jeudi 18 avril 2024

Le Flic-de-Matignon – Chronique du 19 avril

- Bonjour les petits enfants ! Vous me reconnaissez ?

- Ouiiiiii !

- Et vous savez comment je m’appelle ?

- Guignoooool !

- Voilà, les petits enfants : aujourd’hui le Gendarme a pris le pouvoir, il règne sur Matignon – Vous savez ce que c’est que Matignon ?

- Non !!!!

- C’est de là que tous les flics, les argousins, les procs de France sont commandés, pour vous fliquer, vous condamner, vous embastiller.

- Houhhhhh ! Sors ton gourdin Guignol !

 


- Écoutez, les petits enfants quand vous verrez le Flic de Matignon, il faudra me prévenir.

- Oui, Guignol on te dira

- Mais pour cela il faudra aussi savoir le reconnaitre.

- …

- Alors voilà : ce Gendarme-là, ce n’est pas n’importe lequel. C’est celui qui veut :

- Fournir aux parents une « aide à la punition »

- Créer des « internats d’office »

- Effectuer des retrait de points au bac ou au brevet pour les « fauteurs de trouble »

- Supprimer l’excuse de minorité

- Instituer une comparution immédiate pour les mineurs

- Au secours Guignol, il arrive !

mercredi 17 avril 2024

Carlos Tavares : 100000 € par jour – Chronique du 18 avril

Bonjour-bonjour

 

Vous en avez peut-être les oreilles encore bourdonnantes : le salaire de monsieur Tavares, le patron de Stellantis, est tellement exorbitant qu’il a fallu le traduire en montant journalier pour que ça ressemble à une somme qui nous parle : 100000 chaque jour (samedi et dimanche compris). Quand monsieur Tavares se lève le matin, il vient juste de gagner 100000 € qu’il peut dépenser en toute tranquillité dans la journée, car il sait qu’il en aura autant demain matin.

 

Comment justifier une telle somme ? Monsieur Tavares évoque tranquillement son contrat de travail : son salaire y est indexé sur le chiffre d’affaires de Stellantis. Que l’entreprise soit en déficit et il ne touche plus rien du tout tant que les bénéfices ne sont pas revenus. Mais rien n’y fait : ce montant parait toujours injustifiable.

Le philosophe sort alors de sa besace un de ses classiques : il s’agit du Léviathan écrit par Thomas Hobbes en 1651 : ça ne date pas d’hier ! Et que dit Thomas Hobbes ? 

« Le prix ou la VALEUR d'un homme est, comme pour tous les autres objets, son prix, c'est-à-dire ce qu'on donnerait pour avoir l'usage de son pouvoir. » (chapitre 10)

Détaillons :

- D’abord qu’un homme est identifié, pour parler comme Marx, à sa force de travail (« l’usage de son pouvoir »)

- Ensuite le produit de ce travail est identifié à un objet, autrement dit à quelque chose qui s’échange sur un marché. (1)

- Enfin que le montant de cette transaction est équitable lorsque les deux parties tombent d’accord sur son montant.

Très bien. On voudrait maintenant savoir en fonction de quoi les parties en présence tombent d’accord ?

 Cet accord est fonction du retour sur l’investissement que représente ce montant. On compare le salaire de monsieur Tavares avec le « salaire » de Kilian Mbappé : c’est tout à fait juste. Que ce soient les investisseurs du Paris-Saint-Germain ou les actionnaires de Stellantis la question est la même : « Combien gagnerons-nous grâce à cette personne ? »

Le salaire de Calos Tavares est strictement un investissement comme les autres, et c’est pour cela que finalement ce sont les actionnaires qui auront à le justifier – ou pas.

 

Dernier point : on on voudra savoir alors pourquoi les bénéfices réalisés par Stellantis ne sont pas pris en compte de la même façon pour fixer le salaire des ouvriers de l’usine ? Après tout, sans eux, pas de production, donc pas de profit.

2° Reste donc à rappeler un élément déterminant pour fixer les transactions du marché : c’est la rareté. Il est beaucoup plus facile de remplacer un ouvrier qu’un patron efficace. Et ça marche pour tout le monde : qu’on se demande comment est fixé le salaire d’un ingénieur – surtout s’il est informaticien.

C.Q.F.D.

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(1) Pour mémoire Marx n'évoque le marché que pour dire qu'il n'intervient que de façon marginale dans le montant de la valeur d'échange étant entendu que selon lui elle ne représente qu'une fluctuation temporaire.



mardi 16 avril 2024

Chérie, reprends donc une petite bouffée d’ozone – Chronique du 17 avril

Bonjour-bonjour

 

Lu ce matin dans Ouest-France : à cause de la pollution, des mouches se trompent de partenaires sexuels

 

 

Explication : des drosophiles ont été exposées, durant deux heures, à de fortes concentrations d’ozone, ce gaz à effet de serre qui pullule sous l’effet de la chaleur et des vapeurs des pots d’échappement de véhicules. Résultat : les bestioles ainsi shootées émettaient moins de phéromones. Et les femelles, laissées libres de copuler, ont jeté leur dévolu sur des mâles… d’autres espèces. (Art. cité)

Et ce n’est pas fini : la majorité des mouches nées de ces accouplements contre-nature se sont avérées stériles. Seuls sont fertiles les rejetons des couples de drosophila simulans avec les mauritania ou les sechellia (= autres variétés) : les femelles mutantes semblant d’ailleurs plus attirantes que jamais pour leurs homologues mâles.

La transposition chez les hommes est tentante, nous la ferons donc sans hésiter. Car si nous ne disposons pas de récepteurs de phéromones, nous en émettons pourtant et qui sait quel effet leur perturbation peut avoir ? 

Douteux ? Peut-être, mais imaginons alors que notre sexualité soit pilotée par des stimuli à défaut des quels nos choix pourraient errer vers d’autres partenaires devenus d’un coup plus attirants. L’exemple des mœurs dépravés des légionnaires plus attirés par les chèvres que par les femmes des environs ne viendrait-il pas de cette pollution aggravée par la chaleur tropicale ? Et si des singes de la jungle voisine venaient à les tenter, aurions-nous des hybrides pour vérifier leur attractivité ?

L’affirmation selon la quelle les femelles drosophiles sont alors plus sujettes que les mâles à se jeter sur tout ce qui bouge ne fait que redoubler notre trouble : issu d’un désir secret ? Hummmm….

… Fantasmes que tout cela ? Oui, bien sûr… Mais fantasmes réels quand même

lundi 15 avril 2024

À couper le souffle – Chronique du 16 avril

Bonjour-bonjour

 

Un religieux a été poignardé en pleine messe, et quatre autres personnes ont été blessées ce lundi lors d’une attaque dans l'église du Bon Pasteur, une église assyrienne de Wakeley, dans l’ouest de Sydney.

Le service religieux était retransmis en direct sur internet. La vidéo montre un homme s'approchant de l'autel, levant le bras droit et frappant le prédicateur avec un couteau.

 


Le suspect âgé de 15 ans est soigné pour des blessures à la main et a été conduit dans un endroit sûr, l'attaque ayant provoqué la fureur parmi les fidèles. 

 

L’omniprésence de la vidéo nous donne à voir des évènements les plus fugaces et les plus imprévus, allant du simple fait divers à l’évènement historique.

Imaginez un peu. Nous sommes en 1610, le 14 mai précisément. Le roi Henri IV décide de rendre visite à son Ministre Sully qui est malade, mais son carrosse est bloqué, rue de la Ferronnerie, près des Halles et du cimetière des Saints-Innocents, par une charrette de foin qui barre la rue. « Ravaillac, qui n'attendait que cela, se hisse sur un rayon de la roue. Passant le bras par-dessus le duc d'Épernon, il frappe le roi à la poitrine de plusieurs coups de couteau. Il est aussitôt maîtrisé et traîné dans un hôtel voisin puis à la prison de la Conciergerie. Trop tard. Henri IV meurt tandis que le carrosse rebrousse chemin jusqu'au Louvre. » (Lu ici)

Et si, en 1610 comme à présent il y avait eu une caméra de surveillance rue de la Ferronnerie : qu’est-ce que ça aurait changé ? On aurait tout vu, et nous aurions vécu une émotion sans pareil, quelque chose « à couper le souffle » comme on dit aujourd’hui et que nous aurions pu nous repasser en boucle des dizaines de fois. 

Alors bien sûr, dans le même temps nous n’aurions pas eu le loisir de nous demander qu’est-ce que ça a eu comme conséquence pour la France ? Le règne d’Henri IV, bien éprouvé par les guerres de religion et leur conclusion avec l’Édit de Nantes promulgué en 1598 aurait-il pu pacifier la France et lui éviter des déchirements ultérieurs ?

Oui, nous n’aurions pas aujourd’hui le temps de nous intéresser à des questions pareilles : ce que nous voulons, c’est du sang, du sperme et des larmes.

Et pour ça, on peut compter sur les vidéos youtube.

dimanche 14 avril 2024

Le « double bind » du réchauffement climatique – Chronique du 15 avril

Bonjour-bonjour

 

J’ai hésité à vous le dire, mais comme nous sommes lundi, journée de l’énergie et de la robustesse, je peux le faire : La baisse de pollution aggrave le réchauffement climatique. (Lu ici)

 

- Vraiment ? Comment est-ce possible ? 

- Les mesures le prouvent pourtant : le bilan de l’année 2023, année record sur tous les plans est implacable : c’est la plus chaude de l’histoire. Et le contrôle de la qualité de l’air l’établit : c’est – en partie – à cause de la baisse de la pollution.

- Comment cela ?

- C’est que le réchauffement est l’effet de deux mécanismes : l’un qui est dû aux gaz à effet de serre est bien connu. L’autre résulte des aérosols en suspension dans l’air dont la présence dans l’air réfléchit la lumière solaire vers le ciel. En gros, la Terre polluée est plus réfléchissante ; non polluée, elle est plus sombre, et donc elle capte plus la chaleur du soleil. 

o-o-o

Plus de pollution : ça chauffe ; moins de pollution, ça chauffe également. Quoiqu’on fasse on fait également mal. Et ne cherchez pas de solution dans le désespoir de la fuite en avant, du genre : « Puisque c’est manqué, alors allons-y : polluons gaiement », car dans ce cas non seulement vous entretiendrez le réchauffement, mais vous allez accroitre le taux de mortalité par maladie pulmonaire avec un air de moins en moins respirable.

Que faire ?

On est un peu dans le mécanisme du « double bind » qui signifie qu’on ne peut résoudre un problème en restant dans la même logique qui l’a produit. 

La double contrainte donne un exemple classique de l’affirmation d’Albert Einstein selon laquelle « vous ne pouvez pas résoudre un problème avec le même type (ou le même niveau) de réflexion que celui qui a créé le problème » qui a donné naissance à la physique relativiste. 

Un exemple ? Le problème classique du bouddhisme japonais : « Un maître zen ramasse un bâton et le lève sur un de ses élèves, en disant : « Si tu dis que ce bâton est réel, je te frapperai, si tu dis que ce bâton n’est pas réel, je te frapperai avec. Ce bâton est-il réel ou pas ? » Tant que l’étudiant reste au même niveau de pensée que celui que le maître a utilisé pour créer la double contrainte, il est coincé. Si l’étudiant se lève et attrape le bâton, commence à chanter, ramasse son propre bâton et fait semblant de « combattre l’épée », etc., il ou elle a transcendé le double lien et a changé le contexte de la relation. » (Lu ici)

 

- Pigé ? Ce qu’il faut ce n’est pas lutter contre la pollution par la dépollution. Il faut inventer une nouvelle procédure – comme absorber le CO2 tout en diffusant un aérosol de poussières non toxiques, ou de modifier la couleur de l’air…

samedi 13 avril 2024

Comment qu’tu causes ! – Chronique du 14 avril

Bonjour-bonjour

 

La valeur républicaine la mieux établie est sans doute l’égalité – et en particulier l’égalité des chances : que, dès leur plus jeune âge, tous les enfants soient sur la même ligne de départ, quel que soit leur milieu social et le degré d’éducation de leurs parents.

C’est ainsi que l’acquisition du langage est particulièrement scrutée : parmi les acquis légués à leurs enfants par les parents il y a l’apprentissage du langage, d'où proviennent justement des différences importantes de potentiel entre les enfants de milieux différents. Dans la mesure où l’école est supposée combler le déficit de niveau culturel et social pour rétablir l’égalité, il est donc important de bien connaitre la nature de ce décalage.

On lira cet article en ligne qui détaille ces principaux critères d’évaluation, dont je ne reprendrai que quelques aspects frappants.

 

Concernant le langage, l’étude des inégalités dans la petite enfance suppose non seulement d’évaluer la « qualité » linguistique des discours selon des critères comme la richesse du vocabulaire ou le degré de correction grammaticale et syntaxique mais aussi d’envisager le rapport au langage, c’est-à-dire la manière d’utiliser le langage. 

Deux rapports au langage s’opposent. 

* Le premier consiste à traiter le langage en lui-même, comme un objet autonome qui peut être manipulé indépendamment du contexte d’énonciation. On l’a deviné : c’est ce type de rapport au langage que les enfants des milieux favorisés dominent aisément.

* Le deuxième rapport au langage, qualifié de pragmatique, revient à utiliser le langage de manière pratique, pour faire des choses dans des contextes spécifiques. On aura reconnu ce qui caractérise le type de langage usité dans les classes populaires. (D’après l’article cité)

 

Or c’est le premier rapport au langage, qualifié de réflexif, qui est fortement valorisé dans l’ensemble des institutions de la société et tout particulièrement dans le cadre scolaire : on retrouve ici l’injustice commise par les élites qui consiste à retenir comme critère de sélection ce que leurs familles transmettent à leurs enfants et auquel les enfants des autres classes n’ont pas accès (1). 

J’ajouterai que demander à l’école de combler ce retard est vu par les familles des milieux populaires contre-productifs et donc inutile. Ce que ces classes demandent à l’école c’est précisément ce que les enfants des classes aisées n’ont pas besoin d’apprendre parce que tout dans leur vie quotidienne les a habitués à le dominer. 

Et après, comment les petits bourgeois apprennent-ils à performer ? 

- En développant leur imagination ! C’est particulièrement évident lorsque les parents sélectionnent les livres proposés à leurs enfants : aux petits des classes populaires, les livres pédagogiques ; aux autres les livres qui font rêver.

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(1) On retrouve ici des faits détaillés par Bourdieu et Passeron dans leur livre consacré aux Héritiers (1964)

vendredi 12 avril 2024

Le violeur à la trottinette : il a tout pour plaire – Chronique du 13 avril

Bonjour-bonjour

 

Voici un fait divers qui va nous reposer les neurones qui sont proches du court-circuit en raison de l’actualité mortifère de ces jours-ci.

Il s’agit du violeur en série de Grenoble, identifié grâce à son ADN et dont l’originalité est de se déplacer en trottinette électrique. Ce qui lui vaut le surnom de « violeur à la trottinette » qui n’est pas sans rappeler la Bande à Bonnot, jadis nommée « Les bandits en auto » en raison des puissantes voitures qu’ils utilisaient pour commettre leurs hold-ups, à une époque où les agents de police ne se déplaçaient qu’en vélo.

 

 

Vu ici

 

Mais l’essentiel n’est pas là. A Grenoble, tout le monde se dit surpris. Certains de ses amis ont dit « Oh, mais on le connaît ! C’est vraiment un mec lambda, proche de sa mère, de sa sœur. Il a une copine, ça nous a extrêmement choqués, elle est très amoureuse de lui, ça faisait longtemps qu’ils étaient ensemble ». Un commerçant qui connaît bien Milan (= le violeur présumé) et toute sa famille a surenchéri : « C’était un sacré travailleur, beau gosse en plus ! Donc bon, on se dit qu’il n’avait pas de raison à faire des choses de ce genre… ». (Lu ici)

Alors, on est habitué à l’extrême normalité de certains agresseurs et assassins : c’est même une caractéristique bien connue des pervers que de se fondre dans la masse des « gens normaux ». Mais ici, on souligne le fait que ce jeune homme « n’avait pas besoin de violer » pour calmer sa libido. Beau gosse, bien intégré et apparemment bien dans sa peau, il avait tout pour plaire et s’il avait eu besoin de changer de partenaire il n’aurait sans doute pas eu beaucoup de mal pour la trouver.

Seulement voilà - le violeur à la trottinette avait besoin d’autre chose : il avait besoin de violer, ce qui montre que c’est une bévue de croire que ces gens sont des frustrés en panne de partenaire. 


Allons plus loin : inutile de réfléchir bien longtemps pour constater que le viol n’est que le passage à la limite du rapport sexuel. C’est qu’en effet le coït traite le/la partenaire comme un objet et cela non seulement dans l’espèce humaine, mais aussi chez nombre d’animaux.


 

Cliché Gérard David

 

... Seulement voilà : le propre de la civilisation est de dépasser la nature et comme le disait Platon, si un seul déroge à cette règle on devra l’éliminer impitoyablement. C’est ainsi que, dans le Protagoras (321c), Zeus s’adresse en ces termes à Hermès :  « Établis en outre en mon nom cette loi que tout homme incapable de pudeur et de justice sera exterminé comme un fléau de la société ».