dimanche 10 janvier 2021

Gouverner c’est choisir – Chronique du 11 janvier

Bonjour-bonjour


La seule chose dont on soit certain quand on est un responsable politique en charge du bien-être de la collectivité est que, quoiqu’on fasse, ce sera mal. Ainsi de la lutte contre la pandémie, qu’on décide de fermer les cinémas, théâtres ou autres commerces, supposés responsables de la diffusion du virus – les poussant à la faillite ; ou bien qu’on les laisse ouverts pour éviter tous ces dépôts de bilan, permettant alors à la maladie faire toujours plus de morts. 

S’opposent ainsi la fin et les moyens – ou, pour le dire de façon un peu plus précise le but premier et les effets secondaires.

Les sciences sociales ont expérimenté cette situation avec le cas imaginaire du dilemme du tramway

Le dilemme du tramway, qu’est-ce que c’est ? Voyez ce schéma :



Vu ici 

Le personnage (un quidam) qui est près de la commande d’aiguillage peut soit ne pas le manœuvrer, laissant 5 personnes mourir écrasée par le tram, soit décider de le bouger, sauvant les 5 précédentes personnes, mais causant la mort de la personne isolée sur l’autre voie. Quelle décision doit-il prendre ? Présentée comme cela, la réponse parait simple : un contre cinq, le dilemme n’en n’est pas un, le choix de la manœuvre s’impose.

--> Sauf qu’il y a un peu plus de complexité dans cette situation : en faisant la manœuvre, certes il sauve de la mort 5 personnes, mais il choisit aussi, en toute conscience, de sacrifier l’homme qui serait resté indemne sur l’autre voie s’il n’avait rien fait. Le dilemme est clair : soit il refuse de causer la mort de qui que ce soit, au risque de laisser périr d’autres victimes ; soit il choisit de sauver le plus de monde possible même au prix du sacrifie du plus petit nombre (1).

On reconnait le dilemme auquel est actuellement soumis le pouvoir politique qui doit sacrifier ou l’économie ou les vies. Tout sauver en même temps est impossible, c’est même pour cela qu’on parle de dilemme.

Il est vrai que la situation se complique encore avec la prise en compte de l’intérêt politique.

Si, pour sauver les vies vous êtes responsable de la disparition des commerces, restaurants cinés etc., vous voilà accusé d’ignorer la réalité et menacé de perdre les prochaines élections. Par contre si vous vous maintenez ouverts les établissements précédents, vous devenez le dirigeant cynique qui accepte de sacrifier des êtres fragiles victimes du regain de l’épidémie et accusé de ne respecter que le pouvoir de l’argent.

 

« Gouverner, c’est choisir » disait Pierre Mendès France. Personne n’a dit que cette obligation de choisir excluait le dilemme.

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(1) On retrouve ici les éléments qui chez Max Weber servent à opposer l’éthique de la conviction (où seul le but final incarné par la valeur suprême est pris en considération) ; à celle de la responsabilité (qui prend en compte essentiellement les conséquences intermédiaires de l’action). 

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