lundi 18 janvier 2021

Que la mort me trouve plantant mes choux – Chronique du 19 janvier

Bonjour-bonjour

 

Je trouve chers amis que dans la période actuelle nous manquons un peu de fermeté face à la frustration : c’est la désolation, parce que plus de… (de ciné, de restau, d’apéro, de bisous, etc.) – tel est le maitre mot de cette saison.

Autrement dit, épicuriens nous fûmes, épicuriens nous restons : jouir est pour nous le bien suprême, c’est l’essentiel que nous puissions attendre de la vie ; et du coup, bien sûr, la perte même provisoire des plaisirs nous laisse sans ressources. C’est que la philosophie qu’il nous faut pour ces temps de covid, ce n’est pas l’épicurisme, mais le stoïcisme. Pour le stoïcien, l’essentiel est de vivre conformément à la nature, c’est-à-dire en suivant l’ordre de ses lois. Ce que les écologistes d’aujourd’hui ont à peu près intégré en fustigeant les violences que nous faisons subir à notre environnement : la permaculture nous donne une idée de ce qu’est devenu le stoïcisme de nos jours.

Mais quid de la mort ? Pour un stoïcien c’est l’indifférence à la mort qui est naturelle : nous n’y pouvons rien donc autant ne pas nous en préoccuper. Ce que Montaigne formulait ainsi : « Je veux que la mort me trouve plantant mes choux » (1). Le stoïcisme de Montaigne s’exprime là : il ne dépend pas de moi de mourir ou de ne pas mourir, donc ne nous en préoccupons pas et jusqu’au dernier moment vivons en poursuivant nos activités habituelles. Cette philosophie de l’acceptation ressemble bien à celle de nos coachs en développement personnel qui nous enseignent à « lâcher prise ». Sauf que le propos de Montaigne est un peu plus subtil. Car ce qui compte, ce n’est pas d’être indifférent à tout ce qui nous arrive, mais seulement à ce qui est inévitable – d’où l’indifférence à l’égard de la mort quand on la juge inévitable.

On peut donc supposer Montaigne ne fustigerait pas les vieillards qui se font vacciner mais seulement ceux qui renonceraient à vivre normalement parce que la peur de la mort (c'est-à-dire aujourd'hui de la contagion) les paralyse. Tel est le sens du chapitre d’où cette citation nous vient : Que philosopher c’est apprendre à mourir. Car en réalité ce qu’il faut apprendre c’est à vivre normalement tout en sachant que nous allons mourir un jour. Et pour cela, non seulement il faut raffermir son âme pour l’empêcher de trembler devant l’avenir, mais il faut aussi - et surtout - se préoccuper du présent en allant quand même planter nos choux.

Et pour cela, n’oublions pas les conseils des permaculteurs.

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(1) « Agissons donc, et autant que nous le pouvons ; prolongeons nos travaux tant que dure notre vie. Je veux, quant à moi, que la mort me trouve plantant mes choux, indifférent à sa venue, et plus encore à l’obligation dans laquelle elle me mettra de laisser mon jardinage inachevé. » Montaigne – Essais Livre 1 chapitre 20 (Version en français moderne – Retrouvez la version originale ici)

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