lundi 21 septembre 2020

Bichonnez-moi ces élites ! – Chronique du 22 septembre

Bonjour-bonjour

 

Certains en sont restés aux manifestations tonitruantes des Gilets-jaunes qui accablent les élites de leur reproches, les accusant de les mépriser – mais surtout d’être incapables d’améliorer la vie des petites gens. Ces responsables, hauts dignitaires ou bien diplômés des plus grandes universités, sont voués aux gémonies du fait de leur incompétence ou – pire – soupçonnés de ne satisfaire que les besoins des privilégiés, dont ils font d’ailleurs partie.

 

- Cette critique n’est pas nouvelle, et les régimes communistes du 20ème siècle en ont donné bien souvent l’exemple. Les élites censées être au service du peuple, n’étaient en réalité qu’au service de la nomenklatura. La révolution culturelle chinoise a donné carte blanche au peuple des gardes rouges pour humilier et liquider les savants dénoncés comme des ânes contre-révolutionnaires – et puis il a bien fallu se résoudre à leur faire des ponts d’or pour permettre à la classe moyenne de s’enrichir un peu. 

Du coup il a bien fallu se rendre à l’évidence : même en dehors des sociétés modernes, le travail humain est évalué en fonction de la rareté des travailleurs : en 1360, alors que la peste noire avait décimé les rangs des travailleurs européens, les salaires ont été multipliés par deux. Plus près de nous, le récent confinement l’a montré : même les plus humbles travailleurs ont été applaudis parce qu’ils étaient encore là pour faire le travail alors que la relève n’existait plus. On a même fini par leur promettre d’augmenter leur salaire…

Le principe est que la hiérarchie sociale doit être fonction de la valeur du service rendu au pays (1) et dans chaque domaine d’activité, la rareté des producteurs détermine en partie cette valeur. On sait que le souci de maintenir les plus hautes rémunérations explique en grande partie la rareté des médecins ultra-sélectionnés à l’entrée des études de médecine – hé bien il en va de même pour les emplois des hauts fonctionnaires, des chercheurs scientifiques, médecins, dirigeant de société commerciale. Personne ne consentirait à travailler pour un salaire qui ne tiendrait pas compte de ce facteur : pour ceux qui occupent un emploi convoité par une armée de chômeurs, le salaire tend vers le bas ; pour l’ingénieur informaticien qui connait le nombre d’entreprises prêtes à l’embaucher dès qu’il aura décidé de quitter son employeur, ses prétentions seront largement acceptées. Réciproquement, si l’État recrute des médecins à des tarifs moindres que ceux du privé, il n’y aura plus de candidat pour entrer à l’hôpital public. Pire : dans les pays en développement, les médecins, ingénieurs ou autres, qui ont été formés dans leur pays le quittent pour emporter leur précieuse science là où on les payera mieux. 

On sait que John Rawls posait en principe que ces gros salaires que certains jugent indécents sont néanmoins acceptables (c’est-à-dire justes) dans la mesure où cela est au bénéfice des plus pauvres. On sait aussi qu’aujourd’hui en France un nombre croissant de gens démunis renoncent à se faire soigner faute d’argent pour payer les dépassements d’honoraires. Suivant Rawls, il faudrait alors que la puissance publique ou bien interdise ces dépassements, ou bien les compense par des remboursements appropriés.

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(1) La hiérarchie sociale est admise par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, sous réserve qu’elle réponde à l’utilité publique : « Art 6 – (…) Tous les Citoyens étant égaux /aux yeux de la loi/ sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » Égalité des droits avant, inégalité des dignités après.

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