lundi 31 octobre 2022

1er novembre : Pourquoi des sépultures ? – Chronique du 1er novembre

Bonjour-bonjour,

 

On sait l’importance des sépultures que nous allons visiter aujourd’hui, jour de Toussaint. Répertoriées comme signe d’humanité par les préhistoriens découvrant des restes humains ensevelis de façon rituelle, elles sont le dernier devoir à l’égard des hommes car donner une sépulture à un mort est aussi un devoir religieux. 

 

- La sépulture ne sert pas seulement à honorer le mort, voire même à lui assurer une forme de survie dans l’au-delà. C’est aussi un lieu mémoriel, où se retrouvent les vivants qui veulent se rappeler de « leurs morts ». C’est ainsi qu’aujourd’hui, jour de la Toussaint, on fleurit les tombes – façon aussi de signaler à tous ceux qui passent par-là, qu’ici il y a un mort dont se rappellent encore les vivants. On peut d’ailleurs aussi faire sur une tombe ce qui sera en accord avec la personnalité du défunt.


MissTic (1) et son amie La Gabin grillant une clope en souvenir de Guillaume Apollinaire

 

- Que se passe-t-il quand on n’a pas de sépulture ?

Priver quelqu’un de tombe, c’est le détruire dans la mémoire des hommes : c’est ainsi que les condamnés à mort aux USA sont, après leur exécution, enterrés avec pour seule mention tombale celle du matricule de détenu que personne ne peut déchiffrer sans avoir accès aux registres du pénitencier. Après avoir tué le criminel, on peut donc encore le condamner à l’oubli définitif. C'est ce que rappelle Bossuet :  « Aussitôt qu'un homme était mort [en Égypte], on l'amenait en jugement ; l'accusateur public était écouté : s'il prouvait que la conduite du mort eût été mauvaise, on en condamnait la mémoire, et il était privé de la sépulture. » (2)

On peut aussi penser à Achille privant la dépouille d’Hector de sépulture et donc le privant du repos éternel - quant à Antigone on sait également quel devoir ce fut pour elle d’ensevelir son frère. D’ailleurs, chez nous aussi, les fantômes sont bien souvent des morts sans sépultures.


- Et que dire de l’incinération ?

Si on ne dépose pas l’urne dans un columbarium, on peut encore la déposer dans le salon, de façon à avoir une pensée pour le défunt au moment de l’apéro. Mais aussi on peut répandre les cendres là où le défunt a passé ses meilleurs moments. (3)

Mais alors, plus de tombe à fleurir ?

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(1)  MissTic, décédée en mai dernier encore vivante dans nos cœurs (lire ici)

(2) Bossuet – Discours sur l'histoire universelle

(3) Pour ma part mon souhait est que mes cendres soient répandues dans le Quartier Latin, au coin du boulevard saint Michel et de la rue Cujas.

dimanche 30 octobre 2022

Deux Mondrian pour le prix d’un. – Chronique du 31 octobre

Bonjour-bonjour

 

On ne le découvre qu’aujourd’hui : depuis 77 ans au musée Kunstsammlung de Düsseldorf un tableau de Mondrian, intitulé « New-York city 1 » (1941), est accroché… à l’envers. (Voyez ici)

Voyez plutôt :  

Le voici tel qu’on peut le voir actuellement

 

 

 

- Et ici : tel que conçu par, le peintre

 


Alors, bien sûr, il faut noter que Mondrian n’a pas eu connaissance de l’erreur,  puisque le tableau ne fut accroché ainsi qu'après sa mort.

Mais surtout ce qui nous interroge, c'est cette question : quelle différence pourrait-on observer après retournement ?

De toute façon le conservateur du musée n’est pas trop pressé de retourner le tableau : il est vrai que, fait de rubans adhésifs, il est devenu avec le temps trop fragile pour être manipulé sans restauration préalable.

- Oui, quelle différence cela fait pour le spectateur ? Les œuvres de Mondrian ne sollicitent pas tellement les émotions, sauf à admettre que la perception de l’espace du tableau se trouve modifiée du fait de l’erreur d’accrochage.

Essayons quand même : je note qu’il y a une seule bande – bleue en l’occurrence – qui jouxte le rebord de la toile. Dans la version exposée elle est en haut du tableau : on peut la prendre pour une représentation du ciel ; par contre dans la version originale on aurait plutôt une évocation du sol, d’une terre qui serait bleue.

Qui dira… De toute façon, une œuvre d’art est unique, de sorte que la moindre modification dans sa réalité matérielle en fait une autre œuvre.

Le conservateur de Düsseldorf doit se frotter les mains : il a deux Mondrian pour le prix d’un.

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NB - On nous explique également que la toile n'est pas signée parce que Mondrian la considérait inachevée. Alors il y a encore une incertitude : peut-être que Mondrian lui-même aurait décidé de la retourner.

samedi 29 octobre 2022

Pour ou contre le « time out » ? – Chronique du 30 octobre

 

Bonjour-bonjour

 

A midi, Kevin s’est montré odieux. Il a bousculé sa petite sœur en s’installant, il a parlé trop fort et – surtout – il a refusé de manger les carottes râpées réclamant à cor et à cri le dessert en remplacement. Les parents après avoir doucement rappelé à l’ordre leur jeune fils (il n’a que 5 ans) ont finalement dit : « Je crois Kévin que tu as envie de retourner dans ta chambre et d’attendre qu’on vienne te chercher. Alors vas-y tout de suite » »

 

- Ça, c’est le time out pendant lequel l’enfant doit comprendre qu’il n’est pas le maitre de la maison et que l’autorité des parents surmonte ses désirs. Or, en ce mois d'octobre, une représentante du Conseil de l'Europe a exprimé l'hypothèse de déconseiller à l'avenir le « time-out » pour nos enfants. 

- Comme bien sûr aucune autre forme de pression sur l’enfant n’est tolérée, les parents sont sans aucun moyen d’affirmer leur autorité auprès de leurs enfants, le débat n’est plus alors que de savoir si l’autorité des parents est bonne ou mauvaise pour les enfants ; autrement dit si « bienveillance et fermeté » est meilleure que « bienveillance sans fermeté » (thèse de la représentante du conseil de l’Europe évoquée).

 

Vous trouverez ici une Tribune réunissant des psychologues spécialisées dans l’enfance. Mais nous, les parents, nous le savons bien : renoncer à la fermeté n’est pas une option ; seules ses limites sont en cause, et on doit admettre que c’est le gros problème. Car, faire plier un enfant en le menaçant de le priver temporairement bien sûr de ses jouets – ou de ses écrans – c’est parfois indispensable. Mais que faire quand la situation s’envenime et que la résistance est devenue trop forte pour être rompue sans une crise profonde et sans rapport avec la situation initiale ? Il faut alors reculer… à moins de faire appel à un médiateur qui peut adoucir la peine sans obliger les parents à perdre la face.

« Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,

Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,

J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture,

Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture »

(Victor Hugo – Jeanne était au pain sec...)

Le grand-père est alors bien utile…

vendredi 28 octobre 2022

Avez-vous une bassine ? – Chronique du 29 octobre

 


Collectif "Bassines non merci" 


Bonjour-bonjour

 

« On les appelle « réserves », « bassines » ou « super-bassines », ces retenues d’eau qui permettent d’arroser les cultures pendant les périodes sans pluie cristallisent l’attention. »

En lisant cela, je sursaute : après tout quoi de plus normal que de stocker l’eau de pluie en hiver pour arroser en été ?

Renseignements pris (lire ici), le débat oppose ceux qui estiment que l’eau dérivée vers ces bassines serait de toute façon perdue pour la région, et ceux qui pensent qu’elle servirait au contraire à alimenter sur place les napes phréatiques. 

 

Conflit entre accapareurs et usagers ordinaires : on se croirait transportés au bord du Jourdain entre Israël et Jordanie. En sommes-nous là ?

Mais le grief des anti-bassines se révèle plus circonstancié : « Créer des réserves d’eau de plusieurs centaines de milliers de mètres cubes n’incite pas les agriculteurs à revoir les modèles de production gourmands en eau. » (Art. Cité)

- Nous voici avec un autre débat : faut-il – ou pas – changer de modèle de vie quand bien même on découvrirait le moyen de continuer comme avant sans ne plus rien perturber ? Par exemple dévorer les kilowatts avec de l’électricité obtenue par fusion nucléaire, ou voler d’un bout à l’autre de la planète avec des avions à hydrogène ? Car la thèse est que, quoiqu’il en soit, il faut que nos agriculteurs soient « moins gourmands » et qu’ils irriguent en suivant les modèles des régions désertiques.

Le problème est posé. Je doute que nos connaissances soient aujourd’hui suffisantes pour trancher le débat. Quant à moi, je suis d’une génération qui a gaspillé sans compter et qui n’a qu’une idée : continuer comme ça… sous réserve que ça ne gêne pas la nature.

jeudi 27 octobre 2022

Qu’est-ce qu’un pauvre ? – Chronique du 28 octobre

Bonjour-bonjour

 

Vous voulez de l’actualité ? De la toute fraiche, à peine démoulée ? En voici : ça concerne le synode voulu par le Pape pour cette année : « Le texte qui sera la base du travail du synode … est paru ce jeudi 27 octobre. Il est composé des synthèses provenant des Églises des cinq continents. »

Je vous laisse découvrir en détail ce document qui devrait ouvrir les yeux de ceux qui pensent que l’Église est une structure et une idéologie archaïques et incapables de se réformer. Certes on peut encore douter que ce document de travail donne lieu à de véritables réformes ; mais déjà on y voit l’Église définir les sujets sur lesquels il y a pour elle problème.

- Ainsi la question de la pauvreté qu’il s’agit de redéfinir : « Par pauvres, le document entend non seulement les personnes démunies, mais aussi les personnes âgées isolées, les autochtones, les migrants, les enfants des rues, les alcooliques et les toxicomanes, les victimes de la traite des êtres humains, les survivants d'abus, les prisonniers, les groupes qui souffrent de discrimination et de violence en raison de leur race, de leur ethnie, de leur sexe ou de leur sexualité. » (1) 


On voit que la pauvreté habituellement conçue exclusivement à partir du manque de ressources économiques ou de moyens matériels pour mener une vie décente (Source CNRTL), est en réalité beaucoup plus large : tous ceux qui sont en souffrance sociale, qu’elle soit subie du fait de leur faiblesse ou par rejet de leur choix de vie.

- Fallait-il élargir à ce point cette notion de pauvreté au risque de lui faire perdre ses contours précis ? Sans doute : l’Église est née et s’est développée chez les esclaves romains, parmi les plus pauvres et les plus éprouvés des hommes : ici pas de critères, ni économique ni sociologiques – rien que le déni de l’humanité.


En ce sens le texte du synode n’a rien de révolutionnaire : il ne fait que nous rappeler que la pauvreté ne se soigne pas seulement avec des aumônes, mais aussi et surtout avec de la reconnaissance. Celle que chaque homme est mon semblable, que je ne peux haïr ou mépriser quiconque avec la tranquillité de conscience comme si je n’avais affaire qu’à un objet et non à un sujet.

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(1) C’est dans un organe d’information du Vatican qu’on peut lire ce texte, ainsi qu’une information très détaillée des objectifs de ce synode. (Lire ici)

mercredi 26 octobre 2022

Une peinture est une chose et non un signe – Chronique du 27 octobre

 Bonjour-bonjour

 

« Pierre Soulages est mort dans la nuit du 25 au 26 octobre, à l’âge de 102 ans. Tout au long de sa carrière, il a voulu montrer tout ce que la rencontre du noir et de la lumière peut engendrer, y compris aussi une forme de sublime. » C’est en ces termes que la presse a annoncé hier la mort de Pierre Soulages à 102 ans.


Si je reviens ce matin sur la mort de ce peintre, ce n’est pas pour son extraordinaire longévité, mais plutôt pour le caractère surprenant de son œuvre ; car selon ses déclarations, ses tableaux sont « des choses et non des signes ». Inutile de rechercher derrière eux une vision du monde ou le souvenir d’un paysage. Rien ne va au-delà de leur matérialité, et si la nature produisait des œuvres d’art, elles seraient comparables à ces tableaux.

- Autrement dit on ne peut pas plus les reproduire qu’on ne pourrait le faire pour une boite de petits pois si on devait se contenter d’une image. La raison est que c’est la lumière réfractée par la surface du tableau qui produit l’effet artistique, en fonction des coups de pinceaux, en réalité des spatules, des raclettes ou des couteaux, dont la toile va garder la trace. (Sur le travail de Soulages, voir ici)

 


Trois remarques :

1 – On dira que tous les tableaux sont des objets, de même que toutes les sculptures. Reproduire photographiquement la Joconde, c’est non pas en donner une image exacte, mais seulement un témoin pour notre mémoire, parce que la photo ne conservera pas les traces du travail du peintre (ici le sfumato). Reste que le rapport de l’œuvre à sa matérialité est la plupart du temps oubliée, en particulier par le public peu habitué au contact direct avec les œuvres.

2 – Un tableau peut être soit non-figuratif, soit figuratif. Dans ce cas il est un signe comme le dit Soulages dans son interview :  on peut alors oublier le tableau dès qu’on a compris et ressenti l’intention du peintre. Même exceptionnel, comme avec « Impression au soleil levant » de Claude Monet, un tableau est perçu comme étant d’abord ce qui nous « donne à voir » (par exemple ici un paysage sur un port)


 

Les tableaux de Pierre Soulages ne sont pas de cet ordre : ils sont eux-mêmes un élément de la réalité et ce qu’ils nous donnent à voir ne va pas au-delà d’eux-mêmes.

3 – Alors, bien sûr tous les tableaux des artistes peintres sont de cet ordre : leur matérialité fait partie intégrante de l’œuvre et on ne saurait l’oublier. Simplement ils conservent la plupart du temps une référence dans la réalité qui nous occulte leur réalité matérielle propre. L’usage du noir « mono-couleur » est là pour faciliter cette perception, mais selon Soulages il est aussi la couleur de la spiritualité.

mardi 25 octobre 2022

Se laver les orifices, pas plus – Chronique du 26 octobre

Bonjour-bonjour

 

S’il est une angoisse de pénurie bien présente aujourd’hui, c’est celle du manque d’eau. Il faut dire qu’il est devenu une réalité dans un certain nombre de villages et de villes du sud de la France. Certes, globalement la quantité d’eau sur terre reste la même ; en revanche sa répartition change : des inondations catastrophiques ici, la sécheresse là.

 

- Lisons la presse : « René Cornu, qui fait des relevés météos quotidiens depuis 1975 à Lupiac dans le Gers se pose des questions pour les jeunes : seront-ils obligés de revenir à ce qu’il a connu dans les années 50, quand il allait chercher l’eau à la source, à 500 m? »

Oui, en effet : à quoi risquons-nous de revenir ?

«L’eau qui coule à flots au robinet, c’est assez récent rappelle-t-il. Même en 1975, quand il n’y avait pas assez de pression au château d’eau, ça arrivait qu’on aille chercher l’eau à la source. Vous savez, quand j’étais jeune, si on se lavait tous les huit jours dans la petite bassine, c’était pas mal. C’était naturel pour nous d’économiser l’eau.» (Lire ici)

 

Alors, finie la douche dont nous avons le devoir de faire un usage quotidien ? Se laver tous les huit jours ? Même si entre temps on pourrait encore se laver « les orifices » comme disait ma grand-mère, ça change les habitudes. Ajoutez à cela qu’il faudrait pour cela recourir à une petite bassine, la tableau est complet. Nous voici revenu au 19ème siècle, quand dans les galetas urbains on lavait ses vêtements dans l’eau qui avait servi aux ablutions dans le « tub ».

 

On frémit : ainsi il ne suffirait pas d’économiser l’essence, l’électricité, les emballages, les vêtements, etc., etc. : il faudrait en plus renoncer à notre hygiène ? Les toilettes sèches qui étaient il y a quelques années une exception pour fanatiques de l’environnement, deviendraient un modèle à copier par tout le monde ?


Ah !... La douche du matin : quel bonheur quand on y pense ! Même revisionner le film d’Hitchcock ne m’en détourne pas.




lundi 24 octobre 2022

Éloge du bricolage – Chronique du 25 octobre

Bonjour-bonjour

 

En cette période de sobriété, de réduction de la consommation, on nous supplie de ne pas jeter, de recycler et, quand c’est possible, de réparer. Faire durer, voilà le maitre mot – et pour cela c’est vers le bricoleur qu’on se tourne.

 

- Il y a deux sortes de bricoleurs : celui qui fabrique et celui qui répare. Et deux types de moyens mobilisés : acheter chez Leroy-Merlin des outils spécialisés et super-performants ;

 


et avec des vieux clous et des bouts de ficelle reconstituer la pièce cassée et faire redémarrer la machine. Bien entendu, c’est ce personnage qui est valorisé en cette période anticonsumériste : Ne jetez plus ; réparez !

Mais qu’en pense le philosophe ?

 

- C’est chez Claude Lévi-Strauss qu’on trouve une philosophie du bricolage. A l’opposé de l’ingénieur qui œuvre dans un monde aux potentialités infinies, le bricoleur lévi-straussien « travaille dans un monde étroit, son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les « moyens du bord » (1). Rien ne se jette parce que « ça peut toujours servir » : nous sommes bien dans l'épargne préconisée de nos jours. Mais ne s’agit-il que de cela ?

 

- Si l’intelligence est bien la capacité à tirer des emplois nouveaux de matériaux anciens, de leur inventer des potentialités inimaginables - bref, de « tirer de l’organisé de l’inorganisé », comme dit Bergson, alors le bricolage est bien une activité intelligente par excellence – et donc, bricoler au sens indiqué ici va beaucoup plus loin qu’un plat souci de sobriété économique.


Face à un monde désormais clos, l’homme n’est plus seulement un ingénieur qui fait tout de neuf, mais il est celui qui tire de lui-même plutôt que de son environnement les ressources pour sa survie.

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(1) « De nos jours, le bricoleur reste celui qui œuvre de ses mains, en utilisant des moyens détournés par comparaison avec ceux de l’homme de l’art. /…/Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; mais, à la différence de l’ingénieur, il ne subordonne pas chacune d’elles à l’obtention de matières premières et d’outils conçus et procurés à la mesure de son projet: son univers instrumental est clos, et la règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les « moyens du bord », c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructions et de destructions antérieures. L’ensemble des moyens du bricoleur n’est donc pas définissable par un projet (ce qui supposerait d’ailleurs, comme chez l’ingénieur, l’existence d’autant d’ensembles instrumentaux que de genres de projets, au moins en théorie) ; il se définit seulement par son instrumentalité, autrement dit, et pour employer le langage même du bricoleur, parce que les éléments sont recueillis ou conservés en vertu du principe que « ça peut toujours servir ». /…/ Sans jamais remplir son projet, le bricoleur y met toujours quelque chose de soi. » Lévi-Strauss, La pensée sauvage

dimanche 23 octobre 2022

Mieux vaut l’erreur que l’ignorance - Chronique du 24 octobre

Bonjour-bonjour

 

Bérénice, interroge Titus : « Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, / Seigneur, que tant de mers me séparent de vous… » (1) Cette citation est connue encore aujourd’hui comme la parfaite illustration de l’ignorance de l’avenir : l’incertitude où Bérénice est plongée n’est-elle pas aussi celle où nous sommes de l’avenir de la guerre d’Ukraine ?

 

 

Ukraine aujourd’hui – Source : le Monde


- Oui, mais non : nous refusons l’ignorance, nous voulons à tout prix que l’avenir se déroule devant nous, comme une route qui file, toute droite vers l’horizon. La guerre que nous voyions hier gagnée par les ukrainiens – au point qu’on se demandait avec angoisse quel prix Poutine nous ferait payer sa défaite – présente aujourd’hui un avenir de chaos, où le peuple ukrainiens n’aurait à gagner que le titre de martyr.

Cela, nous aurions pu l’imaginer, les russes ayant logiquement attendu pour planifier leur attaque contre le réseau électrique que l’hiver s’installe et que le froid, le manque d’eau et l’obscurité détruise la volonté de résistance du peuple. Comment n’avons-nous pas vu que pour assiéger un pays entier, ce qui était impensable hier, il suffisait aujourd’hui de détruire les lignes électriques et les centres de distribution ? 

Mais alors, peut-être pouvons-nous imaginer que la capitulation des ukrainiens est assurée, et que l’avenir de nouveau se profile devant nous ? Ce n’est peut-être pas celui que nous espérions, mais enfin, c’est mieux que pas de prévision du tout. 

De fait nous n’en savons rien : outre la capitulation ukrainienne, toutes sortes d’issues restent possibles : des armes nouvelles pour protéger l’approvisionnement, des réparations plus rapides que prévues, une résistance héroïque assortie de succès sur le terrain conduisant à une reprise de négociation équilibrée…  

Mais rien n’y fait : notre cerveau déteste l’hésitation, l’opinion fluctuante : comme disait Pascal (2), nous préférons être dans l’erreur que dans l’ignorance

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(1) Racine – Bérénice, acte 4, scène 5

(2) « Lorsqu’on ne sait pas la vérité d’une chose, il est bon qu’il y ait une erreur commune qui fixe l’esprit des hommes, comme, par exemple, la lune, à qui on attribue le changement des saisons, le progrès des maladies, etc. ; car la maladie principale de l’homme est la curiosité inquiète des choses qu’il ne peut savoir ; et il ne lui est pas si mauvais d’être dans l’erreur que dans cette curiosité inutile. » Pascal – Pensées fragment 295

samedi 22 octobre 2022

Pascal Ory : un historien sous la coupole – Chronique du 23 octobre

Bonjour-bonjour

 

A quoi sert l’Académie française ? A distribuer des brevets d’immortalité ? A refléter la diversité des cultures – ou au contraire à sauver l’identité française ? A pérenniser une renommée médiatique ?

Avec l’élection de l’historien Pascal Ory, l’Académie peut s’enorgueillir d’être une Société savante – et ce n’est déjà pas si mal.

 


Pascal Ory et son épouse lors de sa réception sous la coupole

 

Qui est Pascal Ory ?

Suivant un récent article, Pascal Ory a des idées très appuyées sur l’histoire : pour lui, « l'Histoire est une science expérimentale ; en Histoire il n'y a pas de causes, rien que des effets ; à des questions politiques on ne peut donner que des réponses politiques ; la souveraineté populaire n'est qu'un postulat ; dans la définition stricte de la démocratie, il n'y a pas de place pour la liberté. » (Lire ici)

Voilà un répertoire de thèses iconoclastes : 

            - certaines sont difficilement soutenables : on souligne usuellement que l’histoire ne peut surtout pas être une science expérimentale puis que les évènements historiques ne sont pas reproductibles. 

            - Pour d’autres, par contre, on peut y réfléchir : lorsqu’il affirme que la souveraineté populaire n’est qu’un postulat, ou que la liberté n’a pas sa place en démocratie, on se dit qu’il doit y avoir derrière ça toute une série d’études circonstanciées. Cette dénonciation de l’utopie démocratique provient semble-t-il de thèses anarchistes, et on peut se dire qu’un historien de la trempe de Pascal Ory doit les connaitre comme sa poche. 

- Par exemple, l’épisode des Gilets-jaunes a fort bien documenté l’idée que la souveraineté populaire ne correspond pas au régime politique qui est le nôtre ; « Nous sommes le peuple, notre volonté doit faire la loi » : voilà effectivement ce que disait déjà Rousseau : la démocratie sera directe ou ne sera pas. Or en démocratie aussi il y a un pouvoir : s’il n’est pas populaire, d’où tire-t-il sa légitimité ? Et s’il est oligarchique quelle liberté nous laissera-t-il ?

 

Alors certes, Pascal Ory ne nous laisse pas croire que l’histoire nous donne des leçons pour le présent. Mais nous pouvons quand même faire des comparaisons éclairantes avec celui-ci. Et l’historien est là pour nous y aider. 

vendredi 21 octobre 2022

Aurons-nous un Champollion du numérique ? – Chronique du 22 octobre

Bonjour-bonjour

 

Beaucoup d’entre nous sont à l’affût des découvertes qui viendraient éclairer des secrets perdus depuis la nuit des temps. Et pourtant l’espoir subsiste : on vient, par exemple, de déchiffrer grâce à des techniques nouvelles un texte qu'on croyait perdu depuis plus de 2200 ans. (Lire ici

On pense alors à des ouvrages perdus depuis l’antiquité, qu’on a redécouverts dans les rouleaux calcinés de la Bibliothèque de la Villa des Papyrus d’Herculanum. Ces textes sont là sous nos yeux mais on ne peut les lire - un peu comme des livres qu’on ne saurait ouvrir

 

 

Rouleaux de papyrus trouvés à la Villa des papyrus d’Herculanum

 

- Or certains de ces rouleaux qu'on croyait définitivement illisibles, sont en réalité encore assez bien conservés pour qu'on puisse espérer les lire  grâce à ces techniques nouvelles. On cite en particulier « De la nature » d’Épicure qui ne comporte pas moins de 37 volumes… Et du coup, on se prend à rêver : et si on retrouvait les ruines de la bibliothèque d’Alexandrie, que ne ferait-on pas avec ses cendres ? 


... Mais le rêve devient cauchemar : devant ces rouleaux contenant des œuvres majeures de notre civilisation, qu’on ne peut ni dérouler ni lire, on se demande ce que valent nos espaces de stockages de données, ces « clouds » qui remplacent nos antiques bibliothèques.

--> Qu’en sera-t-il lorsqu’un cataclysme aura balayé toutes nos technologies et que tous nos disques durs ne seront plus que des boites hermétiques dont le contenu nous sera devenu inaccessible ? Oui, alors que la dématérialisation de notre civilisation se poursuit à vitesse accélérée, il serait temps de s’assurer de la pérennité de ces modes de stockage. Quand on pense à la fragilité du papyrus dont pourtant des fragments bien lisibles subsistent encore aujourd’hui, on se demande si nos disques durs auraient la moindre chance de résister durant plusieurs millénaires aux bouleversement de l’histoire.

Oui, il est là le cauchemar : voilà l’œuvre entière de Platon, d’Aristote et d’Épicure, stockées dans un disque dur, alors qu’on ne dispose définitivement plus d’ordinateurs pour les lire.


Aurons-nous les Champollions capables de déchiffrer le langage des ordinateurs quand même le souvenir de leur existence aura été perdu ?

jeudi 20 octobre 2022

De l’échec en politique – Chronique du 21 octobre

Bonjour-bonjour

 

Liz Truss a démissionné après une quarantaine de jours de fonction pour avoir affolé les marchés financiers avec un programme économique impliquant des milliards de livres d’allègements fiscaux aux entreprises assorties de mesures de soutien aux ménages non financées.

Son départ a été imposé par le parti conservateur qui avait pourtant validé sa candidature quelques semaines plus tôt - alors même qu’elle annonçait déjà un programme ultra-libéral : « Je suis la nouvelle Dame de fer » disait-elle alors faisant allusion au programme de Margaret Thatcher à la fin des années 70.

 

On a beau jeu d’accabler Liz Truss : sa situation a été intenable dans la tourmente de l’inflation et de l’envolée des prix de l’énergie. Mais en même temps, elle a été élue après une primaire qui lui a permis de détailler ses résolutions : si elles avaient été jugées mortifères par son parti, on l’aurait écartée. Or ce n’a pas été les cas, et elle a loyalement appliqué ses engagements de réduire les impôts, y ajoutant simplement en raison des menaces de troubles dans la rue, des mesures d’aides aux britanniques asphyxiés par l’augmentation du coût de l’énergie.

On le voit : Liz Truss a été soutenue par une majorité de membres du parti conservateur et d’une certaine façon ce qu’elle avait décidé n’était que l’expression de leur volonté : l’échec de Liz Truss est donc en même temps celui de son parti.

Dès lors, pourquoi se « contenter » de la renvoyer alors qu’il faudrait sûrement dissoudre les Communes et provoquer des élections générales ? On devine que les députés élus craignent de perdre leur siège et qu’ils préfèrent tenter un sauvetage par le choix d’un nouveau chef que leur constitution leur autorise. Ce qui serait donc bon pour les élus ne le serait pas pour le pays ?

 

L’échec politique ne serait donc pas seulement celui d’une idéologie (ici : libérale), mais il faudrait lui ajouter une composante morale : celle de l’égoïsme individualiste ?

mercredi 19 octobre 2022

Détresse émotionnelle – Chronique du 20 octobre

Bonjour-bonjour

 

Voici un fait divers que ma radio m’a fait déguster ce matin en même temps que mon petit déjeuner : au Japon une femme porte plainte contre son donneur de sperme accusé de lui avoir menti sur son CV et avoir occasionné chez elle une « détresse émotionnelle ».

 

Précision : au Japon la demande de don de sperme venue de femmes désireuses d’avoir par ce procédé un enfant est importante et les organismes accrédités pour contrôler ces dons peu nombreux. Se développe ainsi sur Internet des offres venant d’hommes qui proposent leur aide. C’est ce dont cette jeune femme (dont le mari était stérile) fit usage, sélectionnant la proposition d’un futur donneur en fonction de l’excellence de son niveau d’études – il se prétendait en effet diplômé d’une excellente Université, celle-là même d’où venait son mari (stérile rappelons-le).

- La dame et le monsieur font accord ; ils se rencontrent plusieurs fois pour des rapports sexuels en période d’ovulation (oui : c’est le procédé choisi en l’occurrence pour cette insémination). La dame « tombe enceinte », elle accouche d’un joli bébé – Bref, tout va bien ?

- Hé bien non, tout ne va pas bien, parce que la jeune maman découvre par la suite que son donneur lui a menti : il est d’origine chinoise, ce qu’il avait lui caché ; son statut social est moins prestigieux qu’annoncé, et surtout, quoiqu’ayant fait ses études au Japon, il sort d’un Université bien moins cotée. 

La maman trompée trouve inacceptable cette tromperie au CV : elle abandonne le bébé à l’assistance publique et elle porte plainte contre le donneur pour « détresse émotionnelle ».

 

Un fait divers ? Oui, bien sûr mais pas seulement. Car on s’attend à ce que, pour un japonais, l’ascendance chinoise de l’enfant ait été rédhibitoire. Or on nous apprend que c’est essentiellement le niveau d’études très moyen du donneur qui est déterminant.

- Ici, ce qu’on nous dit, c’est qu’au Japon la réussite des études est l’objectif le plus important dans la vie de l’enfant : c’est elle qui détermine toute l’existence ; on connait d’ailleurs la pression exorbitante exercée par les parents sur les enfants tout au long de leurs études.

Ajoutons qu'à cela s’ajoute une croyance totale dans l’hérédité des capacités cognitives : il s’agit pour mettre toutes les chances de son côté d’avoir des géniteurs particulièrement doués dans le domaine intellectuel.

Croyance naïve ? Oui, sans doute mais pas si rare que cela : qu’on se rappelle l’épisode des "bébés Nobels". Cet étrange épisode à eu lieu il y a plus de 30 ans mais il reste quand même en mémoire.  Lisez plutôt : "il y a plus de 30 ans, un millionnaire américain, Robert Graham, créait une banque de sperme destinée aux... Prix Nobel." (La suite ici)


mardi 18 octobre 2022

De nouvelles saint Barthélémy nous attendent – Chronique du 19 octobre

Bonjour-bonjour

 

Le meurtre de la petite Lola (12 ans), commis avec une barbarie qu’on ne peut décrire sans vaciller, secoue les consciences. Nul ne peut ressentir cette douleur sans chercher les solutions qui devraient empêcher que de tels évènements se reproduisent.

Compte tenu de l’identité de la présumée coupable, c’est vers les mesures d’éloignements des étrangers indésirables que se tournent des personnes indignées : « le chemin de la petite Lola n’aurait jamais dû croiser celui de cette criminelle… » :  à savoir une immigrée clandestine.

 

- De là à considérer que nous devrions interdire le territoire à tous ces étrangers venus de pays du sud il n’y a qu’un pas qui est franchi par les partis de droite et d’extrême droite.

Leur propos, qui est d’abord politique, consiste à souligner que cette personne soumise à un « Ordre de Quitter le Territoire Français » (OQTF), n’a pourtant pas été contrainte par la force publique à s’exécuter. Les partis en question ont alors beau jeu de dire « Comment prétendez-vous contrôler l’immigration alors que vous ne parvenez même pas à chasser les étrangers dont la loi décide qu’ils ne doivent plus rester en France ? Tous les candidats à l’immigrations comprennent bien qu’il suffit de prendre pied sur le territoire français pour être assuré d’y rester. »

 

- Ça, c’est le message politique. Mais il y en a un autre beaucoup plus primaire et autrement délétère qui utilise l’horreur de ce crime et l’immense émotion qu’il suscite pour valider un appel à la vengeance et au meurtre : « Tous ces immigrés ne sont-ils pas potentiellement des criminels, prêts à martyriser vos petits enfants ? »

De nouvelles saint Barthélémy nous attendent.

lundi 17 octobre 2022

L’histoire ne passe pas – Chronique du 18 octobre

Bonjour-bonjour

 

Les historiens l’observent parfois : il arrive que l’actualité reproduise de façon troublante des évènements du passé, au point qu’on se demande s’il ne s’agirait pas d’une constante des sociétés humaines qui échapperait au devenir historique. Ainsi des émeutes de la famine qu’on pourrait comparer aux troubles occasionnés aujourd’hui par l’augmentation du prix de l’énergie (gaz-électricité-carburants).

L’exemple le plus évident est celui de ces émeutes qui secouèrent la France en 1775 connues sous le nom de la guerre des farines

 


La "Guerre des farines" à Paris  en 1775 

 

« La guerre des farines désigne une vague d'émeutes survenues d'avril à mai 1775 dans les parties nord, est et ouest du royaume de France. Elle fait suite à une hausse des prix des céréales et consécutivement du pain, supposément du fait de la suppression de la police /des prix/ des grains royale, et des mauvaises récoltes des étés 1773 et 1774. » (Lire la suite ici)

 

Les points de ressemblance entre les émeutes de 1775 et les troubles en cours actuellement sont nombreux :

            * Bien qu’aujourd’hui il ne s’agisse plus de nourriture mais de source d’énergie, on voit bien que ce sont les conditions de l’existence même des gens qui sont en cause. A la question « Comment vivre sans manger ? » succède « Comment vivre sans pouvoir aller travailler, sans se chauffer en hiver, sans cuisiner son repas ? ». Le gaz a remplacé le froment, mais l’émotion est la même

            * Et les moyens de la lutte sont également semblables. En 1775 le peuple attaque les spéculateurs pour les contraindre à vendre la farine à un « juste prix » quitte à les piller le cas échéant (cf. l’image ci-dessus et l’art. cité). 

- Faut-il rappeler la revendication la taxation des superprofits de TotalEnergie ? 

            * La sortie de crise est certes encore indécise aujourd’hui. En 1775 après la répression (1) le Roi fit établir et respecter un encadrement des prix qui ramenèrent le calme. 

               * Enfin en 1775 comme aujourd'hui les émeutiers interpellent l'autorité publique, et lui demandent de rétablir le prix juste. En l'absence de réponse, se met en place une pratique de règles d'un ordre intérieur : le pouvoir de régulation.


--> La comparaison entre ces évènements est troublante, d'autant qu'elle inviterait à lire notre avenir à l'aune de la révolution qui suivit ces faits de quelques années .

Peut-être est-ce aller trop loin ? En tous cas, la guerre des farines a laissé des traces : non seulement elle a révélé la faiblesse d'un régime que la révolution allait emporter, mais surtout elle montra les ravages que le libéralisme économique provoquait déjà à sa naissance.

Et c’est sans doute cela qui ne passe pas dans l’histoire contemporaine.

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(1) On ne pendit pourtant que deux émeutiers.


dimanche 16 octobre 2022

La plus belle fille du monde… – Chronique du 17 octobre

Bonjour-bonjour

 

La marche contre la vie chère, hier entre la place de la Nation et la Bastille, est symptomatique d’une confusion qui s’est installée depuis assez longtemps entre les faits économiques et les faits politiques. J’appelle « faits politiques » ceux qui relèvent de la volonté du pouvoir légitime ; et « faits économiques » ceux qui dans ce domaine ne relèvent pas de la puissance légitime.

Ainsi la vie chère (telle que nous la connaissons aujourd'hui du moins) ne découle pas de décisions politiques. On rappelle que les grecs, du temps de la crise de la dette, avaient voté par référendum contre le plan de désendettement ; à la suite du quel celui-ci fut néanmoins accepté et validé par le Parlement (1). Les grecs avaient voté contre le pauvreté ; les décisions économiques découlaient de la volonté des créanciers.

 

Néanmoins : la situation française est-elle à ce point contrainte que nos hommes politiques politiques en soient à regarder les évènements se dérouler sans rien y pouvoir ? Non, bien sûr. Mais le gouvernement avec ses boucliers et ses remises sur les carburants fait-il autre chose que masquer la réalité - ce qui signifie qu’il ne peut rien contre l’inflation qui se développe actuellement dans le monde entier ?

Les faits, c’est que l’augmentation des prix entraine inéluctablement celle des salaires qui, à leur tour, produisent un renchérissement des marchandises donc des prix. Pas plus qu’on ne peut faire des lois contre le vieillissement et la mort, il ne sert à rien de manifester contre la vie chère.

Faut-il se contenter de cette explication et dire que, comme la plus belle fille du monde, le gouvernement ne peut donner que ce qu’il a – et un bouclier contre le développement de l’inflation, il n’a pas ?

- Le retour au politique est-il impossible ? Si l’on admet que les inégalités restent actives dans une telle circonstance, et que la privation imposée aux plus pauvres les condamne à la mort, alors que celle qui est imposée aux plus riches ne fait – au pire – que les incommoder, alors on voit que le pouvoir politique peut encore agir : non pas pour supprimer l’inflation mais pour en moduler les effets. D’où l’idée d’une taxe sur les (super)profits.

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(1) Le gouvernement d’Aléxis Tsípras organise un référendum le 5 juillet 2015 sur l’acceptation ou non du plan proposé par les créanciers, qui se conclut par un « non ». Néanmoins, un plan semblable est accepté dans les jours qui suivent après d’âpres négociations, puis approuvé par le Parlement grec. (Art. Wiki référencé)

samedi 15 octobre 2022

La citrouille et le 49.3 – Chronique du 16octobre

Bonjour-bonjour

 

La durée de vie de Liz Truss sera-t-elle supérieure à celle … d’une laitue ? (Entendez la laitue « iceberg » telle que vue sur l’image)

 


Expliquons – On peut lire ici : « Sur la chaîne Youtube du tabloid « The Daily Star », les paris sont ouverts pour savoir si Liz Truss survivra à son poste de Première ministre plus longtemps qu’une laitue ne met de temps à se décomposer. »

L’hebdomadaire a en effet calculé qu’entre son arrivée au pouvoir le 6 septembre et l’annonce le 23 de son « mini-budget » qui a déclenché l’affolement, si l’on déduit les 10 jours de deuil après le décès de la reine, « elle a gardé le contrôle pendant sept jours. C’est à peu près la durée de conservation d’une laitue ». 


On protestera peut-être en disant que la Première Britannique est toujours en poste – le mal est fait comme en témoigne cette chronique de The Economist : « Quelle que soit la longévité de Liz Truss à son poste, on se souviendra d’elle comme de la Première ministre dont l’emprise sur le pouvoir a été la plus courte de l’histoire politique britannique » 

 

De quoi donner des idées chez nous à propos de la durée du quinquennat d’Emmanuel Macron. En effet, le Président doit trouver rapidement une majorité à l’Assemblée nationale, faute de quoi il serait condamné, comme Liz Truss  - et comme François Mitterrand en 1986 ou Jacques Chirac en 1997 – à perdre le contrôle du pouvoir.

 

--> Un débat houleux sur la loi de finance, un 49.3 hasardeux, un gouvernement renversé, une Chambre dissoute et c’est le risque d’une élection perdue au profit d’une opposition lambda. Et voilà que pour le Président Macron, le char de l’État devient citrouille… 

Et tout ça dans quelque mois : à peine la durée de maturation de la citrouille justement.