Bonjour-bonjour
La guerre, cet étrange moment où la vie sociale se présente comme une menace de mort, où la survie implique le risque de tuer et d’être tué, où l’on ne peut survivre qu’à la condition de tuer d’autres hommes – des hommes qui, comme moi, vont chercher à me tuer – le guerre dis-je, m’appelle et me repousse en même temps. Alors que je tremble de mourir, on m’appelle au carnage. Comment répondre à cet appel ? Partir la fleur au fusil ? Ou au contraire mettre la crosse en l’air et se déclarer objecteur de conscience ?
Peut-être avant de faire cela faudrait-il s’interroger : comment donc cette menace de mort imminente est-elle présentée par la propagande guerrière ? Alors que l’homicide est partout condamné sévèrement, que fait-on pour nous persuader que maintenant il est bon de tuer ?
- Le symbole le plus durable de la guerre est le canon. Rappelez-vous des marchands de canons conçus comme les manipulateurs qui, à eux seuls, pouvaient conduire un peuple à l’affrontement.
C’est du passé dira-t-on ? Mais alors comment comprendre la fierté française quand le canon CAESAR (acronyme de « Canon Équipé d’un Système d’ARtillerie) a montré sa supériorité sur les champs de bataille surtout en Ukraine ? Fierté qui faisait écho à l’extraordinaire orgueil de la France lorsque en 1914 le canon de 75 a fait face aux allemands. On a édité alors cette carte postale :
« Je sème la mort, Je sème la gloire / Je ne m’arrêterai qu’à la victoire »
Oui, la guerre est ce moment où la mort est glorieuse : pas celle du soldat patriote qui meurt en héros, mais celle de l’ennemi, écrabouillé anonymement sous les obus, et qui est synonyme de victoire.
La guerre se définit alors comme le moment où tuer est non seulement permis, mais devient encore un moment joyeux où le citoyens fait montre de son mérite. Les sioux rapportaient de leurs combats les scalps de leurs ennemis pour prouver leur bravoure. On aimerait pouvoir en faire autant avec nos beaux et valeureux canons. Mais faute de pouvoir le faire on se contentera de chiffrer les pertes de l’ennemi.
A méditer: si la guerre est un moment de joie, ce n'est pas seulement parce qu'elle soulève l'enthousiasme quand elle s'arrête; c'est aussi qu'elle est bonheur de tuer.