lundi 7 juillet 2025

« Du coup » : c’est un tic de langage – Chronique du 8 juillet

Bonjour-bonjour

 

Connaissez-vous quelque chose de plus horripilant que les « tics de langage » qui viennent émailler certains propos et rendre l’échange déplaisant ? Je vous propose un petit voyage dans le domaine de ces tics, en suivant cet article fort bien documenté centré sur l'expression "du coup".

- Les « tics de langage » : cette dénomination désigne des expressions qui fonctionnent comme des « mots béquilles » qui « remplissent un vide » et sur lesquels « on s'appuie quand on cherche quelque chose à dire » (ref. art. cité). On se souvient encore de l’abus de la préposition « voilà » utilisée à toute occasion pour dispenser leur utilisateur de terminer une phrase un peu compliquée. De la même manière, « du coup » permet de sauver la face, d'éviter le silence, de montrer qu'on maîtrise les codes implicites du dialogue. Il est un marqueur de coprésence, de continuité de l'échange.

 

- Mais ce n’est pas tout. Certaines locutions apparaissant comme tics de langage sont en réalité beaucoup plus que cela. L’article cité prend comme exemple la formule « du coup », dont la fréquence d’utilisation a été fortement marquée au cours des derniers décennies 

« Dans 82% des cas, l'expression « du coup » apparaît en position frontale dans l'énoncé, agissant davantage comme amorce de parole que comme véritable lien logique. »

De plus, l'expression « du coup » est un marqueur qui signale l’appartenance du locuteur à un groupe linguistique : ici, il s’agit du français « de France » dont il est un marqueur comme « une fois » pour un belge. Plus généralement, les « tics de langage » peuvent fonctionner comme des marqueurs d'appartenance à un groupe sociologique ou générationnel. La génération qui emploie massivement « du coup » souligne inconsciemment son inscription dans l'époque contemporaine.

On pourrait poursuivre l'énumération de ces caractéristiques et on le fera en suivant cet article et les liens qu’il propose. Reste que ces locutions rituelles sont au service de trop de fonctions différentes pour être jugées en bloc. Pourrions-nous les supprimer toutes qu’on serait bien embarrassé de savoir comment ponctuer nos phrases et les rendre intelligibles.


- Un peu de tolérance : acceptez de parler à ces gens-là qui suspendent leurs phrases à un joker tel que « voilà ».

dimanche 6 juillet 2025

Budget 2026 : pour faire, il faut « ne rien faire » - Chronique du 7 juillet

Bonjour-bonjour

 

Les citoyens français qui partent en vacances doivent marquer sur leur agenda le mois de septembre, quand le budget 2026 viendra en débat à l’Assemblée Nationale. Car on ne voit pas quel projet pourra rassembler une majorité pour éviter le 49.3 – sauf à laisser le budget se faire tout seul, grâce au dispositif de « l’année blanche » qui consiste à reconduire à l’identique certaines dépenses de l’État, sans tenir compte de l’inflation. Après tout l’an dernier, lorsque le gouvernement Barnier était tombé, il a bien fallu user de ce dispositif pour abonder les crédits nécessaires aux administrations.

C’est en effet « une piste sur la table », a confirmé, dimanche 6 juillet, le ministre du commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, sur France inter. Et en effet, fournir un budget permettant de réaliser les économies demandées sans prendre le rabot pour réduire les crédits, voilà un tour de passe-passe qui ravit les responsables, devenus ainsi irresponsables – donc non censurables ?

C’est là qu’est le problème : sans envisager le débat sur la pertinence des budgets ainsi reproduits, demandons-nous si le fait de ne pas agir est compatible avec le mandat de ministre - ne s'agirait-il pas en fait d'une "forfaiture" ? Ou bien alors on aurait à faire a une philosophie de l’action qui viendrait buter sur l’inaction comme modalité-limite de son existence. Y aurait-il des circonstances par les quelles le meilleur moyen de faire c’est précisément de ne rien faire ?

Ne haussez pas les épaules trop vite, et rappelez-vous de cette œuvre de John Cage, le pianiste-compositeur américain qui composa une œuvre intitulée « 4’33’ de silence », durée pendant laquelle il était assis devant son clavier sans rien jouer (voir le détail ici). Le public médusé fut très irrité par ce récital qu’il estima être de la fumisterie. C’est qu’il ignorait alors que l’exécutant avait une partition très détaillée indiquant le contenu de chaque partie de l’œuvre pour la quelle il devait garder le silence.

 


 

Le 29 aout 1952, David Tudor interprète à Woodstock 

« 4’33 de silence » de John Cage

 

Pour conclure, rappelez-vous la voie du Maitre dans le Tao Te King :

« Enseigner sans parole, / accomplir sans action : / telle est la voie du Maître. » (Lire ici)

Nos ministres sont devenus des sages.

samedi 5 juillet 2025

Cocorico monsieur Rico – Chronique du 6 juillet

Bonjour-bonjour

 

C’est une affaire dont La Fontaine aurait sans doute tiré une fable. 

Voici les faits : installée en 2021 sur la commune de Nivolas-Vermelle, en Isère, la voisine d'Alexia et de Franck Charreton avait réclamé à la justice le départ de leur coq Rico. Elle estimait, en effet, qu’il chantait « trop fort ». Ce vendredi 4 juillet, le tribunal de Bourgoin-Jallieu s'est estimé incompétent sur la question de savoir si l’animal avait le droit de chanter dans sa basse-cour, mais a condamné… la voisine procédurière pour le préjudice moral causé à ses propriétaires. (Lu ici)

 


Est-ce tout ? Pour rappel, en 2019, le coq Maurice avait lui aussi fait l’objet d’un conflit de voisinage. Il avait finalement été autorisé à continuer de chanter. L’essentiel n’est donc peut-être pas là, mais dans le fait que Monsieur Rico a depuis été tué « suite à une énième attaque de renard ». 

- D’où la question : si le coq avait le droit de chanter, le renard avait-il celui de tuer le coq ?

C’est une question fort classique mettant en jeu l’affrontement du droit naturel et du droit civil. Ainsi : le droit du renard à tuer et puis manger le coq Rico dérive de sa nature qui est de vivre aux dépends des volailles qui le nourrissent.  De la même façon le coq Rico avait le droit d’exprimer sa nature de coq en chantant le matin au lever du soleil, et nulle loi inventée par les hommes n’avait à s’occuper de l’affaire.

Et pourtant, ce droit avait été reconnu au gallinacé par les nations vivant sous la juridiction du droit civil, par une loi du 29 janvier 2021 protégeant ce coq reconnu comme un « patrimoine sensoriel » des campagnes. Le renard aurait-il pu bénéficier du même droit, au cas où on s’en serait soucié ? Peut-être, ou … peut-être pas.

- En tout cas la justice a condamné la plaignante aux dépends, vu qu’on n’a pas à mobiliser les tribunaux pour de pareilles broutilles.

vendredi 4 juillet 2025

Déficit : qui va payer ? – Chronique du 5 juillet

Bonjour-bonjour

 

Ces jours-ci les chroniques concernant la rentrée politique de septembre tournent autour d’une question : comment établir un budget 2026 – à 40 milliards d’économies – sans tomber sous le coup d’une censure ?

Cette question fort vague est immédiatement doublée d’une autre : Va-t-on vers une taxation des retraites ? Sachant en effet que les retraités sortent de la crises financière moins pénalisés que les salariés, on se dit qu’il serait pensable de faire sauter certains avantages dont ils bénéficient, comme l’abattement forfaitaire de 10% sur les pensions de retraite.

Déjà, il est amusant de constater que la plupart du temps on ne sait pas pour quelle raison cet abattement est consenti. On prétend qu’il s’agit de couvrir des « frais professionnels » qui pourtant n’existent pas. En réalité cet abattement « a été instauré en 1978 pour compenser le fait qu’ils avaient moins la possibilité de dissimuler leurs revenus au fisc que d’autres catégories de contribuables. Il a été maintenu par la suite pour neutraliser certaines réformes du mode de calcul de l’impôt sur le revenu. »

--> Oui, vous avez bien lu : en France on doit dédommager ceux qui ne peuvent frauder le fisc, activité largement ouverte aux autres contribuables. J’ai lu ça ici, et j’ai été tellement stupéfait que j’ai cherché à recouper l’information, par exemple ici – où je trouve l’indication qu’il s’agit d’alléger la charge fiscale pour : « Empêcher la fraude, car les pensions sont déclarées directement par les caisses de retraite. » Dire qu’on doit empêcher une fraude qu’on ne peut commettre, c’est simplement absurde.

 Il suffirait pourtant de prendre un peu d’altitude pour avoir une compréhension des faits raccord avec le bon sens. Car en matière fiscale, c’est en élargissant l’assiette de l’impôt qu’on parvient au meilleur résultat, du moins celui qui assure la meilleurs acceptation.

D’où l’adage suivant :

« Déficit : Ne demande pas pour qui sonne le glas / Il sonne pour toi. »

Ce qui nous permet de savoir de quoi la rentrée budgétaire sera faite.

jeudi 3 juillet 2025

Le viol d’enfant : un crime imprescriptible ? – Chronique du 4 juillet

Bonjour-bonjour

 

Les maltraitances, viols et autres agressions commis sur des enfants sont dénoncés avec d’autant plus de véhémence aujourd’hui qu’ils furent admis autrefois : suite aux pratiques tolérées à Betharram, certains ont même dit que pour cet établissement, la violence était un produit d’appel. A l'opposé de cela existe aujourd'hui une demande de refaire le code pénal instituant l’imprescriptibilité de la peine à l’encontre de ceux qui commettent des viols sur des enfants.

- Or jusqu’à aujourd’hui l’imprescribilité est réservée aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité. Juridiquement l’imprescriptibilité signifie que « la poursuite de l'infraction ou l'exécution de la peine ne peuvent être paralysées par le seul écoulement du temps » (lu ici) : même 80 ans après les faits, les nazis peuvent toujours être poursuivis pour les crimes qu’ils ont commis durant la guerre.

Pourquoi y a-t-il si peu de cas admis à l’imprescriptibilité ? On observe pourtant que tous les pays accordent dans leur droit pénal une cessation des poursuites en raison du délai entre les faits reprochés et les poursuites envisagées. Le temps aurait-il un rôle dans l’effacement du délit, ou du moins dans l’intégration du coupable dans la société : peut-être s’agit-il d’accorder à celui-ci la possibilité d’évoluer au cours du temps, contre quoi l’imprescriptibilité affirmerait que ces crimes restent punissables la vie durant, qu’ils ne restent jamais impunis en raison de difficultés à les découvrir et à instruire leur procès.

- Dans ce cas, les crimes de viols sur enfants seraient bien concernés : on voit régulièrement des victimes se révéler plus de 30 ans après les faits. 

Mais l’imprescriptibilité signifie aussi que l’auteur du crime est supposé ne pas avoir changé au cours du temps. Prenez comme exemple un roman sur l’imprescriptibilité du crime tel que Les Misérables. Javert poursuit sa vie durant Jean Valjean malgré la sainteté dont il fait désormais preuve - d'ailleurs, comme on le sait le lecteur est du côté du bagnard repenti.

Mais supposez que Jean Valjean ait été un violeur d’enfant (à l’encontre du petit ramoneur savoyard par exemple) : aurait-on estimé possible une telle métamorphose ?

mercredi 2 juillet 2025

La DS N°8 : une nouvelle Déesse ? – Chronique du 3 juillet

Bonjour-bonjour

 

La D.S. N°8 fait son entrée dans le concert des voitures de haut de gamme, et on ne peut que songer à celle qui, déjà baptisée « Déesse », émerveillait il y a… 70 ans !

Nous étions en 1955 et Roland Barthes faisait une place dans ses « Mythologies » à cette voiture mystérieuse qui faisait oublier la « bagnole ». Ici la mécanique s’efface au profit de l’esthétique et du confort : le siège du conducteur est copié sur le fauteuil-club du salon.

Bien entendu la comparaison entre la voiture d’aujourd’hui et celle qui révolutionnait le marché il y a 70 ans est biaisée : exit la voiture « mécanique », le cambouis et la clé à molette ; place à la batterie et aux kilowatts. Mais en faisant encore appel au prestige de la marque, Citroën (ou plutôt D.S., marque indépendante) ne peut pas avoir oublié cet aura : en 1955, la DS avait une âme. En aurait-elle une également aujourd’hui ? Si Roland Barthes vivait de nos jours, opposerait-il encore à son propos « l’alchimie de la vitesse à une gourmandise de la conduite » ? (1)

Du point de vue, du conducteur la voiture d’aujourd’hui est présentée plutôt comme un ordinateur que comme une mécanique asservie à des boutons-poussoirs. Ici les fonctions sont virtuelles, ainsi que les commandes. Rien n’est apparent, et on voit même dans la résurgences de commandes physiques une preuve de sa modernité qui rétrograde à partir d’une virtualité incompatible avec le caractère intuitif des décision de conduites.

En cela la DS N°8 ressemble à la DS 19 soumise à un design étranger : numérique pour la première, « arts ménagers » pour l’autre (cf texte cité en note). Mais l’essentiel n’est sans doute pas là. Dans cet article détaillant les observations faites à l’occasion de l’essai de cette voiture on lit en effet une liste de dispositifs installés dans l’habitacle tout autant que sur la carrosserie : on a l’impression d’un catalogue d’éléments juxtaposés et susceptibles d’être modifiés et remplacés selon les options. Barthes voyait dans la DS 19 un être nouveau sans exemple dans le monde de la mécanique : « Il y a dans la DS l’amorce d’une nouvelle phénoménologie de l’ajustement, comme si l’on passait d’un monde d’éléments soudés à un monde d’éléments juxtaposés et qui tiennent par la seule vertu de leur forme merveilleuse, ce qui, bien entendu, est chargé d’introduire à l’idée d’une nature plus facile. »

Rien de tout cela ici. Il se peut que la DS N°8 n’ait pas rencontré le Roland Barthes qu’elle méritait. Mais pour le moment force est de constater que cette voiture peut être comparée à ses concurrentes. 

La DS 19 était incomparable.

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(1) Roland Barthes – Mythologie

 « Il s’agit donc d’un art humanisé, et il se peut que la Déesse marque un changement dans la mythologie automobile. Jusqu’à présent, la voiture superlative tenait plutôt du bestiaire de la puissance; elle devient ici à la fois plus spirituelle et plus objective, et malgré certaines complaisances néomaniaques (comme le volant vide), la voici plus ménagère, mieux accordée à cette sublimation de l’ustensilité que l’on retrouve dans nos arts ménagers contemporains: le tableau de bord ressemble davantage à l’établi d’une cuisine moderne qu’à la centrale d’une usine: les minces volets de tôle mate, ondulée, les petits leviers à boule blanche, les voyants très simples, la discrétion même de la nickelerie, tout cela signifie une sorte de contrôle exercé sur le mouvement, conçu désormais comme confort plus que comme performance. On passe visiblement d’une alchimie de la vitesse à une gourmandise de la conduite. » Extrait : lire ici

mardi 1 juillet 2025

La clim’ ce n’est pas une horreur – Chronique du 2 juillet

Bonjour-bonjour

 

Depuis hier la lutte contre la canicule s’impose avec un sujet principal : la défense « passive » contre la chaleur. Pointée comme insuffisant, l’équipement en volets extérieurs est souvent mis en cause à Paris.

Selon l’Agence parisienne du climat, « Une baie vitrée de 2 mètres carrés exposée au soleil direct produira environ autant de chaleur qu’un radiateur allumé. Il convient donc de bloquer le rayonnement solaire avant que celui-ci ne pénètre dans le bâtiment. » (lu ici)

Voilà : qu’on n’ait pas encore découvert cette lacune surprend. C’est que nous sommes coutumiers du fait, et cela depuis la construction du château de Versailles.

Celui-ci en effet ne possède pas de contrevents (nom donné autrefois aux volets extérieurs doublant les volets intérieurs dont le château est largement équipé).

 

 

 

Le rôle climatique de ces volets n’était pourtant pas ignoré : on dit que madame de Maintenon en avait pourtant réclamé pour se protéger du froid qui à Versailles pénétrait par les fenêtres mal jointes et non protégées par des volets extérieurs.

Malgré cela, Louis XIV refuse à sa maîtresse la pose de volets aux fenêtres de son appartement : ceux-ci auraient brisé l'harmonie de la façade ordonnancée par Le Vau puis Hardouin-Mansart... C’est alors que la maitresse du roi s’exclama : « Il faut périr en symétrie »

Hé bien nous sommes comme le Maitre de Versailles, soumis à des règles architecturales (doublées il est vrai d’une signification esthétique – voir ici). En réalité nous n’avons pas perdu l’esprit des années 70 où les constructions ne tenaient pas comptes du bilan thermiques ; il est vrai qu’on cherchait à consommer le plus d’électricité possible pour justifier l’énorme parc nucléaire par les consommations pour le chauffage.

On dira : « les années 70 sont bien oubliées. Nous vivons à l’époque des économies d’énergies »

Croyez-vous ? Pas plus tard qu’hier, Jean-Marc Jancovici déclarait « La climatisation ce n’est pas l’horreur. Nous avons une surproduction d’électricité solaire à midi alors que la consommation est trop basse pour l’absorber. La clim à cette heure-là serait possible » (vu ici)

Hé-hé… On dirait que la société de consommation n’est pas tout à fait morte…