jeudi 31 mars 2022

1er avril : une rémoise découvre 194 grammes d’héroïnes dans sa petite culotte – Chronique du 1er avril

Bonjour-bonjour

 

Poisson d’avril !

Mais non ! On trouve ça ici, dans le journal local.

Je sais, ça fait plouc de blaguer un 1er avril tellement c’est décadré. Car normalement, j’aurais dû chroniquer l’éviction du chef du renseignement militaire français, suite à la déconfiture de nos renseignements incapables d’anticiper l’invasion russe de l’Ukraine ; ou bien la coupure du gaz russe pour l’Europe entière à ce jour ; ou encore le pronostic des instituts de sondages qui voient Marine le Pen sur le point de devenir Présidente de la République...

Mais tout cela c’est bien anxiogène, et franchement si on peut profiter de ce jour pour blaguer ça ne fera pas de mal.

 

- Reste que, comme on l’a dit ailleurs, le 1er avril est le seul jour ou les gens vérifient les informations qu’on leur donne. Et que la nouvelle donnée ici est douteuse : comment une femme découvrirait-elle quelque chose dans sa culotte, à part bien sûr les éléments de son anatomie qui s’y trouvent normalement ? C’est vrai, et ce n’est que par un souci de concision que j’ai formulé ainsi la nouvelle. Car en réalité, c’est la police qui a fait cette étrange découverte ; mais il reste vrai que la femme a déclaré pour sa défense qu’elle ne savait pas qui l’y avait mis, ce qui revient à dire qu’elle avait découvert la chose en même temps que la police.

On l’a compris : le fait de cacher de la drogue dans sa culotte est pour une femme un procédé courant, pour ne pas dire rationnel : c’est tout compte fait le dernier endroit que la police devrait fouiller. Par contre se défendre en affirmant qu’on ignorait ce fait, c’est comme dire qu’on peut y mettre la main sans que l’intéressée le sache. 

On a affaire à une dénégation : de quoi s’agit-il ?

Dans le Dictionnaire de psychanalyse on lit à l’article « Dénégation : « Procédé par lequel le sujet, tout en formulant un de ses désirs, pensées, sentiments jusqu'ici refoulé, continue à s'en défendre en niant qu'il lui appartienne » (Laplanche et Pontalis) 

Même si les désirs refoulés ne sont pas ici de mise, il n’en reste pas moins que la dénégation a pour effet de dire quelque chose de nos désirs : celui d’être disculpée.

mercredi 30 mars 2022

Il n'y a pas de danger à aller voter – Chronique du 31 mars

Bonjour-bonjour

 

 

Le gouvernement a assuré que, malgré la recrudescence de l’épidémie, il n’y avait pas de danger à aller voter : les Français positifs au Covid-19 pourront donc se rendre aux urnes et il suffira de respecter les gestes barrière ainsi que le port du masque. 

Toutefois « Il ne peut être exigé des électeurs et des personnes participant à l'organisation ou au déroulement du scrutin aucun des documents suivants : preuve de vaccination, certificat de rétablissement ou de réalisation d’un test virologique », peut-on lire dans les instructions officielles, ajoutant que le nombre d'électeurs sur les lieux n'est plus limité. (Voir ici)

 

Moi, je croyais naïvement que la lutte contre le coronavirus était un impératif catégorique et que nulle circonstance ne permettait de déroger aux règles du confinement en cas de contamination. Hé bien, on voit que non : c’est que la démocratie a un plus grand ennemi que la maladie des citoyens : il s’agit de l’abstention.

Détaillons les trois ennemis de la démocratie, qui sont :

            - l’épidémie de covid qui, en décimant les citoyens, les empêcherait de faire leur devoir électoral. Les citoyens empêchés d’aller voter se confondraient alors avec ceux qui refuseraient volontairement d’y aller. On le voit donc : le pouvoir en permettant même aux malades de faire leur devoir électoral veut éviter qu’on les confonde avec les abstentionnistes volontaires.

            - Car c’est l’abstention « active » qui est un danger beaucoup plus grand pour la France que le coronavirus. 

Que penser en effet d’une démocratie où le peuple dirait : « La politique, ce n’est pas mon affaire. Qu’importe quel candidat sera élu ? Je n’ai pas à choisir, ils se valent tous. » ?

D'ailleurs, pourquoi refuser d’aller voter ? Par paresse ? Parce qu’on préfère aller pêcher à la ligne ? Ou par militantisme, parce qu’on refuse cet acquiescement au pouvoir qui nous exploite et nous dépossède de notre liberté ?

Rappelez-vous : il fut un temps où les citoyens ne voulaient pas aller voter par conviction politique : « élections piège à con » disaient-ils. Aujourd’hui, Philippe Poutou, qui affirme pourtant que seule la révolution permettrait le progrès social, demande quand même qu’on aille voter pour lui.

            - La démocratie permet de voter pour ses ennemis : c’est cela le troisième danger qui nous menace – Car les démocraties ont cette particularité d’être capables de donner le pouvoir à leurs ennemis les plus virulents, ceux qui ont pour programme leur interdiction pure et simple. Ça s’est vu dans certains pays du Moyen-Orient où des partis religieux ont cherché et obtenu le pouvoir pour en déposséder le peuple.

Les autocrates ont cru que c’était là le défaut dans l’armure des États démocratiques : arrivés au pouvoir par les urnes ces dictateurs les méprisent considérant qu’elles sont tout justes bonnes à affaiblir les régimes qui les portent.

Telle est le sens de la guerre menée par Poutine contre l’occident.

mardi 29 mars 2022

Un inédit de Céline publié en mai prochain – Chronique du 30 mars

Bonjour-bonjour

 

Les manuscrits volés de Louis-Ferdinand Céline ont été retrouvés en 2019 et remis à la justice avant d’être, au mois d’août dernier – il y a juste 7 mois –restitués aux ayant-droits de l’écrivain. (1) Or, voici que la nouvelle vient de tomber : « les manuscrits de Louis-Ferdinand Céline retrouvés en 2021 donneront lieu en mai à la parution d'un inédit, Guerre, et à une exposition » (Lire ici)

 

Alors que la guerre fait rage en Europe, que l’épidémie de covid repart de plus belle et que les candidats à l’élection présidentielle s’affrontent pour un dernier round, voici que l’annonce d’une publication d’un roman perdu d’un écrivain antisémite et collaborationniste condense toute notre attention et nous enflamme...

Bizarre, direz-vous ? Peut-être, mais pas tant que ça : le pouvoir de la création, littéraire ou autre, est tel qu’il l’emporte sur toute autre émotion, et ce rendez-vous avec Céline, attendu plus de 75 ans, explique largement ce sursaut de passion.

Il faut dire aussi que cette publication à marche forcée (7 mois depuis la résurgence de ces manuscrits ont été suffisants pour les expertiser, les transcrire et en faire une édition définitive) coïncide avec un regain d’intérêt pour l’idéologie célinienne. Car, à l’heure où monsieur Zemmour s’efforce de rendre acceptable le gouvernement de Vichy, Céline revient sur le devant de la scène avec son antisémitisme et ses pamphlets (dont on se demande s’il faut les rééditer mais de toute façon ils l’ont déjà été et sont donc accessibles). Céline dont on rappelle que dans ses écrits de la période il fustigeait les ministres de Pétain pour leur mollesse ; lui, c’était « dans la rue avec une mitrailleuse et on tire dans de tas ».

Il y a quelques années le Ministère de la culture voulait célébrer je-ne-sais-plus quel jubilé célinien, et bon nombre d’intellectuels, tout en admettant la valeur de son œuvre, se sont mobilisés pour empêcher que cette reconnaissance soit donnée à un tel personnage. Le projet fut retiré et on n’en parla plus ; aujourd’hui la question ne réapparait pas et on peut donc penser qu’on a définitivement séparé deux domaines : l’un fait de la vie de Céline ; l’autre de son œuvre. 

Ce qu’on fait pour Céline, faisons-le pour Roman Polanski.

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(1) On lira ici cette curieuse aventure qui débute en 1944, avec de la fuite de l’écrivain devant l’arrivée des forces de libération de la capitale.

lundi 28 mars 2022

La guerre froide ? Moi, j’aime ! – Chronique du 29 mars

Bonjour-bonjour

 

Vous vous dites peut-être que rien ne tourne plus rond, que le vieux 20ème siècle est bien mort et enterré – et que nous n’avons pas encore trouvé les clefs pour déchiffrer le 21ème siècle ? Détrompez-vous chers amis : la guerre froide est encore bien vivante et les protagonistes d’hier restent à la manœuvre aujourd’hui. Oh, bien sûr, l’URSS d’antan n’est plus. Mais ne pleurez pas trop : la Russie de Poutine a repris son flambeau.

Comment le sait-on ? Par le fait que le moindre incident diplomatique suscite le retour des antagonismes d’autrefois, enrichis des manœuvres de nouveaux partenaires.

- Voyez par exemple la « gaffe » de Jo Biden déclarant en Pologne que Poutine ne pouvait rester au pouvoir en Russie, attisant les hostilités et creusant le fossé entre les démocraties et le régime autoritaire. 

 

 


Vu ici

Ce ne serait une gaffe qui si les États-Unis n’avaient pas une stratégie bien rodée de tension avec la Russie et dont elle tire parti. Comment ? Lisons cette analyse de Pascal Boniface, fondateur et directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) : « Cette guerre influe positivement sur l'image des États-Unis. Elle lui confère le statut de héros, seul capable de protéger l'Europe et ressouder l'Otan (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) autour des Américains. Si le contexte contribue à un rapprochement entre les États-Unis et l'Europe, certains pays européens comme la France et l'Allemagne redoutent néanmoins que Joe Biden profite de ce contexte pour pousser son avantage et accentuer le clivage entre les démocraties et les régimes autoritaires. » (Voir ici)

 

On croyait que Donald Trump avait mis l’OTAN au rancart et poussé au premier plan un traité du Pacific créant une zone d’influence américaine pour contrer celle de la Chine. Erreur, chers amis ! L’oncle Sam ne renonce pas si facilement à ses gains venus du 20ème siècle. Et s’il comptait sur nous, européens pour l’aider à maintenir la suprématie américaine ?

Lâcher sur l’Ukraine l’ours russe pour mieux nous montrer que nous devons rester des gentils toutous à la botte du puissant : Machiavel n’aurait pas fait mieux.

dimanche 27 mars 2022

Deux poids deux mesures – Chronique du 28 mars

Bonjour-bonjour

 

Vous avez certainement à l’esprit les étonnantes manifestations de solidarité avec les réfugiés ukrainiens, comment ils sont pris en charge par des bénévoles français en Pologne et accueillis à leur arrivée en France par des gens comme vous et moi qui leur ouvrent leur maison pour les héberger le temps de leur exode hors de leur patrie.

On n’avait pas le souvenir d’une pareille sollicitude du temps de l’afflux des réfugiés syriens : certains en ont tiré des conclusions grinçantes...

 

 

Vu ici

 

Mais, ce n’est pas tout ! Le président palestinien Mahmoud Abbas a pointé du doigt dimanche le « deux poids deux mesures » des Occidentaux, prompts à invoquer le droit international pour imposer des sanctions à la Russie qui a envahi l'Ukraine, mais pas à Israël pour ses « crimes » dans les Territoires palestiniens.

o-o-o

- Alors, c’est vrai : j’avais récemment souligné combien cette attitude différentielle vis-à-vis des réfugiés selon qu’ils soient ukrainiens ou d’origine méditerranéenne ou africaine était choquante. Mais si j’y reviens aujourd’hui, c’est que je voudrais dans le sillage du Président Mahmoud Abbas insister sur l’usage que nous faisons des Principes du Droit international, instrumentalisés selon des besoins qui n’ont rien à voir avec la justice. Pourquoi parler d’obligations faites à tous et pour tous les cas si l’on ne veut cette force que pour l’imposer dans certains cas ? Car l’universel n’a de force que s’il l’est effectivement. Or nous ne cherchons qu’à mobiliser cette force en oubliant les raisons pour lesquelles elle existe. A savoir l’universelle dignité de l’homme. Or, pour autant qu’on sache, un réfugié est un homme qu’ils soit syrien, érythréen ou ukrainien.

samedi 26 mars 2022

Heure d’été : Aïe ! Bobo... – Chronique du 27 mars


 

Bonjour-bonjour

 

À ma montre Swatch il est : 6 heures, zéro minutes et 36 secondes. To-Top-Top

 

Bon, vous êtes déjà au courant : on est passé à l’heure d’été durant la nuit et du coup vous avez perdu une heure de sommeil. Ça fait longtemps qu’on pratique ce genre de sport, et à chaque fois c’est la même chose : les oiseaux de mauvaises augures tournent dans notre ciel en croassant la même rengaine : « Sommeil insuffisant ? Voici ce que vous risquez : "Le premier symptôme en journée, est la difficulté à gérer ses émotions. Pour les adultes, l’adrénaline ressentie en périodes de stress a du mal à redescendre. Pour les enfants, ce sera surtout des crises. Les défenses immunitaires sont affaiblies et on tombe plus facilement malade. Des études scientifiques ont prouvé qu’un sommeil de seulement six heures sur sept ans peut engendrer, dans les cas les plus graves, des maladies voire des cancers." (Lu ici)

Bref : émotivité, crise de stress surtout chez les enfants, défenses immunitaires affaiblies, maladies cancers, etc. : n’en jetez plus, la coupe est pleine ! Et tout ça pour des cacahouètes, vu que l’économie de courant réalisée porte sur de la lumière délivrée par des ampoules qui consomment quelques chétif watts de l’heure. Encore un coup de Bruxelles qui ne sait plus quoi inventer pour brimer les pauvres citoyens.

 

Bla-bla-bla, direz-vous au comble de l’énervement : qu’est-ce qu’on vient nous casser les pieds avec des couillonnades pareilles ? 

Car enfin, quoi de particulier à ce genre de cataclysme annoncé ? Quelle différence avec les misères des pauvres dénoncées par les Gilets-jaunes comme couvrant le peuple entier ? Et avec l’embastillement dénoncé par les anti-pass ? 

Nous avons besoin de sensations fortes et pour cela rien ne vaut les cataclysmes annoncés à grand renfort d’indignation. Heureusement que les malheurs des ukrainiens sont là pour relativiser nos propres souffrances.

vendredi 25 mars 2022

Caricatures russes : La tolérance est un combat aussi contre nous-mêmes – Chronique du 26 mars

Bonjour-bonjour

 

Ce vendredi 25 mars, l'ambassadeur de Russie à Paris a été convoqué au ministère français des Affaires étrangères après la publication de plusieurs caricatures. « Ces publications sont inacceptables. Nous l'avons dit clairement aujourd’hui à l'ambassadeur de Russie », a déclaré le Quai d'Orsay, en pleine crise entre la Russie et les Occidentaux autour de son offensive en Ukraine. (Lu ici)

C’est toujours la même chose : la liberté, la vraie la grande, la sublime, c’est celle que nous revendiquons pour nous-mêmes. L’insulte, l’ignominie, celle qui donne la nausée, c’est la liberté que nos ennemis prennent notre encontre.

D’ailleurs, jugez plutôt : 

 


« L'un des dessins montre des Européens à genoux léchant les fesses de l'Oncle Sam et porte la mention en anglais « La solidarité européenne telle qu'elle est ».

La seconde caricature présente une allégorie de l'Europe malade, allongée sur une lit, à qui ses tortionnaires, Etats-Unis et Union européenne, injectent différentes substances intitulées « néonazisme », « russophobie » ou « Covid-19 » » Art. Référencé

 

Bref, vous l’avez compris : si on veut défendre la liberté de la presse, c’est aussi en soutenant celle des autres. Bien sûr, défendre la liberté de la presse à la solde du Kremlin, j’imagine que ça pique un peu les yeux ; mais, je n’y peux rien moi. 

On attribue à Voltaire cette phrase : « Je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire ». Peut-être est-elle apocryphe, mais elle dit merveilleusement ce que nous ressentons : dégoût et répulsion – oui, mais ouverture de nos canaux d’information.

 

- Et puis, c’est l’occasion de réfléchir aux réactions des musulmans lors de la publication des caricatures de Mahomet. A l’époque nous avions jugé disproportionnée, voire incompréhensible la fureur qui les avait saisis – avec les manifestations de rue, brûlage de drapeau, boycott des produits français etc. Nous avions dit que ces peuples ignoraient que la liberté de la presse allait jusqu’à la liberté de publier de telles caricatures, et que c’était une liberté dont ils devaient eux-mêmes se réclamer. Nous devons le dire aujourd’hui et pour nous-mêmes. Mais nous pouvons aussi mesurer la répulsion et la violence que nous devons surmonter pour y parvenir.

La tolérance est un combat aussi contre nous-mêmes

jeudi 24 mars 2022

Assassinat d’Yvan Colonna : c’est Dieu le responsable – Chronique du 25 mars

Bonjour-bonjour

 

Franck Elong Abe, l’agresseur d’Yvan Colonna, déclare aux enquêteurs : « Dieu a frappé Yvan Colonna à travers mes mains », avant d’ajouter : « Dieu s'est servi de mes mains pour riposter contre celui qui a blasphémé. Moi j'appelle ça le mektoub, le destin » (Lire ici)

Pour les croyants tels que Elong Ebe, Dieu est parmi nous. Il nous écoute, il nous juge, il nous récompense ou nous punit. Il utilise comme instrument de son pouvoir les hommes et les femmes qui sont propices à son dessein ; simples médiateurs, ceux-ci ne sont ni conscients ni responsables de ce qu’ils font, la volonté de Dieu les traverse sans laisser de traces.

Des croyants tels que cet homme, il y en a encore ; pour nous, occidentaux du 21ème siècle ils témoignent d’un lointain passé, celui d’une époque où Dieu était encore parmi les hommes, menaçant ou protecteur ; nous pouvions alors le toucher de nos prières, et quand il était trop loin de nous, nous pouvions encore l’implorer en priant la Vierge Marie. 

Marcel Gauchet a développé là-dessus des réflexions pleines de forces (1) montrant que la sécularisation est un mouvement historique qui n’a épargné aucune société même celles qui refusent la laïcité. Le monde est devenu une vaste machine sur laquelle la raison humaine peut agir en toute connaissance, la modifier, la forcer à fonctionner en notre faveur. On sait que cette volonté de maitrise date de Descartes (2), mais elle est aujourd’hui encore battue en brèche par les passions qui nous font croire que l’origine du monde est surnaturelle et que nous pourrions avoir dessus un pouvoir magique.

La pandémie a été l’occasion de manifester cette croyance : lorsque les ayatollahs de Qôm, la ville sainte iranienne, ont déclaré que leur foi suffirait à les protéger du virus, les ravages de la maladie qui ont fait de Qôm le foyer le plus actif de la contamination a donné à voir au monde entier que la protection divine ne suffirait pas à enrayer l’épidémie – et qu’elle n’était pas donc l’effet de Sa volonté.

Que dire alors de la défense de l’assassin d’Yvan Colonna ? Un délire ? Une révélation surnaturelle ? Pour le moins on remarquera que l’assassin, restant comme spectateur de son crime, n’est tout simplement pas au niveau de l’acte qu’il a perpétré.

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(1) Voir en particulier le Désenchantement du monde (Gallimard)

(2) « ... au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices, qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie » Descartes, Discours de la méthode, 6ème partie (1637)

mercredi 23 mars 2022

La paix à tout prix ? – Chronique du 24 mars

Bonjour-bonjour

 

Un aspect de la guerre d’Ukraine a été rappelé hier par le président Volodymyr Zelensky : c’est la guerre économique qui dans l’immédiat peut seule arrêter l’agresseur russe – mais qui peut en même temps mettre en faillite les entreprises concernées.

- C’est vrai du côté russe avec la décision de Vladimir Poutine qui, en décrétant que les achats de gaz et du pétrole russe se feront désormais en rouble, met en danger Gazprom de se retrouver à court de devises étrangères pour honorer ses créances à l'avenir.

- C’est vrai également pour les entreprises européennes telle que Leroy-Merlin : Adeo, la holding de Leroy Merlin à qui le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé ce mercredi 23 mars, parmi d’autres entreprises, de quitter la Russie, a répondu qu’une fermeture serait considérée comme une “faillite préméditée”. (Lu ici)

 

Devant cette guerre qui devient de jour en jour plus brutale et barbare à l’égard des civiles, on se dit que si l’anéantissement de l’agression russe peut être obtenue par la pression économique, celle-ci devrait être réalisée, quoiqu’il en coûte.

- Seulement tout cela c’est beau sur le papier ou dans l’éther où vibrent ces déclarations héroïques. Mais le PDG de Leroy-Merlin, lui, ce ne sont pas avec des intentions si nobles soient-elles qu’il doit compter : c’est avec 45000 employés qui iraient droit au chômage si les magasins russes devaient fermer. 

Que dire ? Doit-on lever les yeux au ciel et pleurer sur la condition humaine ?

Ne devrait-on pas plutôt dire que ce n'est pas l'humanité qui est cause de la misère, mais la guerre.

Voyez plutôt : d’un côté, vous avez les femmes les enfants et les vieillards ukrainiens qui vivent comme des rats tapis au fond des caves ; de l’autre les familles moscovites réduites au chômage et qui ne survivent plus que grâce à la charité publique. Dans les guerres il n'y a que la misère qui gagne à tous les coups.

Rappelez-vous la guerre de Trente ans.


Mère courage de Bertold Brecht

mardi 22 mars 2022

Des « contreparties » au RSA? – Chronique du 23 mars

Bonjour-bonjour

 

Une des questions les plus discutées de la campagne électorale vient de s’installer sans crier gare : le Candidat-Macron annonce que s'il est réélu il obligera les bénéficiaires du RSA à un travail d'environ 15 heures mensuelles en contre partie du versement de cette aide.

Il s'agit d'un vieux projet de la droite, qui considère qu’une aide systématiquement versée aux chômeurs chroniques est un prime à l’inactivité, sorte de « récompense » à la paresse.

Le Candidat-Macron aurait donc décidé de se démasquer franchement : en choisissant cette mesure il adopte une posture de la droite forte. Il faut dire que, venu d’un Président qui a largement ouvert le tiroir-caisse de l’État lors du « Quoiqu’il en coûte », la surprise est de taille.

 Qu’en est-il ?

- Élisabeth Borne la ministre du Travail a « assuré que la réforme du RSA proposée par le candidat Emmanuel Macron prévoit de conditionner le versement de ce revenu à des “contreparties” qui ne seront pas du “travail d’intérêt général”, mais des activités permettant de revenir vers le monde professionnel. » Pour dissiper toute ambiguïté elle ajoute qu’il s’agirait « de participer à des ateliers dans lesquels on peut faire un bilan personnalisé” et non de donner “quinze heures d’activité à la société”, comme le propose la candidate du parti Les Républicains » (Lire ici)

- Obliger des chômeurs à travailler ce serait en effet alimenter le chômage au lieu de le résorber, puisque chaque assisté devrait prendre le travail d’un actif. Ainsi, comme le souligne la Ministre du travail, la contrepartie du RSA est non pas une activité productive mais « des activités permettant de revenir vers le monde professionnel » (ci-dessus)

- Un petit rappel pour être exhaustif : le RSA (Revenu de Solidarité Active) selon la définition officielle, c’est : 

            - un revenu minimum pour ceux qui ne travaillent pas ; 

            - un dispositif d’accompagnement social et professionnel pour faciliter l’accès à l’emploi ou consolider les capacités professionnelles de ceux qui sont sans activité ou qui ne tirent de leur activité que des ressources limitées.

 

- Alors : cette annonce est-elle un franchissement de la ligne rouge séparant la droite du reste de l’éventail politique, ou bien n’est-elle qu’une annonce sans contenu ?

On peut le craindre ou l’espérer, c’est selon, parce que la proposition du Candidat-Macron ne fait qu’enfoncer une porte ouverte depuis toujours (= depuis que le RSA existe), puisque l’objectif officiel est d’aider les gens en capacité de travailler de revenir à l’emploi. 

Il reste quand même deux questions :

    - La première est de savoir quel doit être le rôle de l’État dans ce retour, autrement dit quels moyens il va donner aux chômeurs pour retrouver un emploi. Une formation adaptée aux besoins du marché de l’emploi et au profil des chômeurs de longue durée ? Les opposants au projet ironisent : « On va leur apprendre à rédiger un CV ! »

    - Le second problème est de savoir ce qu’on fait pour ceux qui ne peuvent pas revenir à l’emploi. Élisabeth Borne le dit : « On tiendra compte de la situation de la personne. Ça ne peut pas être la même chose pour un jeune et pour une personne qui a charge de famille »

 

Alors, on soulignera que l’exploitation du travail humain est quand même largement possible - un jeune pourra toujours pédaler chez Delivroo pour des clopinettes.

- Oui. Mais choisir de laisser mourir de faim et de maladie tous ceux – quels qu’il soient – qui ne travaillent pas, reste quand même de l’autre côté de la ligne rouge.

lundi 21 mars 2022

Citius, Altius, Fortius – Chronique du 22 mars

Bonjour-bonjour

 

La lecture des infos du jour présente parfois des coïncidences troublantes. Ainsi des malaises cardiaques subis par les athlètes du plus haut niveau tels que le coureur cycliste espagnol Sonny Colbrelli qui s’est écroulé après le sprint du Tour de Catalogne victime d'un malaise cardiaque, et Raphaël Nadal qui a ressenti au cours de son match de finale à Indian Wells une douleur dans la poitrine « comme une aiguille qu'on appuie ».

Inutile de dire que je souhaite ardemment le retour à la pleine santé de ces deux grands champions, mais en même temps je m’interroge sur la physiologie du corps humain confrontée aux exigences de ces épreuves sportives de très haut niveau. 

Pascal Pique a décrit la physiologie de l’homo sapiens extrêmement bien adaptée aux efforts de longue durée ce qui l'a rendu apte à coloniser le monde entier ; sommes-nous du même coup aptes aux compétitions sportives ?

 

Sans m’attarder sur les performances surhumaines qu’on attend des sportifs, insistons sur l’esprit de dépassement que ces compétitions portent et pour lequel tous les sportifs sont passionnés.

 


« Citius, Altius, Fortius » - Plus vite, plus haut, plus fort : telle était la devise olympique proposée par le baron Pierre de Coubertin (1). Et si le corps humain n’était pas fait pour cela ? Si cette compétition effrénée ne portait pas un idéal de l’humanité, mais plutôt la formule d’une passion sans limite pour... 

- Oui, au fait : outre le sport qu’est-ce qui incarne aujourd’hui cet esprit de dépassement permanent, sans limites ? N’est-ce pas le capital et les profits qu’il doit rapporter pour justifier l’investissement ? A moins qu’on ne généralise un peu plus encore en disant que la passion ne peut pas exister sans être excessive :  sous toutes ses formes elle ne connait d’autres limites que celles de l’homme. 

Nous voici de retour à la physiologie humaine : ne nous étonnons pas outre mesure des défaillances des grands sportifs ; elles sont dans le droit fil de la compétition et elles prouvent simplement que ces champions en allant jusqu’au bout d’eux-mêmes n'ont fait que répondre aux exigences d'une passion effrénée: celle du sport.

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(1)  Depuis 2021 cette devise comporte quatre mots latins « Citius, Altius, Fortius – Communiter », dont la traduction officielle est « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble ». On appréciera cet ajout dont le baron de Coubertin n’avait pas souhaité s’embarrasser.

dimanche 20 mars 2022

Après nous le déluge – Chronique du 21 mars

Bonjour-bonjour

 

Autrefois il pleuvait des grenouilles et des crapauds. Aujourd’hui il « neige » du sable sur les pistes pyrénéennes. 

 

 


A Gourette Pyrénées atlantiques

 

« Blanche la veille, la robe des montagnes s’est parée d’une couleur ocre, à mi-chemin entre la terre battue de Roland-Garros et les dunes du Maghreb. Un phénomène qui n’est pas rare dans les Pyrénées, mais dont l’ampleur fut exceptionnelle et s’est étendue à tout le pays, cette semaine, entraînant une pollution marquée avec des risques pour la santé. » C’est ainsi que cet article commente l’image ci-dessus.

Ce phénomène, qui n’a épargné personne en France (voir les files de voitures en attente devant les stations de lavage automatique) est une illustration de la proximité entre les zones du globe. Message inquiétant : c’est comme si on nous disait « Attention au réchauffement climatique : le Sahara n’est pas si loin. Vous avez le sable aujourd’hui. Demain vous aurez la température et après-demain la sécheresse. »

Inquiétant, ce message est très signifiant ; car nous ne comprenons les faits que lorsque, comme saint Thomas, nous les touchons du doigt (1). Les cyclones, les incendies d’été, les inondations et les canicules, tout cela constitue des preuves irréfutables qui vont déclencher des réactions valables, certes, mais est-il encore temps de réagir ? Car la planète ne se « pilote » pas comme une voiture de tourisme qui peut encore freiner dans la descente pour éviter le crash. Les phénomènes que nous voyons ne sont pas arrivés comme cela d’un coup : les scientifiques en parlent depuis une cinquantaine d’années, mais nous sortons seulement maintenant du déni. 

Mais je suis encore trop optimiste : nous ne sortirons du déni que demain, plus tard, quand nos enfants seront grands et qu’ils auront les dégâts à réparer. Pour nous ça va encore.

Après nous le déluge.

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(1) Selon l’Évangile de Jean, Thomas refusa de croire à la résurrection de Jésus : « Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point »

Jésus vint et dit à Thomas : « Avance ici ton doigt, et regarde mes mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois ». Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! » (Jean 20, 24-29).

samedi 19 mars 2022

Docteur-Philo, pourquoi le plaisir a-t-il été inventé ? – Chronique du 20 mars

Bonjour-bonjour

 

Chroniquer le temps présent condamne à revenir encore et encore sur le même sujet lorsque celui-ci est d’une importance capitale. C’est ce qui se produit en ce moment avec la guerre en Ukraine. 

- Marre !

C’est vrai. Aujourd’hui dimanche il y a peu de chance que beaucoup d’entre vous chers lecteur.rice.s se réveillent en se demandant ce qu’il se passe dans ce pays. En revanche, et à supposer que vous n’en ayez pas abusé hier soir, il y a des chances pour qu’une petite polissonnerie vous agace les parties nobles. 

Alors, avant de vous tourner vers votre compag.ne.nion, appelez donc Docteur-Philo et demandez lui: « Pourquoi le plaisir a-t-il été inventé ? » Je veux dire le plaisir sexuel à l’échelle de l’évolution des espèces ? Est-ce un avantage évolutif réel ? Une contrainte coûteuse en énergie mais nécessaire. Schopenhauer qui voyait dans l’amour une ruse de l’espèce (donc de la nature) pour nous forcer à procréer ne disait pas autre chose.

L’article suivant relate une expérience sur des rats de laboratoire à qui on permettait d’obtenir des orgasmes répétés indéfiniment. « Imaginez une fois, rien qu’une seule, que vous passiez votre temps au lit, à enchaîner orgasme sur orgasme, à monter au septième ciel comme s’il vous suffisait de prendre l’ascenseur. Ce serait le paradis, vous croyez vraiment ? Une expérience des plus célèbres sur des rongeurs a exploré le phénomène en 1954.

Chez ces rats, nourriture et même instinct maternel, tout s’effaçait devant la récompense. Ils allaient jusqu’à s’administrer 100 décharges à la minute (6000 par heure). Certains pouvaient en mourir  Dans la nature, les orgasmes répétés empêchent toute activité altruiste vis-à-vis du groupe, la vigilance est réduite, les tâches les plus nécessaires sont négligées, ce qui expose les animaux en liberté aux ennemis, à la faim, ou à la répression sociale ».

 

Je sens comme un flottement dans votre esprit, cher lect.trice.eur : combien de fois par semaine peut-on céder aux appels de Cupidon sans risquer la folie ? Est-ce l’ubris fatale à la nature humaine que de penser au plaisir chaque fois qu’on en a l’occasion ?

- Rassurez-vous, cher.e.s ami.e.s : chez l’homme comme chez la femme, le plaisir est compatible avec les lois de la nature parce qu’il favorise la naissance de l’amour : « Quand l’homme tombe amoureux, il s’attache, ce qui favorise le désir de faire un enfant ensemble. Une pléthore d’hormones cérébrales comme l’ocytocine sont sécrétées ce qui renforce encore l’attachement. La transmission des gènes est donc assurée. La survie de l’espèce aussi, puisqu'elle passe nécessairement par la reproduction des individus qui la composent. L’amour est donc chez l’homme, avec le plaisir, un facteur d’Évolution majeur. » (Art. référencé)

Reprenons : vous venez de vous réveillez et vous avez envie d’une petite polissonnerie ? Retournez-vous vers votre compag.ne.nion et tout en titillant ses zones sensibles, dites-lui « As-tu bien dormi, amour de ma vie ? »

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Pour mémoire, Docteur-Philo fut un blog que je commis autrefois, encore en ligne, et qui répond à des questions capitales - ou non.

Vous pouvez le consulter ici


vendredi 18 mars 2022

Le débat est-il indispensable à la démocratie ? – Chronique du 19 mars

Bonjour-bonjour

 

Un arrêt sur la question du débat me parait nécessaire ce matin, alors que la campagne du Président-candidat est critiquée de partout pour ne pas avoir mis à son programme un débat contradictoire avec ses challengers, certains n’hésitant pas, faute d’une telle confrontation, à remettre en cause la validité de la future élection. Avant la solitude de l’isoloir on veut le rassemblement des candidats débattant du meilleur programme.

Pour soutenir ceux qui pensent que le débat est la source du choix légitime en démocratie, on peut évoquer ce proverbe, venu du moyen-âge et relayé par Montaigne : « Pour néant pense qui ne contrepense » - autrement dit, seule une confrontation entre des thèses opposées peut valider une pensée. Mais on considérerait alors le débat comme un écho de la pratique de la disputatio médiévale, avec argument pro et contra : ce serait le réduire à une rhétorique, et oublier qu’il est aux sources même de la vie démocratique, reconnu comme l’une de ses racines.

Petit retour en arrière : nous sommes au 18ème siècle, et les philosophes de tout bord s’agitent : si l’on refuse l’autorité monarchique, comment penser une nouvelle légitimité politique ?

- Les uns, dont Kant, estiment que la politique est une science dont le but est d’accéder à la vérité ; dans ces conditions, face à l’erreur qui est le fait de la multitude, le savant seul incarne la science authentique ; il est donc le seul à être légitime pour éclairer la marche politique. Oui, un despote est compatible avec un pouvoir démocratique, à condition qu’il soit « éclairé » : Tout pour le peuple, rien par le peuple.

- D’autres, dont Rousseau, estiment que seule la volonté peut constituer la source du pouvoir politique à condition d’être l’expression d’un besoin vital. Point de vérité ni de déduction rationnelle ici : la vérité se démontre, le besoin se vit. La démocratie est l’affaire d’une volonté issue de tous, étant entendu que chaque citoyen l’exprime non comme son choix individuel mais comme celui d’une collectivité : « Rien ne peut être bon pour moi sans l’être aussi pour tous ». Tout le problème est de comptabiliser les avis dont certains peuvent être contradictoires avec les autres. Le débat est-il le meilleur moyen d’y parvenir ?

 

S’il s’agit, comme beaucoup le pensent aujourd’hui, d’éclairer les tenants et les aboutissants des programmes de chaque candidat en le frottant aux autres, alors on est dans l’optique kantienne : le débat démocratique fait partie des débats scientifiques. Si par contre il s’agit, comme on le suggère ici, de hiérarchiser les besoins à satisfaire, alors le débat n’est pas meilleur que le scrutin. 

 

Reste que le débat est indispensable pour sortir chaque citoyen de son quant-à-soi en lui faisant prendre conscience des besoins et des urgences des autres. Mais alors, qu’avons-nous à faire d’un débat qui confronterait des candidats débattant entre eux ? C’est avec nos voisins qu’il faut discuter – Reconstituons les comités de quartiers mais au lieu de débattre des besoins du quartier, faisons-le pour ceux de la nation

jeudi 17 mars 2022

Reims : les réfugiés du camp Saint-John Perse – Chronique du 18 mars

Bonjour-bonjour

 

Au moment où l’on annonce l’arrivée du convoi humanitaire envoyé en Ukraine par le Stade Reims et ses partenaires, les associations de soutien aux réfugiés sans papiers de la ville alertent l’opinion sur l’état d’un campement sauvage dans le Parc Saint-John Perse, à 3 km du centre-ville :

« Les personnes réfugiées au camp Saint-John Perse, à Reims (Marne), ont froid. Un appel à collecter du bois de chauffage a donc été lancé le lundi 15 mars. »

 

Campement de réfugiés dans le parc paysager Saint-John Perse à Reims


Le même article poursuit : « Même si on parle beaucoup des demandeurs et demandeuses d'asile d'Ukraine, le collectif Sovkipeu rappelle qu'il ne faut pas oublier les autres. » (Lire ici)

 

Aucune horreur n’est diminuée par l’existence d’autres horreurs plus graves ailleurs : qu’en Ukraine des enfants périssent écrasés sous des bombes n’empêche pas que des hommes des femmes et des enfants soient là, à deux pas de chez nous, dans le froid et l’humidité, démunis au point de quémander du bois pour faire du feu pour se réchauffer et sécher leur literie.

L’impression qui se dégage de ce contraste est que l’empathie est vraiment liée à l’information et aux images qu’elle véhicule. La distance qui nous sépare de ces malheureux ukrainiens n’importe guère puisque grâce à nos véhicules nous pouvons en quelques jours franchir ces distances considérables. Mais faire 3 kilomètres pour aller apporter un peu de bois de chauffage, ça c’est beaucoup plus problématique. 

Et puis nous reste-t-il encore un peu de mauvaise conscience pour nous punir de ne pas secourir les réfugiés de Saint-John Perse, alors que nous sommes gonflés de fierté d’avoir apporté des vivres à 2500 kilomètres d’ici ?  

mercredi 16 mars 2022

Devrons-nous apprendre à parler corse ? – Chronique du 17 mars

Bonjour-bonjour

 A peine a-t-on parlé d’autonomie en Corse qu'un débat enfiévré s’est rallumé : en quoi une telle autonomie peut-elle consister ? Jusqu’où doit-on céder aux corses pour reconnaitre leur qualité de peuple autonome ? Et quelle ligne rouge ne doit-on pas franchir sous peine de renoncer à une partie du territoire français, chose absolument défendue par le Constitution ?

 

Les philosophes n’ont certes pas la compétence pour entrer dans ce débat qui suppose une spécialisation que seuls les constitutionnalistes possèdent. Toutefois, la souveraineté politique est un concept qui est depuis longtemps dans le champs de la réflexion en philosophie politique ; je n’en veux pour preuve que l’existence des œuvres de Bodin (1529-1596) et de Montesquieu (1689-1755). Ces auteurs auraient-ils des réponses à apporter pour éclairer l’idée d’autonomie régionale ?

 

Selon Bodin, la souveraineté est caractérisée comme une puissance continue, absolue et surtout indivisible ; qu’on délègue ce pouvoir – par exemple à une assemblée – et alors, ou bien il passe tout entier du côté de celle-ci ; ou bien il reste entre les mains du souverain, le quel peut dissoudre cette assemblée d’élus. L’autonomie corse signifierait que leur assemblée doit pouvoir statuer en toute légitimité et en toute indépendance sans craindre que Paris ne vienne casser ses choix : il faut donc que ce pouvoir soit divisé : une partie à la République française, et une autre au Pays corse – mais dans ce cas la Corse ne deviendrait-elle pas une nation indépendante, séparée de la France, ce qui comme on vient de le dire est interdit par la Constitution ?


Reste donc à délimiter différents domaines dans cette souveraineté, comme l’ont fait la plupart des États fédéraux. On ne discutera pas ici de leur domaine de compétence, rappelant simplement que Montesquieu en concevait trois : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Pour éviter les abus du pouvoir, il faut disait-il le fragmenter, non pas pour l’affaiblir, mais pour qu’il s’auto-limite. Quand on voit aujourd’hui quels problèmes soulève la confusion entre le pouvoir exécutif (celui du Président) et le pouvoir législatif (celui du parti du Président) on voit combien il avait raison.

Mais la question du statut de la Corse doit être tranchée par un autre type de division de souveraineté : aux corses les lois qui ne concernent que la Corse ; à Paris les lois qui concernent tous les français.


- Sans doute : reste quand même à savoir quel serait le périmètre de ce domaine national. 

Par exemple, les Corses veulent que leur langue soit reconnue langue nationale comme en Belgique pour le flamand et la wallon. Leur autonomie peut-elle aller jusque-là ?

La question n'est pas encore tranchée, mais on voit bien que si l'autonomie de la Corse ne va pas jusque là, alors elle n'existe même pas.

mardi 15 mars 2022

Rôle de la violence dans l’histoire... corse – Chronique du 16 mars

Bonjour-bonjour

 

Tous nos politiques de tous bords et de toutes responsabilités le répètent en chœur et à l’infini : la violence ne mène à rien, elle est anti-démocratique. On doit la condamner.

Là-dessus, Gérald Darmanin arrive en Corse, après des nuits d’émeutes, en faisant précéder sa venue de la déclaration suivante : « Le gouvernement français est prêt à aller jusqu’à l’autonomie ». – Pour faire bonne mesure, il ajoute : « Il y a une responsabilité de l’État en tant que protecteur des personnes qui sont sous sa responsabilité, en l’occurrence des prisonniers. » (Lire ici)

Et voilà les jeunes corses qui ont, nuit après nuit, illuminé le ciel corse de leurs incendies et assourdis les populations endormies des déflagrations de leurs bombes qui se tordent de rire : « nous avons obtenus en quelques jours plus que nos élus indépendantistes en plusieurs années de négociations respectueuses de la loi » disent-ils. Il faut ajouter qu’ils ont, d’ores et déjà, obtenus que les détenus du « commando Erignac » soient réincarcérés sur l’île.

 

- Les citoyens lambdas dont je suis se grattent la tête : faudrait-il donc accepter de reconnaitre le caractère constructif de la violence de rues – avoir un graphique des blessés, des véhicules incendiées, des commissariats mis à sacs, pour décider des mesures à prendre ?


Vu ici


La politique, ce n’est pas seulement une affaire de convictions ; c’est aussi une capacité à prendre en toute responsabilité ce à quoi la situation engage en fonction de ces convictions. On connait la formule de Max Weber ; « l'éthique de la conviction et l'éthique de la responsabilité ne sont pas contradictoires, mais elles se complètent l'une l'autre et constituent ensemble l'homme authentique, c'est-à-dire un homme qui peut prétendre à la vocation politique » (1)

Alors, la violence a toute sa place dans la vie publique, et les Gilets jaunes l’ont abondamment illustré.

C’est bien regrettable – mais c’est comme ça. 

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(1) Pour ceux qui n’auraient pas en tête la formule de Max Weber, voici comment cet article de Wikipédia la commente : « L'éthique de responsabilité relève de la rationalité téléologique : elle est rationnelle par rapport à une fin, c'est-à-dire un but poursuivi. Cette éthique se caractérise par son attention aux moyens et à leur efficacité dans l'atteinte du but1. Cette éthique a un souci de pragmatisme et cherche à réajuster les moyens aux finalités. Weber la qualifie parfois d'« éthique du succès » (Erfolgsethik) ou d'« éthique d'adaptation au possible ». Afin d'atteindre ce succès, l'éthique de responsabilité met une emphase toute particulière sur la prévision et la prédiction.

L'éthique de conviction, elle, relève de l'axiologie. Elle se soucie de ne pas trahir une valeur ou de ne pas transgresser une norme. Elle considère ainsi comme condamnable de ne pas dire la vérité, et comme louable de dire la vérité pour la vérité. Elle vise à ce que toutes les actions menées soient en cohérence avec une conviction. L'acteur moral n'a pas à se soucier des conséquences, dès lors que son intention est pure, et ses valeurs respectées. Cette éthique est, pour Weber, celle des scientifiques »

On peut aussi lire ce précédent Post.