jeudi 30 septembre 2021

Petits, petits, petits... – Chronique du 1er octobre

Bonjour-bonjour,

 

Dans son célèbre ouvrage (1) John Rawls admet que les inégalités de salaire sont acceptables quand elles sont aussi au profit des plus faibles. Il ne fait d’ailleurs que confirmer l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme : « ... Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »

Suivant ce principe sacré, le gouvernement britannique a institué un visa à point qui permet aux plus performants (en tout cas aux plus diplômés) d’entrer plus facilement sur le territoire.

Mais au moment où cette loi entre en application, la réalité dément cruellement ce choix : les travailleurs qui viennent à manquer ce ne sont pas les médecins, les ingénieurs, les informaticiens. Ce sont les camionneurs, qui continuaient leur service bien que mal payés et surexploités, et qui sont aujourd’hui refoulés parce qu’étrangers – camionneurs qu’on ne forme d’ailleurs plus depuis longtemps en Grande-Bretagne vu que personne ne veut faire un pareil métier. Oui, les plus utiles socialement, ce sont les petits, les sans-grades, ceux qui sont sur le front de la vie quotidienne.

L’absence de reconnaissance est une constante universelle, et il n’y a pas besoin d’aller aux Indes pour observer le sort réservé aux « Intouchables » qui vident les poubelles et ramassent les cadavres dans les rues : rappelons cette leçon que nous apprîmes durant le Grand confinement lorsqu’on sortait chaque soir à 20 heures pour applaudir les soignants et ceux qui étaient de la « première ligne » - alors que nos médecins télé-consultaient bien à l’abri des virus. Où sont aujourd’hui les applaudisseurs du soir quand les services de soins explosent sous la charge de travail, quand les services de psychiatrie manquent de tout ? C’est dans la nécessité que ce principe apparait et les britanniques en font la cruelle expérience en ce moment devant les rayons de leurs super marchés vides et à la pompe à essence à sec.

 

Dans son récent ouvrage (2), Pierre Rosanvallon place le manque de reconnaissance dans la liste des humiliations sociales qui sont à l'origine d’épreuves socialement insupportables. De grandes révoltes sont sorties de là, et les Gilets jaunes sont encore dans toutes les mémoires, eux qui ont alimenté leur haine des élites à cette source.

 

A l’origine de tout cela, une évaluation sociale qui établit les privilèges et les distinctions et qui obéit à une règle fort commune : celle de la rareté. Pour qu’un médecin soit remplacé, il faut presque 10 ans d’études et des capacités peu communes ; un aide-soignant peut le devenir après une formation bien plus courte qui mobilise des capacités plus courantes. Mais si la pénurie donne de la valeur aux médecins (d’où le malthusianisme qui détermine les effectifs des concours), elle en donne aussi à tous les métiers, qu’ils soient glorieux ou ordinaires. Et c’est ainsi qu’on observe chez nous que les travailleurs de la restauration, qui ne veulent plus de ce métier contraignant et mal payé, sont indispensables : sans eux on n'a plus qu'à fermer la boutique ; les infirmières font de même - et jusqu’aux enseignants qui désertent les concours. Tous réclament d’être mieux considérés et mieux payés : mais sans eux plus de restaurants, plus de soins et plus d'écoles.

Ce n’est donc pas l’utilité sociale qui distingue les hommes contrairement à ce que voulait la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; mais seulement le besoin qu’on en a.


D'ailleurs écoutez Hobbes : « La valeur ou l'importance d'un homme, c'est comme pour tout autre objet, son prix, c'est-à-dire ce qu'on donnerait pour disposer de son pouvoir. » C'est dans le Léviathan, publié en 1651: ça ne date pas d'hier.

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(1) John Rawls Théorie de la justice 1971

(2) Pierre Rosanvallon - Les épreuves de la vie

mercredi 29 septembre 2021

Monsieur Z est-il diabolique ? – Chronique du 30 septembre

Bonjour-bonjour 

L’ex-FN se dédiabolise : il perd son âme. Du coup, Éric Zemmour le récupère et en profite pour se hisser au plus haut dans les sondages au détriment de la candidate du RN.

 

Mais dites-moi, de quel Diable parlons-nous ? Car c’est facile de prétendre l’incarner – encore faudrait-il le prouver : Monsieur Z est-il diabolique ?

Diabolique, on ne sait : car il faudrait encore s’entendre sur ce que recouvre ce terme. Reste à prendre des exemples : c'est ainsi que, dans son dernier ouvrage, il dénonce les poursuites à l’encontre de DSK et de ... Tarriq Ramadan. On y lit en effet que ces deux hommes, accusés de viol et d’agression sexuelles, sont des victimes d’une société féminisée et qui a perdu sa force virile. En particulier à propos de DSK : « DSK, menottes derrière le dos entre deux cops new-yorkais, marchant tête baissée, c’est un renversement de mille ans de culture royale et patriarcale française. C’est une castration de tous les hommes français ». Car Naffisatou Diallo n’est qu’une femme de ménage : ce n’est en réalité qu’une « ridicule affaire ancillaire ».

 

C’est tout ? Patience ! Encore quelques semaines et vous verrez que non seulement Philippe Pétain a été un excellent patriote, mais aussi que les nazis ont été des victimes de provocations juives – car, voyez-vous, comme le dit depuis longtemps Dieudonné « Il faudrait savoir qui a commencé ».

Ça vous suffit ? Bon – reste donc à savoir pourquoi on aurait besoin de « ça » ? Oui, qu’est-ce qui conduit des gens qui auraient voté pour Le Pen-père, se détourner des postures prises par sa fille : tolérance, démocratie, refus de la peine de mort, féminisation de la société – bref, de la « bien-pensance », pour adouber cette image d’un cloaque initial dans le quel notre Nation aurait trouvé sa force originelle.

On le dira en peu de mots : comme nous ne savons pas où nous allons, nous aimons ceux qui nous rappellent d’où nous venons. Ah ! Pouvoir s’identifier aux seigneurs trousseurs de servantes, aux patriarches trousseurs de nièces, voire même au vulgum pecus agresseurs de juifs. 

Merci monsieur Z de nous rappeler d’où nous venons – mais sachez-le, nous ne sommes pas pressés d’y retourner.

mardi 28 septembre 2021

Heu-reux ! – Chronique du 29 septembre

Bonjour-bonjour

 

Vous savez quoi ? Ce matin les français sont heureux. Oui, heu-reux ! Et pourquoi ? Parce que Yannick Jadot a été élu à la primaire EELV ? Pas du tout. Parce qu’ils vont pouvoir aller chez leur psy gratis (ou presque) ? Mais non ! Parce que la pénurie d’électricité en Chine montre que les consignes environnementales y sont enfin respectées ? Mais enfin, où allez-vous chercher tout ça ?

C’est quand même simple : les français sont heureux parce que Lionel Messi a enfin marqué un but au cours d’un match avec le PSG. Parce que, voyez-vous, à aduler un homme à ce point, on se met en situation d’être déçu. Mais voilà. Ouf ! L’exploit est arrivé et il est à la hauteur attendue. Écoutez ça : « Presque à l’arrêt et indifférent aux événements, il part de son côté droit, change de rythme brutalement, dribble, prend appui sur un partenaire (Kylian Mbappé) avant de décrocher une frappe chirurgicale de son pied gauche » Et c’est un propos lu dans le Monde, journal pourtant peu sensible aux émotions footballistiques.

Voilà donc un joueur tellement supérieur à tout ce qui arrive autour de lui : à ces gens qui courent partout après un ballon comme s’ils étaient dans la cour de récré, à cette adrénaline qui en pousse d’autres à taper dedans comme des malades comme si leur avenir en dépendait... Non - lui, à l’arrêt, indifférent, il part, il accélère, il s’appuie sur un camarade (Mbappé, juste bon à ça), et là (attention, soyez vigilant, ça va aller très vite) il décoche une frappe chirurgicale : BUT ! – et du pied gauche encore !

C’est trop de bonheur. Parce que, voyez-vous, tout cela s’est déroulé dans une micro seconde, alors qu’on attendait depuis si longtemps... Certes on avait confiance : Lionel Messi est trop bon, il ne peut décevoir ses supporters ; mais toutes ces mini-déceptions, ça finissait par faire beaucoup d’aigreurs. Et l’entraineur qui le sort au moment où il commençait à bouger ; et le méchant adversaire qui tente de lui démantibuler le genou !  

Mais voyez comme le monde est bien fait : plus vous attendiez, et plus votre désir s’accroissait ; et plus il s’accroissait plus le plaisir promettait être grand – immense... Et il fut grandiose !

Car, comme disait notre vieux Corneille : « le désir s'accroît quand l'effet se recule »

lundi 27 septembre 2021

Polemos et Philia – Chronique du 28 septembre

Bonjour-bonjour

 

Maintenant que les élections allemandes sont passées, on se plait à comparer la campagne qui vient de finir outre-rhin avec celle qui commence ici même. Alors que chez nous tout n’est que bruit, fureur, haine et plaintes en diffamation – là-bas, ce sont débats feutrés, capacité à s’entendre pour gouverner ensemble qui dominent ; on dit même que le mot « immigré » n’a été prononcé qu’une fois au cours de leurs débats ! On peine à le croire.

 

Mais que l’Allemagne et la France s’opposent sur ce point ne serait pas inquiétant si les philosophes ne venaient à mettre leur grain de sel, déplorant que ces deux tendances soient opposées de part et d’autre du Rhin au lieu d’être présentes, mélangées même, dans chacun de ces deux pays. Car depuis Héraclite, cela est bien connu : il faut que Polemos et Philia soient unis pour que le monde soit.

C'est Héraclite – le « philosophe obscur » – qui le dit cette fois clairement : rien ne serait s’il n’y avait des conflits, des combats, bref, si rien ne s’opposait à rien : pour que le monde soit, il faut au moins deux termes distincts, mis en relation et en opposition par Polemos, le principe du conflit. Mais il faut aussi qu’ils soient réunis par Philia, principe de la concorde et de l’amitié.

D’où l’idée que la guerre est nécessaire entre les peuples, qu’elle répond de leur dynamisme et de leur vitalité ; mais comme en même temps les nations isolées dépériraient il faut qu’une force opposée les réunisse. Ainsi les grecs passaient leur temps à se faire la guerre et aussi à conclure des alliances entre les cités. Jamais aucune troisième tendance, synthèse de ces deux-là n’a été réalisée, elles subsistaient sous l’empire du « En même temps » bien connu de Notre-Président.

Héraclite avait raison : c’est cela qui rend possible la vie politique ; sans jamais se confondre ni se mélanger, les partis politiques doivent savoir conserver leur identité tout en renonçant à une partie de leurs prérogatives pour gouverner en commun - ce qui est leur véritable finalité 

- Mais alors : à quoi conduit la séparation de ces deux principes dans chacun des pays qui bordent le Rhin ? Les français ont choisi une règle électorale telles que l’un des deux protagonistes soit terrassé au soir des élections : Polemos vainqueur ne laisse triompher qu’un seul parti : celui du Président. On a bien l’unité mais pas la diversité. En Allemagne où les résultats de l’affrontement sont moins tranchés, Polemos s’efface devant Philia, cédant le terrain à une coalition... garantie par un engagement des partis concernés de soutenir le gouvernement pendant 4 ans. Toutefois on sent bien que quelque chose cloche : l’amitié soutenue par engagement volontaire, est-ce bien sérieux ? En tout cas, c’est ce qui arrive quand le conflit est éradiqué ... par la force.

dimanche 26 septembre 2021

On est bien trop nombreux sur terre – Chronique du 27 septembre

Bonjour-bonjour

 

Vous rappelez-vous de René Dumont ? Il y a 50 ans, premier écologiste à briguer un mandat Présidentiel, il étonnait les français non seulement avec son allure décontractée, buvant face caméra un verre d’eau en affirmant que d’ici la fin du siècle (nous étions en 1974) elle viendrait à manquer en France, mais aussi avec des mesures de décroissance pour sauver le monde. Car, réduire sa croissance, cela veut dire aussi réduire la population mondiale et donc prendre des mesures de contrôle des naissances : avortement autoritaire, quotas de naissance dans chaque pays, etc. (Lire ici) Pour mémoire, la Chine de Mao attendra 1979 pour mettre en pratique un tel projet.

René Dumont a fait moins de 2% aux élections présidentielles de 1974. Et aujourd’hui alors ? Quid de la politique de sauvetage de la planète chez les écologistes radicaux ? Les avez-vous entendu parler d’une telle limitation ? Si les plus décroissants d’entre eux n’ont pas repris ce projet, est-ce par frilosité ou bien serait-il obsolète ? Inefficace ? Inhumain ?

 

Encore un rappel. Nous sommes en 1798. Thomas Malthus, pasteur anglican publie Essai sur le principe de la population, un ouvrage où il établit que la population humaine augmente de façon exponentielle ou géométrique (par exemple : 1, 2, 4, 8, 16, 32...) tandis que les ressources ne croissent que de façon arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, 6...). Autrement dit, l’accroissement sans frein de la population aboutit à la famine et seul le contrôle volontaire des naissances peut éviter un tel glissement, car l’équilibre naturel entre population et ressources ne s’effectuerait que très en-dessous d’un niveau convenable pour la vie des hommes. Le mouvement qui est issu de cette pensée s’appelle le malthusianisme, à l’époque de René Dumont il était sur toutes les lèvres ; aujourd’hui plus personne ne l’évoque. Est-ce en raison de l’échec relatif de cette mesure en Chine où l’intervention de l’État a abouti à un nouveau déséquilibre, cette fois entre les générations ? Ou alors parce que le déclin de la démographie est aujourd’hui repéré non comme une chance mais comme un malheur ?

samedi 25 septembre 2021

Chez McDonald's 1,70 € : prix d’un gobelet d'eau plate – Chronique du 26 septembre

Bonjour-bonjour

 

Dans l'optique de bannir les bouteilles en plastique la chaine de restauration rapide a créé sous la marque « Eau by Mcdo » un service d’eau plate filtrée, servie en un gobelet jetable en carton ; dans le menu enfant, la bouteille d’Évian est remplacée par l’Eau by Mcdo sans que le prix ne soit modifié pour autant.

Ce procédé qui revient à vendre de l’eau du robinet qui passe dans un filtre et que l’on vend entre cinq et sept euros le litre a été qualifié par des Internautes de "plus grosse arnaque du siècle ». Lire ici.

 


Scandale ou pas ? Tout est affaire d’habitude : je me souviens avoir demandé dans un restaurant de Genève une carafe d’eau du robinet, la quelle me fut facturée comme s’il s’était agi d’une eau minérale en bouteille. Devant mon étonnement le maitre d’hôtel se justifia en répondant que c’était une pratique généralisée, dans tous les restaurants du pays. D’ailleurs personne ne protestait, et pour une bonne raison : c’est que personne n’avait ce genre de boisson sur sa table ; tant qu’à faire de payer, autant se payer de la marque.

Mais cet épisode nous met en tête la question du juste prix. Prenez le verre – non pas d’eau plate – mais de vin. Songez au prix de la bouteille ainsi débitée au verre : soit environ 6 fois le prix d’un verre pour le prix de la bouteille entière. Maintenant rapportez ce prix à celui de la même bouteille achetée chez le sommelier du coin : le delta (1) est énorme, et rien, pas même les taxes perçues par l’État, ne le justifie. 

On dira : « on a l’habitude » et du coup, ça passe. Oui, c’est vrai. Mais surtout n’oublions pas que le juste prix c’est le prix sur lequel vendeur et acheteur sont tombés d’accord. Ça s’appelle le marché. Et ça vaut aussi bien pour le baril de pétrole que pour le gobelet d’« Eau by Mcdo »

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(1) « Delta » pour « différence » : je sais ça fait pédant, mais j’aime.

vendredi 24 septembre 2021

Des doses très importantes de microplastiques dans les selles de bébés

Bonjour-bonjour

 

On apprend que, selon une étude scientifique, les selles de bébés contiennent dix fois plus de plastique que celles des adultes. (Lire ici)

 

Ça parait étrange, mais quand on y réfléchit, pas tant que ça : on sait que les bébés portent en bouche tout ce qui passe à leur portée : biberon, mais aussi jouets, vaisselle pour enfants (incassable -donc en plastique) et même ... des couches (Bizarre... C’est du moins ce qu’on lit dans l’article cité qui semble bien informé). De plus on a constaté par ailleurs que les nouveaux nés viennent au monde avec du plastique déjà présent dans le corps – ce qui suppose que la maman en a sucé du plastique durant sa grossesse. 

Les petits enfants d'autrefois ne suçaient que leur pouce et basta ! A proximité de leur berceau, rien que des bouts de chiffons ou des sucres d’orges pour calmer leurs gencives.

Les écoliers quant à eux suçaient leurs crayons en bois ou leur porte-plume en fer. 

Les mamans – et les papas – mangeaient des beefsteaks emballés dans du papier de boucherie et buvaient leur eau ou leur vin dans des bouteilles en verre. 

- Bref : quoiqu’on fasse le plastique sous des formes parfois invisibles telles que des films doublant des emballages papier-carton subsiste et on n’imagine pas comment on pourrait s’en débarrasser.


L’inconvénient, c’est que ce fichu plastique a une propriété regrettable : il migre dans le corps, passant allègrement la barrière intestinale, on le retrouve dans les organes où il cause des dégâts irréparables. Comme par ailleurs les poissons en font autant et qu’on mange leur chair, on ingère des plastiques d’origine « secondaire » ce qui rend encore plus problématique son évitement.

- Pourrons-nous un jour remplacer le plastique par... du bois ? Exemple : mon clavier plastique : en bois. La coquille de la souris : du bois ? Il parait que le bambou est suprême pour ça :







jeudi 23 septembre 2021

L’argent coule à plein ruisseau – Chronique du 24 septembre

Bonjour-bonjour

 

Le monde d’après : ça faisait longtemps qu’on ne nous en avait pas parlé. Lassés d’imaginer qu'au sortir de la pandémie on en aurait fini avec "le monde d'avant", de croire que le « Grand soir » serait gagné non à la pointe du fusil mais à l’épreuve du virus, on s’était dit que c’était un rêve de plus à ranger dans le tiroir aux illusions, avec toute sorte d’autres songeries – comme la société sans classes. 

Et puis, voilà que le projet de budget pour 2022 arrive et qu’éberlués, nous constatons que des subventions inespérées viennent irriguer les services publics, les classes sociales défavorisés, les jeunes, les étudiants, les commerces en difficultés (?) – que sais-je encore ? Si vous avez des difficultés à boucler votre budget, alertez le ministère ad-hoc, il fera le nécessaire.

 

- La surprise vient de ce que l’orthodoxie budgétaire prônée par Bruxelles, et imposée par Bercy a disparu – pfuittt... comme un nuage dissipé par le vent. Les lois intangibles de la finance, les avertissements des cadors de l’économie, qui fustigeaient la gestion jugée calamiteuse de la France en matière de service public, onéreux et inefficace (nos voisins faisaient bien mieux, n’est-ce pas, et à moindre frais) : oui, tout cela est oublié, et on peut même trouver des éloges du « modèle Français » plus robuste qu’on ne l’avait cru.

Il a fallu pour cela que le verrou de l’équilibre budgétaire imposé par « Maastricht » saute en raison de l’épidémie, et que dans la foulée la BCE décide des rachats de dette massifs, maintenant les taux de la dette à zéro. Un emprunt collectif européen a même été acté : nos amis allemands disant : « Vous manquez d’agent ? Puisez dans les réserves ; vous me rendrez ça plus tard et au prorata de vos ressources. »

Quoi ? Au prorata de mes ressources ? Même le bonhomme Cetelem ne me l’avait pas accordé !

 

Après ça, comment tenir un discours de résignation pour des revendications qui élèvent des lamentations devant un tiroir-caisse vide ? Faudra-t-il attendre qu’un retournement de tendance faisant remonter les taux d’intérêt précipitent dans la faillite des États dispendieux ?

mercredi 22 septembre 2021

Quand donc les hommes vivront-ils d’amour ? – Chronique du 23 septembre

Bonjour-bonjour

 

Ça y est ! on en a fini avec cette malheureuse histoire des sous-marins français ! La preuve : les attaques politiques, après avoir plu sur l’Australie et les Etats-Unis, s’abattent maintenant sur Gouvernement français lui-même. On connait les propos durs et humiliants des opposants à Emanuel Macron après son coup de fil à Jo Biden ; écoutons à présent les déclarations de Boris Johnson « Je pense qu'il est temps pour certains de nos amis les plus chers dans le monde de prendre un grip (1) à propos de tout ça »

- Mais surtout, Naval Group a publié le communiqué suivant : « L'Australie a résilié le contrat pour « convenance », ce qui veut dire d'ailleurs que nous ne sommes pas en « faute ». C'est un cas qui est prévu dans le contrat et qui donnera lieu à un paiement de nos coûts engagés et à venir, liés à la 'démobilisation' physique des infrastructures et informatique ainsi qu'au reclassement des employés. (...) Nous ferons valoir tous nos droits ». Autrement dit, l’heure est au bilan final, lequel passe par les dédommagements économiques. Pour le bilan diplomatique, on verra après la rencontre franco-américaine fin octobre en Europe.

- C’est donc l’heure du bilan. On constate que l’échec français résulte de l’écart entre ses ambitions et la réalité : sur le plan diplomatique, la France ne peut espérer une place mondiale plus élevée que son rang économique ne le lui permet. C’est d’ailleurs une constante historique et nous-mêmes l’avons bien fait sentir aux Anglais en ricanant devant leur prétention à se hisser à la hauteur des États-Unis dans la nouvelle alliance AUKUS (2). 

- On s’interroge tout de même : s’agit-il d’une nouvelle guerre froide entre un bloc « occidental » en la Chine ? Ou pour parler plus clairement, sommes-nous en train d’assister à la renaissance des alliances entre les États dressés les uns contre les autres et opposants leurs puissances de feu ? Des spécialistes de ces questions croyaient que les conflits mondiaux ne se feraient qu’entre zones d’influence aux contours flous et mouvants. Ils auraient donc tort ?

 

Kant croyait que la paix perpétuelle adviendrait le jour où les pays constateraient que leur prospérité passe par des relations commerciales apaisées avec leurs ennemis devenus leurs partenaires. On voit qu’il avait tort de négliger les conflits incessants pour dominer le marché.

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(1) to "get a grip" = se ressaisir

(2) Les États-Unis, ont annoncé mercredi avec l'Australie et le Royaume-Uni un vaste partenariat de sécurité dans la zone indo-pacifique. «La première grande initiative de (ce nouveau pacte appelé) "AUKUS" sera de livrer une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire à l'Australie» (lu ici)

mardi 21 septembre 2021

Houston, we have a bouchon – Chronique du 22 septembre

Bonjour-bonjour

 

Vous avez lu la nouvelle ? « Les quatre touristes-spationautes Jared Isaacman, Hayley Arceneaux, Sian Proctor et Chris Sembroski sont revenus sur Terre après la fin de leur mission Inspiration4. Si l'atterrissage s'est fait sans encombre, dans l'espace, les toilettes n'étaient plus fonctionnelles comme le rapporte Space.com : le ventilateur d'aspiration qui doit éliminer les déchets n'était pas fonctionnel. » (Lu ici)

 

- Oui – Et alors ? Rapporter cette information, n’est-ce pas s’intéresser à un évènement majeur (la mise en orbite de 4 touristes dans un vaisseau entièrement automatisé) sous un angle mineur ? Qu’importe le dysfonctionnement des toilettes rapporté aux milliards d’opérations hyper-complexes réalisées sans encombre ? S’agit-il seulement d’ironiser ? De réclamer quelque chose comme le remboursement du voyage (200 millions de dollars quand même) ? D’imaginer comment ça a pu se passer pour 4 personnes avec des toilettes bouchées pendant 3 jours ? 

 

- On peut quand même s’étonner : comment un tel « détail » a-t-il pu échapper aux ingénieurs de SpaceX ? L’explication fournie (à savoir que ces toilettes n’étaient pas prévues pour un voyage aussi long) laisse perplexe : et si au lieu des toilettes il avait été question de la quantité d’oxygène à prévoir ?

Mais justement : qu’une telle bévue ait été possible est riche d’enseignement quant à leur attitude vis-à-vis de l’élimination des « déchets » organiques : ne renvoie-t-elle à notre propre attitude ? N’avons-nous pas l’habitude d’occulter cet aspect de notre vie ? Au point que nous n'avons même pas de mot spécifique pour désigner le lieu où on exonère (1) : les toilettes, les lavabos, les cabinets...

Ce ne serait donc pas si étonnant que même un personnel aussi affûté que celui de SpaceX ait négligé ce que de toute façon nous écartons systématiquement : c’est une disposition culturelle. 

Ah... Si l’on avait eu affaire à une entreprise japonaise, on n’aurait sûrement pas oublié de mettre au point des WC corrects. Car, parmi tous les peuples développés, les japonais sont ceux qui ont une technologie-W-C la plus performante. Voyez plutôt :

  


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(1) Je profite de cette occasion pour évoquer au passage la rareté de cet emploi du verbe « exonérer » pour désigner l’aboutissement du « transit » intestinal : « Alors, cher monsieur, vous exonérez bien ? - Ça va docteur, ça va... » 

lundi 20 septembre 2021

Célébration de Françoise Bernard – Chronique du 21 septembre

Bonjour-bonjour

 

Françoise Bernard, auteure d’ouvrages culinaires, vient de mourir à 100 ans. Ce n’est certes pas « l’info du jour », mais à moi, elle me parle. « Elle était entrée dans les cuisines des Français en publiant en 1965 la première version de son best-seller, "Les Recettes faciles", qui proposait des recettes simples et économiques. Cet ouvrage, qui a "révolutionné la cuisine familiale", a été depuis plusieurs fois réédité et s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires », dit l’article de France-info. Mais dans ma mémoire, Françoise Bernard c’était celle qui, dans les années 50, « parlait à la radio » pour nous encourager à cuisiner à la margarine Astra.

 


 

Occasion de le rappeler : en France l’art culinaire nous dit quelque chose des modes de vie.

On comprend que ce soient d’abord Les Recettes faciles, son œuvre destiné aux femmes actives (= qui travaillent toute la journée et qui font la cuisine en rentrant le soir) et qui n’ont pas le temps d’éplucher les carottes (« Ouvrez donc une boite de conserve ! ») qui aient retenu l’attention. Mais pour moi, avec Françoise Bernard, c’est l’étape d’avant qui me revient – quand notre cuisinière vendait sa renommée à Astra la firme créatrice de margarine à l’huile de noix de coco, réputée faire des plats aussi bons que s’ils étaient cuisinés avec du beurre. Ce qui veut dire qu’à l’époque, si les français étaient attachés par-dessus tout à leur gastronomie, ils étaient en revanche trop pauvres pour faire chaque jour la cuisine au beurre : les années 50 étaient celles où la pauvreté était telle qu’on devait livrer aux vieux durant l’hiver des sacs de charbon pour éviter qu’ils meurent de froid dans leur logement. 

Aujourd’hui nous recherchons dans les huiles végétales des omégas-3 destinés à soulager nos artères des méfaits des graisses animales ; et l’empreinte carbone de nos kiwis nous donne des angoisses : souci de riches. Mais soucis quand même.

En 1950 Françoise Bernard venait donner un peu de bonheur à ceux qui construisaient un monde radieux pour le plus grand bonheur de leurs enfants.

dimanche 19 septembre 2021

De nos jours, l’ignorance est liberté – Chronique du 20 septembre

Bonjour-bonjour

 

La proposition d’Anne Hidalgo de doubler le salaire des enseignants a soulevé un tollé dans le monde politique, avec les chiffrages les plus exorbitants. Olivier Faure a eu des paroles fortes pour défendre cette proposition, avec cette formule : « Si l’éducation coûte cher, essayez donc l’ignorance ! »

Oui, l’ignorance coûte cher. Le Premier secrétaire poursuivait ainsi : « Ceux qui décrochent, qui basculent dans la pauvreté, qui sollicitent nos systèmes sociaux, ceux qui sombrent dans la délinquance, ceux qui ne déploieront pas tous les talents et nous priveront de la richesse de leur créativité parce que nous n’aurons pas su la libérer... Elle est là la dette financière et morale, celle que supporterons nos enfants ! » De son temps déjà Victor Hugo considérait que l’ignorance était une tare sociale liée à une carence éducative : Ouvrez une école disait-il, et vous fermerez une prison ! » 

Mais de nos jours, en va-t-il réellement ainsi ? Suffit-il pour chasser l’ignorance arrogante et fière d’elle-même de multiplier l’effort éducatif – à l’heure où, sur les réseaux sociaux les pires âneries ont cours, à l’heure où seul le nombre des gens d’accord avec l’affirmation la plus stupide suffit à la valider ?

... Imaginez un peu : nous sommes en 1615 ; le Tribunal de l’Inquisition reproche à Galilée ses publications qui infirment le contenu de la Bible. Tout cela se passe dans l’espace clos et feutré du Vatican. Aujourd’hui, la question serait dans l’espace public ; son issue dépendrait du nombre de gens qui se rangeraient derrière l’un ou l’autre. « Galilée, combien de followers ? »

Oui, de nos jours il y a encore des fous pour croire que la Terre est plate, que le monde a été crée tel qu’aujourd’hui il y a 5000 ans et ... que les vaccins modifient notre génétique.

- « Des fous » ? Mais alors, pourquoi en parlons-nous tant ? Pourquoi chaque semaine les quelques complotiste qui défilent dans nos rues occupent nos écrans avec force de commentaires ? Hélas ! Contrairement à ce que croit Olivier Faure, l’ignorance n’est plus une tare honteusement portée par de pauvres gens privés d’éducation. Elle est une liberté qui permet à ceux qui ne savent rien de proférer les contre-vérités qui leur plaisent et d’oublier les vérités qui leur déplaisent.

« De nos jours, l’ignorance est une liberté » : une telle horreur fait frémir – mais si elle est vraie, soyons lucides.

samedi 18 septembre 2021

Les raseurs du dimanche – Chronique du 19 septembre

Bonjour-bonjour

 

Je vous préviens, aujourd’hui je vais être ronchon. Pourquoi ? Parce que l’actualité me met sous les yeux cet objet connecté à ma douche capable de dire en temps réel la température de l’eau, la quantité consommée, et combien je suis responsable de la fonte des glaces qui va faire crever ce malheureux ours blanc. (Là, sur l'écran LCD... Vous ne le voyez pas ? Regardez mieux)

 


 « L’alimentation électrique s’effectue via une micro turbine et vous devrez donc faire couler de l’eau pour démarrer l’installation avec l’app Hydrao. L’écran LCD vous indique, quelques secondes après le début de la douche, la consommation d’eau et sa température en temps réel. À la fin, vous avez un résumé de la consommation énergétique et d’eau totale, ainsi que la classe d’efficacité énergétique de votre douche, classée de A à G. » dit le descriptif expliquant aussi que l’heure de la douche censée nous apporter détente et tonus va nous transformer en anxieux qui tremblent de se frictionner les fesses un peu trop longtemps au risque de faire fondre la banquise.

 

Et tout ça pourquoi ? Parce que, nous dit l’article, l’eau est une ressource qui devient rare en raison de la surconsommation des pays développés – sauf chez nous, pays béni des Dieux, qui ne redoute en cas de sécheresse que l’empêchement de laver sa voiture et de remplir sa piscine – à l’exception notable des provinces du sud de la France. Et le même article de nous expliquer que cette ressource doit être protégée au nom de la préservation de la planète...

Bref – ce qui me hérisse c’est qu’on nous fait la leçon de la sur-consommation, comme si notre consommation d’eau la détruisait purement et simplement. Or, l’eau de la douche que devient-elle ? Elle file droit vers les égouts, les quels vont la rejeter après traitement ad-hoc ... dans la rivière dont elle provient. xm2 « consommés » = xm2 récupérés.

Pas clair ? Quand je mets un verre d’essence dans le réservoir de ma voiture, il va se dissiper en toutes sortes de substances vénéneuses et l’essence quant à elle, va disparaitre. Maintenant quand je bois mon Ricard vespéral, tout le volume de la boisson va, suivant un trajet physiologique sur lequel je n’insisterai pas, rejoindre la terre d’où il provient.

Alors, mis à part le coût de l’opération en termes d’assainissement, je ne vois pas où est le mal.

Sauf que... l’écologie actuelle n’est pas seulement punitive elle est aussi culpabilisante : il faut absolument qu’on se sente responsable de catastrophes et coupables des malheurs d’espèces vivantes qui ne nous ont rien fait – comme cet ours blanc sur l’écran de la douche. Or, faut-il le rappeler, l’eau est une ressource qui ne se délocalise pas, qui ne se mondialise pas. Plus je consomme de carburant, plus je diminue le stock sur le quel l'humanité entière peut s’approvisionner. Si je renonce à ma douche dominicale pour éviter de faire baisser le niveau de la Seine, ça ne va pas contribuer à réhydrater le Sahel.

vendredi 17 septembre 2021

Vos courses livrées en 15 minutes – Ce temps gagné, qu’allez-vous en faire ? – Chronique du 18 septembre

Bonjour-bonjour


« Vos courses livrées en 15 minutes » : dans les couloirs du métro parisien, cette promesse d'une nouvelle utopie urbaine s'affiche partout. Mieux : dans les grandes villes «ubérisées», les plateformes de streaming font économiser le temps de trajet vers le cinéma et les applications évitent la queue au restaurant. 

Là-dessus des grincheux (1) ouvrent leur exemplaire du Petit Prince et lisent ceci :

« Bonjour, dit le petit prince.

- Bonjour, dit le marchand.

C'était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l'on n'éprouve plus besoin de boire. 

- Pourquoi vends-tu ça ? Dit le petit prince.

- C'est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine. 

- Et qu'est-ce qu'on fait de ces cinquante-trois minutes ?

- On en fait ce que l'on veut... »

« Moi, se dit le petit prince si j'avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine... » (Ch. XXIII)

 

Je sais ! c'est pas sympa de venir vous saper le moral en vous faisant des remontrances pour l’usage de Deliveroo – alors que vous sortez d’une semaine épuisante de travail, les gosses conduire à l’école et puis les courses... Pourquoi se faire eng*** pour ça ? Et si le Petit Prince veut marcher jusqu’à la fontaine au lieu de se faire livrer son eau, grand bien lui fasse. Quand il aura crapahuté en plein cagnard pour constater que dans le désert il n’y en a pas, on en reparlera.

Sauf que... Ce n’est pas d’hier qu’on se demande si le progrès consiste seulement à gagner du temps : déjà dans les années 50, bien avant que nos courses nous soient livrées à domicile grâce à des livreurs zélés, Moulinex libérait la femme avec ses robots ménagers. 

 


 
Certains, suivant un vieux réflexe machisto-patriarcal, ont ricané : « Et les femmes que font-elles de cette liberté ? Elles vont faire de la médiation en pleine conscience, histoire de découvrir... le néant ! »

Pfuitttt ! Foutaise que tout cela ! Je conviens qu’il ne faut pas confondre temps libre et liberté. Ni qu’il suffit de souscrire un abonnement à deliveroo pour être heureux. Mais convenez qu’il ne faut pas s’étonner que ceux qui se sont mobilisés pour la réouverture des terrasses cherchent à dégager du temps pour y aller.

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(1) Voir l’article de Louis Heidsieck ici

jeudi 16 septembre 2021

Nos soldats ne tuent pas : ils neutralisent – Chronique du 17 septembre

Bonjour-bonjour,

 

« Le chef du groupe terroriste État islamique au Grand Sahara est mort à la suite d’une frappe de la force Barkhane » a tweeté la ministre française des Armées Florence Parly

De son côté Emmanuel Macron a déclaré : « Adnan Abou Walid al Sahraoui, chef du groupe terroriste État islamique au Grand Sahara a été neutralisé par les forces françaises. »

Bon : ce chef terroriste est mort, suite à une frappe de l’armée française, mais nous ne l’avons pas tué ; nous l’avons neutralisé. (Lu ici)

Triomphe de la litote et de l’euphémisme, le vocabulaire des armées regorge de formules douces à entendre. C’est de la même manière que pour répondre aux attaques barbares et lâches de nos ennemis, certains de nos soldats meurent en héros. On a là une rhétorique bien connue, très ancienne et très générale : faut-il encore en parler ? – Je pense que oui, parce que, même bien connu, le procédé reste efficace et en tout cas révélateur d’une attitude qui cherche à se dissimuler. Et puis il est peut-être toujours utile de décrypter le procédé, histoire de ne pas en être la victime. 

Côté rhétorique, il s’agit simplement ici de remplacer un mot jugé sans doute trop précis par un autre qui laisse flotter une indétermination. Car, si un homme est notre ennemi au quel on a le droit d’infliger la mort, c’est seulement en tant qu’il est un soldat. Dès lors qu’il est désarmé et devenu inoffensif, on doit lui appliquer la Convention de Genève, c’est à dire le faire prisonnier jusqu’à la fin des hostilités, bien le traiter et le rapatrier la paix revenue. Ça, c’est ce qu’on croit comprendre quand on nous parle de « neutralisation ». Mais on peut aussi le neutraliser en le faisant exploser par un missile : le résultat est le même, seul le procédé diffère.

Côté communication, c’est l’image de l’armée qui est en jeu et c’est elle qui explique ce glissement rhétorique. Il s’agit de faire oublier la violence dont les soldats sont porteurs, et le sang qui éclabousse, et les membres déchiquetés... 

D’ailleurs, les campagnes de recrutement sont là pour le vérifier. Voyez ces affiches :

 


Pour encourager les jeunes à devenir soldats, il n’est question que de trois choses : le développement personnel, comme ici ; ou de missions humanitaires, au service des victimes ; ou le prestige de l’uniforme. Rien de la violence sauvage infligée à l’ennemi – et rien non plus de la mort dont le soldat est menacé à chaque instant.

S’agit-il de soigner l’image de l’armée dans l’opinion publique ? Sans doute. Mais n’oublions pas qu’on recherche constamment à rapprocher les lois de la vie sociétales de celle de la guerre. Ce qui est une mission quasi impossible, au point que les soldats américains après la guerre de Corée ont été internés dans des camps pendant plus de 6 mois afin d’oublier les atrocités subies et commises et de ne pas être enclin à les reproduire dans la vie civile. Faute de mieux, il ne reste qu’à le faire croire.

 

Que le même homme puisse vivre en paix comme un bon père de famille, alors que 6 mois plus tôt il mitraillait des ennemis et éventuellement violait ou torturait des prisonniers (comme durant la guerre d’Algérie) – voilà ce qu’il ne faut surtout pas montrer.

mercredi 15 septembre 2021

Notre santé passe par celle des autres – Chronique du 16 septembre

Bonjour-bonjour

 

« Le projet de structure, baptisée HERA, destinée à dépister et contrer les prochaines pandémies doit être dévoilé aujourd’hui à Bruxelles (1).

Toutefois, les États, dont la santé est une compétence exclusive, devront donner leur feu vert, et le texte ne sera ni débattu ni voté par le Parlement européen. Un camouflet pour les eurodéputés réunis cette semaine à Strasbourg. » (Lire ici)

 

- C’est tout de même intéressant d’observer comment les États européens défendent becs et ongles leurs prérogatives souveraines, car nous pouvons ainsi observer le contenu de cette souveraineté que chaque État se vante de préserver contre ceux qui voudraient l’envahir – on pense au fameux « pré carré » dont la France depuis Louis XIV défend les frontières.

Toutefois, si le pouvoir régalien s’exerce naturellement sur l’armée, la police, la justice et l’éducation (j’en oublie peut-être qu’on me pardonne) par contre il devient de plus en plus problématique d’inclure là-dedans la santé publique. Or c’est précisément ce que l’Europe-Unie prétend faire aujourd’hui – mieux même : ce qu’elle fait déjà avec ses directives prises durant lutte contre l’actuelle la pandémie. Plus encore : on voit qu’aujourd’hui même, en France, le pouvoir qui prétend nous imposer des mesures spécifiques pour la préservation de notre santé ainsi que celle de nos concitoyens est contesté, alors même que cette obligation ne provient pas de l’étranger. Que serait-ce si l’obligation vaccinale était imposée par la Commission de Bruxelles ! On comprend que faire un pas de plus dans cette direction soit éminemment problématique.

 

- Une fois observé ce phénomène, la question qui vient à l’esprit c’est : « Pourquoi ? » Car les pouvoirs ne sont « régaliens » que dans la mesure où les États sont effectivement autonomes et indépendants. Or de moins en moins de situations peuvent se définir ainsi. Si l’armée européenne n’existe pas, chaque pays considérant que sa défense ne doit dépendre que de lui-même, cela n’empêche que l’idée d’une armée européenne seule capable de faire face aux menaces internationales ne fasse son chemin. Que l’Ecole de la nation soit protégée comme facteur de civilisation propre à chaque pays n’empêche pas que chacun se compare aux autres et fasse son possible pour s’aligner sur d’autres systèmes éducatifs plus performants. De la même façon nous avons observé durant cette pandémie combien il était irréaliste de prétendre faire comme si le virus respectait nos frontières, et comme si les mesures prises ailleurs n’avaient pas de valeur pour nous. 

 

Mais restons modestes et concluons qu’avant de songer à la prochaine pandémie, nous devrions chercher d’abord à en finir avec celle-ci ; si ce virus nous a montré quelque chose c’est que notre santé passe par celle des autres... Il y a en Afrique bien des peuples qui seraient heureux de recevoir les doses de vaccins que certains chez nous refusent obstinément.

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(1) Baptisée HERA (« Health Emergency Response Authority »), la nouvelle structure supposée être l'équivalent de la puissante Autorité pour la recherche et développement en biomédical (BARDA) aux États-Unis, doit « renforcer la capacité de l'UE à prévenir, détecter et contrer rapidement » les prochaines crises sanitaires, en assurant le développement, l'approvisionnement, le stockage et la distribution des traitements médicaux nécessaires.

mardi 14 septembre 2021

C’est en Harley que Johnny est monté au ciel – Chronique du 15 septembre

Bonjour-bonjour

 

Vous, je ne sais pas, mais moi, quand j’ai vu le monument dédié à Johnny Hallyday à l’AccorHotels Arena, j’ai bien cru qu’il s’agissait du totem-enseigne d’un marchand de motos. 

Vous ne me croyez pas ? Voyez plutôt :

 


 

Plusieurs remarques :

- D’abord, en quoi cette œuvre est-elle une œuvre d’art ? Après tout s’il suffit de montrer une moto qui sort d’usine et de dire que « c’est de l’art », alors n’importe qui peut produire ça et je pense que si ce monument a été facturé plus cher que la moto sortie d’usine alors c’est de l’escroquerie.

Du coup, il faut remonter aux vieilles querelles sur l’art dont témoignent les fameux « ready made » de Marcel Duchamp pour faire entrer cette Harley-Davidson au catalogue des musées. Je suppose d’ailleurs que c’est ce qui a dû être évoqué pour contrer la plainte des écolos qui reprochaient à ce monument d’être un totem de la pollution.

- Ensuite, ce monument est un monument à quoi ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’une publicité pour la marque Harley-Davidson ? Pourquoi ne pas avoir statufié Johnny dans une attitude de rocker, en pleine performance de scène ?

La réponse est simple : parce que des monuments à Johnny, il y en a des tas, et ils statufient tous le chanteur en plein déhanchement. Alors pour l’auteur de ce monument, l’obligation de faire quelque chose de neuf excluait de représenter une fois de plus le Johnny chanteur. Faire un monument à Johnny sans représenter Johnny : voilà le dilemme. 

Et du coup, montrer l’objet symbolisant l’homme était la meilleure solution, comme lorsqu’on a enterré Gainsbourg avec un paquet de Gitanes ; et Frank Sinatra avec une bouteille de Jack Daniels. Alors, certes, on n’a pas enterré Johnny avec sa Harley favorite. Mais c’est que Johnny n’est pas sous la terre : il est monté au ciel ... en moto.

Oui, chers amis, regardez encore une fois ce monument : la moto est en train d’escalader le ciel, c’est évident. Si Johnny n’apparait plus à ses admirateurs, c’est qu’il siège là-haut sur les nuages, avec sa Harley-Davidson, dont vous entendrez encore les rugissements, manette des gaz à fond – au milieu des éclairs.

lundi 13 septembre 2021

Les Gilets jaunes en ont rêvé : la Californie l’a fait ! – Chronique du 14 septembre

Bonjour-bonjour

 

Le gouverneur de Californie menacé de révocation (au profit d’un ultraconservateur) par un référendum qui a lieu ce mardi. Il s’agit de la « recall election », une procédure qui permet aux citoyens de révoquer un élu avant le terme de son mandat si les partisans de cette action, spécifique à la Californie, parviennent à recueillir assez de signatures (1.495.708 dans ce cas) pour forcer un vote par référendum. Or le camp républicain en a récolté plus de 2 millions.

Les opposants reprochent à Garry Newsom sa gestion de la crise du Covid-19 avec le confinement, le port du masque et plus récemment la polémique sur le nettoyage des forêts, en pleine saison des incendies… (Lire ici)

 

- Mais alors... La jonction entre les Gilets de 2018-2019 et les manifestants anti pass des samedi d’août et septembre 2021 serait toute trouvée : réclamer la destitution du Président pour mensonge à propos de l’épidémie et attentat à la liberté des citoyens. Le RIC (Référendum d’initiative citoyenne) réclamé par les Gilets jaunes était fait pour ça – Et les citoyens californiens ont prouvé avec la « recall election » que ça marchait ! Tant et si bien que c’est grâce à cette procédure que « Schwarzy» est devenu gouverneur en 2003.

 

Moi, ce qui m’étonne c’est que cette destitution destinée à chasser Macron du pouvoir n’ait pas été relayée par les médias toujours friands de tels retournements. La Californie pourrait bien donner des idées aux manifestants qui battraient encore le pavé samedi prochain.

dimanche 12 septembre 2021

Mise en examen d’Agnès Buzin ministre de la santé – Chronique du 13 septembre

Bonjour-bonjour

 

Sidération devant la mise en examen d'Agnès Buzin, ministre de la santé jusqu'en février 2020, pour «mise en danger de la vie d’autrui» dans la gestion de l’épidémie de Covid-19 ! Beaucoup sont choqués parce que cette incrimination extrêmement grave ne reproche pas à la ministre son imprudence ni son incompétence – mais bien le non-respect d’une obligation, et cela de façon manifestement délibérée. 

Toutefois, ce n’est pas le seul reproche fait à cette mise en accusation. Selon Didier Rebut, professeur de droit à l’université Paris-2, « on place le juge répressif en position d’évaluer une politique publique. C’est un problème sur le plan de la séparation des pouvoirs. » (Lu ici)

Il s’agit donc de savoir si un des principes les plus fondamentaux de notre démocratie, à savoir la séparation des pouvoirsest mis ou non à mal dans cette affaire.

 

Montesquieu considérant qu’il est dans la nature du pouvoir de toujours abuser propose d’empêcher ces abus en divisant le pouvoir en trois parties dont chacune s’opposerait aux empiètements des deux autres. Il ajoute que cette séparation devrait résulter des compétences dévolues à chacun pouvoir et non d’une supériorité de l’un sur les autres : nulle hiérarchie entre les pouvoirs et s’il est dans la nature du pouvoir judiciaire de juger le respect des lois, il n’a pas pour autant celui d’étendre sa jurisprudence à l’exécution des lois qui relève de la compétence de l'exécutif seul. Comme il faut bien pourtant réprimer les abus de l’exécutif, Montesquieu attribue ce pouvoir au législatif qui peut contrôler l’application des lois qu’il a votées.

 

- Bon : la Cour de justice de la République (CJR), qui vient d’incriminer Agnès Buzin est un organisme créé en 1993 pour juger les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions ; elle semble bien respecter les indications de Montesquieu puisqu’elle est composée de 12 parlementaires (6 députés et 6 sénateurs) et de seulement trois magistrats. 

Seulement on relève que depuis sa création en 1993, la CJR a prononcé un seul jugement à l’encontre de huit ministres et deux secrétaires d’État ; delà à insinuer qu’elle est inféodée au Gouvernement et qu’elle manifeste une mansuétude suspecte à l’égard de leurs éventuels manquements, il n’y a qu’un pas.

samedi 11 septembre 2021

La sieste : unité de mesure du temps – Chronique du 12 septembre

Bonjour-bonjour

 

Cherchant un thème léger pour un dimanche encore ensoleillé, j’épluche l’actualité : rien d’ensoleillé, je vous l’assure. Voyez plutôt l’image de ces femmes « talibanes » manifestant en faveur de leurs maitres : 

 


Brrrr... Cherchons ailleurs.


Je me suis alors souvenu d'avoir évoqué il y a longtemps (très longtemps, c’était en 2007) un thème surprenant : celui du baiser considéré comme unité de surface. Étonnant, non ? En plus c’est Diderot qui nous souffle cette idée.

Je partais en effet d’une citation de Diderot : « [C’était] une grosse dondon dont je vous dirais volontiers (…) qu’on la baiserait pendant deux mois sans relâche, sans la baiser deux fois au même endroit. ». Diderot - Lettre à Sophie Volland (7 octobre 1760)

- Voici ce que je disais alors :

« …  « on la baiserait pendant deux mois sans relâche » : ceux qui ont ricané en lisant ça devraient rougir de honte. Diderot veut simplement dire qu’on pourrait déposer des baisers sur le corps de cette dame pendant deux mois, sans que ça se chevauche.

Voici donc une nouvelle définition pour notre dictionnaire :

Baiser subst. masc. Unité de mesure de surface de la peau.

Ex. : Chéri, j’ai encore pris trois baisers de tour de taille ce mois-ci.

On croit badiner, et tout à coup le propos se révèle sérieux. Car depuis la révolution française, on utilise des unités de mesure abstraites. C’est ainsi qu’un mètre peut servir aussi bien à mesurer la taille d’un homme que les dimensions d’un champ, ou encore (sous forme de kilomètres) la distance entre deux villes.

Or, si dans l’ancien régime les mesures étaient tellement nombreuses, c’est qu’elles n’étaient pas abstraites : certaines d’entre elles étaient en rapport directe avec ce qu’elles servaient à mesurer (1). Exemple : le baiser pour mesurer le tour de taille d’une femme ? Oui, mais plus sérieusement : le journal qui servait à mesurer la surface des champs, et dont l’aire était définie par la surface labourable par un homme en un jour (= journal). 

Car la mesure nous apprend quelque chose de ce qui est mesuré : alors que 100 hectares ne signifient pas grand-chose en eux-mêmes (s’agit-il de terre labourable, de prairie, de désert, on ne sait), le journal nous dit « voici de combien de jours un homme aura besoin pour cultiver ce champ ». Supposons qu’on dise : « Ce terrain de foot mesure 3 journaux » ce serait absurde, non pas parce qu’inapproprié, mais parce que ça ne correspond plus à notre époque : à chaque époque son unité de mesure. 

Alors aujourd'hui, justement, l’unité fréquemment utilisée est le terrain de football – exemple : un hangar d’Amazone grand comme 3 terrains de foot ; une salle de conférence grande comme un terrain de foot, etc. C’est également inapproprié, sauf que ça nous parle plus que les unités de mesures abstraites de la physique. Car l’unité de travail d’une force (le joule) sert aussi bien à mesurer l’énergie que je dissipe en tapant sur les touches de mon clavier, que ce que j’absorbe en mangeant mon yaourt. Abstraction pure.

Je propose donc qu’on revienne à un système de mesure concret, dont les unités aient un sens.

Pour commencer :

- La sieste. Unité de temps servant à mesurer une durée dans la journée d’un homme

Ex. : ce travail m’a pris trois bonnes siestes. »

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(1) Attention à ne pas confondre avec l’usage de ces unités de mesure, telles que la coudée, le pied, etc., qui pouvaient servir à mesure n’importe quoi. Leur particularité était seulement d’être définies à partir du corps, ce qui dispensait d’aller chez Castorama pour trouver un triple mètre rétractable.