lundi 31 août 2020

Elon Musk a testé un implant cérébral sur des cochons – Chronique du 1er septembre

Bonjour-bonjour

 

Dès qu’on parle de greffe d’organe d’un cochon vers l’homme, on ricane : tout le monde sait bien que l’homme a déjà un cochon installé dans le fond de son cœur… Mais quand il s’agit d’Elon Musk, l’homme de la Tesla et de Space X, on y regarde d’un peu plus près.

Voyons ça :

- D’abord, il s’agit d'une truie sur laquelle a été greffé un implant faisant l’interface entre les neurones de l’animal et des machines extérieures. Selon Musk, cette expérience permettrait de résoudre le problème de la communication entre le cerveau et le corps. Autrement dit, Descartes aurait enfin quelque chose à mettre à la place de la glande pinéale. Concrètement, le milliardaire estime qu’elle pourrait aider des patients atteints de troubles de la parole ou de paralysie, souvent dus à un défaut de communication entre la tête et le corps. Pas mal !

- Ensuite, Elon Musk rêve de créer « une symbiose avec l’intelligence artificielle », ou encore de « sauvegarder des souvenirs et de les télécharger dans un nouveau corps » (lire ici).

Une symbiose entre l’homme et la machine, et cela non pas comme Descartes l’admettrait en restant à l’intérieur de l’homme machine (= le corps) mais aussi de la conscience. Rien que ça ? Mais pas que ça : car il ne s’intéresse pas au problème théorique de la relation de l’âme et du corps. Il s’agit principalement d’influer sur le contenu de la conscience permettant que les souvenirs soient sauvegardés, un peu comme dans mon ordinateur la base de données les conserve en dehors des circuits de la mémoire vive ; mais aussi et surtout il s’agit de pouvoir transférer ces souvenirs dans des consciences étrangères. La machine une fois en relation avec ma conscience peut fort bien ouvrir cette conscience à l’échange avec d’autres consciences. 

Et hop ! voilà la vieille énigme de la communication des consciences résolue ! (1)

Du coup, si mes souvenir peuvent transiter ainsi d’une conscience à une autre, voilà le fantasme grec réalisé ! Car la paideia grecque rêvait d’un savoir qui se transmettrait directement d’homme à homme (ou plutôt à enfant), comme si on injectait du savoir venu de l’un dans l’autre. Moyennant quoi les précepteurs ne faisaient pas mystère d’avoir des relations sexuelles avec les enfants qui leur étaient confiés. Après tout si ça permettait d’injecter un peu de science, peu importe sous quelle forme et comment ça pénétrait dans le sujet… Rappelons quand même que Socrate s’oppose violemment à un tel procédé quand Alcibiade lui fait les yeux doux (Voir le récit dans le Banquet). Bref : Elon musk nous propose de résoudre par la science et la technologie moderne des énigmes que seuls des systèmes dogmatiques ont abordés au cours de deux millénaires d’histoire de la pensée. 

Et tout ça rien qu’avec un cochon savant.

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(1) Rappelons que la question de la communication des consciences a été réactivée ces jours-ci par le port du masque dont on se demande s'il fait - ou non - obstacle à celle-ci.

Donald Trump cherche à profiter de l’escalade de la violence à Portland – Chronique du 31 août

Bonjour-bonjour

 

La violence fait peur – la violence rend fou… de violence. Dans tous les cas on voudrait croire qu’elle n’a pas sa place dans le débat politique, principalement dans les affrontements électoraux. Que les leaders se distinguent par leur faculté d’apaisement, de réconciliation, qu’ils aient même été élus pour cela, parce qu’on sentait en eux cette bienveillance qui rend chacun d’avantage « zen ».

Oui, on voudrait bien… mais non ça ne marche pas comme ça. Durant les campagnes électorales se déchainent la violence et les rapports de force qui opposent les clans, comme des tribus préhistoriques cherchant à conquérir un nouveau terrain de chasse. On doit même constater que cette férocité et cette recherche de l’affrontement fait partie de la nature des politiques qu’ils sont animés par la passion « cabaliste » (amour de l’intrigue) pour parler comme Fourier (1).

Voilà donc ce qu’il faut retenir dès qu’on pense aux prochaines élections américaines. Et nous devons comprendre ainsi que les chances de réélection du Président américain doivent être évaluées en tenant compte de ce rôle de la violence dans la vie politique. Voyez ce commentaire lu dans une revue québécoise : « Nombre d’analystes ne saisissent toujours pas que le président américain n’appuie pas sa légitimité sur les faits ou le réel. Le génie communicationnel de Donald Trump réside plutôt dans l’alimentation quotidienne d’une figure de force. Certes, Trump se contredit : mais cela, en regard des faits. Jamais du point de vue de la cohérence de son image. Mais quelle est cette image ? Celle du winner, du self-made-man, du négociateur féroce, du railleur maître chez lui, du gardien de la loi et de l’ordre, du recul des ennemis de la nation, de l’« America First ». À lire dans « Le devoir » (revue québécoise)

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(1) Fourier se propose non de changer l’homme mais de changer la société pour l’adapter à la nature humaine – il imagine donc les rôles utiles à la société qu’on peut faire jouer aux passions humaines. Voir ici

samedi 29 août 2020

Danièle Obono caricaturée en esclave – Chronique du 30 août

Bonjour-bonjour

 

La tempête politique soulevée par la publication par Valeurs actuelles (V.A.) d’une caricature de Danièle Obono, députée France-Insoumise, enchainée comme une esclave est à la fois indispensable et en même temps trompeuse. Car dans le même temps où on s’indigne à juste titre de cette caricature, on ne parle pas du texte qu’elle est censée illustrer. Le voici : Valeurs actuelles attaquant les « indigénistes » écrit : « Là où les indigénistes et les reconstructeurs de l’Histoire veulent faire payer le poids de cette insoutenable traite aux seuls Européens, nous voulions rappeler qu’il n’existât (sic) pas d’unité africaine, et que la complexité de la réalité, sa dureté, était à raconter. » Et V.A. d’ajouter perfidement : « Nous avons choisi cette élue car elle participe selon nous, par ses prises de position répétées, à cette entreprise idéologique de falsification de l’Histoire. »

Autrement dit, choisir Danièle Obono pour illustrer cette polémique ne tient pas au fait qu’elle soit africaine, mais seulement qu’elle tienne les propos dénoncés. On aurait pu prendre un député rouquin ça aurait été pareil.

Et en effet : pas de traite d’esclaves sans marchands d’esclaves, les quels étaient bel et bien africains. Quant à la question que les « indigénistes » posent : « Qui doit porter la faute irrémissible de l’esclavage ? », V.A. répond : « Les noirs eux -mêmes ! » Ce qui signifie que nous les blancs, nous n’avons qu’une demie responsabilité ; après tout, nous n’étions même pas sûr que ces nègres soient des être humains : on les baptisait en masse avant de les entasser sur les bateaux : au cas où ils auraient une âme… Mais les autres négriers, les africains, ils étaient les frères de ceux qu’ils vendaient comme du bétail. Nous devons donc, nous les blancs, arrêter de battre notre coulpe pour un crime que nous n’avons pas commis.  

--> Le voilà, nous le tenons, le sophisme de V.A. : car, comment un crime tel que celui de l’esclavage pourrait-il s’absoudre d’une façon quelconque ? La responsabilité d’un crime contre l’humanité pourrait-il se fragmenter ou se dissoudre ? Et le fait qu’il y ait plusieurs criminels empêcherait-il que chacun porte le poids infini de la faute ?

Là était le vrai sujet de l’article de V.A. ; finalement le magazine devrait être satisfait qu’on l’attaque sur la caricature : c’est un sujet bien moins grave que celui de la remise en cause de la responsabilité de l’esclavage.

vendredi 28 août 2020

Bas les masques ! – Chronique du 29 août

Bonjour-bonjour

 

Il y a quelques mois (le 23 mai) j’abordais la question des masques en opposant le loup vénitien au masque chirurgical anti-covid.

Au vu du développement de l’intérêt pour cette question, je crois utile d’y revenir, mais cette fois en tenant pour acquis ce que je niais alors : oui le masque anti-covid cache les expressions et donc la personne. Au point qu’on commence d’en fabriquer qui sont transparents au niveau du bas du visage :

 

 

Vu ici

 

Je ne sais rien des performances techniques de ce masque ; tout ce que je sais c’est qu’il a été conçu en faveur des sourds afin qu’ils puissent continuer de décoder la parole à partir du mouvement des lèvres. (Lisez le descriptif en annexe)

Pour nous qui cherchons des idées généralisables, nous serions plutôt intéressés par la question : et si ces masques transparents étaient nécessaires aussi pour les relations humaines ordinaires, celle de tous les jours ? Si on ne pouvait plus continuer de perdre ainsi l’expression des visages et si notre vie s’en trouvait aliénée ? Certains dégagent le problème en disant qu’il fallait s’habituer à voir les sourires dans les yeux et que c’était pareil pour les autres expressions. Est-ce si sûr ? a-t-on fait quelque expérience pour le vérifier ? J’ai entendu parler de tests consistant à placer par trucage la même image d’yeux dans des photos de visages animés d’expressions complètement opposées : le regard ainsi créé était perçu comme parfaitement raccord avec le reste : il était donc décrypté selon l’expression du visage et non l’inverse. On pourrait aussi craindre que notre perception des expressions d’autrui soient purement et simplement inventées par nos préjugés, nos obsessions, etc.

Ce qui veut dire que, privés du visage, nous ne percevons rien de significatifs des autres à part bien sûr le ton de leur voix.

Il ne resterait plus qu’à faire comme si nous étions toujours en relation téléphonique, sans avoir le secours de l’appli zoom…

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Annexe. –  La promotion de cet article énumère ses avantages ainsi : « Les expressions faciales et la lecture labiale sont essentielles pour que les personnes sourdes comprennent les autres, alors communiquer sans risquer leur santé est devenu un problème sérieux pour la communauté sourde qui a appelé à une solution immédiate.

La section transparente qui rend les lèvres du porteur visibles, ce qui permet de lire sur les lèvres et de distinguer les expressions faciales de l'orateur. »

Idéal pour vous protéger de la poussière, du brouillard, de la fumée, des cendres, du pollen, de l'artisanat, du jardinage, des voyages, de l'anonymat. Profitez simplement d'un environnement propre et sain !

jeudi 27 août 2020

La privation d’espérance – Chronique du 28 août

Bonjour-bonjour

 

Hier, Jacinda Ardern, la première ministre de Nouvelle-Zélande a déclaré au procès de Brenton Tarrant responsable du massacre de Christchurch : « J’espère que c’est la dernière fois que nous avons à entendre ou à prononcer le nom du terroriste qui en est responsable », estimant qu’«il mérite une vie de silence total et absolu». (Lu ici)

On comprend ainsi que la prison à vie sans possibilité de sortie est une peine différente des autres peines de prison : alors que celles-ci offrent un horizon de retour à la vie normale avec réintégration dans la communauté une fois « le dette payée », celle-là est un retranchement sans horizon autre que la mort.  Alternative à la peine de mort, elle correspond à peu près au bannissement ou à la relégation dont disposaient (et dont disposent encore) certains systèmes judiciaires dans le monde : tous les droits civiques étant retirés au coupable, les capacités usuelles comme de s’installer pour exercer un métier pouvant lui être refusé, on allait au Moyen-âge jusqu’à l’autorisation, pour quiconque le voulait, de le dépouiller de ses biens et même de la vie. (Art Wiki)

La Nouvelle-Zélande ne va pas jusque-là, mais elle répond à une question fort difficile qui est : « Que fait-on des délinquants quand on ne veut pas les réintégrer dans la communauté nationale ? ». A part la mise à mort, on a beaucoup pratiqué dans l’Antiquité l’exil, et plus proche de nous, la même peine assortie de la déchéance de nationalité. Mais ici en Nouvelle-Zélande, on punit le criminel en l’envoyant en enfer.

- Oui : en enfer. Car si certains croient que la porte de l’enfer est gardée par des démons effrayants, Dante est là pour les détromper. La Divine comédie s’ouvre en effet sur la description de cette porte qui est simplement surmontée d’une inscription : « TOI QUI ENTRE ICI, ABANDONNE TOUTE ESPÉRANCE » - et tout est dit. Le système judiciaire français maintien toujours cette espérance ; même le vieillard condamné à plus d’années de réclusion que la vie ne lui en promet peut toujours croire qu’il sera gracié ou bien que sa peine sera commuée pour raison humanitaire. Mais la prison-relégation n’est pas seulement une privation de liberté ; elle est aussi une privation d’espérance.

Telle est la peine la plus cruelle qu’on puisse infliger à un homme.

mercredi 26 août 2020

Big Brother is watching you – Chronique du 27 août

Bonjour-bonjour

 

J’apprends hier que le roman d’Agatha Christie intitulé « Dix petits nègres », titre d’une comptine qui sert de trame au déroulé de l’histoire, vient d’être réédité dans une nouvelle traduction intitulée « Ils étaient dix », avec un texte expurgé du substantif « nègre ». (Ceux qui voudront se remémorer la comptine la retrouveront ici)

Ce n’est pas nouveau et ce révisionnisme vient de loin, très loin, si loin que Rabelais se pointe à l’horizon : « Si les signes vous fâchent, O quant (= combien) vous fascheront les choses signifiées » écrivait-il dans le Tiers livre, ch. 20 (lire ici). Pas nouveau mais toujours aussi énervant : même s’il s’avérait que ce mot soit devenu choquant au point qu’il soit interdit de le prononcer, il ne serait pas pour autant justifié d’en expurger des œuvres qui l’ont utilisé à l’époque où une telle chose était jugée normale.

On est en plein révisionnisme historique et supprimer des mots ainsi qu’on le fait ici revient exactement au même que déboulonner des statues. Nous nous étions exprimés sur le phénomène à l’époque, nous ne pouvons que redire la même chose aujourd’hui : on ne peut pas juger le passé, on ne peut que le comprendre. Je n’ai pas à juger les régicides de 1793 qui ont décapité Louis XVI, mais j’ai à comprendre aussi finement que possible pourquoi ils l’ont fait. C’est l’ignorance – ou pire : le mépris – de ce principe qui « fâche » aujourd’hui, pour parler comme Rabelais. 

Alors bien sûr faire la même chose avec la comptine du roman est ridicule, et c’est même ce ridicule-là qui fait rire – bien rire – MdR.. Pour échapper au ridicule, les éditeurs d’aujourd’hui font dire à Agatha Christie qu’elle ne voudrait surtout pas choquer qui que ce soit, à commencer par la communauté noire ce qui ne les absout d’aucune manière. 

… Au fait : je viens d’écrire « communauté noire » : ne vais-je pas tomber à mon tour sous la férule de la censure ? Le mot « noir » est-il autorisé ? Car employer ce mot, c’est distinguer les hommes selon la couleur de leur peau un peu comme on distingue les « homosexuels » selon leur « orientation sexuelle ». 

Nous parlions tout à l’heure de révisionnisme en faisant comme si c’était un problème théorique lié à la pratique de l’histoire. Mais ne l’oublions pas : ce que veulent les révisionnistes c’est avant tout supprimer l’existence des camps de concentration en les effaçant de la mémoire historique. De la même façon on veut aujourd’hui que les hommes à la peau noire soient effacés du champ de nos représentations et pour cela on interdit de les nommer.

 

--> Comme dans 1984, le roman de Georges Orwell, il s’agit ici de nier la réalité en supprimant les mots qui la désignent. Puisque les signes nous « fâchent », nions les choses signifiées.

Nous sommes en pleine novlangue. Et Big Brother nous surveille.

mardi 25 août 2020

L’argent, le pétrole et Dieu – Chronique du 26 août

Bonjour-bonjour

 

Ceux qui refusent de reconnaitre la valeur de l’argent, du pétrole et de Dieu, ce sont les Démocrates américains – ce qui montre qu’ils sont pour la disparition du pays. C’est bien sûr Donald Trump qui parle ainsi, et c’est bien sûr durant la campagne électorale.

 

Encore une stupidité du milliardaire-président ? Oui, bien sûr, mais quand même : il y a sans doute un résidu de sens qui émerge de ce fatras.

On pourrait penser que cet aphorisme serait plus solide s’il ne comportait que deux termes au lieu de trois. Chassons donc l’intrus : laquelle de ces trois notions n’est pas à sa place ?

- Déjà, que le pétrole et l’argent aillent de pair, passe encore ; mais que vient faire Dieu dans une pareille cohabitation ? Est-ce une allusion à la devise américaine imprimée sur les dollars « In God we trust » ? Mais mettre la monnaie sous la protection divine cela n’a sans doute pas plus de sens que d’inscrire comme nous la devise Liberté-Égalité-Fraternité sur nos anciens francs.

 

 


 

 

- Ensuite, le pétrole. Pourquoi faudrait-il mettre le pétrole au-dessus de toutes les productions nationales pour être un bon citoyen ? Et d’ailleurs, le pétrole est sans doute sur le point d’être évincé par d’autres productions, comme l’a été le charbon. L’Amérique est assez forte pour inventer de nouveaux produits dans lesquels se reconnaitront les bons américains. Les productions de la Silicone valley sont en passe de remplacer le pétrole et sans doute pour le plus grand bénéfice de la planète… et des actionnaires Apple.

- Reste l’argent : un américain c’est quelqu’un qui révère le dollar et qui est prêt à tout lui sacrifier. C’est cela que les Démocrates refuseraient et c’est cet acte impie que Trump leur reproche. En France ce serait plutôt un compliment ; aux États-Unis on peine à croire que quiconque puisse se reconnaitre dans cette attitude. => Sûr que c’est une fake-news inventée par l’équipe de Trump pour nuire à leurs ennemis.

Je ne doute pas que si l’on demandait à Trump lequel de ces 3 termes il serait prêt à rejeter, il n’hésiterait pas à balancer non seulement le pétrole mais aussi Dieu, mais à une condition : que ça rapporte beaucoup d’argent. C’est le dollar qui est le véritable Dieu, celui pour lequel on vendrait tout le reste, et qu’à part une poignée de hippies attardés dans ce siècle personne ne songerait à négliger. 

lundi 24 août 2020

Où apprend-t-on à vivre ? – Chronique du 25 août

Bonjour-bonjour

 

Autrefois, il y avait deux manières d’éduquer les enfants : en les confiants à leurs parents ou aux précepteurs qu’ils avaient choisi ; ou bien en les mettant à la rue où ils apprenaient à vivre en imitant les voyous qui trainaient par là.

Aujourd’hui, la situation est toute différente : nous avons des structures comme les écoles ou les crèches qui viennent suppléer les parents lorsque ceux-ci ne peuvent le faire faute de temps. La morale républicaine et les usages à respecter entre les hommes est universellement apprise.

Oui, mais dans le présent le plus contemporain il y a aussi d’autres modèles relations sociales qui ont beaucoup d’influence sur l’éducation de nos enfants, ce sont les réseaux sociaux qui leur apprennent à réagir aux autres comme ceux-ci le font entre eux ; l’attirance que ces petits écrans exercent sur les jeunes porte en elle ce phénomène de mimétisme qui est la base de l’apprentissage dans notre espèce.

Mais dans ce cas les exigences sont définies de façon diamétralement opposée par rapport aux coutumes ancestrales ou aux nécessités sociales : les éducateurs républicains dont l’autorité est définie de façon statutaire sont remplacés par les influenceurs qui sont désignés comme étant ceux qui ont le plus grand nombre de followers. Du coup, plus de stratification sociale, plus d’organisation stable et alors les conflits peuvent survenir n’importe où et pour n’importe quelle raison.  L’anarchie menace de régner en tous lieux.

On le verra sur un exemple venu de la psychologie animale. Les spécialistes des poules parlent de la « hiérarchie du coup de bec » qui permet aux poules de savoir de quels individus elles risquent de recevoir des coups et à quelles autres elles peuvent en infliger sans risque de répartie. Cette hiérarchie disparait quand le nombre de poules dans le poulailler est trop grand pour être mémorisé dans une cervelle d’oiseau. Ce sont alors des batailles incessantes où les animaux se blessent au lieu de passer leur temps à pondre paisiblement pour le plus grand bien de l’éleveur.

Hé bien, ne croyez-vous pas que nos petits biberonnés à tweeter ne risquent pas eux aussi de perdre le sens de l’ordre – et donc de la paix – social(e) ?

 

… J’avais pensé d’abord à établir ce raisonnement sur la base d’un fragment de Pascal où il explique que le respect même non justifié par des qualités morales mais seulement par l’usage autoritaire doit être strictement observé car c’est la condition du bon ordre dans la société. Mon histoire de poules m’a paru suffisamment claire pour dire la même chose. Mais que ceux qui en douteraient se reportent au texte : « Le respect est : Incommodez‑vous. Cela est vain en apparence, mais très juste, car c’est dire : Je m’incommoderais bien si vous en aviez besoin, puisque je le fais bien sans que cela vous serve. Outre que le respect est pour distinguer les Grands. Or si le respect était d’être en fauteuil, on respecterait tout le monde et ainsi on ne distinguerait pas. Mais étant incommodé, on distingue fort bien ». Brunschvicg 317 

Et au commentaire ici.

dimanche 23 août 2020

Paris n’est pas la France – Chronique du 24 août

Bonjour-bonjour

 

Étrange match de foot hier soir à la télé, avec ces rumeurs de supporters venues de gradins vides, en playback en quelque sorte… D’ici peu, tous nos spectacles auront lieu dans le vide avec ambiance pré-enregistrée : il y aura en régie un bouton « applaudissements » et un bouton « sifflets »…

Mais ce n’est pas de cela que je venais vous entretenir ce matin mes chers amis. C’est plutôt de cet emballement public pour un match opposant deux clubs comme s’il s’agissait de deux nations : ce n’était plus le PSG contre le Bayern, pas même Paris contre Munich, mais la France contre l’Allemagne avec toutes les rancœurs amassées depuis ce match durant lequel le gardien de but allemand fracassait sans être sanctionné la mâchoire d’un joueur français qui s’était approché de trop près de sa cage… « Et à la fin, c’est Paris qui gagne » titrait le Libé du weekend, faisant allusion à cet épisode jamais oublié… Bref, voilà deux clubs investis de la fierté de leur pays, au point que ma femme passant près de la télé hier soir au moment de la présentation de l’équipe du PSG me dit : « Tiens, ils n’ont pas joué la Marseillaise ? »

 

Bref : une heure plus tard, ce n’était plus la même chanson ; Paris, perdant son match, était redevenu Paris et la France oubliait déjà qu’elle s’apprêtait à s’accaparer son éventuelle victoire. Ingratitude du public qui est prêt à soutenir ses champions dès lors qu’ils restent des vainqueurs ? Oui, évidemment. Mais aussi mise en évidence de ce mécanisme qui me fait détester le public sportif (Aïe ! Ne me tapez pas !) capable de se rengorger de fierté dès lors qu’un français remporte une compétition, comme si c’était nous, pauvres minables des muscles, qui avions remporté la victoire par notre propre mérite. Bien sûr, ce mécanisme n’est pas spécifiquement français, et bien des chefs d’États capitalisent les victoires de leurs sportifs comme si c’étaient leurs propres victoires. 

Nous aussi nous aimons la victoire, et nous aimons ceux qui gagnent… à condition qu’ils soient des nôtres.

Et vae victis.

samedi 22 août 2020

Marx parti, vive les droits de l’homme ? – Chronique du 23 août

(Cette chronique est alimentée par la lecture de la conférence de Chantal Delsol, Crépuscule de l’universel – à lire ici)

 

Bonjour-bonjour

 

Et si les vieux comme moi vivaient actuellement un bouleversement dont personne ne parle vraiment – en tout cas sans lui donner son importance réelle ? Car de la révolution prônée en 1968 sous l’impulsion de la pensée marxiste, jusqu'à la morale des Droits de l’homme qui domine aujourd’hui la pensée occidentale, voire même toute la politique – le pas est immense. Et si nous l’avons franchi sans nous en apercevoir, d’autres pays ne l’ont pas franchi du tout et nous reprochent de l’avoir fait. Et cela non seulement dans des pays qui sont très loin culturellement du nôtre – on pense à la Chine ou aux pays musulmans – mais encore près de nous, dans notre communauté européenne, avec des pays comme la Hongrie pour lesquels on a inventé une dénomination particulière : ce sont des pays « illibéraux ». Mieux : on sait que chez nous aussi, ce refus des valeurs universalistes et « libérales » des droits de l’homme font florès, avec le populisme dont on dit qu’il nous guette à chaque élection.

Je n’ai pas les moyens de traiter ce sujet digne d’un colloque universitaire – mais poser le problème est tout de même déjà très important. Car poser froidement cette question, c’est accepter de regarder en face, sans passion, ceux qui argumentent contre l’égalité homme femme, contre le reflux du nationalisme, contre le rejet des traditions passées ; bref, contre l’affirmation que le seul progrès possible est dans la voie ouverte au 18ème siècle par les pays occidentaux et désigné aujourd’hui sont le titre « Droits de l’homme ».

On n’arrive peut-être pas très bien à saisir comment les chinois placent le groupe au-dessus de l’individu, ni comment l’autorité fondée sur Dieu justifie la soumission dans les religions révélées. Par contre on pourrait peut-être comprendre plus facilement comment les marxistes du 20ème siècle ont refusé ces droits universels, considérant qu’on avait affaire là à une idéologie, un « rideau de fumée » destiné à masquer les profondes inégalités dont se nourrit le régime capitaliste. Pour qu’advienne cette liberté issue des individus, il faut sortir de l’ornière de cette histoire qui est la nôtre depuis le début de l’humanité et accéder enfin aux temps nouveaux – au "nouveau monde" comme on dit un peu légèrement aujourd’hui.

En attendant, s'opposer aux Droits de l'homme occidentaux, c'est c’est toujours refuser l’individualisme et la "déliaison". 

vendredi 21 août 2020

Les temps sont flous… – Chronique du 22 août

Bonjour-bonjour

 

Curieuse époque… On se croyait à l’abri des surprises d’un temps historique capricieux, en marche avant, puis en marche arrière ; qui fait du surplace et puis qui tout à coup se retrouve plus loin que prévu… Et voilà l’épidémie qui passe et repasse, et tous nos projets sont menacés, reportés, ou du moins mis en stand by.

Autrefois dans nos campagnes, on disait volontiers « On fera cela l’an prochain, si Dieu le veut » ; depuis nous avions cru que notre maitrise du monde et de ses phénomènes était telle que cette restriction pouvait être mise de côté. Mais voilà : aujourd’hui tous les évènements sportifs ou culturels de cet été ont été reportés, ou simplement annulés. On voit le foot qui reprend ses compétitions à huis clos, le tour de France qui va démarrer seulement fin août – quant aux innombrables festivals de musique, n’y pensons plus. Plus rien n’est certain, et l’orgueilleuse domination des hommes sur la terre tourne à une pitoyable déconfiture.

 

- Et pourtant il nous faut encore faire des projets, penser l’avenir pour y ranger des actes à réaliser selon une évolution claire et précise :  la prévision est encore au centre de nos préoccupation. Or, voilà que la prévision tourne à la prédiction, le calcul rationnel au pari plus ou moins périlleux. Plus globalement, quand nous pensons à ce qui va arriver, on le voit nimbé de brouillard, avec des contours flous, comme incertains.

Si vous avez visité Le Louvre de Lens vous avez sans doute été saisi par l’étrange sensation qui se dégage de l’espace intérieur du musée, de ces murs recouverts de plaques d’aluminium dépoli qui reflètent de façon confuse l’intérieur de la salle.

 


 

Hé bien notre avenir, quand nous y pensons, ressemble à cela : oui, il existera avec des contenus qu’on peut deviner plus ou moins. Seront-ils absolument comme nous les avons imaginés ? Peut-être mais nous ne pouvons en être sûrs. Notre avenir pensé sur le modèle de cette image a autant de consistance qu’une rêverie.

Mais il faut faire comme s’il était aussi certain que notre réalité présente. C’est ça qui est grand !

Victimes et bourreaux - Chronique du 21 août

Bonjour-Bonjour

le regain de l'épidémie de covid donne à (re)penser certains mécanismes qu'on croyait oubliés. Oubliés ils le furent en effet pendant très longtemps, mais ils reviennent au premier plan aujourd'hui.

Ainsi de cette double nature des personnes infectées par le virus, qui porteraient cette caractéristique - pourtant contradictoire - d'être des victimes et aussi des responsable du mal qui se propage par elles. On peut comparer facilement avec le même processus des films d'horreur (comme les films de vampires ou de morts-vivants): la pure jeune fille qui après avoir été victime de Dracula qui a planté ses canines dans son cou, devient à son trou une créature maléfique assoiffée de sang.

Ce qui redouble l'horreur, c'est de voir la pureté du Bien muter ainsi sans qu'on ne puisse ni le comprendre ni l'empêcher. On voudrait en effet que le Bien et le Mal ne se mélangent jamais, qu'on ne puisse passer de l'un a l'autre à moins d'être d'emblée contaminé. Mais les tests sont là pour le prouver nous pouvons être purs un jours, et impurs le lendemain. Nous pouvons embrasser dans un élan d'amour et du coup diffuser le mal sans même le savoir.

On se sert facilement du terme "manichéisme" pour désigner cette alternative bien/mal sans intermédiaires: il faudrait aussi préciser que pour cette religion, la nature profonde qui fait que chacun est soit bon soit mauvais est définitive.

Mais avec cette épidémie il n'y a pas de bons, il n'y a pas non plus de mauvais: il n'y a que des organismes et en face d'eux des virus, c'est à dire des réalités entièrement soumises à des lois de la nature. Et là où ces lois gouvernent, celles de la morale n'ont pas leur place - à moins de supposer que la nature soit elle-même soumise au même arbitraire.

Ce qui reviendrait à croire que les miracles existent partout, qu'ils ne sont pas forcément favorables aux humains ; et corrélativement que les maladies sont l'expression de la volonté divine, moyennant quoi il ne faut surtout pas lutter contre (1)

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(1) Occasion de rappeler la découverte de la vaccine par Jenner (voir ici)

mercredi 19 août 2020

Nouvelle vague – Chronique du 20 août

Bonjour-bonjour

 

Les décrets qui imposent le port du masque tombent en ce moment comme pluie de mousson. Tout se passe comme si c’était devenu la seule arme contre le virus, et les milieux scientifiques sont désormais unanimes : le masque fait chuter le risque de contamination à un petit-rien-du-tout d’epsilon.

Bien entendu, les esprits chagrins notent qu’en février, alors que le stock de masques était au plus bas, les autorités scientifiques et politique étaient également unanimes : point n’est besoin de masques – si vous voulez lutter contre la maladie : restez chez vous.

Quelques mois et quelques centaines de milliards d’euros engloutis plus tard, on se prend quand même à se gratter le menton tout en hochant la tête : puisque le virus n’a pas muté (du moins si ça avait été le cas : on nous l’aurait dit ?), alors : 

    - Ou bien on nous enfume en nous faisant croire qu’on peut aujourd’hui continuer à bosser tout en portant le masque, alors qu’en réalité le corona passe à travers sans même s’en apercevoir. 

    - Ou bien à supposer qu’on ait eu des dirigeants un peu malins et prévoyants, le masque porté en février aurait permis de sauver notre économie.

Je sais bien qu’on ne peut pas repasser le film à l’envers et refaire l’histoire pour savoir ce qui se serait passé si la France, nantie de stocks de masques pléthoriques avait refusé le grand confinement et obtenu que chacun dans l’Hexagone le porte bien consciencieusement, sans être contraint à changer ses autres habitudes. Reste qu’à la différence des faits historiques, les faits scientifiques sont répétables – et que point n’est besoin d’historiens pour dire ce qui se passerait dans ce cas « si… ». On sait bien qu’autrefois lorsque les épidémies de peste se déclenchaient on aurait pu s’abstenir de brûler les juifs parce que ça ne protégeait pas.

 

Toutefois, le diagnostic de l’historien est toujours valable : la signification historique d’un évènement se mesure à la suite complète de ses conséquences. De ce point de vue-là la responsabilité de nos dirigeants en mars 2020 en décidant du confinement est évidente. Mais elle doit désormais être mise en relation avec le non-renouvellement du stock de masques dont on voit bien qu’elle n’est en réalité qu’une conséquence.

Jusqu’à présent les « réseaux sociaux » avec leur myopie habituelle reprochaient au gouvernement de ne pas avoir su gérer ce stock. Mais cette erreur doit maintenant être évaluée à ses conséquences – toutes ses conséquences.

mardi 18 août 2020

Les amants de Saint-Germain – Chronique du 19 août

Bonjour-bonjour

 

Il est 10h du matin. Vous arrivez au Parc pour sortir la petite dernière et lui faire prendre l’air. Et vous arrivez là-dessus :

 

 

Cliché J-P Hamel

 

… là-dessus, c’est-à-dire un large paysage de parc public, avec un kiosque sous lequel un couple de danseurs évolue avec des figures de danse de salon (valse ? tango ?) et tout cela dans le silence le plus total, la musique qu’on n’entend pas étant peut-être diffusée très sourdement – à moins que nos danseurs n’aient des oreillettes.

Et là vous vous dites : je rêve ou je suis dans un plan cinématographique ? Cette image insolite apporte en effet un double étonnement : Pourquoi un couple de danseurs ici, dans la solitude de ce parc ? Et d’où viennent-ils si tôt – ou si tard, car peut-être continuent-ils une danse interminable ? Oui, c’est cela : ces deux jeunes danseurs se sont rencontrés au hasard d’une soirée, et ils se découvrent encore et encore dans un corps à corps, non par des caresses érotiques, mais par le rythme partagé de la danse, ce rythme par lequel deux corps n’en font plus qu’un… les yeux dans les yeux, les pas dans les pas, nul besoin de se parler pour se découvrir.

Du coup le plan s’élargit en séquence : ces danseurs sont en réalité des amants pour qui le temps ne s’écoule plus, le jour qui succède à la nuit n’y change rien : c’est toujours le même instant suspendu, le même ravissement, la même promesse accomplie en même temps que murmurée…

- C’est le moment où la petite dernière vous tire par la manche : elle veut ses jeux, elle réclame qu’on avance : elle vit dans un temps qui n’est pas celui de votre imaginaire, et d’ailleurs voilà qu’on vous dit que ces danseurs silencieux doivent avoir de la musique dans les oreilles, et qu’il s’agit peut-être d’un prof de danse qui a trouvé plaisant de donner des cours particuliers en ce lieu…

Vous comprenez pourquoi le cinéma nécessite une salle obscure et la mise entre parenthèse du réel ?

lundi 17 août 2020

#workfromcastel – Chronique du 18 août

Bonjour-bonjour

 

Vous êtes depuis trois jours en vacances dans un studio-sur-la-plage et vous croisez peut-être votre voisin de palier qui sort vers 18 heures la serviette sous le bras – direction la mer. Et vous vous dites « voilà un monsieur qui est prudent : il craint les coups de soleil » Vous avez sans doute raison, mais il se peut aussi qu’il sorte du travail et qu’il profite du beau temps pour aller piquer une tête avant d’aller prendre l’apéro sur le vieux port. 

--> Ce monsieur est en réalité en télétravail et il travaille « from castel » sachant que ça peut aussi bien être une chambre d’hôtel qu’un chalet à la montagne… Il pourrait tout aussi bien être à Miami que dans la cuisine de son 2 pièces de Montrouge (1).

A force de nous écarquiller les yeux pour voir les nouveautés qui arrivent suite au confinement, nous passons à côté de celles qui sont déjà là, installées sans que nous nous en apercevions. Il en va ainsi de l’effacement de la frontière entre travail et loisirs, ou plutôt entre le lieu des vacances et celui de l’activité professionnelle. Jusqu’à présent seuls quelques chanceux qui habitaient en face de la plage pouvaient en temps normal sortir du travail et prendre le bain dont ils avaient envie en rentrant chez eux. Mais quant à chausser les skis pour faire une glisse le matin à la pose de 10 heures, pas question… Sauf que maintenant avec le télétravail, tout est possible.

Oui, tout est possible, mais pas pour tout le monde : la caissière ou l’infirmière ; le maçon et le plombier : voilà des gens pour qui le télétravail ne signifie rien parce qu’ils ont en charge la production matérielle (en donnant à cette expression le sens le plus large possible). Autrement dit, voilà des inégalités qui se creusent entre les travailleurs sans que personne ne l’ait voulu, sans que de la pénurie soit apparue ; non : il s’agit seulement du fait que tout le monde ne soit pas également concerné par ce qui bouge dans la société. D’ailleurs ce qui se gagne ici peut se reperdre là : le télétravail en détachant le travailleur de son environnement professionnel lui fera peut-être perdre une certaine solidarité, une certaine chaleur humaine que des relations de quartier – voire comme évoqué ici de loisirs ou de vacances – ne compenserons pas ?

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(1) Les applis de télé conférence comme skype ou zoom vous proposent d’incruster votre visage sur un fond que vous choisissez librement dans un stock de fonds possibles, tels qu’un gratte-ciel de New-York ou la collision de deux étoiles à neutrons.

dimanche 16 août 2020

Ouvrez la cage aux oiseaux – Chronique du 17 août

Bonjour-bonjour

 

On se rappelle peut-être la jolie chanson de Pierre Perret invitant tous les enfants à ouvrir les cages où sont retenus des oiseaux (à voir et écouter ici). C’était en 1971 et les oiseleurs des quais de la Seine ont protesté parce que des enfants venaient dans leur boutique pour rendre la liberté aux oiseaux en disant que ces oiseaux exotiques étaient condamnés à mourir rapidement dans le climat français.

 

- Et pourtant… Me promenant récemment dans un parc à l’orée de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, j’entendis des piaillements étranges, à la suite des quels je vis s’envoler des oiseaux verts qui ressemblaient à des perroquets : on m’expliqua alors qu’il s’agissait de perruches à collier qui se sont se sont acclimatées dans la région parisienne, principalement dans des villes ou des parcs, là où la présence d’autres espèces n’est pas trop importante. Échappés de containers que des avions avaient déposés à Roissy ou d’Orly, ces oiseaux tropicaux arrivés il y a maintenant 30 ans, se sont aisément installés sur place, occasionnant simplement la protestation de riverains de leurs lieux de regroupement nocturne en raison des cris forts disgracieux des perruches.

Mais ces oiseaux sont si beaux qu’on en oublie ces petits inconvénients.

 

 

 

Alors oui, rendre la liberté aux oiseaux est un acte de confiance dans la vie : nul ne sait ce qu’en feront ces petits prisonniers ainsi libérés, mais justifier leur détention au nom de l'intérêt des captifs comme le faisait Aristote à propos de l’esclavage résultant de l’incapacité des esclaves à vivre sans la contrainte d’un maitre, c’est haïssable. 

Kant le disait fort justement : l’homme a été créé pour la liberté et prétendre l’en priver au nom de sa sécurité est un acte injuste (1). C’est vrai des hommes, c’est vrai des femmes et … c’est vrai aussi des perruches.

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(1) Extrait de La religion dans les limites de la simple raison, à lire ici

mardi 11 août 2020

Pose estivale

" Le point du jour" va prendre quelques jours de vacances bien mérités.

Rendez-vous après le 15 août pour de nouvelles chroniques.

A bientôt !

J-P Hamel

lundi 10 août 2020

Une de trouvée, dix de perdues – Chronique du 11 août

Bonjour-bonjour

 

Oui, « une de trouvée, dix de perdues »… Cette formule résume assez bien la profession de foi de Don Juan dans l’opéra de Mozart et Da Ponte, récemment diffusée sur la chaine Mezzo dans la mise en scène de Jean-François Sivadier à Aix-en-Provence de 2017. Il faut dire que Philippe Sly qui incarne le rôle-titre nous a séduit avant même de chanter, et s’il finit en slip, ce n’est qu’un artifice de mise en scène dont on se serait bien passé.

 


 

(Image du final de Don Giovanni Aix 2017 – le mieux est quand même d’aller voir – et écouter – l’intégralité du spectacle : c’est ici)

Le maitre séducteur n’a certes pas besoin de se justifier, mais il le fait et il accepte même d’aller sur le terrain de l’adversaire : dans son affrontement avec le Commandeur, la lutte entre l’amour et le désir se joue sur le plan moral. Et Don Juan joue le jeu : vous voulez de la justice ? Et de la rigueur morale ? Alors, demandez-vous qui de vous (amant fidèle), ou de moi (l’ensorceleur), est le plus vertueux. Et Don Juan d’expliquer que son inconstance relève de la justice et de la charité car s’attacher à une seule femme, l’aimer d’un amour fort et fidèle, ce serait refuser à toutes les autres l’amour qu’elles méritent pourtant. Et vous savez quoi ? Nous tous, spectateurs émerveillés, nous le croyons : il suffit qu’il se mette à chanter et nous voilà à ses pieds, lovés dans ses bras, à chercher ses lèvres de velours…

Oui, quand ce vieux barbon dont la rigidité marmoréenne reflète la camisole morale qui l’enferme, détruit le séducteur virevoltant et bondissant nous sommes tristes : lorsque la fidélité triomphe de la séduction, c’est l’amour et c’est la vie qui perdent.

dimanche 9 août 2020

« L’amour c’est le sentiment du sens de la vie » (Joël Dicker) – Chronique du 10 août

Bonjour-bonjour

 

 

Ah ! les citations ! Moi qui en ai commenté des milliers (c’est encore en ligne ici) je peux l’affirmer tranquillement : une citation, on peut lui faire dire n’importe quoi. Ou plus exactement, séparé de son contexte, toute formule, toute phrase, a une étonnante capacité à signifier à peu près tout ce que l’on veut.

Vous voulez qu’on vérifie ? Prenez la phrase de Joël Dicker et supprimez le 1er mot ; ça fait « … c’est le sentiment du sens de la vie ». Maintenant replacez-le par un autre mot, que vous choisirez. – Allez-y, n’ayez pas peur ; ça fait ça : 

- La mort, c’est le sentiment du sens de la vie

- Le confinement, c’est le sentiment du sens de la vie 

On en ferait des tonnes avec ça : je vous dispense de lire tout ce que je pourrais écrire là-dessus.

Vous pouvez aussi procéder avec ce qui vous passe par la tête, en prenant des mots au hasard, un peu comme avec le jeu du cadavre exquis. Ça fait :

- La gastronomie, c’est le sentiment du sens de la vie 

- La confiture, c’est le sentiment du sens de la vie 

Etc. on pourrait continuer ainsi : même en tirant des mots au hasard on arrivera toujours à trouver du sens. Quel est donc ce pouvoir des mots de signifier de façon automatique, mécanique, en dehors de toute pensée ?

- Déjà, observons que la pensée n’est pas absente du processus, simplement elle arrive après l’élaboration de l’énoncé et non avant comme normalement. Ce qui est déjà extraordinaire parce qu’on constate qu’avec le langage il y a toujours quelque chose à penser, même avec les énoncés que nous n’avons pas contribué à fabriquer, même lorsque cet énoncé est purement aléatoire. La poésie use de cette propriété de la pensée – et des émotions – mais bien sûr c’est alors un procédé maitrisé. L’excès reste pourtant possible, comme le montre Molière, dans les Précieuses ridicules en se moquant du marquis de Mascarille qui se fait applaudir en faisant un commentaire ridicule de ses vers (1).

Il y a encore quelque chose de plus dans cette capacité des citations à signifier indéfiniment : c’est que privées de leur contexte ces formules n’ont pas un sens rigoureusement établi. Ainsi, que veut dire notre auteur lorsqu’il évoque « le sentiment de la vie » ? S’agit-il de l’expérience vécue au ras de la conscience ? De cette expérience minimale qu’on retrouve comme fonds dans tout contenu d’expérience ? Parle-t-on alors de ce vécu perceptif qui reste après épochè pour parler comme Husserl ? Ou bien au contraire doit-on comprendre que l’amour est un intensifiant d’existence qui donne à vivre le plein contenu de celle-ci alors que tous les autres composants objectifs – comme le souci de la vie matérielle – sont submergés par la passion amoureuse ?

Là encore, allez-y sans crainte : faites votre choix, il n’aura d’importance que comme indicateur de vos propres préoccupations.

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(1) Il s’agit de cet « Impromptu » : 

Oh, oh, je n’y prenais pas garde,

Tandis que sans songer à mal, je vous regarde,

Votre œil en tapinois me dérobe mon cœur,

Au voleur, au voleur, au voleur, au voleur.

(Scène 9)

Comme le dirait la chanson contemporaine, il s’agit d’une mignonne qui a les yeux révolver…

samedi 8 août 2020

Spécial prise de tête – Chronique du 9 août

Bonjour-bonjour

 

Chaleur, sommeil rare, insomnie… Et si je vous racontais mes insomnies comme d’autres vous racontent leurs rêves ?

Seulement je vous préviens : les insomnies d’un philosophe, sont un peu… comment dire ? Tarabiscotées ? Oui, c’est ça : tarabiscoté. 

J’étais donc sur le coup de 2h du matin, en train de penser au chat de Schrödinger. Vous savez, il ne s’agit pas du chat qui fait « miaou » sur les toits, mais plutôt d’un animal imaginaire qui serait à la fois vivant et mort dans une expérience de pensée consacrée à la physique quantique : figurant ce mode d’existence des particules qu’on appelle « superposition d’état », on l’imagine enfermé dans une cage où une machine lui distribue de façon aléatoire des boulettes : les unes sont comestibles, les autres sont empoisonnées. La question est : le chat sera-t-il mort ou vivant quand on ouvrira sa cage ? Et la réponse est : il est dans ces deux états (à la fois vivant et mort) tant qu’on ne l’a pas ouverte ; en suite il sera soit l’un soit l’autre.

Attendez ! Ne partez pas tout de suite, car voilà que je me disais : et si, au lieu du chat, c’était moi (ou vous) qui étais à cette place ? Qu’est-ce que ça changerait ? Oui, imaginons que je sois à la fois et vivant et mort : à quel état de conscience ça correspondrait ?

Voilà : bye bye Schrödinger et bonjour Descartes – car n’est-ce pas à une expérience de conscience comme celle du cogito que je serais convié ? En effet, si la conscience de l’objet perçu peut être parfaitement illusoire comme l’a justement repéré Descartes, par contre aucun doute n’est possible quant au sujet percevant : je suis, comme comme tel, certain de mon existence - « cogito ergo sum ». Par contre, un cogito « schrödingerien » supposerait la superposition de l’état d’un être existant, et de l'état du non-être (sic). Expérience ontologique inimaginable qui reviendrait à importer dans la philosophie l’impensable quantique, comme une traduction de cet état des particules qui disparait dès lors qu’on s’intéresse à des objets macroscopiques. Et alors ? Dans mon corps, comment penser ce transfert ? Peut-être en songeant à l’état qui sera le nôtre après notre mort. Oui, si notre corps subsiste encore, ce sera bien sous forme de molécules disjointes les unes des autres et retournées à l’état quantique. Et notre conscience ? Et nos désirs, nos colères, nos émerveillements : existeront ils encore ? Si oui, alors nous serons bien, comme le chat de l’histoire, dans plusieurs états à la fois.

Songerie stérile de nuit caniculaire ? Pas tant que ça, car le sujet avait intéressé Diderot : « Ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous qu’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent. » écrivait-il à Sophie Volland le 15 octobre 1759.

vendredi 7 août 2020

Super-contaminateur – Chronique du 8 août

Bonjour-bonjour

 

Alors, c’est reparti comme en mars 2020 ? Je veux dire : plus de clusters, mais des chiffres de contamination au virus pour la France entière ? A quand le retour du professeur Salomon ?

On n’aurait rien appris depuis le printemps ? 

- Si bien sûr : nous savons que la capacité à contaminer les autres est variable, qu’il ne suffit pas d’être porteur du virus pour l’essaimer – ou plutôt que parmi ces porteurs il y a de mystérieux « super-contaminateurs » qui infectent des centaines de gens à la ronde. 

Un nouveau super héros, et Marvel ne nous en avait rien dit ? Brrrr !... Ça fout les miquettes, ne trouvez-vous pas ?

 

Alors, il y a quand même à redire à cette notion de « super-contaminateur ». 

- D’abord, c’est inexpliqué : en quoi consiste ce pouvoir, est-il lié à une charge virale plus forte qu’ailleurs ? S’agit-il de virus plus agressifs que d’autres ?

- Quant au contaminateur, est-il quelqu’un est plus populaire que d’autres, est-ce quelqu’un qui rencontre beaucoup de gens chaque jour ? 

- Ou bien est-il quelqu’un qui tousse beaucoup et qui est un champion du « postillon » ?

- Enfin et surtout, il faudrait nous dire à quoi il ressemble, parce que les Héros Marvel, on les reconnaissait au premier coup d’œil,

 

 

… ils ressemblaient à ça.

Mais non, ce serait trop facile. Monsieur Super-virus est quelqu’un comme chacun il a un T-shirt et des claquettes, il est mal peigné et sa barbe date de 3 jours. Mieux vaudrait rechercher des hommes qui sont des Super-décontaminateurs. Car eux, on ne peut pas les louper !