mercredi 28 février 2018

UN ROBOT OPÈRE UNE TUMEUR INACCESSIBLE SANS LUI.

« En introduisant par la bouche les instruments du robot Da Vinci Xi qui possède des angles d’attaque différents des instruments d’endoscopie classique, nous avons pu retirer cette tumeur qui était située près du voile du palais sans que le patient n’ait de séquelles fonctionnelles importantes » explique le Dr Antoine Moya-Plana, chirurgien ORL à Gustave Roussy. »




Qu’est-ce donc qu’un robot ?
Le dictionnaire nous répond : « Le robot est une machine, un automate à l'aspect humain capable d'agir et de parler comme un être humain » Ceci nous convient-il ? Certes non.
Ici nous avons affaire à un robot tel que l’entend la technique contemporaine : « Appareil effectuant, grâce à un système de commande automatique à base de micro-processeur, une tâche précise pour laquelle il a été conçu dans le domaine industriel, scientifique ou domestique. » (Def. du CNTRL)
S’agit-il pourtant d’une nouveauté radicale ? Là encore, on a des doutes. Ecoutez plutôt Aristote (1) qui en définissant l’esclave nous donne des pistes pour analyser la nature des robots. C’est, dit-il, un objet animé (κτῆμά τι ἔμψυχον), un instrument destiné à l’action (ὄργανον πρακτικόν), qui commande aux autres instruments, un bien appartenant en propriété exclusive à son maître.
Oui, vous avez bien lu : Aristote ne parle pas des robots mais bien des esclaves – et pourtant !
Si les premiers et troisièmes critères sont bien ceux qu’on retient pour caractériser l’esclave dans la société antique, on oublie souvent le second qui décrit l’aspect opérationnel : du point de vue technique, l’esclave est cet instrument qui est capable de manipuler d’autres instruments. Or voilà que le robot chirurgien correspond effectivement à cette définition, et le descriptif qu’en donne le docteur Moya-Plana confirme cette idée.
Serait-il nécessaire de lire encore aujourd’hui Aristote ? En tout cas ce serait une lecture utile pour comprendre les innovations chirurgicales. Il est vrai que son père était médecin…
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(1) Aristote – Le politique (1252a30 ss. ; 1254a17). A lire ici en notant la place particulière faite aux femmes. Quant au commentaire évoqué on le trouvera ici

mardi 27 février 2018

TEMPÉRATURE SOUS ABRIS : -8. TEMPÉRATURE RESSENTIE : - 15



Et en effet, si on donne au « ressenti » la dignité d’une mesure rigoureuse susceptible d’être reconnue par tous, pourquoi ne pas généraliser ?
=> Voilà qui donne du grain à moudre au philosophe : alors que nous autres français cartésiens nous ne croyons qu’à ce qui peut être vérifié et démontré, voilà que la médiasphère nous intime de reconnaître aussi les évaluations qu’on appelle parfois « au doigt mouillé ».
Certes, les météo-gourous nous expliquent que ce sont les canadiens qui ont déterré cette mesure de températures ressenties en fonction du vent, de l’humidité, de la température « réelle » etc. Que ça fait plus de 50 ans que ça fonctionne chez eux, et qu'avec le froid et le blizzard ça ne peut durer que si ça marche. Et qu’en plus ils ont pour mesurer tout ça fabriqué un algorithme long comme le bras et qu’il faut avoir la médaille Fields pour y comprendre quelque chose.
Que les philosophes sceptiques se rassurent donc : voilà des super-dispositifs qui sont capables de transformer la subjectivité en objectivité. Mais les cartésiens que nous sommes se tapotent le menton en disant « Hum…Hum… »

Quoique, comme le suggère notre illustration, nous avons tout intérêt à faire comme si cette estimation avait une objectivité et donc une valeur propres, et d’ailleurs les observateurs de l’image ci-dessus y sont allés de leur commentaires :
- « Nombre d’élèves : 25. Ressentis : 42 » dit l’instit.
- « Nombre d’heures de travail quotidien : 8. Ressenti : 12 » dit le travailleur
- « Age : 72 ans. Ressenti : 82 » dit le retraité.

Là je m’arrête : qu’est-ce qui empêche que les optimistes aussi puissent tirer parti de cette valorisation de leur ressenti ?

- Age : 72 ans. Ressenti 52 (Grâce à l’antiride à l’acide hyaluronique)

MICHEL CARDON EN PRISON DEPUIS 40 ANS SERA-T-IL GRACIÉ ?

Je vous demande solennellement (...) d'user de votre droit de grâce au bénéfice de M. Michel Cardon, détenu au centre de détention de Bapaume», dans le nord de la France, «sous le numéro d'écrou 7147 depuis 40 ans, 3 mois et 14 jours», écrit l'avocat, Me Eric Morain, dans un courrier daté du 12 février et révélé par le quotidien le Journal du Dimanche.
o-o-o
On pourrait contester le droit de grâce détenu par la Président de la République, qui n’a aucune justification dans le droit français, sauf bien sûr la tradition qui depuis saint Louis accorde au roi le droit de condamner et de gracier : le roi tient son pouvoir de Dieu, il protège, il guérit … et il sauve de la peine de mort.
Maitre des lois, il peut faire écarteler un criminel comme il peut le libérer : c’est ainsi qu’il manifeste son pouvoir. Mais peut-on faire de ce droit une expression de la démocratie ? Ainsi de Jacqueline Sauvage, qui bénéfice d’une grâce présidentielle (partielle il est vrai) accordée par François Hollande après une campagne de pétition dans tout le pays. Si son cas a fait polémique (cf. ici), c’est qu’outre le fait qu’il semblait entériner le droit à se faire justice soi-même, il évoquait une forme de justice populaire, l’opinion ayant fait pression sur le président avec une pétition demandant sa grâce et ayant réuni 130000 signatures en 2016.

Mais on voit bien qu’il ne faut pas confondre la grâce qui manifeste le pouvoir régalien du président avec un mouvement populaire qui libère de prison par une manifestation spontanée de son émotion. C’est ainsi que les Evangiles nous montrent Ponce Pilate donnant au peuple – avec le résultat qu’on sait – le droit de gracier en choisissant entre gracier Jésus ou Barrabas.

lundi 26 février 2018

« CE QUE JE CRAINS LE PLUS (…) C’EST CEUX QUI N’ONT MÊME PLUS L’ÉNERGIE DE PROTESTER ».

Qu’est-ce que Notre-Jeune-Président craint plus qu’un siffleur ? Un siffleur-non-siffleur.
Comprenez : un mécontent qui pourrait le siffler si seulement il en avait encore la force ou le courage. Parce qu’à la différence de celui qui ne se manifeste pas parce qu’il n’a pas de raison de le faire, le mécontent découragé du sifflage trouvera toujours assez de force pour placer un autre bulletin dans l’urne.
Ça, c’est l’explication politique.
--> Le moraliste dira : cela n’est que calcul de boutiquier. Car manifester son désarroi devant l’inaction publique c’est aussi montrer qu’on a encore la force de se battre pour vivre : ce qui compte, c’est la capacité vitale pour l’homme de redresser la tête et de refuser la force qui l’écrase et qui va malgré ses protestations continuer de l’écraser.
Voyez Sisyphe : roulant son rocher qui ne va certes pas l’écraser, mais qui va quand même dévaler la pente lui imposant de recommencer son labeur inutile et ruineux ; épuisé, il a quand même encore le pouvoir de se révolter. Et notre Président qui a comme on le sait une bonne culture littéraire pense comme Camus : « Tout comme il faut supposer Sisyphe heureux… on supposera le siffleur réjoui de son audace. »

La preuve que cette interprétation est la bonne vient de l’altercation que le Président a eue avec un agriculteur à qui il reprochait de l’avoir, non pas simplement sifflé, mais sifflé « par derrière ». Certes, ça paraît un peu lâche, mais quoi ? Il n’y a pas de quoi s’énerver. Par contre siffler par derrière, c’est avoir le sifflet honteux de celui qui n’ose pas assumer sa contestation : Sisyphe ne se cache pas pour crier sa révolte : il se dresse, face au Ciel vide pour la hurler.

dimanche 25 février 2018

#METOO : LES FEMMES À L’HONNEUR À LA BERLINALE

Sur fond d'onde de choc #MeToo, cette 68e édition de la Berlinale, le premier grand festival de cinéma de l'année en Europe, a largement mis à l'honneur les femmes à l'écran, malgré la présence de seulement quatre réalisatrices en compétition sur 19 films."  (Lire ici)

Faut-il pleurer, faut-il en rire ? / Fait-elle envie ou bien pitié ? / Je n’ai pas le cœur à le dire… chantait Jean Ferrat.
Hé bien, lorsque je lis ce compte rendu du Festival de Berlin, c’est pour moi la même chose. Car découvre-t-on seulement maintenant le talent des femmes cinéastes, au point que ce serait une rétribution juste mais tardive de leur génie que de les couronner au détriment des réalisateurs masculins qui ne leur arrive pas à la cheville ? Ou bien s’agit-il d’une compensation, d’une discrimination positive comme pour se faire pardonner des siècles de mépris et d’exploitation sexuelle ? Reconnaissance ou bien mauvaise conscience ?
On serait tenté de répondre : « Les deux mon capitaine. Car si trop de femmes ont été défavorisées par le passé et cantonnées dans le rôle de script-girl, on s’interroge aujourd’hui sur cette avalanche de prix pour seulement 4 compétitrices : du coup, on est en droit de se demander si les femmes n’auraient pas été défavorisées en amont au point d’être sous-représentées à  la Berlinale, et puis en suite sur-récompensées dans la distribution des prix. »
Et si, contournant ces questions, on se demandait ce qui allait suivre ? N’allons-nous pas vers une domination féminine, qu’on appellerait un « matriarcat » faute d’avoir un meilleur terme ?

Et si, plus simplement, les femmes faisaient à présent usage de l’avantage que la nature leur a donné : pouvoir frapper les hommes là où ce qui fait leur fierté constitue aussi leur fragilité.