Bonjour-bonjour
Depuis quelques jours la médiasphère est secouée par un scandale qui a produit une déflagration extraordinaire et qui induit à présent toutes sortes d’articles plus indignés les uns que les autres. Il s’agit de l’affaire Olivier Duhamel, qui a abusé sexuellement de son beau-fils, âgé alors de 14 ans. On accuse cet homme d’avoir commis un acte horrible au point qu’il fit usage durant près de 30 années de toute son influence pour le cacher. Le chroniqueur Alain Finkielkraut a même été congédié pour avoir seulement émis l’hypothèse que ce crime pourrait être purifié par un amour réciproque – car, si l’amour est purificateur, l’inceste reste la souillure absolue (1). Ce crime est inexpiable et on sait depuis Lévi-Strauss qu’il suffirait à mettre le bazar dans n’importe quelle société.
Revenons calmement au sujet : y a-t-il eu inceste et si oui, en quoi consiste ce crime ?
1 – Déjà rappelons que la victime des abus sexuels dont nous parlons n’est pas le fils d’Olivier Duhamel, mais son beau-fils (le fils de sa femme). De ce fait l’inceste est défini seulement par la loi et non par la nature ( = un rapport consanguin).
Le sénat nous l’explique « À l'exception du viol commis sur un enfant de moins de quinze ans, qui est puni de vingt ans de réclusion criminelle quel qu'en soit l'auteur, les infractions sexuelles sont en général sanctionnées plus sévèrement lorsqu'elles sont commises par « un ascendant, légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ». Dans le cas qui nous concerne on dirait alors qu’il y a un abus sexuel, aggravé par le rapport familial et défini par la loi comme inceste.
2 – Mais il y a plus grave : selon notre tradition, l’inceste est plus qu’un rapport sexuel : la simple évocation de son existence suffit pour que Phèdre, l’héroïne de Racine se sente ruinée par cet amour. Dans la scène de l’aveu, elle déclare à Oenone, sa confidente : « Quand tu sauras mon crime et le sort qui m’accable / Je n’en mourrai pas moins, j’en mourrai plus coupable ». Que Thésée ne soit que le fils de son époux ne change rien au crime que constitue un tel amour. On l’a dit, l’inceste est la pire souillure imaginable, et la mythologie ne manque pas de récits édifiants tel que l’histoire d’Œdipe. Cette ignominie fut si épouvantable que la ville de Thèbes où régnait Œdipe, l’époux et fils incestueux de la reine Jocaste, le chassa après lui avoir crevé les yeux : son regard suffisait à souiller tout ce qu’il rencontrait.
3 – On la dit, l’inceste parait aussi condamné par les mécanismes naturels de la reproduction sexuée qui imposent le plus grand brassage possible des gènes, excluant ainsi la consanguinité. Tous se passe comme si cette reproduction avait pour fonction d’opérer un brassage des gènes produisant un métissage de sorte que les capacités génétiques face à la maladie soient les plus variées possibles.
4 – Le crime de monsieur Duhamel n’est pas de cette nature et d’ailleurs on voit bien que ce n’est pas cela qui est en cause. S’agit-il de dénoncer la dévastation produite par cet abus sexuel subi par cet enfant et dont le livre de Camille Kouchner nous entretient ? Oui, mais pas seulement : il s’agit aussi - et surtout - de démasquer la protection apportée par le statut social d'Olivier Duhamel et le milieu qui l’accompagne. Il s’agit de dénoncer les privilèges dont les élites jouissent dans notre société.
Les gilets-jaunes ne sont pas loin.
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(1) Le mot inceste vient du latin incestum : souillure, à rapprocher de incesto : rendre impur.
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