mercredi 20 janvier 2021

La fin du monde ou la fin du mois ? – Chronique du 21 janvier

Chronique spéciale prise-de-tête. Comme dit Rancière « Et tant pis pour les gens fatigués »

 

Bonjour-bonjour

 

Après la prise de pouvoir du président Biden, les éditorialistes se partagent en deux groupes : les uns – les plus nombreux – tentent de répondre à la question « Qu’est-ce que ça va changer ? ». Les autres (moins nombreux – mais quand même), s’interrogent sur ce qui, au contraire, ne changera pas. D'un côté l'histoire qui s'écrit au jour le jour, faite des sursauts du quotidien : elle s'inscrit dans le temps court ; de l'autre les tendances lourdes qu'un homme seul ne peut déplacer - c'est l'Histoire avec un grand "H", celle qui requiert la maitrise du temps long

Même si cette chronique ne prétend pas rivaliser avec des éditoriaux spécialisés dans de telles questions, je pourrai en toute modestie apporter mon petit commentaire à cet édifice. Car je pense que la présence de ces deux orientations est significative : de même qu’il y a un temps court et un temps long, il faut aussi noter l’existence d’un avenir proche et d’un avenir lointain - et, plus encore, d’un présent proche et d’un présent lointain. 

- « Présent proche » ; « présent lointain » : que veut dire ce charabia ?

Tout simplement que notre présent est significativement différent selon qu’on l’estime comme faisant partie du temps long ou du temps court, car il n’est plus constitué des mêmes évènements – par exemple, dans le premier cas, il est marqué par les phénomènes climatiques manifestes à longue échéance comme les changements de température de la planète à l’échelle du siècle dont la connaissance requiert une prospective à long terme ; et dans le second cas, le temps court qui enregistre des phénomènes tels que plus de neige cet hiver, ou la sécheresse l'été dernier.

Il se peut que les faits qui s'inscrivent dans un temps long soient invisibles à l’échelle du temps court, et réciproquement que les évènements de la vie quotidienne se diluent dans la longue durée.  Raison pour la quelle  ceux qui étudient la longue durée ignorent  en général  les questions relatives au quotidien, comme le dit la formule bien connue depuis le Gilets-jaunes : « Il y a ceux qui s’interrogent sur la fin du monde et ceux qui se préoccupent de la fin du mois ».

- Mais c'est à tort : les interactions entre ces deux catégories sont nombreuses et les historiens connaissent bien cette particularité, eux qui étudient les archives qui conservent les traces de la vie quotidienne pour mieux voir l’évolution dans la durée profonde.

Ces interactions sont elles aussi de deux ordres : les évènements "temps-court" peuvent ne pas impacter les évènements "temps-long" ; mais inversement, certains faits sont visibles dans le quotidien et en même temps actifs dans l’histoire profonde, surgissant alors dans les deux temporalités. Comme par exemple, (retour à l’investiture Biden),  la politique étrangère des États-Unis, qui du temps de Trump était marquée par la lutte économique avec la Chine, affectée à longue échéance d’épisodes faits de glaciation et de réchauffement, mais également, presque au jour le jour, de nouveaux traités et de taxes punitives ; ce qui risque bien de durer encore sous la présidence Biden – car la lutte pour l’hégémonie mondiale affecte tous les évènements quelle que soit leur temporalité.


Et chez nous ? Cette double temporalité est une clef pour déchiffrer les discours programmatiques des candidats à la prochaine élection présidentielle, car ils ne manqueront pas de nous promettre d’affronter également la fin du monde et la fin du mois. Demandons-nous avec quelle arme et quel programme ils prétendent réussir dans ces deux domaines.

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