jeudi 29 février 2024

La présomption d’innocence, qu’est-ce que c’est ? – Chronique du 1er mars

Bonjour-bonjour

 

Permettez-moi de revenir aujourd’hui sur l’affaire Judith Godrèche, non pas pour épiloguer sur les gestes dont elle a été victime, mais pour réfléchir sur la « présomption d’innocence », qui a été récemment rappelée à son propos par Rachida Dati (lire ici).

Et c’est vrai que depuis plusieurs années le simple fait de dénoncer les violences sexuelles, sans que la moindre preuve ait été apportée suffit à déclencher l’ostracisme dont sont frappées les personnes incriminées. La dernière en date étant le report sine die de la sortie en salles du film de Jacques Doillon « CE2 ».

 

La présomption d’innocence, qu’est-ce que c’est ? « La présomption d'innocence est un principe de justice : avant qu'une accusation n'apporte la preuve de sa culpabilité, un individu est considéré comme innocent. » nous dit « Vie publique » le site officiel de l’État.

On découvre alors que ce principe est strictement procédural et qu’il énonce le fait que la charge de la preuve repose sur l’accusation. On sait que par ailleurs cette preuve est la plupart du temps impossible à fournir, le consentement de la victime étant dans les affaires de viol invoqué avec succès par la défense.

Bon – Tout ça on le sait. Par contre ce qu’on oublie un peu trop c’est que l’ostracisme dont est frappé l’accusé (ici, l’impossibilité pour Benoît Jacquot ou Jacques Doillon de continuer leur activité) tombe en dehors des obligations faites au nom de cette présomption.

La présomption d’innocence interdit en effet de prononcer des paroles impliquant la culpabilité de l’accusé avant son jugement. Mais les réseaux sociaux n’ont que faire de cette restriction de liberté : pour eux il ne s’agit pas de juger l’accusé, mais de constater son ignominie. On est bien au-delà de l’accusation. On est dans le constat des faits.

 

Reste que confondre des faits et des opinions, ça gène un peu. Voyons ça.

De quoi parlons-nous ? De jugements non fondés au regard de la procédure ? D’accusations portées sans preuves ? Non – On a à faire à des opinions qui consistent à dire : « mon avis est que : … » ; et cet avis, c’est tout ce dont on a besoin, car ici la vérité n’existe pas autrement


« J’ai l’idée que le gouvernement ne fait pas son travail ; je suis sûr que des Illuminatis gouvernent en secret le monde ; etc… » De quelle preuve avez-vous besoin ? C’est mon engagement dans l’affirmation qui fait preuve. Plus je m’engage et plus c’est vrai. D’où le mystérieux rôle des retweets et des followers qui en démultipliant mes paroles leur donne un poids d’autant plus important qu’il est soutenu par le grand nombre. 

mercredi 28 février 2024

Combien faut-il gagner pour être riche ? – Chronique du 29 février

Bonjour-bonjour

 

Il y a quelques années, François hollande déclenchait involontairement une polémique en déclarant qu’être riche c’est disposer de 4000 euros par mois : selon l’opinion publique, ce chiffre était très sous-estimé. Et pourtant ce calcul s’avérait assez proche de la réalité telle que révélée aujourd’hui par une étude de l’Observatoire des inégalités

Celle-ci prend en considération le montant du revenu médian (qui sépare les personnes en deux parties égales selon leur niveau de vie). « Puisque nous considérons que le seuil de pauvreté est fixé à la moitié du niveau de vie médian, nous avons choisi d'établir le seuil de richesse au double du niveau de vie médian ». (Le niveau médian est fixé aux environs de 2000 euros par mois)

--> Selon ces calculs (qui ne prennent pas en compte le patrimoine), une personne est donc riche en France dès 3860 euros mensuels (salaires, revenus immobiliers...), nets d'impôts. Ce qui représente entre 7 et 8% des Français. 

De même, un salaire qui s'élève à « 5 018 euros pour une famille monoparentale avec un enfant de moins de 14 ans, 5 790 euros pour un couple sans enfant, 6 948 euros pour un couple avec un enfant de moins de 14 ans, 9 650 euros pour un couple avec deux enfants de plus de 14 ans et à plus de 10 808 euros pour un couple avec trois enfants, dont un de moins de 14 ans », selon l’article cité.

 

Si ces chiffres vous semblent peu réalistes, c’est que la richesse est toujours évaluée à partir des ultra-riches, ceux qui ont la villa en Californie et le Yacht dans la rade de Monaco.

D’ailleurs, même les riches selon le critère de l’Observatoire des inégalités refusent cette assignation : les riches ce sont toujours les autres, les « plus » riches.

Je ne voudrais pas m’en tenir à ce relativisme. La richesse et la pauvreté sont toujours évalués selon un critère très objectif, celui de la satisfaction des besoins au-delà des quels commence le luxe. Si les cadres de la richesse sont variables, c’est que des facteurs culturels historiques voire même sociaux entrent en jeu pour évaluer la limite qui sépare les besoins du superflu. C’est ce dont les philosophes de tous les temps se sont fait l’écho, comme le montre ce petit florilège de leurs citations : 

« Qu'est-ce que l'abondance ? Un mot et rien de plus, le nécessaire suffit au sage. Euripide

Ne rien convoiter, c'est épargner ; ne rien acheter, c'est s'enrichir ». Cicéron

« Nous sommes plus riches que nous ne pensons ; mais on nous dresse à l'emprunt et à la quête. En aucune chose l’homme ne sait s’arrêter au point de son besoin. » Montaigne – Essais

« S'il est vrai que l'on soit riche de tout ce dont on n'a pas besoin, un homme fort riche, c'est un homme qui est sage ». La Bruyère

mardi 27 février 2024

La Tour Eiffel est rouillée – Chronique du 28 février

Bonjour-bonjour

 

Enfin une mauvaise nouvelle qu’on peut dissiper : non, la tour Eiffel ne menace pas de s’effondrer ; non elle n’est pas rouillée au point de tomber en morceaux.

 

Et pourtant :

 

 

Image vue ici

 

Lorsque la Tour fut construite, Gustave Eiffel, son génial créateur expliqua qu’il faudrait la repeindre tous les 7 ans. Ce qu’on fit consciencieusement. Sauf que, contrairement à ce que laisse croire la mention de la photographie ci-dessus on n’a pas décapé la Tour à chaque fois. L’ingénieur en chef du monument dit même qu’on ne l’a pas fait du tout : résultat, 19 couches de peinture superposées faisant une croute épaisse et qui finit par craquer sous l’effet du climat, laissant alors à nu le fer, un peu comme sur le vieux portillon du jardin, repeint chaque printemps pardessus la couche ancienne. 

Le résultat est bien que la rouille s’installe sur le monument, mais qu’on est loin d’avoir un métal rongé jusqu’au cœur.

Moi, ce qui me rend songeur, c’est l’idée que depuis que la Tour a été construite, au cours des 19 campagnes de « repeinture » personne ne s’est aventuré à la décaper des pieds à la tête. Imaginez-vous au pied de la monumentale structure de fer, une brosse métallique à la main avec pour programme d’enlever plus de 130 ans de peinture – quasiment à la brosse à dents.

 

Est-ce bien ce qu’on se propose de faire ? Pas du tout. – L’ingénieur consulté annonce qu’on va la repeindre une fois de plus, toutefois après l’avoir badigeonnée d’antirouille (genre Framéto ?) pour que ça ne recommence pas (pas tout de suite)

Enfin une bonne nouvelle, au milieu d’un océan de catastrophes annoncées. 

Et tout ça, grâce à qui ? Aux ingénieurs ? Oui, mais aussi à la prévoyance de Gustave Eiffel qui a conçu son monument en tenant compte de sa durabilité : il parait que le fer qui constitue la Dame de fer est particulièrement robuste.

La leçon est à retenir : revenons aux fondamentaux, c’est-à-dire aux méthodes du 19ème siècle.

lundi 26 février 2024

Mourir pour Kiev – Chronique du 27 février

(Évitez de lire ce Post si vous n’avez pas un moral à toute épreuve ce matin)

 

Bonjour-bonjour

 

Je lis ce matin dans le Monde : « Guerre en Ukraine : Macron affirme que l’envoi de troupes occidentales à l’avenir ne peut « être exclu », mais souligne l’absence de consensus »

Je fouille dans ma mémoire : je crois bien que depuis la fin de la guerre en Algérie et en dehors du maintien de l’ordre dans quelques pays africains, je n’ai jamais entendu parler de l’envoi de troupes françaises pour faire la guerre sur le territoire d’un pays allié. Car voilà : après avoir franchi toutes les limites qui séparent l’envoi de casques et de sacs de couchage à l’armée ukrainienne il y a deux ans, après l’envoi de canons puis de blindés, sans parler de missiles à longue portée et d’avions M16, voilà que le recul de la limite à ne pas dépasser en matière d’engagement dans la guerre est une nouvelle fois franchie. 

La France s’apprête à affronter sur le terrain l’armée russe.


Plusieurs vérités se dévoilent ce matin

            * Le fait que la guerre c’est la violence et la mort subies et infligées. Toutes les limites, telles que celles de l’engagement limité ou des précautions prises pour épargner les civils (les « frappes chirurgicales ») ne sont que de la poudre aux yeux.

            * La guerre par procuration n’a qu’un temps pour peu que son enjeu soit vital.


--> Or voici la vérité : l’enjeu de l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine est celui de la survie des démocraties occidentales, donc la nôtre, pays de France.

On le vérifiera encore ce matin en lisant cette déclaration de M. Sikorski, ministre des affaires étrangères polonais, s’adressant à la Chambre des représentants américaine : « le président russe Vladimir Poutine met à l’épreuve la crédibilité des Etats-Unis » affirme-t-il, tout en dénonçant aussi le fait que la Russie importe des armes d’Iran et de Corée du Nord. « Ce mélange de terroristes et de dictateurs est uni par une chose : leur haine de l’Amérique, de l’Occident et de la démocratie, une haine alimentée par la peur »... « Ils sont avides de montrer que les Etats-Unis sont faibles, inefficaces et désespérément divisés, que l’Amérique est incapable d’agir ni d’être une force pour le bien dans le monde », a-t-il dit. » (Art. cité)

On dira que ce sont des propos isolés, sans réelle consistance à moins de les considérer comme des manœuvre de déstabilisation de l’ennemi russe. Oui, on voudrait le croire. Mais sur les plateaux télé on entend depuis hier comme un écho insistant de cet appel avec la mise en regard l’épuisement du peuple ukrainien qui aujourd’hui ne peut plus soutenir l’effort de guerre en face de la formidable armée russe.


Où passe donc la limite entre l’acceptable et l’inacceptable en matière de guerre ? Pour reprendre une vieille formule, allons-nous mourir pour Kiev ? 

Comme si « mourir pour Kiev c’était mourir pour nous » ?

dimanche 25 février 2024

Seule la victoire est belle – Chronique du 26 février

Bonjour-bonjour

 

Ah !... Mes amis, hier j’ai passé une mauvaise après-midi : j’ai regardé à la télé le match de rugby des 6 nations opposant la France à l’Italie. 

On pensera que je suis un supporter déçu de voir la France rester sur un match nul devant une équipe d’Italie qu’elle a battue tant de fois, et cela sur le terrain national.

- Oui, c’est vrai – mais pas seulement : je ne suis pas un grand amateur de sport à la télé, mais le rugby est un sport particulièrement spectaculaire qui peut plaire à un béotien comme moi. Voir ces énormes machines humaines se percuter tête en avant et après ça dévaler tout le terrain en slalomant entre d’autres montagnes de muscles, ça a quelque chose de réjouissant. Au lieu de ça, hier j’ai vu un combat de tranchées, où le plus lourd est en même temps le plus fort : drôle de performance…

Mais de tout cela je ne vous parlerais pas s’il n’y avait eu ces minuscules secondes de fin de match, quand l’Italie a manqué son pénalty perdant du coup l’occasion de gagner sur le terrain des français.

 


Car, voilà : le ballon légèrement trop à droite heurte le poteau et rebondit en dehors du but. Il aurait pu rentrer dedans si seulement il avait rebondi sur le poteau (arrondi, rappelons-le) vers la gauche, c’est-à-dire vers la victoire.

Qui a décidé de l’échec de l’Italie ? La maladresse d’un joueur ? Celui-ci s’est, il est vrai, excusé : on peut lire dans le Figaro d’aujourd’hui que Paolo Garbisi, le buteur malheureux, a soupiré « Je m'excuse auprès de toute l’Italie ». Mais moi, je dis : c’est le hasard qui en a décidé – si toute fois il peut décider de quoique ce soit. 

En vérité, personne n’a décidé du résultat, car cela signifierait qu’une intention peut obtenir un résultat aussi incertain. Il en va de ce tir au but comme de ces coups du tennis quand la balle vient d’écraser à quelques millimètres de la ligne de fond de court – donnant le point ou le refusant selon le coté où elle a touché le sol.

Supposez que l’Italie ait réussi son pénalty, qu’aurait-on entendu ? « Historique ! Le match du siècle ! » et puis « La France touche le fond », « Galtier menacé – Dupont, reviens ! » : tout ça pour 3 millimètres de mieux. La vérité c’est qu’on ne veut pas voir la vérité : la victoire n’est pas dans la nature des équipes, pas plus que dans celle des peuples qui s’identifient à elles. Je ne parle pas de la victoire en général, mais de certains de ses facteurs qui échappent à la volonté des joueurs. Dans ce cas, elle est aléatoire, inexplicable sauf de façon statistique, et encore. Peut-on reprocher à un joueur de ne pas avoir eu de chance ? 

Les sportifs africains sont plus sages que nous : lors des match de foot, ils s’efforcent de contrer les manœuvres des marabouts qui fétichent leurs joueurs.

samedi 24 février 2024

Trump for President ! – Chronique du 25 février

 


 

Bonjour-bonjour

 

Je ne sais pas si vous êtes comme ça, mais moi je n’arrive pas à imaginer l’Amérique reconduisant en novembre Donald Trump à la Maison Blanche. Sans doute parce que j’en suis resté aux années 70, lors de la guerre du Viêt-Nam et que le peuple américain se rassemblait autour de l’idée que rétablir la paix dans ce pays était une bonne chose.

Mais aujourd’hui, quelle idée se faire du peuple américain ? Tout le monde en parle mais les avis divergent à un point tel qu’on se dit que LE peuple américain n’existe pas, qu’il n’existe que DES peuples. Donald Trump serait-il donc un simple moyen de cliver les américains, chacun s’opposant aux autres par l’adhésion ou non à sa personne ?

Certains reportages réalisés sur le terrain peuvent nous éclairer. Tel celui-ci venu de Staten Island, l’un des quartiers de New York, là où on a vu grandir le petit Donald. 

 « Ici, c'est Trump qu'on aime ! », assument ces électeurs de Staten Island. « Quand il était petit, et qu’on le croisait dans la rue, Donald était respectueux. /Aujourd’hui/ ses politiques fonctionnent, c'est un businessman et ce pays doit être dirigé comme un business ! » Et d’ajouter « Trump ne doit rien à personne, c'est pour ça qu'il a été élu. Il a fait tant de bien à ce pays : fermer la frontière, construire ce mur... Mais ils ne l'ont pas laissé finir »

Les points sur les quels Trump est jugé le plus fort sont donc :

- Sa politique fonctionne

- Il dirige le pays comme un businessman

- Il a fermé le pays et construit un mur

- Il ne doit rien à personne (et surtout pas à un parti politique)

 

Combien y a-t-il d’américains pour approuver ces orientations ? En tout cas assez pour le faire élire candidat aux primaires républicaines. Ça fait déjà beaucoup, et on n’a pas ajouté à ça tous ceux qui le veulent Président pour sa forte personnalité, ni ceux qui sont pour l’interdiction de l’IVG, ce qui risque bien de faire pencher la balance en sa faveur face à un candidat démocrate à la limite de la sénilité.

 

 Voilà : mon propos du jour est de suggérer de faire un effort pour nous représenter les américains comme ces gens qui pensent que le mieux pour l’Amérique est de se tenir blotti derrière un mur. On espère se tromper, mais si on ne le fait pas on risque un réveil douloureux en novembre.

vendredi 23 février 2024

Deux mains dégueulasses sur mes seins de 15 ans – Chronique du 24 février

Bonjour-bonjour

 

Où sont les femmes ? chantait Patrick Juvet en 1977. Hier soir, lors de la cérémonie de remise des Césars, on a entendu « Où sont les hommes ? », aussi bien dans le discours de Judith Godrèche que dans les commentaires qui l’ont entourée. Aucune parole masculine pour répondre aux plaintes des femmes qui ont souffert – non pas des hommes – mais de ces hommes qui ont abusé de leur pouvoir dans le cadre de leur profession de cinéaste.

 

- Les Césars sont une cérémonie fortement genrée, dont on a souligné depuis (presque) toujours le privilège qu’elle accordait aux hommes tant pour leur rôle de réalisateur que pour leurs rémunérations d’acteurs. Les nominations aux Césars ont été durant fort longtemps spécialement dévolus aux films masculins et ce n’est que depuis peu que les femmes sont entrées dans le sérail, mais sur la pointe des pieds et s’excusant presque de prendre quelques places aux messieurs.

Pourtant depuis 4 années les choses ont changé avec le clash d’Adèle Haenel à propos de la récompense attribuée à Roman Polanski accusé de viol commis il y a 50 ans. Non seulement en matière de violence faite aux femmes il n’y a pas prescription, mais hier, l’actrice Judith Godrèche a fait changer la peur de camp. « Deux mains dégueulasses sur mes seins de 15 ans » : voilà comment Judith Godrèche décrit les gestes par les quels Jacques Doillon prétendait lui apprendre à jouer une scène du film « La fille de 15 ans » - 45 reprises avec 45 fois le tripotage en question. 

--> Prenons garde à cette circonstance : il ne s’agit pas là de l’emprise exercée sur elle par Benoît Jacquot, contre lequel elle a par ailleurs porté plainte ; il s’agit de l’abus commis par un metteur en scène qui sort hypocritement de son rôle de metteur en scène pour jouir de l’actrice, non en tant qu’artiste mais en tant que « gros dégueulasse ».

Voilà ce qui désacralise les gestes abusifs liés aux professions du cinéma : rien que de très ordinaire, comme les mains baladeuses de Depardieu, gestes qui pourraient avoir été commis à la machine à café de n'importe quelle entreprise ; quant aux viols hâtifs de Harvey Weinstein, ça aurait pu arriver n’importe où, n’importe quand.

Hier les victimes ont juste demandé que les hommes en question viennent s’expliquer et demander pardon pour le mal qu’ils ont fait.

jeudi 22 février 2024

Éloge de l’expulsion – Chronique du 23 février

Bonjour-bonjour

 

L’expulsion de l’imam Mahjoub Mahjoubi, moins de 12 heures après son interpellation, est présentée par le Ministre de l’Intérieur comme « une preuve de force rendue possible par la récente loi Immigration » (voir ici)

On peut se demander en quoi le fait d’expulser hors de France quelqu’un jugé indésirable  serait une preuve de force.

On pourrait tout au contraire faire de la diversité des opinions et des manières de vivre un indice de vitalité. Dans la nature, le fait de posséder un patrimoine génétique commun à toute une population la rend vulnérable aux épidémies : le virus qui tue un seul individu pourra tuer la collectivité entière. La pureté de la race, obsession des racistes et des nationalistes, ne fonctionne dans la réalité que chez les éleveurs soucieux de savoir à l’avance combien de litres de lait telle vache pourra fournir au fermier. Ce n’est évidemment pas un exploit de ce genre qu’on attend d’êtres humains. 

--> Quand l’histoire est grippée et qu’elle n’avance plus sur son chemin ancestral, trouver des chemins de traverses peut lui-être favorable – qu’on songe à la force que le jazz a instillé dans la musique occidentale.

 

- Il existe quand même une preuve que le Ministre de l’Intérieur n’a pas tout à fait tort : les valeurs sont-elles autre chose que l’expression de la volonté ? Les valeurs infinies de la religion sont portées par la puissance infinie de Dieu – c’est ce que disait Sartre à la suite de Nietzsche. 

Montrons donc la force de nos valeurs en écrabouillant ceux qui ne pensent pas comme nous : nous aurons au moins montré combien nous sommes attachés à nos valeurs.

L’expulsion serait donc une version humaniste de cette volonté destructrice d’altérité.

mercredi 21 février 2024

On vous l’avait bien dit ! – Chronique du 22 février

Bonjour-bonjour

 

Les antivax doivent exulter : selon cette étude internationale récente, le vaccin contre le covid-19 serait à l’origine de sérieux problèmes de santé. On cite en particulier certains effets secondaires indésirables, tels que la myocardite, la paralysie de Bell, les convulsions, la péricardite et le syndrome de Guillain-Barré - les symptômes de ces affections étant apparus en moyenne 42 jours après l'administration des vaccins étudiés. Même si les résultats ne sont encore que statistiques, la fréquence accrue de péricardite semble bien pointer la responsabilité du vaccin.

Les complotistes doivent pavoiser, mais ils oublient de citer la fin de l’enquête : « malgré ces résultats préoccupants, les chercheurs ont souligné que les infections dues au Covid-19 présentent un risque encore plus élevé de provoquer ces mêmes problèmes de santé graves que la vaccination. »

Autrement dit choisissez votre péricardite : soit éventuellement grâce au vaccin – soit plus certainement grâce au virus du covid.

- Vous, je ne sais pas, mais moi je préfère le vaccin : vivre implique un risque de mourir ; tout ce que nous pouvons faire c’est minimiser le risque et majorer les chances de survie.

 

Plus sérieusement, je n’ai toujours pas compris ce qui déclenchait la phobie du vaccin chez des gens par ailleurs très raisonnables et capables de faire le petit calcul que je viens d’indiquer. Le rejet de l’obligation faite par le pouvoir de se faire vacciner en raison des circonstances de la pandémie ? Ou bien l’idée qu’on allait contraindre l’organisme à réagir d’une façon forcée, comme si l’on intimait l’ordre aux cellules tueuses de détruire des agresseurs désignés de l’extérieur ?

- Oui, c’est sans doute cela : le vaccin ne soigne pas comme peut le faire l’antibiotique ; il manipule l’organisme pour le faire réagir d’une façon artificielle.

Au fond, les antivax seraient des anarchistes : n’obéir qu’à sa propre volonté, et rien d’autre.

mardi 20 février 2024

La France de CNews – Chronique du 21 février

Bonjour-bonjour,

 

Ce matin, je lis ceci  (à propos de la chaine Cnews) : « En considérant que l'Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) doit demander à CNews de respecter le pluralisme, le Conseil d'Etat contraint le gendarme de l'audiovisuel à revoir le contrôle de cette obligation, jusqu'ici limitée aux personnalités politiques. La définition du nouveau cadre pose de nombreuses questions. » (Lu ici)

- Les intéressés protestent : leurs chroniqueurs ne sont pas soumis à ce contrôle, puisqu’ils sont libres et indépendants, couverts par la liberté sans laquelle ils ne peuvent plus exercer leur profession.

 

Deux observations :

- D’abord, la distinction classique entre information et opinion. Si ce premier terme fait intervenir les faits et leur mise en évidence, le second met en avant un courant de pensée.

Cette distinction classique remonte à Platon, du moins pour ce qui est de l’opinion, considérée comme une manière subjective de comprendre les faits. L’opinion est alors opposée aux démonstrations scientifiques, universellement valables. 

Le rôle de l’opinion consiste à donner la parole à la subjectivité : C’est mon avis et je le partage disait Monsieur Prudhomme, le personnage créé par Henry Monnier.

De nos jours – et sur CNews en particulier – les énoncés d’opinion par les journalistes ou les chroniqueurs sont présentés comme essentiellement démocratiques puisque la liberté individuelle est à leur source.

- Pour éviter de confondre la vérité et l’opinion, tout en préservant la liberté rappelée ci-dessus, la règle est celle du pluralisme d'opinion : « le respect du pluralisme est une des conditions de la démocratie » dit le Conseil constitutionnel en 1986. 

--> Si même les nationalistes ont le droit de faire valoir leur opinion, c’est bien parce que l’on peut aussi donner les arguments du contraire. Donc CNews a le droit de nous faire savoir quelle est sa conception de la France à condition de respecter ce principe de pluralité. Sinon on devra admettre que cette chaine n’est plus une chaine d’information, mais d’opinion (à supposer que cette catégorie existe)

Quant à moi, le mal ne réside pas tant dans cette liberté laissée à certains de faire croire de façon mensongère que leur opinion est la vérité. Par contre je mesure avec tristesse le succès de cette chaine qui grimpe dans les sondages : la France de CNews existe et ce n’est pas en supprimant cette chaine qu’on supprimerait ceux qui absorbent avec avidité ses opinons.

vendredi 16 février 2024

jeudi 15 février 2024

Le château de cartes sénégalais – Chronique du 16 février

 


Bonjour-bonjour

 

La crise constitutionnelle sénégalaise déclenchée par la décision du Président, appuyée par un vote législatif (dont l’opposition avait été exclue manu militari) de reporter les élections législatives, rebondi aujourd’hui après l’annulation de cette décision par le Conseil constitutionnel.

On voudrait croire que cet épisode clôt le débat, le Conseil constitutionnel étant la plus haute juridiction en la matière. Sauf que sa légitimité est sérieusement mise en doute après que deux des sept juges de ce conseil aient été soupçonnés de corruption pour avoir manipulé les élections en éliminant de la course électorale l’un des principaux candidats (lire ici).


On aurait tort de croire qu’il ne s’agit-là que de péripéties concernant exclusivement le Sénégal. Car nous y voyons la preuve que la démocratie en général dépend d’un équilibre fragile entre les pouvoirs qui se contrôlent et se limitent réciproquement. Comme dans une cathédrale gothique dont l’élancement prodigieux est maintenu par les arcs-boutants qui contrebalancent la poussée de la voute, il suffit qu’un pouvoir soit délégitimé pour que l’équilibre de l’ensemble de la démocratie soit menacé.

Au Sénégal est-il encore temps de bloquer l’effondrement qui menace la paix civile ? Peut-on encore espérer une médiation ? Rien n’est écrit d’avance, sauf que cet effondrement était bien prévisible et qu’il doit nous servir de leçons : politiquement notre démocratie si robuste en apparence, a des pieds en argile.

mercredi 14 février 2024

Le bol de riz en fer – Chronique du 15 février

Bonjour-bonjour

 

Une vieille expression maoïste promettait aux fonctionnaires la possession d’un « bol de riz de fer », autant dire inusable : façon de dire qu’ils ont la sécurité de l’emploi.

Si en en croit la presse chinoise, il semble qu’aujourd’hui ce ne soit plus le cas du moins pour les professeurs : à l’horizon 2035 il y aura près de 2 million de professeurs surnuméraires du fait de la baisse de la natalité. (Art. relayé par Courrier international)

 

La ressemblance de cette situation avec la nôtre qui prévaut depuis 50 ans invite à observer ce qui se passe en Chine.

Bien sûr cette situation n’est pas subie passivement par les enseignants chinois : que faire de tous ces profs qui sont surnuméraires ?

D’abord, comme chez nous, certains pensent qu’il suffirait de réduire le nombre d’élèves par classe.  Le journal chinois qui donne ces informations affirme que “les écoles chinoises sont surchargées d’enfants depuis des décennies, avec jusqu’à 50 élèves par classe dans certaines villes et au moins 30 dans les zones rurales”. Et d’ajouter : “Cette situation pourrait inciter les écoles publiques à réduire la taille des classes en évitant les licenciements, ce qui permettrait en plus aux enseignants d’augmenter le temps qu’ils passent avec chaque élève.” 

 

- Bref : rien d’original en Chine à part le nombre extraordinaire de profs qui vont rester sur le sable ?

Si, quand même : “De nombreux enseignants ont un niveau de compétences relativement faible, en particulier dans les écoles rurales. Il est très important de promouvoir, dès que possible, le perfectionnement des enseignants par leur élimination quantitative.” (Art. cité)

Le niveau des profs étant très bas, il faudrait donc profiter de cet excès, d’abord pour virer les plus nuls, ensuite pour reprendre et approfondir le niveau de compétence de ceux qui sont encore surnuméraires mais qui pourraient retourner en formation pour en revenir avec de meilleures capacités à mettre au service de leurs élèves.


Hé-hé… Constater que le niveau baisse également chez les profs, ça ne se fait pas chez nous. En plus vouloir les renvoyer sur les bancs de la fac avant de les réintégrer dans l’enseignement : ces chinois ont bien de l’imagination. En aurions-nous autant ?

mardi 13 février 2024

Une lettre de rupture signée chatPGT - Chronique du 14 février (2)

Et si on jouait la Saint-Valentin à l’envers ? Oui un 14 février qu’on prendrait comme prétexte… pour rompre avec la femme (ou l’homme) qu’on n’aime plus ?

J’ai demandé à ChatGPT de faire une lettre de rupture pour quitter une compagne. Voici ce que ça donne : 

 

 

Chère [Prénom],

 

Je prends aujourd'hui la difficile décision de t'écrire cette lettre. J'ai pris le temps de réfléchir longuement à ce que je vais exprimer, car je veux être aussi clair et honnête que possible.

 

Après mûre réflexion, je dois te dire que je pense qu'il est temps pour nous de mettre un terme à notre relation. Cette décision n'a pas été facile à prendre, et crois-moi, elle ne vient pas de nulle part. J'ai pesé chaque mot et chaque émotion qui accompagne cette décision, et je crois sincèrement que c'est la meilleure chose à faire pour nous deux.

 

Je sais que cela peut être difficile à entendre, mais je pense que nos chemins se sont éloignés au fil du temps. Nos aspirations, nos rêves et même nos personnalités semblent suivre des trajectoires différentes. Et malgré tout l'amour et le respect que j'ai pour toi, je ne peux ignorer ces sentiments persistants de divergence.

 

Je veux que tu saches que ce n'est en aucun cas un reflet de qui tu es en tant que personne. Tu es incroyable, avec tant de qualités qui t'illuminent et qui ont illuminé ma vie pendant que nous étions ensemble. Mais parfois, même les plus belles choses doivent prendre fin pour permettre à chacun de trouver son propre chemin vers le bonheur.

 

Je te demande de respecter cette décision et de comprendre qu'elle vient du fond de mon cœur. Je suis là pour discuter de ce que cela signifie pour nous, pour répondre à toutes tes questions et pour apaiser autant que possible cette transition difficile.

 

Je te souhaite le meilleur pour l'avenir, [Prénom]. Tu mérites tout le bonheur et toute la réussite que la vie a à offrir. Je garderai toujours nos souvenirs chéris dans mon cœur et je serai reconnaissant pour le temps que nous avons passé ensemble.

 

Avec tout mon respect et mon amour,

[Ton prénom]

Signé ChatGPT

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Au cas où vous souhaiteriez un modèle un peu plus littéraire, voici la lettre de rupture adressée à Louise Collet par Gustave Flaubert : 

 

« Paris, le 6 mars 1855

 

Madame,

J’ai appris que vous vous étiez donné la peine de venir, hier, dans la soirée, trois fois, chez moi.

Je n’y étais pas. Et dans la crainte des avanies qu’une telle persistance de votre part, pourrait vous attirer de la mienne, le savoir-vivre m’engage à vous prévenir : que je n’y serai jamais.

J’ai l’honneur de vous saluer. »

Amour-toujours ? – Chronique du 14 février (1)

Bonjour-bonjour

 

Peut-on encore célébrer l’amour et le couple en ces temps post-metoo de dénonciation de l’abus d’emprise, de relations amoureuses forcées ?

Aujourd’hui devant l’image des Tourterelles symbole de l’amour : 

 


on n’aurait de cesse de montrer ce qui va se passer bientôt, lorsque l’amour enfui, resterait juste le couple avec ses obligations désagréables : 

 

 

On me dira que j’extrapole l’avenir au moment où il s’agit surtout de ne pas y penser : « l’amour-toujours » les « je-t’aime-pour-la-vie » tout ça ce sont des fantasmes qui sont là pour empêcher de penser à ce que sera demain, lorsque le café-du-matin n’aura plus l’odeur des croissants mais seulement des remugles de la nuit.

La fête de la Saint-Valentin est la fête du couple tel qu’il n’existe pas sauf dans les rêves destinés à faire oublier la réalité et le temps qui va avec. 

Et alors, pourquoi pas ? Oublions donc, mais sachons que le passé même s’il ne s’enregistre pas dans la conscience est tout de même là quelque part, dans notre arrière-conscience, et qu’il sera quelque peu défraichi lorsqu’il remontera à la lumière.

Combien de coups de becs oublié par générosité amoureuse réapparaitront avec cette lancinante question : « Pourquoi ai-je enduré ça sans rien dire ? »

o-o-o

La fête de la Saint-Valentin est la fête de l’inconscience, de l’oubli du temps qui passe, quelque chose de romantique et de désespéré à la fois – car, si tu demandes comme le dit la chanson « retiens la nuit », il faut préciser jusqu’à quand. Et si c’est « Jusqu’à la fin du monde », n’oublie pas que « les heures et les secondes » que tu as retenues vont un jour se remettre à couler…

lundi 12 février 2024

Le droit du sol un crypto-nationalisme ? – Chronique du 13 février

Bonjour-bonjour

 

En parlant du « droit du sol » on se réfère aujourd’hui à cette technique juridique qui permet de créer des citoyens français à partir d’enfants nés de parents étrangers. On a deux attitudes différentes face à cette pratique : soit on la refuse parce qu’on ne devrait pas toucher à un droit fondamental de la République ; soit on voit en elle une manipulation bien pratique permettant en cas de conflit de produire de nouveaux citoyens-soldats prêt être enrôlés par l’armée.

Entre droit fondamental et trafic cynique, on aimerait choisir.

 

Le sol dont nous parlons aujourd’hui a une signification « botanique » : il désignerait le lieu où se nourrissent et se développent nos racines ; métaphoriquement il constitue ce principe génétique qui transmet par le lieu de naissance l’appartenance à la Patrie ; ainsi les étrangers seraient bannis de notre nationalité puisque nés ailleurs. Mais cet enracinement peut-il rester actif pour les enfants nés sur le sol de la Patrie, quoiqu’issus de parents étrangers ? On aura reconnu la question posée plus haut : nous n’avons guère progressé…

 

- C’est que nous n’avons pas évoqué la source de cette vision de la nature politique des hommes. Il faut pour cela revenir à l’Antiquité et au mythe des autochtones. Issu d’Hésiode et repris par Platon, il évoque l’origine de la Cité d’Athènes issue d’un Héros né du sol c’est-à-dire poussant comme une plante. « Les premiers Athéniens sont nés directement de la terre qui constitue le sol athénien, qui les nourrit et qui continue aujourd'hui de les loger, comme une mère bienveillante et protectrice » dit en substance Platon dans le Ménéxène (Cf. le texte en annexe). Ainsi tous les athéniens sont frères parce qu’issus d’ancêtres né de la même mère, à savoir le sol de la patrie. Ensuite ils ne sont pas issus d’étrangers puisque directement enfantés dans et par la Cité. Enfin – et surtout – ces autochtones n’ont existé qu’à l’origine des temps, mais leur nature se transmets depuis de parents bien nés à enfants citoyens.

 

On comprend pourquoi le « droit du sol » constitue un principe sensible de nos lois fondamentales : loin de renvoyer simplement à un petite manipulation de l’État-civil, il institue une véritable essence politique des hommes devenus ainsi des citoyens.

Robespierre disait « On n’emporte pas la Patrie à la semelle de ses souliers » : c’est que la terre, source de vie, est bien ce à quoi nous devons notre origine, et si le Moyen-âge atteste que l’attachement au sol désignait le servage par lequel le paysan était soumis à un travail contraint sur la terre de son Seigneur, l'autochtonie fut d’abord un principe d’égalité pour tous ceux qui sont nés sur le même sol. Ce droit permet de tracer une frontière étanche entre le citoyen et l’étranger – raison pour laquelle il est devenu incompréhensible dans les sociétés où le métissage est la règle.


- Maintenant, à vous chers amis de dire si cette essence politique vous parait véritable ou s’il ne s’agit que d’une idéologie nationaliste.

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(1) « Le premier avantage de leur naissance est de n'être pas étrangers. Le sort ne les a pas jetés dans un pays dont ils ne sont pas. Non, ils sont autochtones, ils habitent et ils vivent dans leur véritable patrie, ils sont nourris par la terre qu'ils habitent, non pas en marâtre, comme d'autres, mais avec les soins [237c] d'une mère. Et, maintenant qu'ils ne sont plus, ils reposent dans le sein de celle qui les engendra, les reçut dans ses bras à leur naissance et les nourrit. C'est donc à elle, à cette mère, que nous devons nos premiers hommages : ce sera louer la noble origine de ces guerriers. » Platon – Ménéxène 237b-c

dimanche 11 février 2024

Il court, il court, le temps-court – Chronique du 12 février

Bonjour-bonjour

 

Monsieur Attal vit à cent à l’heure, non seulement pour lui-même – insaisissable toujours entre deux avions, deux voitures, deux meetings – mais aussi par les buts qu’il assigne à l’action gouvernementale. 

- Lors du séminaire gouvernemental de dimanche, il a déclaré : « Il n’y aura aucun temps mort pour l’action. Dès ce printemps, nous réglerons plusieurs urgence, /puis viendront/ un été de progrès sociaux et un automne du travail… A la toute fin de l’été, nous allons expérimenter le préremplissage des formulaires de demande de la prime d’activité et du RSA pour lutter contre la fraude et le non-recours. On le généralisera d’ici à 2025 »

 

Ouch ! Ça va vite ! Au cas où on n’aurait pas bien compris, Prisca Thevenot, la porte-parole du gouvernement prend soin d’enfoncer le clou : « Nous sommes réellement dans l’action », assurant que la « démarche » de M. Attal consiste à « écouter, dialoguer et aussi suivre les décisions qui ont été mises en place. Nous devons maintenant être sûrs [que les mesures] sont bien dans le quotidien des Français [et dire] en transparence, en honnêteté, mais en responsabilité, là où cela a fonctionné et là où nous devons pouvoir revoir la copie s’il y a besoin », a dit la porte-parole. (Lire ici)

 

--> C’est qu’il n’y a pas de place pour des mesures politiques sans effets immédiats, comme celles qui traînent en longueur et dont on ne peut espérer de résultat avant que l’horloge électorale n’ait sonné la fin de la mandature.

Est-ce seulement une mesure technique destinée à comptabiliser des succès à faire valoir dans la campagne électorale ? Oui, sans doute – mais « pas que ». C’est que le temps court, dans lequel le gouvernement inscrit son action, comporte d’autres contraintes.

 


Le « temps court ? Qu’est-ce que c’est donc ?

On pense généralement que ce temps est celui de la courte durée, soumise aux règles d’un agenda contraint, comme l’est celui d’un Ministre. Par opposition le temps long nous inviterait simplement à introduire dans nos projets la perception d’un avenir allant jusqu’à un horizon plus lointain, comme celui de l’évolution du climat.

C'est vrai, mais il ne faudrait pas oublier que ce ne sont pas les mêmes projets que se développent dans ces deux temporalité, comme le montre bien les mesures prises en fonction de « la fin du monde » par opposition de celles qui ont pour visée « la fin du mois ».


Je lis dans cet article « Pourquoi les revendications légitimes et les décisions démocratiques privilégient-elles les relances de la croissance, gourmande d’énergies disponibles, à échéances brèves (la fin du mois) au détriment de la mise en place de nouvelles énergies propres, mais à échéance de quelques décennies (« la fin du monde ») ? »

Pas besoin d’avoir fait Polytechnique et l’ENA réunis pour deviner la réponse : il suffit de voir la réaction des Gilets-Jaunes : c’est dans le présent que nous vivons et jamais une génération n’acceptera (sauf péril immédiat) de se sacrifier pour que vivent les générations suivantes.

 

Comment faire ? L’auteur de l’article cité nous donne la recette : « Le but est de trouver dans le temps court du présent des possibilités attractives pour épanouir le temps long. »

Fastoche !

samedi 10 février 2024

Une longue anamnèse – Chronique du 11 février

Bonjour-bonjour

 

Dénonciation de viols et harcèlement sexuels remontants à plus de 20 ans ; déboulonnage de statues de héros historiques dénoncés à présent comme esclavagistes ; cancel culture…

Seule l’indifférence où ses romans sont tombés aujourd’hui semble avoir protégé la Comtesse de Ségur du pilori où ses violences sur enfants et les perversions auxquelles ceux-ci se livrent sont complaisamment décrits. 



Madame Fichini bat Sophie sans pitié

 

Nul doute qu’une réédition des romans de la Comtesse de Ségur la condamnerait radicalement. C’est que notre époque est bien révisionniste : nous jugeons le passé non pas à l’aune de ce qu’il fut, mais à celle de nos valeurs présentes. Mais cette révision concerne aussi notre vécu plus intime. D’où la réévaluation de nos sentiments d’hier qui sont jugés selon leurs conséquences d’aujourd’hui :

--> La longue anamnèse par la quelle Judith Godrèche parvient à mettre au jour les épisodes de sa soumission à Benoit Jacquot relève selon moi de ce processus.

Il n’est pas surprenant que les souvenirs lointains soient reconstruits avec des matériaux qui ne viennent pas forcément tous de la mémoire du sujet : sans aller jusqu’à la psychanalyse, la psychologie l’a montré abondamment. Il peut donc se faire que cette reconstruction soit élaborée dans le contexte de valeurs qui n’existaient pas à l’époque. Un premier amour est bien de ce genre : comment restituer la vérité de ce qui fut vécu alors, quand la remémoration se fait à une époque où ce contexte existe bel et bien ? Et je dirais volontiers que cette réélaboration ne porte pas seulement sur les évènements, mais aussi sur leur sens, sur leurs intentions, leurs conséquences effectives pour la vie écoulée depuis. 

On n’est donc pas seulement dans des relations de séductions, mais aussi d’un vécu plus général, tel que celui qui se développe avec les parents, avec tel prof particulièrement admiré, ou tout autre situation qui a basculé dans le passé, mais qui est maintenue artificiellement dans le présent.