mercredi 30 septembre 2020

« C'était le bordel absolu » – Chronique du 1er octobre

Bonjour-bonjour

 

Que s’est-il donc passé l’autre soir lors du premier débat des présidentielles américaines ? Il n’est pas utile d’énumérer une fois de plus les quolibets, injures, interruptions de l’adversaires. C’est plutôt l’absence définitive de débat qui a choqué les américains : « Je peux le dire : c'était le bordel absolu» a déclaré Dana Bash, correspondante politique pour CNN. (Lu ici)

Ce débat aurait dû avoir pour enjeu la mise en évidence du bilan du mandat précédent, ou la description du programme du suivant. En réalité, chacun avait non pas un interlocuteur, mais une cible ; non pas des arguments mais des insultes ; non pas le souci d’interpeller l’autre, mais la volonté de le faire taire définitivement. Pugilat, disent les journalistes ; logomachie diraient les spécialistes – bordel disent les salles de rédactions.

 

Et il ne pouvait en être autrement, parce qu’on refusait de faire référence à une réalité commune, qui aurait été la réalité, ou du moins une appréciation vérifiable sur laquelle on pourrait discuter. La discussion n’a pu naitre entre les deux hommes, parce qu’aucun des deux n’est parvenu à trouver un ancrage dans une objectivité quelconque, Trump annonçant effrontément des contre-vérités et Biden faisant de même peut-être pour se défendre. Mais de toute façon, pour débattre il faut être deux, et de toute évidence quand il n’y en a qu’un, alors il n’y a pas du tout de débat. Dans un duel, on cherche à détruire l’autre parce qu’aucun accord n’est pensable ; ici, de la même façon il était impossible de rencontrer l’autre sur un terrain commun, faute d’être d’accord sur son existence. 

On dira peut-être que ce qui opposait ces deux hommes, c’était un système de valeurs différent, et que l’un défend l’intérêt des nantis alors que l’autres est à la recherche d’une adhésion populaire capable de faire exister un peuple… En réunissant ces deux entités, on constate que la société américaine est constituée de deux groupes qui ne vivent pas dans le même monde. Deux mondes différents, mais avec un seul système de lois, des héros identiques, un rêve unique ? Ou bien deux mondes différents, mais sans communication, sans territoire commun, entre lesquels il ne peut y avoir que des rapports de force ?

Encore une fois, le débat de l’autre jour avait pour intérêt de révéler ce qu’on hésitait à admettre : il y a deux Amériques, et chacune refuse l’existence de l’autre.

mardi 29 septembre 2020

Des cagnottes pour remplacer l’impôt ? – Chronique du 30 septembre

Bonjour-bonjour

 

Je suis d’une nature butée : quand je ne comprends pas quelque chose, je bloque : impossible pour moi de cesser de poser la question restée sans réponse. Ainsi des milliards promis et engagés par le gouvernement pour ses différents plans de financement, de relance, de secours, d’accompagnement etc… Et tout ça bien sûr sans augmentation des impôts. Alors moi, je m’obstine : - D’où vient l’argent ? Et par conséquent : - Qui va payer ?

1 – Moi, je croyais naïvement que notre dette allait être effacée par la BCE qui, par le biais d’un tour de passe-passe, en supprimerait la plus grande partie en faisant fonctionner la planche à billet : de l’argent « magique » comme disent certains. Les mieux informés en doutent.

2 – On peut aussi supposer qu’une partie de l’argent dépensé par les plans français va venir des sommes obtenues auprès de l’Europe dans le cadre du plan de relance des économie européennes et financé par l’emprunt (c’est là sa principale nouveauté puisque les pays riches vont s’endetter pour financer les pays pauvres) à un taux extrêmement bas. 

3 – Reste que même à taux zéro, ce sont les citoyens européens – donc vous et moi – qui vont mettre la main à la poche. Idem pour les emprunts alimentant la dette souveraine de la France : comment faire pour la rembourser sans augmenter l’impôt, sans inventer une « taxe covid » – une CRTC comme on a la CRDS ?

4 – Mais attention : ce n’est pas tout. S’il n’y a pas d’augmentation de l’impôt ça ne voudra pas dire qu’on ne va pas payer plus. C’est même ce que chacun devrait souhaiter, puisque dans la longue période prévue pour le remboursement les contribuables devraient voir leurs ressources augmenter et donc alimenter plus abondamment l’impôt ; sans devenir plus grande, l’assiette fiscale devrait être mieux remplie. Ça, c’est vertueux !

 

- Bref : l’argent vient de l’État, et comme l’État c’est nous, il faut s’attendre à banquer.

Du coup, puisque c’est inéluctable, pourquoi ne pas créer des cagnottes comme on en voit fleurir un peu partout sur Internet ? Parce qu’alors on payera, oui, mais seulement pour les gens ou les organismes qui nous paraissent d’intérêt public essentiel

    - comme les spectacles vivants, mais en excluant  les corridas. 

    - Des sous pour acheter des tenues neuves pour la police, mais en excluant les flashballs et les grenades de désencerclement. 

    Un versement en faveur de la Société protectrice des animaux et pas un radis pour les chasseurs !

Tant qu’à faire de se laisser plumer, autant choisir le plumeur !

lundi 28 septembre 2020

Avons-nous besoin de la 5G ? – Chronique du 29 septembre

 

 Bonjour-bonjour

 

Les écologistes proposent d’ouvrir le débat sur l’opportunité de l’équipement 5G. Ils nous demandent d’examiner nos besoins pour dire si nous avons réellement besoin de ce nouvel équipement, ce qui parait être une exigence raisonnable : comme le disait Michelet, « l'industrie est la conquête de la nature physique pour la satisfaction des besoins de l'homme » ; autrement dit, d’abord le besoin et ensuite le développement de techniques nouvelles sensées y répondre. 

Sauf que les tenants de ce futur développement affirment tout le contraire : le besoin succède aux développements de nouvelles techniques : il nait donc du progrès technique. Par exemple, lorsqu’on dit aux enfants que lorsque nous étions petits nous ne possédions ni de smartphones, ni de jouets électroniques, ni même de télévision (je parle pour moi), nous voyons la stupéfaction se peindre sur leurs visages. Et on pourrait faire la même observation avec tous les besoins fondamentaux, manger, se vêtir se protéger du froid et de la pluie…

 

--> En résumé : nos besoins sont-ils un absolu permettant d’évaluer les progrès qu’on nous propose, ou bien sont-ils relatifs à l’histoire ?

On observe alors qu’il faudrait peut-être différencier entre les « besoins » au sens de nécessité et les « besoins » au sens de moyens de satisfaire à leurs exigences : posséder les moyens dont nous avons besoin pour… satisfaire nos besoins. Pourquoi pas ? Sauf que comme on va le voir, ça ne résout pas le problème.

Les écologistes, adeptes de la première hypothèse ont pour eux les travaux du psychologue Maslow, résumés dans sa célèbre « Pyramide ». 

 


 

Maslow classe selon leur degré d’exigence les besoins fondamentaux comme les besoins physiologiques, besoin de sécurité, d’appartenance, d’estime, d’accomplissement (image ci-dessus et ici). Toutefois, si Maslow énumère ces nécessités que subissent tous les hommes du fait de leur nature physiologique et sociale (besoin au premier sens), il ne dit rien des procédés par lesquels ils satisfont ces exigences (besoin au second sens). 

Les écologistes font comme si l’histoire ne concernait pas les procédés de satisfaction des besoins (la culture amish). Ce qui se vérifie dans le fait que « rien dans l’offre des techniques 5G ne réalise un progrès décisif selon ces besoins considérés. Il s’agit donc de fausses satisfactions, illusoires qui vont altérer notre environnement sans nous apporter d’amélioration véritable. » Mais, si on devait aujourd’hui aller chasser l’auroch quand on a faim, et se couvrir de la peau de l’ours quand on a froid, on préfèrerait quand même aller chez Auchan pour le beefsteak et chez Zara pour le petit blouson douillet.


On objectera qu’aujourd’hui la 5G ne nous promets que des frivolités pour « marquer notre appartenance à un groupe, ou pour y être admiré », niveaux 3 et 4 de la pyramide. Et puis, quant au développement personnel (niveau 5) il y a des coaches pour cela : pas besoin d’antennes dévoreuses d’énergie. 

Coaches contre entrepreneurs d’antennes : lobby contre lobby ?

dimanche 27 septembre 2020

On évite les becs mouillés – Chronique du 28 septembre

Bonjour-bonjour

 

On n’en finit pas de dénombrer les découvertes que nous faisons sur nous-mêmes suite à cette pandémie et aux confinements, barrières, distanciations etc. qu’elle nous impose.

Je voudrais insister aujourd’hui sur cette carence dans les contacts physiques avec les autres : toutes ces poignées de mains, ces bisous, ces accolades auxquels nous avons dû renoncer. Même les frôlements, les mains amicales sur les épaules, les tapes dans le dos, ont dû disparaitre au profit de gestes qui ont été repêchés de traditions exotiques, mains jointes, sur le cœur, lèvres qui esquissent des baisers dans le vide ou déposés sur la main qu’un souffle chasse dans l’air – mais peut-être est-ce déjà trop ? (1)

 

Nous sommes des primates et il semble que dans cet ordre, les animaux ont besoins de contacts physiques. Les singes en particulier, dotés comme nous de mains préhensiles utilisent un temps considérable à s’épouiller les uns les autres, donc à toucher la fourrure de leurs congénères, et ceci entre adultes, donc en dehors de la période où le petit reste accroché à sa mère. Aujourd’hui, la distanciation sociale qui nous est imposée nous montre combien ces contacts sont enracinés dans notre comportement instinctif. D’ailleurs, lors des fêtes de familles, le ministère de la santé nous invite, images à l’appui, à renoncer à embrasser nos aïeux ravis – mais bientôt terrassés.

 


 
Brrr… Mais du coup, nous en venons aussi, après bientôt 8 mois de limitation à réévaluer les bienfaits du numérique que nous avions cru déceler dans les premiers temps. Car les bisous, les embrassades, les « je te serre tendrement contre mon cœur » etc. qui ponctuent nos mails sont incapables de remplacer nos effusions réelles et ne peuvent ni ne pourront jamais nous donner ce dont nous avons besoin ; et cela tous ceux qui ont télé-travaillé le diront : la promiscuité près de la machine à café est irremplaçable. 

Le jour où nous ne rencontrerons nos semblables que par écrans interposés, ou bien il nous faudra prendre beaucoup de Prozac, ou bien il faudra une mutation de l’espèce.

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(1) Je ne résiste pas au plaisir de citer cet extrait de conseils pratiques destinés à rendre inoffensives les fêtes de familles.

« On évite les becs mouillés

Privilégiez les bises « joue contre joue » et gardez vos précieuses lèvres pour votre amoureux (s'il n'est pas malade, bien sûr). Lorsque la tournée des bons vœux est terminée, n'oubliez pas de vous laver les mains ! … » Lire le reste ici

samedi 26 septembre 2020

Payer avant pour payer moins

Covid-19 : un confinement en décembre pour "sauver Noël", proposent deux Nobel d’économie, Esther Duflo et Abhijit Banerjee

 

Se confiner en décembre pour « sauver Noël » ? Peut-être que les prix Nobels d’économie ne sont pas au courant, mais Noël : c’est en décembre…

Bien sûr les économistes tiennent compte de ce fait, puisqu’ils limitent le confinement aux 20 premiers jours du mois, en gros pendant l’Avent. Comme cela, les gens qui, autrement, auraient été contaminés arriveraient au réveillon sains et ils pourraient embrasser mamie et Papy sans leur coller de maladie. Pas bête… 

Mais justement, ne pourrait-on généraliser en détaillant en périodes plus confortables les inévitables moments où on est bien obligés de se soumettre à des contraintes ? Tenez, par exemple :

Pendant les mois de Juillet et d’aout, qui donc peut prendre les permanences du week-end ? 

On accorderait aux volontaires une semaine de congés supplémentaires entre Noël et le jour de l’an

Bof… Ça fait longtemps qu’on a pensé à ça. Vous n’auriez pas un autre exemple ?

« - Prévenu, levez-vous pour écouter la sentence des Juges.

- Monsieur Paulo, le tribunal vous a jugé coupable de proxénétisme, et vous condamne à un an de prison. Toutefois, conformément aux nouvelles directives, le JAP (= juge d’application des peines) peut vous proposer de découper votre emprisonnement en périodes allant de plusieurs mois à une semaine, vous laissant ainsi la possibilité de poursuivre vos activités tout en purgeant votre peine de prison. 

- Merci monsieur le juge, comme ça je pourrai aider la Grande Léa à tenir ses comptes. »

 L’idée des Nobels est quand même un peu plus subtile : certes, leur anticipation n’évite pas le confinement, mais elle évite l’hospitalisation = payer avant pour payer moins : voilà l’idée.

- Alors, si on payait l’impôt en avance, on aurait une ristourne ?  

Pourquoi pas ? Mais aussi :

- Monsieur M*, on vient de vous arrêter avec un couteau dans la poche. On pourrait se contenter d’un rappel à la loi, mais on vous propose de vous emprisonner tout de suite, comme ça après, si jamais vous allez poignarder des agents de police, on pourra vous proposer une peine de prison moins forte. 

Malheur aux barbus ! – Chronique du 27 septembre

Bonjour-bonjour

 

Vous avez lu comme moi que les anti-masques mettent en avant les innombrables microbes, bactéries, staphylocoques que vos masques piègeraient, faisant une sorte de pouponnière pour virus qui seraient réservés à votre appareil respiratoire.

Il y a sans doute un part de vérité là-dedans, et les précautions qu’on nous recommande dans le port et la manipulation des masques en atteste le bien-fondé. Mais alors que penser des autres pièges à microbes comme par exemple la barbe ?

Les barbus se sont multipliés depuis 20 ans et c’est désormais tellement répandu que le métier de barbier est redevenu rentable au point que les salons qui leur sont réservés ont vu le jour un peu partout – et pourquoi pas si ça plait aux messieurs et si les femmes raffolent de ça ?

D’ailleurs il existe des sites dédiés (comme ici) aux barbus ou plutôt à ceux qui hésitent encore à remiser leur rasoir, pour expliquer pourquoi les femmes préfèrent les barbus, n’hésitant pas à nous aguicher avec ce tableau :

 


Alors, quel rapport avec les masques et leur fonction infectante ? 

Voici : j’avais opté pour un barbier qui coupait aussi les cheveux, et c’est là que j’ai vu un bocal rempli d’un joli liquide bleu, étiqueté comme contenant un produit destiné à désinfecter les rasoirs, tondeuses, peignes etc. destinés à entretenir les barbes. Il était indiqué que ce liquide détruisait les parasites, les microbes de toute sorte et les champignons. Oui mesdames, tout cela risque bien de se trouver dans les poils de la barbe de vos amoureux…

Alors il est vrai que la contestation existe, et on peut lire sur la page référencée que les barbus ont un visage plus sain que s’ils étaient imberbes, le rasoir favorisant la prolifération des bactéries. C’est peut-être une fake-news - ou pas ? Mais de toute façon on peut penser que si les barbiers prennent tant de soin pour désinfecter leurs ustensiles, c’est bien parce qu’ils ne sont pas tout à fait sains.

Bien sûr, madame, n’allez quand même pas chercher des poux dans la barbe de votre compagnon, ça pourrait le vexer. Mais dites-vous que quand vous l’embrassez vous embrassez également toute sorte de petites bestioles fort peu attirantes. Je sais bien que si on commençait à désinfecter le corps de l’autre avant l’amour, ça pourrait nous entrainer très loin. Mais disons-nous quand même que le goût du risque glorifié par Nicolas Bedos (cf. ici) pourrait être mobilisé pour bien autre chose que les cinémas et les restaurants.

... Je vous vois un peu renfrogné : c’est dimanche et voilà qu’on vient vous angoisser avec des détails qui accompagnent votre vie depuis toujours et qui ne vous ont pourtant jamais perturbé. Vous avez tout à fait raison, et pour me faire pardonner, je conclurai avec ce texte de Montaigne qui glorifie sa moustache et qui n’est pas sans rappeler le contenu des barbes d’aujourd’hui : 

« Mais à moi particulièrement, les moustaches que j'ay pleines, m'en servent : si j'en approche mes gans, ou mon mouchoir, l'odeur y tiendra tout un jour : elles accusent le lieu d'où je viens. Les étroits baisers de la jeunesse, savoureux, gloutons et gluants, s'y collaient autrefois, et s'y tenaient plusieurs heures après. »  Essais - Livre I Chapitre 55 - Des Senteurs

vendredi 25 septembre 2020

O tempora ! O mores ! – Chronique du 26 septembre

 

 

Bonjour-bonjour

 

Ce que vous voyez là, ce sont des pécheurs de Concarneau, venus défendre ce qu’il reste de la pêche artisanale face à la pêche industrielle, représentée par le chalutier géant Scombus que l’on baptise ce même jour.

Cet évènement serait sans doute passé inaperçu au plan national si ces marins-pêcheurs n’étaient pas venus se montrer à poil pour symboliser leur dénuement mais attirant en même temps les regards un peu fureteurs du public : 5 gars un peu décidés font plus pour créer le buzz que plusieurs milliers ordinaires. 

Observons que les Femens ont fait école et qu’après avoir tâtonné (on se rappelle du ridicule de certains hommes voulant manifester torse nu avec slogan tracé sur leur torse velu), les hommes ont compris que pour eux le choc ne viendrait que de la nudité complète ou du moins suggérée : le journal explique que nos pêcheurs ont en réalité gardé leurs sous-vêtements – dommage mais l’imagination a pris les devants et c’est tout ce qui compte. Car voilà l’idée : c’est le scandale de la nudité qui attire les regards, chacun se voilant la face mais matant entre ses doigts écartés le spectacle.

D’ailleurs ce scandale n’est qu’un échantillon des scandales utilisés depuis longtemps pour attirer l’attention. On se rappelle de ces vendeurs de vaisselle qui haranguaient les chalands sur les marchés d’autre fois : ils montraient une pile d’assiette et la mettaient à prix, faisant des enchères inversées jusqu’à ce que le prix atteigne une limite ridiculement basse, et alors ils brisaient toutes les assiettes, disant qu’après un tel rabais on n’a plus qu’à détruire la marchandise. Bien sûr, des passants qui n’auraient pas songé à acquérir de la vaisselle mettaient la main à la poche pour éviter le saccage. 

Il serait intéressant de tester pour savoir si dans notre société du prêt-à-jeter de tels procédés marcheraient encore : il faudrait peut-être que le bonimenteur fasse un striptease ne montrant sa marchandise que lorsqu’il aurait fini de révéler son anatomie ?

A chaque époque ses scandales.

jeudi 24 septembre 2020

Vivre à en crever – Chronique du 25 septembre

Bonjour-bonjour

 

« … Vivez à fond, tombez malades, allez au restaurant […] Nous devons vivre, quitte à mourir » Nicolas Bedos sur Instagram

 

 

Vous avez sans doute lu comme moi les propos de Nicolas Bedos, qui ont scandalisé bon nombre de gens. Et ceux qui ont été choqués n’ont sans doute pas eu tort, dans la mesure où cet « influenceur » nous encourage à prendre tous les risques, quand bien même ce serait au péril de propager l’épidémie – épargnant quand même les vieux très-vieux en n’allant pas leur faire la bise au sortir d’une fête très « promiscutée » (sic)

 

Il est vrai qu’il y a quelque chose d’un peu dégoutant dans ces propos si faciles, si convenus, si racoleurs qui nous mettent dans l’alternative de choisir entre la lâcheté et l’héroïsme ; mais je laisse la polémique à d’autres pour ne m’attacher qu’à la radicalité de ces propos.

C’est qu’en effet, Nicolas Bedos à la différence des révoltés habituels anti-masques, ne dit pas « On vous enfle avec des déclarations alarmistes, pleines de chiffres faux et qui oublient de mettre la covid en perspective avec les morts habituels de la grippe. » Il ne s’agit pas non plus pour lui de dénoncer une entreprise liberticide calculée par le pouvoir à seule fin de mettre les citoyens à genoux et de les manœuvrer plus facilement : il ne nous joue pas l’air du grand confinement des Gilets-jaunes. Non. Il nous tient un discours un peu nietzschéen, démasquant des précautions pour continuer de vivre qui sont en réalité des manifestations de la haine de la vie et proclamant le droit (ou plutôt : le devoir) de vivre dans l’inconscience. Vous en connaissez beaucoup des gens qui vous disent « - Allez danser toute la nuit corps à corps, et – oui ça va vous faire peut-être tomber malade. – Oui, vous en mourrez peut-être. – Mais qu’importe ? »

 

Moi, j’aime les gens qui vont jusqu’au bout de leur pensée, ceux qui ont le courage intellectuel de l’assumer jusque dans ses ultimes conséquences. Tout ce que je voudrais, c’est être sûr que ceux qui soutiennent ces propos les ont bien compris.

mercredi 23 septembre 2020

Adieu, Juliette – Chronique du 24 septembre

 

 


 

Bonjour-bonjour

 

Aujourd’hui Juliette Greco nous a quitté comme on dit, et cette nouvelle m’attriste, un peu comme si je perdais une amie capable de montrer où passait le chemin à suivre. Ce que Juliette Gréco nous apporté : une liberté insouciante, qui franchit les imites sans même se demander ni ce qu’elles font là, ni même si elles existent. Je ne sais pas si elle a milité pour la « cause des femmes » mais elle n’en avait pas besoin : sa vie proclamait suffisamment que la liberté par définition, ne connait de limites que celles qu’elle a elle-même choisies.

Un souvenir de cet attachement suscité par ses chansons et par sa vie :

- J’ai par le passé, dans un blog intitulé « La citation du jour » médité sur cette chanson qui est restée dans les mémoires : « Déshabillez-moi » et qui qui commence comme ça : 

« Déshabillez-moi, déshabillez-moi / Oui, mais pas tout de suite, pas trop vite / Sachez me convoiter, me désirer, me captiver » et qui finit comme ça : « Déshabillez-moi, déshabillez-moi / Maintenant tout de suite, allez vite. »

Et je mettais en regard de la version de Gréco, celle qui fut interprétée en public par Mylène Farmer dans une tenue de scène très dénudée : elle avait besoin de se mettre en maillot de bain, pour chanter « déshabillez-moi », et je pointais le ridicule de la situation.

Mais, revenant à Juliette Gréco, je poursuivais ainsi : « Avec cette chanson on a toute une pédagogie du désir - au féminin, mais pas seulement – qui nous explique à quoi servent les préliminaires amoureux, pédagogie rendue sensible par la durée de la chanson : 3 minutes 34 secondes. On ne peut pas faire moins. C’est une chanson-recette du désir amoureux ; et comme pour une bonne recette de cuisine, il ne faut pas se tromper dans les proportions ni dans la durée de cuisson. Il faut prendre son temps, mais quand c’est cuit, alors il faut déguster : le soufflé risquerait de retomber !  « Déshabillez-moi, déshabillez-moi / Maintenant tout de suite, allez vite. »

Oui, Juliette fut comme ça, toute de charme et de douceur, mais elle savait aussi comme les chats cacher ses griffes jusqu’à ce que, brutalement, la Juliette-bottes-noires-fouet-de-postillon se démasque : « Déshabillez-moi… Et vous, déshabillez-vous ! »

mardi 22 septembre 2020

Pas de fête sans lendemain – Chronique du 23 septembre

Bonjour-bonjour

 

Interdiction des rassemblements, fermeture des bars le soir, interdiction de boire de l’alcool sur la voie publique…

Les interdits destinés à éviter la propagation de la maladie sont vigoureusement refusés par ceux qui en sont frappés, et pour cause : il s’agit systématiquement des plus jeunes et il leur est interdit de faire la fête, ou quoique ce soit qui puisse produire de la réjouissance.

 

 


A la fête de la musique du mois de juin

 

Ces refus de la part des jeunes gens repose sur la certitude de ne pas être gravement affecté par le virus et aussi par un fort sentiment d’injustice. « Nous avons été confinés, on nous a privé de toute sortie, de retrouver nos amis, même les vacances sont devenues tristes et ennuyeuses. On ne nous empêchera pas de faire la fête maintenant ». On l’a dit et répété : ce raisonnement qu’on retrouve tout le temps repose sur une croyance : celle qu’il n’y a pas d’interdit sans dictateur et sans volonté de contraindre. Or ce que ces jeunes ont face à eux, ce n’est pas le Ministre de l’Intérieur mais le virus qui n’a aucune volonté particulière et qui se promène dans la rue en utilisant exclusivement des nez…

Mais quand même : il est compréhensible de ressentir ces mesures comme frustrantes et de les considérer avec suspicion. Car tout ce qui manifeste la vitalité et donc le refus la maladie est dénoncé comme « complice » du virus – or, la profusion d’énergie libérée à l’occasion de ces fêtes, ne suffit-elle pas au contraire à la combattre ? DJ et vodka : même le docteur Raoult ne peut se mettre au niveau !

Oui, cette certitude d’être inaccessible à la maladie est bien compréhensible, car l’énergie psychique produite lors de ces réjouissances contient à la fois le sentiment d’une force invincible et le contenu qui assure son authenticité. Je n’ai pas d’autre comparaison que la foi qui est une émotion ressentie par le fidèle comme la preuve de la présence de Dieu en son cœur.

lundi 21 septembre 2020

Bichonnez-moi ces élites ! – Chronique du 22 septembre

Bonjour-bonjour

 

Certains en sont restés aux manifestations tonitruantes des Gilets-jaunes qui accablent les élites de leur reproches, les accusant de les mépriser – mais surtout d’être incapables d’améliorer la vie des petites gens. Ces responsables, hauts dignitaires ou bien diplômés des plus grandes universités, sont voués aux gémonies du fait de leur incompétence ou – pire – soupçonnés de ne satisfaire que les besoins des privilégiés, dont ils font d’ailleurs partie.

 

- Cette critique n’est pas nouvelle, et les régimes communistes du 20ème siècle en ont donné bien souvent l’exemple. Les élites censées être au service du peuple, n’étaient en réalité qu’au service de la nomenklatura. La révolution culturelle chinoise a donné carte blanche au peuple des gardes rouges pour humilier et liquider les savants dénoncés comme des ânes contre-révolutionnaires – et puis il a bien fallu se résoudre à leur faire des ponts d’or pour permettre à la classe moyenne de s’enrichir un peu. 

Du coup il a bien fallu se rendre à l’évidence : même en dehors des sociétés modernes, le travail humain est évalué en fonction de la rareté des travailleurs : en 1360, alors que la peste noire avait décimé les rangs des travailleurs européens, les salaires ont été multipliés par deux. Plus près de nous, le récent confinement l’a montré : même les plus humbles travailleurs ont été applaudis parce qu’ils étaient encore là pour faire le travail alors que la relève n’existait plus. On a même fini par leur promettre d’augmenter leur salaire…

Le principe est que la hiérarchie sociale doit être fonction de la valeur du service rendu au pays (1) et dans chaque domaine d’activité, la rareté des producteurs détermine en partie cette valeur. On sait que le souci de maintenir les plus hautes rémunérations explique en grande partie la rareté des médecins ultra-sélectionnés à l’entrée des études de médecine – hé bien il en va de même pour les emplois des hauts fonctionnaires, des chercheurs scientifiques, médecins, dirigeant de société commerciale. Personne ne consentirait à travailler pour un salaire qui ne tiendrait pas compte de ce facteur : pour ceux qui occupent un emploi convoité par une armée de chômeurs, le salaire tend vers le bas ; pour l’ingénieur informaticien qui connait le nombre d’entreprises prêtes à l’embaucher dès qu’il aura décidé de quitter son employeur, ses prétentions seront largement acceptées. Réciproquement, si l’État recrute des médecins à des tarifs moindres que ceux du privé, il n’y aura plus de candidat pour entrer à l’hôpital public. Pire : dans les pays en développement, les médecins, ingénieurs ou autres, qui ont été formés dans leur pays le quittent pour emporter leur précieuse science là où on les payera mieux. 

On sait que John Rawls posait en principe que ces gros salaires que certains jugent indécents sont néanmoins acceptables (c’est-à-dire justes) dans la mesure où cela est au bénéfice des plus pauvres. On sait aussi qu’aujourd’hui en France un nombre croissant de gens démunis renoncent à se faire soigner faute d’argent pour payer les dépassements d’honoraires. Suivant Rawls, il faudrait alors que la puissance publique ou bien interdise ces dépassements, ou bien les compense par des remboursements appropriés.

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(1) La hiérarchie sociale est admise par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, sous réserve qu’elle réponde à l’utilité publique : « Art 6 – (…) Tous les Citoyens étant égaux /aux yeux de la loi/ sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » Égalité des droits avant, inégalité des dignités après.

dimanche 20 septembre 2020

La lutte des classes au temps du télétravail – Chronique du 21 septembre

Bonjour-bonjour

 

Comment se passe donc la lutte des classes au temps du télétravail ? Oui, la lutte des classes, vous savez bien ? Non ? Rappelez-vous.

Marx décrivant la condition ouvrière montrait qu’elle était faite d’exploitation du travail productif de sorte que le salaire des travailleurs ne couvrait qu’à peine les besoins de leurs familles et que toute revendication se soldait par une mise au chômage, voire même la prison en cas de réaction plus active. Selon Marx, cette exploitation était inéluctable : tant que le capital existera, tant qu’il sera la source des emplois, alors cette situation de conflit pour la survie existera aussi.

Toutefois il ne fallait pas oublier aussi l’existence entre patrons et travailleurs des idéologies, « rideau de fumée » faits de croyances et de représentations illusoires destinées à atténuer la situation révolutionnaire en empêchant la prise de conscience de la situation réelle, empêchant les ouvriers de s’unir dans le même combat.

 

- Oui, mais aujourd’hui, comment cela se passe-t-il ? En télétravail, quand on est tout seul derrière son écran, peut-on réaliser l’existence de l’exploitation économique par laquelle l’entreprise moderne pressure les employés et leur fait accepter jusqu’à des diminutions de salaires ? Et les réunions syndicales : par Zoom ? Comment ces discussions enfiévrées, comment cette contagion des passions, si particulière et si essentielle pour qu’une révolte se mue en lutte véritable pourraient naitre ? Imagine-t-on les Gilets-jaunes arborant dans les manifestations un masque jaune ? Un masque cachant l’expression de leur colère et étouffant en même temps leurs cris ?

Ce qui est curieux, c’est que les effets du télétravail ne se sont pas manifestés immédiatement ; comme si le fait de rester à la maison transformait le travail en loisir, la lassitude de la concentration sur l'écran en fatigue ordinaire du samedi après avoir passé l’aspi et fait les courses à Auchan. Et puis, c’est peu à peu qu’un sentiment de déréalisation s’est fait jour ; que « le monde d’avant » s’est disjoint du « monde d’après » que les collègues rencontrés en vidéo-conférence sont devenus de moins en moins réels, de moins en moins vivants, coïncidant de moins en moins avec le souvenir qui survivait encore il y a peu dans les mémoires.


- Plus de conscience de classe avec Skype. Mais aussi du côté des patrons de meilleurs profits : moins de frais généraux, et – la chose est avérée – une meilleure productivité. Et il y a eu même, dans certaines entreprises, des employés qui ont pu en profiter pour jouir d’une liberté impensable jusqu’alors : abandonnant leur domicile de proximité avec l’entreprise ils sont allés s’installer plus loin, parfois très loin de leurs bureaux – parfois même à l’étranger, et même (pourquoi pas ?) aux Bahamas… Certes, même sur la plage sable-blanc-cocotier, ils ont dû rester productif. Mais avouez que faire sauter l’opposition entre le travail et le rêve de paradis tropical, c’est quand même quelque chose !

 


A quoi bon faire la révolution dans ce cas ? 

samedi 19 septembre 2020

La nouvelle ballade de Narayama – Chronique du 20 septembre

Bonjour-bonjour

 

Vous avez entendu comme moi le professeur Raoult disant devant les sénateurs : « Cette reprise de l’épidémie n’en est pas une, d’ailleurs la plupart des morts sont des gens qui seraient de toute façon morts dans les mois qui viennent ».

Ces propos font étrangement écho à des déclarations du Président du Brésil, affirmant il y a quelques mois qu’on n’allait pas confiner le pays et donc arrêter son économie pour quelques vieillards qui, de toute manière, allaient mourir. Un même mépris face à la détresse et à la mort des vieilles personnes, l’un pour minimiser la réalité de l’épidémie, l’autre pour manifester que seules les activités économiques étaient importantes.

Ce dédain ne se manifeste-t-il que dans cette perspective, ou bien est-il la pointe extrême de quelque chose qui structurerait en profondeur la société ? On aurait alors la trace d’un mécanisme d’interdépendance sociale, chacun donnant et recevant des autres, et les improductifs tels que les enfants, les chômeurs, les malades n'étant considérés que comme futurs contributeurs à la communauté. 

Vous me voyez venir, je suppose : les vieux, les retraités, qui n’ont plus rien à donner et tout à attendre des autres, pourquoi ne pas les euthanasier ? – ou du moins les laisser mourir naturellement, sans s’acharner à les maintenir en vie ? C’est tellement vrai que les civilisations qui protègent les vieux et leur rendent un véritable culte après leur mort, comme les Romains de l’antiquité, estimaient que par leur proximité avec l’au-delà, les vieux avaient déjà la communication avec les âmes des défunts et étaient capable d’intercéder en faveur des vivants qui craignaient beaucoup leur méchanceté. C’était une façon de rétablir l’échange généralisé dans la société : "je te protège dans la faiblesse de tes vieux jours, mais n’oublie pas de parler en ma faveur aux mânes des ancêtres."


 En 1983 le film japonais de Shohei Imamura racontait comment dans le Japon traditionnel on emmenait les vieux âgés de 70 ans au sommet de la montagne de Narayama pour les abandonner à la mort.



Et si le corona-virus19 était notre montagne de Narayama à nous ?

vendredi 18 septembre 2020

L’habit fait-il le moine ? – Chronique du 19 septembre

Plusieurs députés ont quitté une commission parlementaire pour protester contre la présence de Maryam Pougetoux, une syndicaliste étudiante voilée, considérée comme adepte d’un islam politique.

Celle-ci proteste : « On lui donne une signification que moi-même je ne lui donne pas. (…) On me prête des intentions qui ne sont pas les miennes ». (Lire ici)

 

 

Bonjour-bonjour

 

Alors, le voile islamique fait-il de toute femme qui le porte une femme soumise à une société patriarcale, soumise à la loi du Coran, propagatrice d’un islam politique qui recommande l’instauration de la charia en France ?

Ce débat-là est ouvert depuis plus de 30 ans et il n’est sans doute pas prêt de se refermer. Mais on pourrait s’interroger plus généralement sur cette attribution de pensées d’attitudes à des individus simplement au vu de leurs habits. Car finalement, l’hidjab n’est qu’un bout de tissus – et le décolleté plongeant repéré l’autre jour à l’entrée du musée d’Orsay ? Évidemment aussi. 

Bref, nous dirons qu’ici tout est affaire d’interprétation – mais que celle-ci peut être liée si intimement à une imprégnation culturelle que nous ne sommes mêmes plus maitres de celle-ci. D’une certaine façon, on peut même dire que se présenter nu fait appel au même mécanisme : les Femens (dont nous parlions dans le même article consacré au Musée d’Orsay) le savent bien qui emploient leurs seins nus, utilisés comme supports de slogans, pour attirer sur ceux-ci les regards.

 

Toutefois l’information du jour nous conduit à une autre observation : madame Pougetoux fait l’innocente en disant que l’interprétation qu’on donne à son voile lorsque l’on s’en scandalise n’est pas valable, parce qu’elle-même n’a pas l’intention de propager cette option politique. Autrement dit : « Je m’habille comme je veux et ne cherchez pas pourquoi, ça ne regarde que moi. » Or, il est pourtant évident que personne n’est maître de cette interprétation, et du coup le débat porte sur la valeur de celle-ci. Car nous sommes dans le domaine de ce que Durkheim nommait la conscience collective, qui se définit par l’« ensemble des croyances et des sentiments communs à la moyenne des membres d'une société … et fonctionnant comme une force séparée et généralement dominante par rapport à la conscience individuelle ». Bien que nos sociétés aient évolué depuis un siècle dans le sens d’un bouleversement des rapports entre l’individu et la collectivité, ceci ne va quand même pas jusqu’à l’affranchissement total de la conscience individuelle par rapport à ce déterminisme social. Dans ce domaine comme dans d'autres on assiste à la lutte entre la liberté individuelle et le jugement collectif, pour établir le quel des deux devrait l’emporter : nous pouvons lutter pour l’un et nous défendre de l’autre, mais nous ne pouvons pas oublier que cela existe. 

On voudrait croire que tout cela est trop connu pour qu’on s’y attarde ; et pourtant Myriam Pougetoux se présentant voilée devant la commission de l’Assemblée nationale fait comme si cela n’existait pas, comme si dans la France de 2020 le foulard islamique était devenu banal et sans signification engageant le statut des femmes.

jeudi 17 septembre 2020

De la vulgarité en politique – Chronique du 18 septembre

Bonjour-bonjour

 

« Je trouve pour tout dire que c’est assez vulgaire de critiquer systématiquement son successeur. » : cette déclaration est de Nicolas Sarkozy et elle concerne ses relations avec Emmanuel Macron.

Je sais que Nicolas Sarkozy n’est que douceur et suavité dès qu’il évoque « son successeur » – du moins celui-là car, pour ce qui est du précédent (un certain François H.), nul doute qu’il soit justement ce personnage vulgaire visé par cette affirmation.

« Vulgarité » : l’usage de ce terme pour évoquer la vie politique et les propos assassins qui y sont proférés me parait surprenant. De fait je ne le rencontre jamais, et surtout, je croyais que la « vulgarité » était justement un de ces procédés politiques dont on ne parle jamais pour critiquer les autres parce qu’on l’utilise soi-même trop facilement pour que cette dénonciation ne revienne pas sur le censeur en effet boomerang. D’ailleurs monsieur Sarkozy a été de son temps un bon spécialiste de la vulgarité, reconnu très tôt avec son « Casse-toi pauv’ con » (1) 

Que signifie donc le terme « vulgarité » en politique et ailleurs ? Sans aller pêcher dans l’étymologie, je note deux significations assez complémentaires :

- Ce qui est vulgaire, c’est « ce qui est admis, pratiqué par la grande majorité des personnes composant une collectivité, appartenant à une culture ; qui est répandu » (CNRTL)

Autrement dit quand on est un Président on est vulgaire quand on parle comme ses électeurs. Ce ne serait donc pas une critique et du coup le « pauv’ con » cité ci-dessus ne saurait être critiqué.

- Mais on peut aussi se conduire vulgairement, ce qui manifeste un manque d'éducation, de distinction. L’homme vulgaire se conduit de façon grossière, il ne se conforme pas aux règles du savoir-vivre (CNRTL). Il faut dire que jusqu’à présent les hommes politiques évitent ce genre de reproche : ils parlent peut-être comme 80% des français, ils ne rendent peut-être pas hommage aux immortels du Quai Conti, mais enfin pas au point de manifester un manque flagrant d’éducation.

Alors, comment les « prédécesseurs » de monsieur Sarkozy ont-ils manifesté de la vulgarité en critiquant leurs successeurs ? 

D’abord en montrant qu’ils manquaient d’originalité, faisant ce que tout le monde fait. Toutefois rien ne prouve que ce soit une faute – sauf que l’éducation doit apprendre à refouler, tout ce qui peut être déplaisant dans une conversation de bonne tenue.

Mais on peut aussi voir dans la critique systématique du successeur la trace d’un dépit, la révélation d’une jalousie qui révèle une petite âme étriquée et médiocre. Ce n’est alors pas la conduite qui est vulgaire ; c’est le personnage entier. Dans ce cas, c’est une insulte qu’on évite encore de nos jours dans les débats publics.

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(1) Récemment invité à revenir sut cette phrase, il a déclaré que c’était une remarque non préméditée, dûe au fait que le personnage visé était « vraiment très antipathique » – ce qui dans son esprit est sans-doute une justification 

mercredi 16 septembre 2020

La 5G ou la lampe à huile ? – Chronique du 17 septembre

Bonjour-bonjour

 

Cette polémique où s'affrontent les opposants à la 5G et les tenants du développement de cette nouvelle technologie réveille en moi de vieux souvenirs, tant ont été fréquents les débats opposants ceux qui voient dans le changement technologique un risque et ceux qui espèrent dans ce renouvellement.

Ce souvenir vient avec un texte de Paul Ricœur (celui de « Histoire et vérité ») : "Le progrès disait-il, c’est un plus qui est aussi un mieux. Et d’ajouter que chaque progrès met en jeu notre responsabilité, tant il est vrai que ce qu’il nous apporte, c’est nous qui l’avons cherché. Inutile de voir dans le progrès quelque chose de mécanique qui oriente notre histoire, puisque celle-ci est le résultat de ce qu’à chaque époque nous avons voulu.

Oui, c’est en 1955 que Paul Ricœur publiait cet ouvrage, et je ne peux ni ne veux en faire la paraphrase - en voici un extrait significatif : 

« Il semble donc que la valeur qui se révèle, dès ce niveau, c’est la conviction que l’homme accomplit sa destination par cette aventure technique, intellectuelle, culturelle, spirituelle, oui, que l’homme est dans sa ligne de créature, quand, rompant avec la répétition de la nature, il se fait histoire, intégrant la nature même à son histoire, poursuivant une vaste entreprise d’humanisation de la nature. … A chaque époque ce que nous savons et ce que nous pouvons est à la fois chance et péril ; le même machinisme qui soulage la peine des hommes, qui multiplie les relations entre les hommes, qui atteste le règne de l’homme sur les choses, inaugure de nouveaux maux : le travail parcellaire, l’esclavage des usagers à l’égard des biens de civilisation, la guerre totale, l’injustice abstraite des grandes administrations, etc. On trouverait une même ambiguïté attachée à ce que nous appelions tout à, l’heure le progrès de connaissance ou de conscience. » Paul Ricœur Histoire et vérité (lire ici le texte complet)

mardi 15 septembre 2020

« L’arbre mort de noël » du maire EELV de Bordeaux – Chronique du 16 septembre

Bonjour-bonjour

 

Cette idée de qualifier l’arbre de noël d’arbre mort est affligeante. Le discours du maire qui a duré deux heures a été oublié – ne restent que dix secondes où il affirme qu’il n’y aura pas de sapin de Noël de la ville. C’est injuste… mais pas surprenant. Si Pierre Humic (c’est le nom du maire) avait révélé aux petits enfants que le Père noël n’existe pas, juste pour les faire pleurer, ça n’aurait pas été pire, car introduire la mort dans la joie des petits et des grands qui se réunissent au pied du sapin, voilà qui touche sournoisement le moral. Comme si le covid n’était pas suffisamment déprimant, il faut encore qu’on nous explique que tout ce qui nous procure de la joie est soit dangereux, comme les apéros et BBQ sans masques, entre amis, sous le soleil du réchauffement climatique – ou encore l’anniversaire de la grand-mère (cf. Post d’hier) ; soit immoral, comme de jouir de la mort, celle d’un arbre ou celle d’un taureau dans l’arène : quelle différence ?

On reprochera à monsieur Humic, selon le tempérament de l’invectiveur, soit d’être un « pisse-vinaigre », soit d’être un ayatollah de l’écologie. On dira aussi que couper un arbre pour Noël, doit être comparé à l’usage qu’on en fait, au rôle qu’il joue dans la vie sociale, au fait qu’il reste quand même plus écologique que les substituts qu’on peut lui proposer, comme ces arbres artificiels :

 


Donner de la joie, faire pétiller la vie dans la prunelle des tout-petits : la « mort » du sapin n’est-elle pas justifiée à partir de là ? 

Quoique, posé comme ça, cette affirmation recèle une question plus subtile, en tout cas plus délicate. Car si le fait de provoquer de la joie consensuelle était la justification de la destruction de la vie, alors les afficionados auraient raison. Eux aussi le disent : la mort du taureau est légitime parce que c’est un fait culturel. Elle est même sublimée de sorte que si le taureau meurt, c’est dans la gloire de sa bravoure : mieux vaut mourir dans l’arène que dans un abattoir. 

Reste que se réjouir grâce à la mort du taureau ça trouble même ceux qui vont vers l’arbre mort de Noël des étoiles dans les yeux. Où passe donc la frontière entre la mort qui est justifiée par la joie qu’elle procure et celle qui ne l’est pas ?

lundi 14 septembre 2020

Devons-nous faire confiance à ceux qui nous font peur ? – Chronique du 15 septembre

Bonjour-bonjour

 

Vous avez peut-être déjà vu ce spot de la prévention sanitaire destiné faire prendre conscience des dangers que l’on fait courir à nos ainés en ne tenant pas compte des distances-barrières. On y voit une gentille grand-mère toute heureuse se fêter son anniversaire avec ses petits enfants qui lui font tous la bise – et puis ça devient ça :

 



On a reproché à ce spot (mais il y en a eu d’autres identiques diffusés ailleurs, notamment en Espagne) de chercher à faire peur ; ce procédé serait suspect car le pouvoir chercherait à nous apeurer pour mieux nous contrôler, ce qui est son véritable but. Les dénonciateurs du masque-liberticide font le même raisonnement : l’épidémie est imaginaire, elle n’est qu’un instrument machiné par l’État qui cherche ainsi à reprendre en main son pouvoir après le choc des Gilets-jaunes (1). Et tout ça, selon la recette ancestrale, par la peur : peur des sorcières, peur du Diable, peur de l’omniscience de Big-Brother… 

Si on réfléchit un peu on trouve en effet que faire peur aux gens n’est pas un procédé responsable – pour le moins ce n’est pas de nature à réveiller les consciences citoyennes. Il existe d’ailleurs beaucoup d’autres spots plus « pédagogiques » destinés à expliquer pourquoi et comment il faut s’y prendre pour éviter la propagation de la maladie (on peut en trouver ici).

Il y a en effet une alternative à la peur : c’est la confiance. C’est ce que votre médecin fait lorsque vous le consultez : il vous explique votre maladie et comment la guérir. Et vous l’écoutez en toute confiance, parce que si vous êtes venu le voir c’est que justement vous croyez en lui. Mais bien sûr, si après qu’il vous ait dit quel régime vous deviez suivre, il apparaissait que vous ne le faisiez pas alors il pourrait vous décrire les complications effrayantes auxquelles vous pourriez vous exposer : « Monsieur Marin, si vous ne vous soumettez pas au régime, votre diabète va faire de vous un cul-de-jatte et un aveugle. C’est ça que vous voulez, monsieur Martin ? » 

Brrrr ! Faut-il lui retirer alors votre confiance ? C’est à vous de voir, mais je rappelle que devant la même alternative (confiance ou peur), Machiavel expliquait qu’il est beaucoup plus simple pour le Prince de gouverner par la terreur que par l’amour que lui porterait le peuple, parce que la peur est facile à susciter et que son effet est certain – ce qui n’est pas le cas de l’amour ni de la confiance.

On ne saurait mieux dire

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(1) On a aussi la dénonciation des laboratoires pharmaceutiques qui "inventent" l’épidémie grâce à leurs lobbies. L’opération s’effectue en vue des super-bénéfices attendus de la vaccination imposée par une épidémie imaginaire. Même le docteur Raoult s’en est fait le relai.