dimanche 31 janvier 2021

Liberté et machine à café – Chronique du 1er février

Bonjour-bonjour

 

Je voudrais ce matin faire l’éloge de la machine à café dont on parle beaucoup depuis un an, depuis que le présentiel a disparu au profit du distanciel dans le quel nul pause-café avec les collègues ne peut être envisagée. Mais depuis il ne se passe pas de jour sans que son nom n’apparaisse dans les chroniques qui déplorent la disparition du « temps d’avant ».

 

Pour toi, Machine à café je vais comme Cyrano – hop ! à l’improvisade – te composer une ballade.

 

« Ô toi, Machine à café, toi sur qui on tambourine quand tu ne marches pas, toi qu’on voit, mais qu’on ne regarde pas, je trouve qu’on ne te célèbre pas comme il se doit.

 

- Déjà, regardons-la :

 

Svelte comme une jeune fille au printemps, brillante oui, mais sans clinquant, ornée d’images de tasses arômatiques, elle nous attend au fond de la pièce à elle dédiée. Vestiaire, dépôt de balais, ou – Ô fortune – pièce à elle consacrée, quand on la célèbre, on célèbre aussi l'endroit où elle trône, pièce plus ou moins vaste, mais toujours à l’écart – à l’écart des yeux ou des oreilles des chefs. 

Oui, Toi, Machine à café, c’est Toi qui es la garantie de la démocratie dans l’entreprise ! Tu permets à chacun d’être lui-même quand il est près de toi, libre de parler et de critiquer les patrons et leurs valets. Sans Toi – aujourd’hui on le sent – la vie n’a plus la même valeur, les jours s’étirent mornes et pleins d’ennuis, la joie s’éteint quand manquent les tasses qui fument dans des mains amies. 

Parfois il est vrai tu couvres de ta discrétion les éloges graveleux du décolleté de la voisine du bureau d’en face ou les grosses fesses de la secrétaire de la compta. Mais s’il importe de corriger ces grivoiseries encore faut-il qu’elles soient proférées au grand jour pour être châtiées, et sans toi, dans le secret du vis-à-vis de l’écran, les pires horreurs s’épanouissent sans que rougissent les fronts. 

Le moral et la moralité : c'est par Toi seule qu'ils sont tous les deux sont portés, Machine, et rien d’humain dans l’entreprise n’est sans toi plus possible.

Désormais la CGT écrira sur ses drapeaux : Liberté et Machine à café ! 

samedi 30 janvier 2021

Beau masque – Chronique du 31 janvier

Bonjour–bonjour

 

Notre masque anti-covid, tout comme les masques de protection portés par les professionnels, arrête non seulement les particules polluantes mais aussi les regards. Cacher son visage n’est pas la fonction principale du masque FFP2 mais il en neutralise complètement l’expression et, bien qu’on prétende pouvoir lire dans le regard l’intention de notre interlocuteur, on sait bien que son masque nous fait perdre l’essentiel de son identité. « Le masque est le propre du justicier… mais aussi du criminel » écrivait le philosophe Thierry Hoquet en avril dernier, profitant de l’émotion causée par la pénurie de masques de protection pour faire le tour des fonctions du masque au cours des temps. 

C’est ainsi qu’il relevait à côté de ces masques qui cachent l’existence des masques qui montrent : ainsi les masques africains portés rituellement par des danseurs et qui leur permet de s’identifier à la divinité dont le visage est représenté par leur masque. Nous pouvons donc regretter de porter des masques dont la neutralité ne permet pas de voir le visage réel de notre interlocuteur, mais on peut également profiter de la surface libre sur le masque anti-covid pour dessiner l’image du personnage que nous voudrions être :

 



On comprend que la suppression des masques en tissu au profit des masques chirurgicaux irrécupérables nous fasse perdre un des derniers espace de liberté et de créativité. 

- Oui, en 2021 l’intelligence et la création sont plus que jamais menacées.

vendredi 29 janvier 2021

Mmmhh ça sent l’homme – Chronique du 30 janvier

Bonjour-bonjour

 

Demain dimanche, que ferez-vous, chers amis ? Vous prendrez votre bain dominical, histoire de vous présenter purifié à l’office divin ? Très bien. Mais dites-moi, qu’est-ce que vous allez éliminer lors de ces ablutions ? De la crasse ? Mais non, vous n’êtes pas vraiment sale ; ce que vous allez éliminer c’est l’odeur déplaisante qui se dégage des replis de votre corps – odeur délivrée après plusieurs heures de macération.

Regardez ça :

 


 

Ça ne vous dit rien ? Oui, c’était en 1970, à une époque où en matière d’odeur repoussante, seules les dames pouvaient être évoquées. Mais aujourd’hui où l’égalité homme-femme est devenue la règle, voici ce qu’on lit : 

« Une salle de sport à 18h : ça sent l’homme. Et si, sentir l’homme c’était libérer une odeur boisée, sophistiquée et moderne ? Ou répandre une odeur puissante mais délicate en sortant du sport ? (…) Changeons « Ça sent l’homme » par « Mmmmhh ça sent l’homme. (Publicité pour « Bon homme » parfum crée par Jules – N.B. : idéal pour la St. Valentin) 

Équité oblige n’est-ce pas ? Mais en 1970 comme nous l’a montré cette pub il s’agissait d’empêcher l’odeur de se former en éliminant la transpiration dont la macération va produire ces exhalaisons repoussantes. Aujourd’hui, ce qu’on veut ce n’est pas le degré zéro de l’olfaction, mais qu'au contraire, lorsque l'homme sort de la salle de sport, qu’il laisse dans son sillage une odeur signifiante et délicieuse. Oui, lorsqu’un homme passe, avoir, même les yeux fermés, la sensation grisante de cette présence virile. Aujourd'hui nous ne cherchons plus à éradiquer l’odeur, ni à la masquer (comme à l’époque Louis XIV avec ces parfums musc-ambre-clou de girofle) ; ce que nous cherchons, c'est à délivrer un autre parfum chargé de signifier la personne. La question n’est pas : « L'homme,  qu’est ça sent ? » Mais « Quand je pense à l’homme quelle senteur me vient à l’esprit ». Ah… La bergamote ! Le patchouli ! Et la sauge aussi. Mais la psychanalyse le dit : nous ne rencontrons jamais le réel, nous ne faisons que le fantasmer - sauf qu’en matière de fantasme, tout est possible, y compris le fait d’être émoustillé(e) par des odeurs pas très ragoûtantes comme l’exhalaison de l’haleine au petit matin (lire ici). 

Beurk… Mais si vous n’aimez pas ça, n’en dégoutez pas les autres. Voyez ce qu’il vous reste à faire, messieurs pour faire chavirer le cœur de certaines dames.

jeudi 28 janvier 2021

Un vaccin qui ne nettoie pas le nez – Chronique du 29 janvier

Bonjour-bonjour

 

Quoi ? On va encore parler du virus ! On n’a donc que ça en tête ? Et la pluie ? Et la tempête ? Ça n’existe donc pas ? Montrer de frêles bateaux dans une mer démontée, voilà un sujet ! Au lieu de ça nous voilà encore et toujours à parler de la maladie et ces molécules de vie qui s’acharnent à se reproduire comme s’il n’y avait que lui dans l’univers !

 


 

C'est vrai, mais je l’avoue j’ai eu hier soir une révélation d’ordre médicale : pourquoi le vaccin peut-il rendre le virus inoffensif pour celui qui a été vacciné, tout en conservant celui-ci dans l’ordre des propagateurs de la maladie ? Nos scientifiques n’étant pas forcément de bons pédagogues, pas un n’avait dit ce qu’il fallait pour que moi, auditeur de bonne volonté, je puisse comprendre ce mystère. Et voilà qu’hier, un ex-directeur de l’Institut Pasteur a donné l’explication : le vaccin induit des anticorps actifs pour la totalité du corps, sauf pour la zone muco-nasale, là où le virus est inoffensif pour le porteur, mais dangereux parce qu’il peut se propager à d'autres humains. Quand on est vacciné, on est donc encore porteurs du virus qui, installé dans notre nez, n’attend qu’une occasion pour se faufiler dans d’autres nez.

o-o-o

Je dédie ce Post à ceux qui, bien que lecteurs de ce blog, seraient néanmoins complotiste – du genre « On nous cache des choses pour protéger les profits des labos pharmaceutiques ». Car, oui : si on ne nous dit pas que, malgré le vaccin, on reste porteur « sain » de la maladie c’est sans doute pour ne pas altérer notre confiance et ne pas nous rendre encore un peu plus hostiles à la vaccination. 

Nous, philosophes à sang froid, nous voulons bien rester positifs : si ce vaccin rend le virus inoffensif pour nous, voilà qui est satisfaisant. Mais on quand même a une impression d’inabouti : pourquoi ne pas avoir sorti une version bêta au spectre un peu plus large qui liquide le virus aussi dans les muqueuses nasales ? 

Pour aller plus vite ? Pour griller les concurrents et occuper la première place dans les commandes des États ?

mercredi 27 janvier 2021

Des extrémistes violents s’opposent à la présidence de Joe Biden – Chronique du 28 janvier

Bonjour-bonjour


Voilà ce que je lis de matin : « Des informations suggèrent que des extrémistes violents ayant des objections à l’exercice de l’autorité gouvernementale et à la transition présidentielle, ainsi que d’autres griefs alimentés par des récits mensongers, pourraient continuer à se mobiliser, et à inciter à commettre des violence » (lire ici)

Je me dis : « – Bon, ces extrémistes ont des « objections » à faire au nouveau président, ils vont se lâcher sur les réseaux sociaux et ça risque de ne pas être discret ». Et puis je regarde la photo qui accompagne cet article : 

 


 

«  – Alors voilà bien ces éditions numériques, qui mélangent leurs archives : ça, c’est sûrement un combattant en Irak ? » Mais non, la légende est formelle : il s’agit d’un membre du mouvement radical Boogaloo devant le Capitole d’Oregon, à Salem, le 17 janvier. Cliché de Matthieu Lewis-Rollant/AFP.

J’imaginais les américains amoureux de leurs armes, allant jusqu’à jouer au cow-boy de temps à autre dans des rodéos. Mais là, c’est autre chose : on ne peut s’équiper comme cela sans avoir dans la tête le projet de s’en servir, et donc de considérer l’insurrection armée comme la seule solution à l’état de crise politique établi dans le pays. Autrement dit cet attirail ne renvoie pas simplement à une passion (celle des armes), mais aussi à la volonté d’établir une révolution violente et à prendre le pouvoir les armes à la main. Si la prise du Capitole nous a sidérés, nous autres français, c’est que nous n’avions pas imaginé une démocratie engagée à ce point dans le conflit. 

Pour comprendre, il faut relire le second amendement de la constitution américaine : « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé. » (15 décembre 1791) On ne prend peut-être pas au sérieux cet article de loi, on le considère comme obsolète et conservé uniquement du fait du lobbying de la NRA. C’est sans doute vrai habituellement ; mais dans un monde en crise, fortement perturbé par des prises de positions extrêmes de la part des dirigeants, c’est une porte ouverte des projets de lutte armée entre citoyens. 

C’est la guerre civile qui est portée par cet article.

mardi 26 janvier 2021

Je t’aime, te veux. Et toi ? – Chronique du 27 janvier

Bonjour-bonjour

 

Permettez-moi de revenir aujourd’hui sur un petit mot entendu sur un plateau de télé à propos de l’affaire Olivier Duhamel. Il s’agit de la remarque passée inaperçue d’Alain Finkielkraut : juste après avoir affirmé que le crime de l’inceste pouvait être atténué s’il y avait amour entre les deux hommes, il ajouta : « il faut savoir s’il y avait réciprocité ».

C’est ici que je veux en venir. L’amour et le désir ne se confondent pas : alors que celui que j’aime m’est aussi précieux que moi-même, en le désirant par contre je l’ignore totalement, il n’est plus pour moi qu’un objet de jouissance. Nulle réciprocité à espérer de l’élan désirant, tout en lui est porté par la recherche de jouissance. On va peut-être s'insurger contre cette affirmation: le désir amoureux est compatible avec cette réciprocité parce que le plaisir de l’autre est un accélérateur de sa propre délectation. Mais on peut penser qu’il s’agit là de deux éléments hétérogènes qui se superposent l’un à l’autre sans se confondre. L’amour platonique en est la preuve. 

Mais on peut aller plus loin : si cette réciprocité nous parait essentielle, c’est qu’elle est indispensable pour que se réalise la vie sociale sans laquelle l’humanité ne serait jamais devenue ce qu’elle est. Chacun doit reconnaitre autrui comme un alter ego, un autre moi identique à moi, un moi que je dois aimer et secourir autant que je prends soin de moi-même. Aimez-vous les uns les autres comme vous vous aimez vous-mêmes: tel est le commandement biblique. Ce mouvement qui porte vers l’autre doit donc être également un mouvement rétrograde de retour sur soi : si j’aime l’autre il faut aussi que je sois digne d’être aimé par lui. C’est ce que montre Platon (dans le Banquet) avec l'image de l’armée faite de soldats amoureux les uns les autres : chaque soldat, préférant se faire tuer sur place plutôt que de se montrer lâche devant son amant, poussera le combat jusqu’à l’héroïsme montrant ainsi que l’amour est bien un ciment social essentiel. On pourrait facilement interpréter ainsi le rôle de l’honneur qui soutient encore aujourd’hui les rapports sociaux.

 

On peut faire aussi remarquer que cette insistance sur la réciprocité permet de surmonter les apories du consentement : le consentement véritable n’existe que lorsque cette égalité dans l’échange peut exister également. Lorsque le faible consent au fort, peut-on parler d’égalité et d’échange ? On dira que l’amour du fidèle pour Dieu y parvient – certes. Mais ce n’est possible qu’avec la grâce de Dieu.

lundi 25 janvier 2021

Le bruit et l'odeur des campagnes… protégés par la loi – Chronique du 26 janvier

Bonjour-bonjour

 

A présent le bruit et l'odeur des campagnes sont reconnus "patrimoine sensoriel" et désormais protégés par la loi. (Voir ici)

Par conséquent, fini le recours à des insecticides pour se débarrasser de cigales trop bruyantes ; finies également les procédures entamées contre les déjections d'abeilles (comme à Pignols – Puy-de-Dôme) ; ou bien, comme on l’a encore en mémoire, la plainte à l’encontre du coq Maurice qui, dès le lever du soleil, faisait résonner son chant dans l’ile d’Oléron.

 

 

On est peut-être un peu surpris d’entendre parler de « patrimoine » à propos de tels phénomènes, comme l’odeur des bouses de vaches ou le braiement de l’âne. C’est qu’on croyait qu’un patrimoine était un bien matériel hérité des ascendants et conservé pour être transmis descendants. Mais l’UNESCO nous a habitués à la notion de patrimoine « immatériel » tel que des paysages ou des saveurs culinaires. L’idée reste qu’un patrimoine est tout ce que nous avons le devoir de transmettre après l’avoir reçu, y compris toutes ces choses indéfinissables qu'importent la trace de la vie de nos aïeux . 

Bien entendu, on peut l’admettre et malgré tout contester que ça puisse s’appliquer aux odeurs et bruits de la campagne – car s’agit-il d’un bien ? Par définition on considère en effet que la notion de patrimoine ne s’applique qu’à des biens et non à des éléments nuisibles ou même neutres. S’agit-il de sauvegarder des traces anthropologiques de l’activité des hommes qui risquent de disparaitre avec le temps, comme le tintinnabulement des cloches de vaches ; ou seulement de paysages à sauvegarder, comme les coteaux de champagne ? Oui, sans doute, car ce sont des lieux constamment arpentés par des hommes au travail, qui ont fait de ces espaces des lieux de vie. Il se peut même que ces endroits aient servi simplement de cadre ancestral où l’humanité s’est développée, comme l’abri de l’homme de Cro-Magnon

 

 

Abri de l’homme de Cro-Magnon, aux Eyzies-de-Tayac (Dordogne)

dimanche 24 janvier 2021

Est-il la maladie ou le symptôme ? – Chronique du 25 janvier

Bonjour-bonjour

 

Vous l’avez déjà deviné : c’est de l’ex-président Trump que je parle ici : s’il est la maladie, le trumpisme n’existe pas et son séjour à la maison blanche une simple parenthèse qui vient de se refermer ; s’il n’est qu’un symptôme, son départ ne supprimera pas le courant populiste qu’il a incarné et sans lequel il n’aurait jamais tenu quatre ans à la présidence du pays.

 

J’aurai tendance à entrer dans la peau de l’historien hégélien pour trancher ce débat : l’histoire est toujours celle des peuples et l’individu n’est qu’un déclencheur qui fait parti de l’évènementiel. Hegel va un peu plus loin en précisant comment ces deux niveaux sont reliés l’un à l’autre : l’histoire est faite de ces deux sphères ; l’une, celle de la vie humaine qui obéit aux impulsions des passions humaines et qui enregistre les faits qui en sont issus. Et puis il y a celle de l’histoire universelle toute entière gouvernée par la raison, qui enregistre non pas ces évènements mais leurs effets au niveau de l’évolution de l’humanité. Les passions humaines sont ces forces, issues des individus, qui permettent de grands actes et donc de grands bouleversements ; mais elles ne sont que des « ruses de la raison » qui les utilise pour obtenir des avancées impossibles sans elles. « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans la passion »

Cette conception est à la fois rassurante et accablante. Rassurante parce que nous voilà pourvus d’une clef pour l’analyse de la période que nous venons de vivre et celle qui va venir : aucun hiatus ne peut apparaitre, du moins pour celui qui descend à la profondeur nécessaire pour saisir les liens qui relient ces évènements apparemment disparates. De ce point de vue le trumpisme peut bien être une maladie de la passion, il n’est reste pas moins une étape nécessaire dans la dialectique de l’histoire. Marx n’aurait pas dit autre chose.

Et puis nous sommes accablés, parce que ce qui nous a passionnés et en même temps effrayés durant ces quatre ans devient inessentiel au regard des forces profondes qui s’en sont emparées. De ce point de vue, si Donald Trump n’est qu’un symptôme, il est sans histoire, entendez que ses rodomontades et ses coups de mentons sont exactement les mêmes que ceux de Mussolini … ou de Néron.    

samedi 23 janvier 2021

Bouche cousue – Chronique du 24 janvier

Bonjour-bonjour

 

Jusqu’à il y a un an encore il était inconvenant d’évoquer la capacité de certains à « postillonner » ; tout juste si on acceptait de comprendre de quoi on parlait. Et puis voilà que l’épidémie de covid éclate et que les médecins épidémiologistes nous affranchissent : le virus se propage par des « postillons » que chacun propulse en parlant. – Chacun ? – Oui, même les mieux éduqués, même ceux qui font tout pour l’éviter. On ne peut l’empêcher qu’à condition de se couvrir la bouche par un masque adapté ou alors de se tenir à une distance de plus de 1 mètre pour que les postillons retombent avant de pénétrer dans nos poumons.

Voilà – mais ça, c’était avant. Avant que les virus mutants ultra contagieux arrivent. Et avec eux, la distance passe de 1 mètre à 2 mètres (6 pieds pour les anglo-saxons)

Vous voilà prévenu : votre capacité à postillonner a doublé sans que vous en soyez conscient, simplement par la vertu de variants exotiques. – Et si cette distance n’est pas respectée, ou bien si on constate qu’elle ne suffit déjà plus, alors ? – Alors, mesure radicale, il vous reste à … vous taire. Oui, vous taire, ne plus ouvrir la bouche pour parler, même derrière votre masque. Faire comme Beethoven qui était sourd comme un pot, et qui ne communiquait avec les autres que par écrit (un petit carnet sur lequel il écrivait ses messages et qui recevait les réponses par le même truchement). Ça ne devrait pas nous dérouter, nous qui sommes déjà habitués à communiquer par SMS. En plus on a déjà les formules abrégées pour faire ça le plus rapidement possible ; par exemple, un petit message d’amour, bouche cousue :

- Wétu ? Jtm : tu m’ex6t bcp é j te veu 4me

RSTP

Bizoo (1)

-----------------

(1) Traduction pour les seniors qui n'auraient pas appris à communiquer comme ça : "Où es-tu ? Je t'aime : tu m'excites beaucoup et je te veux pour moi (= for me). Répond s'il te plaît. Bisou"

vendredi 22 janvier 2021

Si les signes vous fâchent… – Chronique du 23 janvier

Bonjour-bonjour

 

Le variant anglais : on ne parle que de lui. A croire qu’il représente une menace vitale pour l’humanité…

Mais alors, pourquoi cet étrange nom ? Vous me direz qu’il résulte d’une mutation du virus, et que du coup c’est bien normal de l’appeler « variant ». Oui… Mais alors, pourquoi pas mutant ? S’il résulte d’une mutation, alors en toute rigueur c’est un mutant

Mais, vous savez à quoi ça ressemble, un mutant ? 

A ça :

 



Pas très engageant, n’est-ce pas ? Alors que ce qu’on imagine avec un variant, est un peu plus… comment dire ? Neutre. Oui, c’est ça. On dira quand même que ça reste très inquiétant : à une époque où la moindre secousse émotionnelle est démultipliée et amplifiée, on comprend qu’imaginer nos poumons assiégés par des hordes de mutants monstrueux venus d’Angleterre ne soit pas très sécurisant. 


Brrr… Attention à ce que vous dites ! Aujourd’hui le moindre mot de travers vous propulse devant les tribunaux. Les censeurs d’aujourd’hui sont des gens sincères : ils ne défendent pas un pouvoir tyrannique mais seulement leur propre sensibilité. Si les « mutants » déclenchent chez eux des visions de cauchemar, alors il faudra s’excuser d’avoir employé ce mot, à moins qu’on n’ait à en rendre compte devant les tribunaux. 

« Si les signes vous faschent, ô quant (= combien) vous fascheront les choses signifiées. » disait Rabelais (Tiers livre chapitre 20). Il avait raison et il aurait raison plus encore aujourd’hui, où le moindre écart de langage déchaine des foules de pauvres gens humiliés et blessés par nos formules.

Si nous écoutons bien ce que nous dit Rabelais, nous remarquerons qu’on ne doit pas faire grief d’intolérance à tous ces censeurs, mais nous devons les avertir quand même : s’ils ont de telles fragilités que le langage les blesse, il faudrait quand même qu’ils s’endurcissent un peu pour affronter la réalité – en tout cas celle-ci :




jeudi 21 janvier 2021

Je sais que je ne sais rien – Chronique du 22 janvier

Devant le tribunal qui l’accuse de prétendre tout savoir et de dogmatiser pour endoctriner la jeunesse, Socrate rétorque qu’il est en effet le plus sage de tous les athéniens, parce qu’alors que ceux-ci on l’arrogance de croire qu’ils savent, lui, Socrate, sait qu’il ne sait rien – et ce savoir n’est pas minuscule. 

 

Bonjour -bonjour

 

« Je sais que je ne sais rien » : comment ne pas se remémorer cette phrase, alors que de partout viennent les déclarations de gens totalement ignorants de ce dont ils parlent, mais qui n’en affirment pas moins avec véhémence savoir comment on aurait dû agir. Que ce soit sous le nom de fakenews ou d’infox, cette morgue irritante est devenue la marque de fabrique de notre époque. Mais ne nous hâtons pas de dénoncer l’influence pernicieuse des « réseaux sociaux » : lorsqu’ils n’existaient pas on avait exactement le même phénomène ; simplement ces affirmations péremptoires avaient lieu au comptoir du « Café du commerce » selon l’expression proverbiale, ça ne concernait qu’une dizaine de personnes – mais c’était la même chose.

Rappelez-vous : 1998, la France joue la coupe du monde de foot et la rumeur fait rage : le sélectionneur Aimé Jacquet n’a pas su constituer l’équipe idéale et le pays va être humilié par les nations concurrentes. Un mois plus tard, la coupe conquise, Aimé Jacquet ironise : « La France comporte 60 millions de sélectionneurs ». Hier à Saclay, Emmanuel Macron fustige l’attitude de l’opinion publique qui critique l’action du gouvernement : « La France est devenue une nation de 66 millions de procureurs. » Se remémorait-il la phrase d’Aimé jacquet ? Peut-être, mais l’essentiel est que désormais via les médias actuels, chacun peut prendre l’attitude du spécialiste et se permettre de juger comme tel. Un exemple de plus pour préciser cette réalité ? Voici les propos de Christine Angot, parlant de l’inceste dont a été victime le beau-fils d’Olivier Duhamel, et dont elle fut elle-même victime : « …des gens sur les réseaux sociaux. Tout d'un coup, tout le monde sait quoi dire et comment dire. Tout un tas de gens m'ont l'air d'avoir su de toute éternité de quoi il était question ! »

On croit relire Platon et on mesure combien cette prétention à décider du vrai et du bien est universelle. Pourquoi pas après tout ? Nous sommes en démocratie et chacun a le droit d’exprimer son opinion. Mais, la vérité n’est pas affaire d’opinion : elle dépend de l’accord entre nos jugements et la réalité sur laquelle on les émet.

Or le problème est que le plus souvent on prend pour vrai, en toute sincérité, ce qui nous parait souhaitable, et non ce qui a été prouvé. Et comment prouver? En faisant comme si l'opinion qui nous vient n'était pas démontrée, comme si on ne savait pas encore ce qu'il fallait penser. 


- En dehors de la preuve aucune vérité ne saurait exister, et on devrait graver en lettres d’or la formule de Bachelard :

« Toute vérité est une erreur redressée »

mercredi 20 janvier 2021

La fin du monde ou la fin du mois ? – Chronique du 21 janvier

Chronique spéciale prise-de-tête. Comme dit Rancière « Et tant pis pour les gens fatigués »

 

Bonjour-bonjour

 

Après la prise de pouvoir du président Biden, les éditorialistes se partagent en deux groupes : les uns – les plus nombreux – tentent de répondre à la question « Qu’est-ce que ça va changer ? ». Les autres (moins nombreux – mais quand même), s’interrogent sur ce qui, au contraire, ne changera pas. D'un côté l'histoire qui s'écrit au jour le jour, faite des sursauts du quotidien : elle s'inscrit dans le temps court ; de l'autre les tendances lourdes qu'un homme seul ne peut déplacer - c'est l'Histoire avec un grand "H", celle qui requiert la maitrise du temps long

Même si cette chronique ne prétend pas rivaliser avec des éditoriaux spécialisés dans de telles questions, je pourrai en toute modestie apporter mon petit commentaire à cet édifice. Car je pense que la présence de ces deux orientations est significative : de même qu’il y a un temps court et un temps long, il faut aussi noter l’existence d’un avenir proche et d’un avenir lointain - et, plus encore, d’un présent proche et d’un présent lointain. 

- « Présent proche » ; « présent lointain » : que veut dire ce charabia ?

Tout simplement que notre présent est significativement différent selon qu’on l’estime comme faisant partie du temps long ou du temps court, car il n’est plus constitué des mêmes évènements – par exemple, dans le premier cas, il est marqué par les phénomènes climatiques manifestes à longue échéance comme les changements de température de la planète à l’échelle du siècle dont la connaissance requiert une prospective à long terme ; et dans le second cas, le temps court qui enregistre des phénomènes tels que plus de neige cet hiver, ou la sécheresse l'été dernier.

Il se peut que les faits qui s'inscrivent dans un temps long soient invisibles à l’échelle du temps court, et réciproquement que les évènements de la vie quotidienne se diluent dans la longue durée.  Raison pour la quelle  ceux qui étudient la longue durée ignorent  en général  les questions relatives au quotidien, comme le dit la formule bien connue depuis le Gilets-jaunes : « Il y a ceux qui s’interrogent sur la fin du monde et ceux qui se préoccupent de la fin du mois ».

- Mais c'est à tort : les interactions entre ces deux catégories sont nombreuses et les historiens connaissent bien cette particularité, eux qui étudient les archives qui conservent les traces de la vie quotidienne pour mieux voir l’évolution dans la durée profonde.

Ces interactions sont elles aussi de deux ordres : les évènements "temps-court" peuvent ne pas impacter les évènements "temps-long" ; mais inversement, certains faits sont visibles dans le quotidien et en même temps actifs dans l’histoire profonde, surgissant alors dans les deux temporalités. Comme par exemple, (retour à l’investiture Biden),  la politique étrangère des États-Unis, qui du temps de Trump était marquée par la lutte économique avec la Chine, affectée à longue échéance d’épisodes faits de glaciation et de réchauffement, mais également, presque au jour le jour, de nouveaux traités et de taxes punitives ; ce qui risque bien de durer encore sous la présidence Biden – car la lutte pour l’hégémonie mondiale affecte tous les évènements quelle que soit leur temporalité.


Et chez nous ? Cette double temporalité est une clef pour déchiffrer les discours programmatiques des candidats à la prochaine élection présidentielle, car ils ne manqueront pas de nous promettre d’affronter également la fin du monde et la fin du mois. Demandons-nous avec quelle arme et quel programme ils prétendent réussir dans ces deux domaines.

mardi 19 janvier 2021

Publication de l’édition 2021 du guide Michelin – Chronique du 20 janvier

Bonjour-bonjour

 

Il parait que l’édition 2020 du Guide Michelin est parue, malgré le confinement quasi continuel qui a fermé tous les restaurants durant l’année. "Nos inspecteurs et inspectrices ont réalisé le même nombre de repas que les années précédentes", a affirmé le directeur du guide Gwendal Poullennec.

Autrement dit : vous, vous n’avez sûrement pas eu l’occasion de déjeuner dans un de ces restaurants mentionnés par le Guide Michelin. Mais rassurez-vous, nos inspecteurs l’ont fait et voici leurs conclusions. Pourrez-vous en profiter ? Pas sûr, mais qu’importe ? Il vous suffira de savoir que certains se sont régalés en votre nom.

 

- Ridicule ? Pas tant que ça si on tient compte des émissions de télé consacrées à des concours gastronomiques où l’on voit des gens goûter avec ravissement des plats fins, alors que jamais le spectacle de leur jouissance ne nous donnera la moindre sensation gustative. Beethoven devenu sourd composait avec dans l’esprit le son des instruments conservés par sa mémoire ; mais nous, pauvres pékins, aucun souvenir à raviver pour saliver un peu. Alors qu’est-ce qu’on veut nous faire croire avec ces gros plans sur des visages en extase en train de déguster le tournedos aux truffes et au foie gras ? Cherche-t-on à nous faire baver d’envie en nous frustrant un maximum ? 

Non, bien sûr, ce serait contre-productif en termes d’audimat. Reste à imaginer que les plaisirs – tous les plaisirs – sont lié eux aussi à des images qui font fonction d’excitateur de fantasmes.

 


 

Comme celui-ci ? Alors devrait-on imaginer que M6 diffusant Toque Show devienne l'équivalent de Youporn ?

lundi 18 janvier 2021

Que la mort me trouve plantant mes choux – Chronique du 19 janvier

Bonjour-bonjour

 

Je trouve chers amis que dans la période actuelle nous manquons un peu de fermeté face à la frustration : c’est la désolation, parce que plus de… (de ciné, de restau, d’apéro, de bisous, etc.) – tel est le maitre mot de cette saison.

Autrement dit, épicuriens nous fûmes, épicuriens nous restons : jouir est pour nous le bien suprême, c’est l’essentiel que nous puissions attendre de la vie ; et du coup, bien sûr, la perte même provisoire des plaisirs nous laisse sans ressources. C’est que la philosophie qu’il nous faut pour ces temps de covid, ce n’est pas l’épicurisme, mais le stoïcisme. Pour le stoïcien, l’essentiel est de vivre conformément à la nature, c’est-à-dire en suivant l’ordre de ses lois. Ce que les écologistes d’aujourd’hui ont à peu près intégré en fustigeant les violences que nous faisons subir à notre environnement : la permaculture nous donne une idée de ce qu’est devenu le stoïcisme de nos jours.

Mais quid de la mort ? Pour un stoïcien c’est l’indifférence à la mort qui est naturelle : nous n’y pouvons rien donc autant ne pas nous en préoccuper. Ce que Montaigne formulait ainsi : « Je veux que la mort me trouve plantant mes choux » (1). Le stoïcisme de Montaigne s’exprime là : il ne dépend pas de moi de mourir ou de ne pas mourir, donc ne nous en préoccupons pas et jusqu’au dernier moment vivons en poursuivant nos activités habituelles. Cette philosophie de l’acceptation ressemble bien à celle de nos coachs en développement personnel qui nous enseignent à « lâcher prise ». Sauf que le propos de Montaigne est un peu plus subtil. Car ce qui compte, ce n’est pas d’être indifférent à tout ce qui nous arrive, mais seulement à ce qui est inévitable – d’où l’indifférence à l’égard de la mort quand on la juge inévitable.

On peut donc supposer Montaigne ne fustigerait pas les vieillards qui se font vacciner mais seulement ceux qui renonceraient à vivre normalement parce que la peur de la mort (c'est-à-dire aujourd'hui de la contagion) les paralyse. Tel est le sens du chapitre d’où cette citation nous vient : Que philosopher c’est apprendre à mourir. Car en réalité ce qu’il faut apprendre c’est à vivre normalement tout en sachant que nous allons mourir un jour. Et pour cela, non seulement il faut raffermir son âme pour l’empêcher de trembler devant l’avenir, mais il faut aussi - et surtout - se préoccuper du présent en allant quand même planter nos choux.

Et pour cela, n’oublions pas les conseils des permaculteurs.

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(1) « Agissons donc, et autant que nous le pouvons ; prolongeons nos travaux tant que dure notre vie. Je veux, quant à moi, que la mort me trouve plantant mes choux, indifférent à sa venue, et plus encore à l’obligation dans laquelle elle me mettra de laisser mon jardinage inachevé. » Montaigne – Essais Livre 1 chapitre 20 (Version en français moderne – Retrouvez la version originale ici)

dimanche 17 janvier 2021

Aujourd’hui c’est le Blue Monday

Aujourd’hui c’est le Blue Monday – Chronique du 18 janvier

 

Chers amis bonjour

 

Si vous n’avez pas lu ma chronique précédente (datée elle aussi du 18 janvier) ne la lisez surtout pas ! Consacrée à nos sottises elle ne peut que vous confirmer que nous vivons au milieu des c*** et que le mieux est de nous passer la corde au cou. 

--> Car voilà : aujourd’hui, 18 janvier, est le jour désigné par les médias britanniques comme étant le jour le plus déprimant de l’année. Ceci vous pourrez vous en persuader en lisant ici même l’article de Wiki.

Ne croyez pas qu’il s’agisse d’une lubie d’un redac chef soucieux de doper ses ventes. Wiki se fait l’écho de formule mathématiques définissant rigoureusement le jour le plus triste de l’année (et aussi le jour le plus heureux).

Voyez plutôt : voici la formule du jour le plus déprimant 



avec : W Weather (météo), (D-d) debt (différence des dettes contractées à la période des fêtes avec la capacité effective de remboursement avant la prochaine paie), T Time (temps écoulé depuis Noël), Q (temps écoulé depuis nos résolutions du Nouvel An), M (Manque de motivation), Na (besoin d'agir).

Et maintenant la formule du jour le plus heureux de l’année :

O + ((N x I)+ (S x T)/P)

Avec : O = Activités extérieures ("Outdoor activities"); N = Nature; I = Interactions sociales; S = Souvenirs positifs, la plupart souvenirs de l'enfance ("Childhood and other positive memories"); T = Température; P = Proximité de ses propres congés / vacances ("Holiday excitement").

 

- La bonne nouvelle (car vous ne trouverez ici aujourd’hui que des bonnes nouvelles) c’est que, nanti de ces formules, vous pourrez agir pour améliorer vos chances de bonheur et minorer les risques de déprime.

Par exemple ?

- Ne regardez pas la météo avant d’aller faire votre jogging en vous rappelant que c’est précisément cela que vous avez décidé de faire le 1er janvier.

- Rentré chez vous, prenez une tasse de thé avec une petite madeleine. Cela, comme pour le petit Marcel, réactivera chez vous des souvenirs d’enfance très positifs.

- Enfin, ouvrez votre boite mail : elle est sûrement remplie de messages enchanteurs de booking.com qui vous proposent de partir vers des pays merveilleux où rien ne coûte cher. 

… Qu’est-ce qu’on dit ? Merci le Point du Jour !

Rien de nouveau sous les étoiles – Chronique du 18 janvier

Bonjour-bonjour

 

L’irrationalité qui envahit les réseaux sociaux, tous ces gens qui croient aux théories complotistes les plus ridicules, aux explications ésotériques les plus fumeuses, et leur obstination à croire des affirmations mille fois démenties, n’est pas une nouveauté de notre époque. Il n’est que de rappeler la place constante dans les médias consacrée aux horoscopes, et l’effort de leur justification par la lointaine tradition (chaldéenne ?) pour se persuader qu’entre hier et aujourd’hui, la nouveauté ne tient pas à l’existence de ces connaissances mais seulement à leur source. Car autrefois, pour établir l’avenir par l’observation des étoiles, il fallait des astrologues, nantis d’un savoir patenté, et puis des observatoires du ciel – ou encore des prophètes recevant leurs révélations de la main de Dieu lui-même.

 

 

Ézéchiel reçoit du Ciel la révélation de ses prophéties et oracles.

 

Nos prophètes, car il y en a, ont-ils de lettres de créance un peu plus fiables ? Il ne faut pas croire que les prophètes bibliques furent admis sans contestation. Il leur fallut d’abord démonter la validité de leur prédiction, attestant ainsi qu’ils jouissaient d’un privilège divin. Ézéchiel dont nous illustrons ci-dessus le miracle auquel il dut ses révélations avait quand même fait quelques miracles, comme ressusciter des morts ; il avait aussi prophétisé une épidémie de peste, envoyée pour punir les hébreux réfractaires à leur devoir. 

- Et nous, quelle légitimité exigeons-nous de la part de ceux qui nous assènent des vérités dont ils ont eu la révélation ? Le quel peut nous dire qu’il a prévu l’épidémie de covid ? Rappelons qu’Ézéchiel, lui a prévu l’épidémie qui a décimé les juifs, et qu’à l’époque d’Œdipe ce sont les prêtres thébains qui ont su découvrir l’origine de la peste qui a frappé la ville (1). Nos influenceurs ne sont armés que de la rumeur propagée par les follwers, retwitters, etc. 

Somme toute, les fakenews dont nous nous désolons viennent non pas de la croyance dans ces assertions incontrôlables auxquelles certains d’entre nous accordent du crédit. Cela, nous-mêmes le faisons chaque jour en accordant notre confiance à des affirmations qui nous parviennent de sources que nous ne vérifions pas systématiquement: ce sont des « vérités de témoignages » qui sont nécessaires pour la vie quotidienne. Simplement nous ne donnons pas notre confiance à n’importe quelle source mais seulement à celle qui a été corroborée par la réalité dans le passé. Or, ceux qui donnent du crédit à des affirmations non corroborées par des faits ont bien un critère de tri entre les nouvelles qu’ils rejettent et celles qu’ils élisent. C’est celui de la conformité avec les espoirs – ou leurs détestations.

 

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(1) Sur l’épidémie de Thèbes, voir ceci.

samedi 16 janvier 2021

Repos ! – Chronique du 17 janvier

Bonjour-bonjour

 

Reposez-vous bien ! Cette phrase, vous avez pu l’entendre bien des fois, principalement si comme moi vous avez attrapé la covid, et surtout si vous êtes entré en phase de convalescence. On va l’a dite comme si c’était une fin en soi, et donc comme si en vous reposant vous faisiez quelque chose d’important. Or, si vous êtes convalescent, déjà vous ne faites pas grand-chose – voire même : rien du tout. Vous voilà installé dans votre canapé, les fesses soudées aux coussins, et on vient vous conseiller de continuer comme ça : ça énerve… Pour moi, ce repos est l’antichambre du néant, cette zone grise où la personne se délite, où sa conscience s’obscurcit sans toutefois perdre la perception de l’état lamentable où elle s’abime. Pour peu que ce conseil vous vienne d’ami(e)s bien intentionné(e)s alors vous voilà assigné au repos par le devoir de l'amitié.

- Pour moi, le conseil que j’entendrais plus facilement ce serait de me secouer les puces et d’aller faire un tour ; sans quoi, si c’était vraiment dangereux pour moi, on devrait me conseiller de rester bien au chaud - oui, mais avec un bon livre ou un bon opéra.

Suivant le conseil de lire un bon livre, j’ai commencé la lecture de l’histoire de la fatigue de Georges Vigarello. Car il y a une histoire du repos qui suit exactement celle de la fatigue : si hier comme aujourd'hui on a toujours subi la fatigue par déperdition de nos forces après une activité excessive, celle-ci n’a pas toujours été considérée de la même façon. Au moyen-âge la fatigue du chevalier au combat était glorieuse alors que celle du vilain n’était que misérable. Bien sûr le repos qui prend place sur cette échelle de valeur va du glorieux repos du guerrier au sommeil de bête de somme du paysan recru de fatigue.

Reposez-vous bien : si ce conseil succède à la fatigue d’une activité qui consommé les ressources de votre organisme, tout va bien. Par contre s’il s’agit de vous reposer alors que vous n’êtes pas fatigué, alors ça ne va plus du tout.

On peut d’ailleurs écouter Kant sur ce sujet : «  le meilleur repos est ... celui qui suit le travail. » disait-il dans ses Réflexions sur l’éducation. Le repos suit la fatigue, et en dehors de celle-ci il ne vaut rien.

À méditer pour occuper ce dimanche, jours du repos dominical.

(N.B. D'ailleurs le Seigneur-Dieu ne s'est reposé que le 7ème jour - après avoir créé le monde.)


vendredi 15 janvier 2021

Dis, Papy, toi aussi tu jouissais sans entraves ? - Chronique du 16 janvier

Bonjour-bonjour

La sortie du livre de Camille Kouchner qui dénonce les agressions sexuelles dont son beau-père Olivier Duhamel s’est rendu coupable sur la personne de son frère jumeau alors âgé de 14 ans continue à entretenir l’indignation. En dehors de ces actes pédophiles, Olivier Duhamel aurait organisé des soirées fines où les invités — ainsi que leurs enfants et leurs nounous – étaient invités à libérer leurs pulsions par des attouchements, des baisers et plus en cas d’affinité. C’était dans les années 80, et la libération sexuelle était encore le maitre mot d’une bourgeoisie aisée. 

« Camille Kouchner se rappelle « l’injonction à jouir » qu’elle a reçue de sa mère, alors qu’elle n’avait que 12 ans (on était alors en 1987) » précise l’article consulté, et c’est cette injonction qui parait aujourd’hui encore sensible. Car, délivrée à une gamine prépubère on arrive à une prescription à peu près aussi impérative que de se laver les dents ou de se lever quand le réveil sonne. Il y avait alors une sorte de folie qui a parcouru cette période, et beaucoup de ceux qui l’ont vécue ont aujourd’hui encore du mal à faire leur deuil.

Tous ces papys du baby-boom, qui ont jeté leur gourme dans les années 70, tous ces hommes et toutes ces femmes ont découvert que la vraie la jouissance n’était pas par nature sexuelle, mais qu’elle survenait quand on transgressait les interdits imposés à la sexualité par l’ordre bourgeois (c’est comme ça qu’on appelait les interdits communément adoptés qui interdisaient de faire l’amour à quelqu’un avec qui on n’était pas régulièrement marié). Les voilà bien silencieux à présent : qu’ont-ils à nous dire ?

On imagine : « C’est vrai qu’on s’est dévergondés pendant les vacances à Benidorm, mais on n’a jamais entrainé des gamins avec nous » 

Sauf que les récits précédents montrent bien qu’on croyait dur comme fer que la jouissance sexuelle était naturelle et qu’elle ne pouvait pas être mauvaise dès lors qu’elle appartenait à la nature humaine. Et on ne manquait pas, à grand coup de freudisme, de dire que la sexualité commençait au berceau et que la période de latence était une fumisterie inventée par Freud qui était lui aussi coincé du zizi. 

Chacun pourra contester ces propos au nom de son expérience personnelle. Reste que l’idée du caractère traumatisant de la sexualité n’était pas d’actualité et qu’elle n’était pas prioritairement évoquée par le MLF qui mettait au premier plan le droit à l’avortement et la lutte contre l’oppression des femmes par le pouvoir des hommes (comme on l’a dit récemment, on ne parlait pas à l’époque de patriarcat mais de phallocratie – mais c’était la même chose).

On dit que les jouisseurs d’hier sont devenus les bourreaux d’aujourd’hui. Serait-il possible que certains de ces jouisseurs d’hier soient devenus les victimes d’aujourd’hui ? 

… Mais j’arrête là : Finkielkraut s’est fait virer pour moins que cela.

jeudi 14 janvier 2021

Quand tu sauras mon crime… – Chronique du 15 janvier

Bonjour-bonjour

 

Depuis quelques jours la médiasphère est secouée par un scandale qui a produit une déflagration extraordinaire et qui induit à présent toutes sortes d’articles plus indignés les uns que les autres. Il s’agit de l’affaire Olivier Duhamel, qui a abusé sexuellement de son beau-fils, âgé alors de 14 ans. On accuse cet homme d’avoir commis un acte horrible au point qu’il fit usage durant près de 30 années de toute son influence pour le cacher. Le chroniqueur Alain Finkielkraut a même été congédié pour avoir seulement émis l’hypothèse que ce crime pourrait être purifié par un amour réciproque – car, si l’amour est purificateur, l’inceste reste la souillure absolue (1). Ce crime est inexpiable et on sait depuis Lévi-Strauss qu’il suffirait à mettre le bazar dans n’importe quelle société. 


Revenons calmement au sujet : y a-t-il eu inceste et si oui, en quoi consiste ce crime ?

1 – Déjà rappelons que la victime des abus sexuels dont nous parlons n’est pas le fils d’Olivier Duhamel, mais son beau-fils (le fils de sa femme). De ce fait l’inceste est défini seulement par la loi et non par la nature ( = un rapport consanguin). 

Le sénat nous l’explique « À l'exception du viol commis sur un enfant de moins de quinze ans, qui est puni de vingt ans de réclusion criminelle quel qu'en soit l'auteur, les infractions sexuelles sont en général sanctionnées plus sévèrement lorsqu'elles sont commises par « un ascendant, légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ». Dans le cas qui nous concerne on dirait alors qu’il y a un abus sexuel, aggravé par le rapport familial et défini par la loi comme inceste.

2 – Mais il y a plus grave : selon notre tradition, l’inceste est plus qu’un rapport sexuel : la simple évocation de son existence suffit pour que Phèdre, l’héroïne de Racine se sente ruinée par cet amour. Dans la scène de l’aveu, elle déclare à Oenone, sa confidente : « Quand tu sauras mon crime et le sort qui m’accable / Je n’en mourrai pas moins, j’en mourrai plus coupable ». Que Thésée ne soit que le fils de son époux ne change rien au crime que constitue un tel amour. On l’a dit, l’inceste est la pire souillure imaginable, et la mythologie ne manque pas de récits édifiants tel que l’histoire d’Œdipe. Cette ignominie fut si épouvantable  que la ville de Thèbes où régnait Œdipe, l’époux et fils incestueux de la reine Jocaste, le chassa après lui avoir crevé les yeux : son regard suffisait à souiller tout ce qu’il rencontrait. 

3 – On la dit, l’inceste parait aussi condamné par les mécanismes naturels de la reproduction sexuée qui imposent le plus grand brassage possible des gènes, excluant ainsi la consanguinité. Tous se passe comme si cette reproduction avait pour fonction d’opérer un brassage des gènes produisant un métissage de sorte que les capacités génétiques face à la maladie soient les plus variées possibles. 

4 – Le crime de monsieur Duhamel n’est pas de cette nature et d’ailleurs on voit bien que ce n’est pas cela qui est en cause. S’agit-il de dénoncer la dévastation produite par cet abus sexuel subi par cet enfant et dont le livre de Camille Kouchner nous entretient ? Oui, mais pas seulement : il s’agit aussi - et surtout - de démasquer la protection apportée par le statut social d'Olivier Duhamel et le milieu qui l’accompagne. Il s’agit de dénoncer les privilèges dont les élites jouissent dans notre société.

Les gilets-jaunes ne sont pas loin.

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(1) Le mot inceste vient du latin incestum : souillure, à rapprocher de incesto : rendre impur.