mercredi 6 janvier 2021

Le phallocrate et le patriarche – Chronique du 7 janvier

Bonjour-bonjour

 

Non, ce titre n’est pas celui d’une fable, mais une remarque sur le langage vivant.

… Rappelez-vous : c’était durant les années 70, et quand des femmes du MLF parlaient de politique, elles désignaient toujours les hommes par le sobriquet de « phallocrate ». Et ça marchait aussi pour les relations hommes-femmes au travail, dans la famille, et bien sûr pour les relations amoureuses. Or, ce terme aujourd’hui est tombé en désuétude, c’est tout juste si on ne vous demande pas une traduction lorsque vous l’employez. 

On préférera aujourd’hui employer le terme de « patriarcat » - qui n’est pas exactement la traduction qu’on aurait attendue, le phallocrate revendiquant son pouvoir par la nature de son sexe, alors que le patriarche, en-dehors de sa position dans la famille, est aussi celui qui exerce une domination sur les femmes du fait de l’organisation de la société grâce aux mythes qui la soutiennent. 

Comment interpréter le glissement d’un terme à un autre ? Comme le fait observer ce site dédié à la question, ces deux termes désignent l’oppression des femmes par les hommes. Toutefois, alors que la phallocratie faisait référence à l’idée de phallus tel que la psychanalyse lacanienne, qui renvoie à un rapport particulier au pouvoir (1), nous l’a présenté, la notion de patriarcat, venue de la sociologie via l’anthropologie désigne cette domination institutionnalisée et venue du fond des âges, via les mythes et les religions. 

--> On pourrait alors estimer que ce glissement d’un terme à l’autre s’explique par une évolution des modes intellectuelles : la psychanalyse a perdu beaucoup  de ses adeptes dans les années 90, alors que l’analyse sociologique du patriarcat permet un décryptage historique tout à fait limpide.

Mais il y a une autre explication encore plus évidente : alors que les femmes ne pouvant jamais posséder le phallus, sont condamnées à une frustration perpétuelle vis à vis des hommes, nos féministes actuelles peuvent ordonner la lutte contre les abus masculins, désigner l’ennemi, qui n’est plus l’homme en général, mais le patriarche ; non plus le compagnon de leur vie, mais la société qui lui donne une place de maitre-dominateur. Au lieu de l’apartheid voulue par le MLF, on ne chasse plus aujourd’hui que les adeptes de la domination qui ont trouvé refuge dans les religions traditionnalistes. 

On trouvera dans cette analyse de la pensée de Lacan des raisons de croire que son analyse de l’amour et du besoin a gardé un rôle efficace pour une révision des rapports amour/désir entre hommes et femmes. Mais pour ce qui est de la domination exercée par les hommes sur les femmes,  la version anthropologique du pouvoir paternaliste donne une prise plus efficace à la lutte féministe – avec en prime l’avertissement de ne pas tomber dans le matriarcat.

--------------------------------

(1) Chez Lacan la notion de phallus est une métaphore (imaginaire) du sexe, du sexe masculin, du pouvoir sexuel, du pouvoir. (voir ici)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire