Bonjour-bonjour
Permettez-moi de revenir aujourd’hui sur un petit mot entendu sur un plateau de télé à propos de l’affaire Olivier Duhamel. Il s’agit de la remarque passée inaperçue d’Alain Finkielkraut : juste après avoir affirmé que le crime de l’inceste pouvait être atténué s’il y avait amour entre les deux hommes, il ajouta : « il faut savoir s’il y avait réciprocité ».
C’est ici que je veux en venir. L’amour et le désir ne se confondent pas : alors que celui que j’aime m’est aussi précieux que moi-même, en le désirant par contre je l’ignore totalement, il n’est plus pour moi qu’un objet de jouissance. Nulle réciprocité à espérer de l’élan désirant, tout en lui est porté par la recherche de jouissance. On va peut-être s'insurger contre cette affirmation: le désir amoureux est compatible avec cette réciprocité parce que le plaisir de l’autre est un accélérateur de sa propre délectation. Mais on peut penser qu’il s’agit là de deux éléments hétérogènes qui se superposent l’un à l’autre sans se confondre. L’amour platonique en est la preuve.
Mais on peut aller plus loin : si cette réciprocité nous parait essentielle, c’est qu’elle est indispensable pour que se réalise la vie sociale sans laquelle l’humanité ne serait jamais devenue ce qu’elle est. Chacun doit reconnaitre autrui comme un alter ego, un autre moi identique à moi, un moi que je dois aimer et secourir autant que je prends soin de moi-même. Aimez-vous les uns les autres comme vous vous aimez vous-mêmes: tel est le commandement biblique. Ce mouvement qui porte vers l’autre doit donc être également un mouvement rétrograde de retour sur soi : si j’aime l’autre il faut aussi que je sois digne d’être aimé par lui. C’est ce que montre Platon (dans le Banquet) avec l'image de l’armée faite de soldats amoureux les uns les autres : chaque soldat, préférant se faire tuer sur place plutôt que de se montrer lâche devant son amant, poussera le combat jusqu’à l’héroïsme montrant ainsi que l’amour est bien un ciment social essentiel. On pourrait facilement interpréter ainsi le rôle de l’honneur qui soutient encore aujourd’hui les rapports sociaux.
On peut faire aussi remarquer que cette insistance sur la réciprocité permet de surmonter les apories du consentement : le consentement véritable n’existe que lorsque cette égalité dans l’échange peut exister également. Lorsque le faible consent au fort, peut-on parler d’égalité et d’échange ? On dira que l’amour du fidèle pour Dieu y parvient – certes. Mais ce n’est possible qu’avec la grâce de Dieu.
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