Bonjour-bonjour
Franck Elong Abe, l’agresseur d’Yvan Colonna, déclare aux enquêteurs : « Dieu a frappé Yvan Colonna à travers mes mains », avant d’ajouter : « Dieu s'est servi de mes mains pour riposter contre celui qui a blasphémé. Moi j'appelle ça le mektoub, le destin » (Lire ici)
Pour les croyants tels que Elong Ebe, Dieu est parmi nous. Il nous écoute, il nous juge, il nous récompense ou nous punit. Il utilise comme instrument de son pouvoir les hommes et les femmes qui sont propices à son dessein ; simples médiateurs, ceux-ci ne sont ni conscients ni responsables de ce qu’ils font, la volonté de Dieu les traverse sans laisser de traces.
Des croyants tels que cet homme, il y en a encore ; pour nous, occidentaux du 21ème siècle ils témoignent d’un lointain passé, celui d’une époque où Dieu était encore parmi les hommes, menaçant ou protecteur ; nous pouvions alors le toucher de nos prières, et quand il était trop loin de nous, nous pouvions encore l’implorer en priant la Vierge Marie.
Marcel Gauchet a développé là-dessus des réflexions pleines de forces (1) montrant que la sécularisation est un mouvement historique qui n’a épargné aucune société même celles qui refusent la laïcité. Le monde est devenu une vaste machine sur laquelle la raison humaine peut agir en toute connaissance, la modifier, la forcer à fonctionner en notre faveur. On sait que cette volonté de maitrise date de Descartes (2), mais elle est aujourd’hui encore battue en brèche par les passions qui nous font croire que l’origine du monde est surnaturelle et que nous pourrions avoir dessus un pouvoir magique.
La pandémie a été l’occasion de manifester cette croyance : lorsque les ayatollahs de Qôm, la ville sainte iranienne, ont déclaré que leur foi suffirait à les protéger du virus, les ravages de la maladie qui ont fait de Qôm le foyer le plus actif de la contamination a donné à voir au monde entier que la protection divine ne suffirait pas à enrayer l’épidémie – et qu’elle n’était pas donc l’effet de Sa volonté.
Que dire alors de la défense de l’assassin d’Yvan Colonna ? Un délire ? Une révélation surnaturelle ? Pour le moins on remarquera que l’assassin, restant comme spectateur de son crime, n’est tout simplement pas au niveau de l’acte qu’il a perpétré.
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(1) Voir en particulier le Désenchantement du monde (Gallimard)
(2) « ... au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices, qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie » Descartes, Discours de la méthode, 6ème partie (1637)
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