Bonjour-bonjour
Oui, « profanation » : c’est le mot qui vient à l’esprit devant les images de l’envahissement du Capitole à Washington, mercredi soir.
Il y a entre les monuments et les peuples des liens parfois très forts, qui sont de l’ordre de la fusion plus que de la simple réunion. Nous l’avons bien vu lorsque les Gilets jaunes ont envahi et vandalisé l’Arc-de-triomphe en décembre 2018 : ce a quoi on a porté atteinte est de l’ordre du sacré – c’est-à-dire de ce qu’on ne doit pas toucher, non pas par simple interdit, mais parce que c’est d’un ordre supérieur. Et ce qui est vrai de l’Arc-de-triomphe, lieu de la dignité nationale, l’est tout autant pour le Capitole, lieu symbolique de la démocratie américaine, celle qui a été créée par les Pères fondateurs.
Les ennemis de l’Amérique, tels Erdogan ou Ali Khamenei, en ont profité pour dénigrer la démocratie, Khamenei déclarant avec un mauvais sourire qu’on voyait combien les démocraties occidentales étaient fragiles parce qu’elles n’ont aucun cap ni aucun idéal. Venant du Guide suprême, ces mots ne surprendront pas, mais ils sonnent faux. Non pas que nos démocraties ne soient pas fragiles, parce que l’injustice commise à l’encontre d’un seul de nos concitoyens est une injustice commise à l’encontre de tous. Mais surtout parce que tous les pouvoirs (à commencer par celui des théocraties), quand ils ne reposent pas seulement sur la force, reposent sur des symboles reconnus comme sacrés.
Le pouvoir politique est sacré, il possède une dignité telle qu’elle le légitime en l’excluant de notre monde et le rend intouchable au sens premier du mot. La profanation est comme son nom l’indique, le fait de rendre profane, c’est-à-dire de traiter une chose sacrée comme étant une chose de la vie courante – qui fait partie de notre monde ordinaire. Et c’est bien ce qu’ont fait les envahisseurs trumpistes, par exemple Richard Barnett assis, les pieds posés sur le bureau de Nancy Pelosi, la présidente de le Chambre des représentants.
Depuis mercredi, les comparaisons pleuvent pour rendre compte de cet évènement : en particulier avec les Gilets jaunes français : d’ailleurs les manifestants trumpistes ont eux-mêmes, sans le savoir peut-être, joué sur cette dimension. Ainsi Richard Barnett justifiant son attitude choquante assis derrière le bureau de Nanci Pelosi : « C’est mon bureau… Je suis un contribuable. Je suis un patriote. Ce n’est pas son bureau. On le lui a prêté. » On entendait ainsi les leaders nos Gilets expliquer qu’ils sont le peuple et qu’ils ont donc le droit de dire ce qu’est la loi et qui sont les dirigeants.
On le voit, la profanation – et donc la désacralisation – est constituée dans les deux cas par ce refus de reconnaitre l’autorité de la délégation de pouvoir constituée par le vote démocratique. Le pouvoir retombe alors de la sphère supérieure dans celle du quotidien, le quel comporte bien entendu le rapport de force pour trancher les litiges.
Raison pour laquelle le populisme tel qu’on l’a vu à l’œuvre durant quatre années avec Donald Trump porte la dictature dans ses flancs.
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