Bonjour-bonjour
La D.S. N°8 fait son entrée dans le concert des voitures de haut de gamme, et on ne peut que songer à celle qui, déjà baptisée « Déesse », émerveillait il y a… 70 ans !
Nous étions en 1955 et Roland Barthes faisait une place dans ses « Mythologies » à cette voiture mystérieuse qui faisait oublier la « bagnole ». Ici la mécanique s’efface au profit de l’esthétique et du confort : le siège du conducteur est copié sur le fauteuil-club du salon.
Bien entendu la comparaison entre la voiture d’aujourd’hui et celle qui révolutionnait le marché il y a 70 ans est biaisée : exit la voiture « mécanique », le cambouis et la clé à molette ; place à la batterie et aux kilowatts. Mais en faisant encore appel au prestige de la marque, Citroën (ou plutôt D.S., marque indépendante) ne peut pas avoir oublié cet aura : en 1955, la DS avait une âme. En aurait-elle une également aujourd’hui ? Si Roland Barthes vivait de nos jours, opposerait-il encore à son propos « l’alchimie de la vitesse à une gourmandise de la conduite » ? (1)
Du point de vue, du conducteur la voiture d’aujourd’hui est présentée plutôt comme un ordinateur que comme une mécanique asservie à des boutons-poussoirs. Ici les fonctions sont virtuelles, ainsi que les commandes. Rien n’est apparent, et on voit même dans la résurgences de commandes physiques une preuve de sa modernité qui rétrograde à partir d’une virtualité incompatible avec le caractère intuitif des décision de conduites.
En cela la DS N°8 ressemble à la DS 19 soumise à un design étranger : numérique pour la première, « arts ménagers » pour l’autre (cf texte cité en note). Mais l’essentiel n’est sans doute pas là. Dans cet article détaillant les observations faites à l’occasion de l’essai de cette voiture on lit en effet une liste de dispositifs installés dans l’habitacle tout autant que sur la carrosserie : on a l’impression d’un catalogue d’éléments juxtaposés et susceptibles d’être modifiés et remplacés selon les options. Barthes voyait dans la DS 19 un être nouveau sans exemple dans le monde de la mécanique : « Il y a dans la DS l’amorce d’une nouvelle phénoménologie de l’ajustement, comme si l’on passait d’un monde d’éléments soudés à un monde d’éléments juxtaposés et qui tiennent par la seule vertu de leur forme merveilleuse, ce qui, bien entendu, est chargé d’introduire à l’idée d’une nature plus facile. »
Rien de tout cela ici. Il se peut que la DS N°8 n’ait pas rencontré le Roland Barthes qu’elle méritait. Mais pour le moment force est de constater que cette voiture peut être comparée à ses concurrentes.
La DS 19 était incomparable.
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(1) Roland Barthes – Mythologie
« Il s’agit donc d’un art humanisé, et il se peut que la Déesse marque un changement dans la mythologie automobile. Jusqu’à présent, la voiture superlative tenait plutôt du bestiaire de la puissance; elle devient ici à la fois plus spirituelle et plus objective, et malgré certaines complaisances néomaniaques (comme le volant vide), la voici plus ménagère, mieux accordée à cette sublimation de l’ustensilité que l’on retrouve dans nos arts ménagers contemporains: le tableau de bord ressemble davantage à l’établi d’une cuisine moderne qu’à la centrale d’une usine: les minces volets de tôle mate, ondulée, les petits leviers à boule blanche, les voyants très simples, la discrétion même de la nickelerie, tout cela signifie une sorte de contrôle exercé sur le mouvement, conçu désormais comme confort plus que comme performance. On passe visiblement d’une alchimie de la vitesse à une gourmandise de la conduite. » Extrait : lire ici
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