patienter ainsi jusqu’à Noël ? 

On pourrait se lamenter de voir cette coutume chrétienne (il s’agit d’attendre la célébration de la naissance de Jésus) devenir objet de consommation allant du plus banal (des chocolats pour les bambins) au plus trivial (des saucissons ou des produits de beauté pour monsieur/madame).

Mais je trouve plus intéressant de relever l’importance révélée ici de la « surprise ». 

La surprise, qui procure une joie inattendue, est en effet à la source du plaisir procuré par le calendrier de l’avent : chaque jour une petite case doit être ouverte, révélant un cadeau qui va, comme nous venons de le dire, du chocolat à la tranche de saucisson.

C’est ainsi que ce calendrier permet de calmer l’impatience d’être le 25 décembre pour jouir des cadeaux. Les petits cadeaux du Calendrier sont ressentis comme étant la petite monnaie des gros cadeaux qu’on trouvera sous le sapin le jour de Noël.

On peut trouver puéril le charme de la surprise quotidienne ; c’est pourtant là un des petits bonheur de la vie, chose que les amoureux savent réserver à leur aimé(e) : lui offrir une surprise chaque jours, quand bien même ce serait un bisou inattendu.

... Où ça le bisou ? Chut ! C'est une surprise !

Divorcés mais toujours dans le même lit – Chronique du 30 novembre (1)

Bonjour-bonjour

 

Le crise du logement est endémique en France avec des conséquences parfois surprenantes.

Ainsi de ces couples séparés mais contraints de vivre ensemble à cause de la crise du logement. Sachant que la cohabitation peut aller du canapé dans le salon jusqu’au partage … du même lit. (Lire ici)

On ne manquera pas de relever que cette situation constitue une limite : car, et c’est peut-être là le plus significatif, l’arrêt des relations sexuelles apparait comme la marque distinctive de la rupture matrimoniale.

En effet, lorsqu’un homme et une femme ne forment plus un couple, ils peuvent continuer a avoir des relations tout à fait amicales, surtout s’ils ont des enfants – sauf qu’ils n’ont plus de rapports sexuels. Lisez plutôt : « C’est une vie de famille : on a les mêmes habitudes, nos moments de joie, on part en vacances tous les quatre. On n’a juste pas de rapports sexuels » (raconte Maéva qui passe ses nuits sur le canapé du salon - Art. cité) 

 


La sexualité est donc le passage obligé des relations de couple et la survivance tenace de l’idée que le devoir conjugal se résume à cela en est la preuve.

Occasion de réfléchir à l’importance de ces rapports dits « intimes » : on pense que la diffusion des procédés contraceptifs a changé la donne : la procréation était jusque-là toujours liée à l’acte sexuel, au point que Freud lui-même n’hésitait pas à définir la perversion comme le fait d’avoir des rapports sexuels ne débouchant pas sur l’éventualité de la procréation (1).

Mais est-ce que ça change vraiment quelque chose aux relations entre un homme et une femme engagés dans une relation de couple ? Ma génération avait inventé « l’Union libre » et aujourd’hui on se vante de pratiquer le « polyamour » : s’il est vrai qu’on définit la rupture par le fait de ne plus avoir de sexualité commune, alors on se dit que ces pratiques, bien que consenties, ne peuvent pas vraiment porter la marque d’une nouvelle conception de la vie à deux.

Certains pensent que c’est là un fait de civilisation, et qu’on pourrait tout aussi bien dire que la fidélité matrimoniale consiste non à copuler toujours avec la même personne mais à consommer exclusivement la cuisine qu’elle mitonne.

En effet ; seulement ce n’est pas comme cela que les choses se passent.

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(1) Perversion : « Déviation par rapport à l'acte sexuel “normal”, défini comme coït visant à obtenir l'orgasme par pénétration génitale, avec une personne du sexe opposé » (Laplanche, Pontalis, 1978, p. 307).