vendredi 30 avril 2021

Joe Biden va prendre un chat – Chronique du 1er mai

Bonjour-bonjour

 

Je vous entends déjà, chers amis : « Quoi ? les terroristes égorgent nos femmes policières dans les commissariats, et tout ce que vous trouvez à nous raconter, c’est une histoire de matou du Président Biden ?

En plus, c’est la fête du travail, les bois regorgent de muguet, le printemps cogne à notre porte, et vous ne nous informez que des contions de vie des animaux de compagnie de la famille Biden à la Maison Blanche ! Décidément si j’étais votre rédac’chef, je vous virerais vite fait ! »

Bien sûr, bien sûr… Mais avant de me mettre à la porte, veuillez s’il vous plait lire (ici) l’info qui complète ce titre : « Cette nouvelle arrivée (= du chat) survient après que « Major », un des bergers allemands du président, a mordu à plusieurs reprises du personnel de la Maison Blanche.

Arrivés à la Maison Blanche, Major et son acolyte Champ, l'autre berger allemand du couple présidentiel, plus âgé et plus sage, devront désormais apprendre à gérer la présence d'un chat sur leur territoire. "Cela faisait partie de son entraînement. Ils l'ont emmené dans un refuge pour chat et il s'est bien comporté" »

 

 

Notez, je vous prie, la façon dont les comportementalistes animaliers ont traité la phobie des chats dont souffrait le chien du Président : au lieu de le tourmenter avec un dressage brutal, ils l’ont au contraire soumis progressivement à la présence de chats en le conduisant dans un refuge, de sorte que l’habitude aidant il finisse par les intégrer à son milieu de vie. L’arrivée du chat à la Maison Blanche aura pour finalité non pas de divertir les occupants mais de pérenniser cette cohabitation pacifique.

 

-->  On voit peut-être où je veux en venir : à tous ceux qui ont du mal avec les étrangers, ou du moins avec ceux qu’ils cataloguent comme tels, même s’ils sont français de naissance, sous prétexte qu’ils fréquentent des lieux de prière exogènes, ou qu’ils portent barbe et que leurs femmes sont voilées, il faut dire : faites comme les psys du Président Biden : accoutumez-vous à vivre à proximité de ces hommes et de ces femmes qui vous déplaisent ; rapprochez-vous d’eux, petit à petit, cohabitez de sorte que leur étrangeté ne vous apparaisse plus, et vous verrez que la paix se rétablira.

On dira que de tels procédés manquent de noblesse et qu'il faut reconnaitre d'emblée l'humanité en tout homme quelle que soit sa religion ou ses coutumes. Et alors, que fait-on quand ça ne fonctionne pas comme ça?

Lorsque l’Inde accéda à l’indépendance, il y eut des affrontement et des massacres entre hindous et musulmans indiens. Un de ces hindou rencontra Gandhi et lui avoua ses remords et sa honte d’avoir tué un musulman père de famille. Gandhi lui répondit : « Adopte un de ses enfants et élève-le comme un bon musulman »

Ne comptez pas trop sur la vie quotidienne pour aplanir les opposition entre groupes sociaux ; mais faites appel à la volonté pour y parvenir : le chat de la Maison Blanche comme le petit musulman adopté par une famille hindoue : ça ne va pas de soi mais il n’y a pas d’autre remède.

jeudi 29 avril 2021

Ne pas confondre libération et liberté – Chronique du 30 mai

 Des dizaines de milliers de personnes participaient dans la nuit de jeudi à vendredi à un pèlerinage annuel dans le nord d’Israël pour le plus grand événement public dans le pays depuis le début de la pandémie de Covid-19.

Info du monde en ligne

 

 

Bonjour-bonjour

 

Au moins 44 morts dans une bousculade lors d’un pèlerinage religieux. Si je laisse de côté l’indication du lieu où cette catastrophe s’est produite, on va imaginer que ce fut aux Indes, ou encore au Pakistan, en Iran …

Mais non : c’est en Israël que cette catastrophe s’est produite, à Méron, dans le nord du pays, où des dizaines de milliers de personnes étaient rassemblées pour la fête de Lag Baomer hier 29 avril. 

On ne peut s’empêcher de rapprocher ce tragique évènement de la joie venue de la liberté retrouvée de se réunir grâce au vaccin. On va dire : voilà bien les hommes qui ne savent pas jouir paisiblement de leur liberté mais qui en font toujours un emploi excessif. Pourquoi cet empressement, pourquoi cet écrasement sans qu’aucune panique ne soit venue agiter cette foule ? Faudrait-il dire que c’est dans l’excès justement que la liberté s’éprouve ? Jugement qui serait alors confirmé par l’exemple du péché originel montrant Adam  exprimer sa liberté toute neuve en commettant le pire excès qui soit - celui de désobéir à Dieu.


Faut-il pour être libre franchir toutes les limites ? Oui, sans doute si l’on s’en tient à ce tragique évènement… Mais pourtant ce n’est pas l’impression que produit chez nous la venue prochaine du déconfinement. A la question « Que ferez-vous lorsque la liberté des commerces et des terrasses vous sera rendue ? » ce n’est pas le désir de fêtes et d’excès en tout genre qui s’est exprimé. Pas du tout, bien au contraire : les gens déclarent la plupart du temps : « Une bière en terrasse à la sortie du ciné » ou bien « une pizza avec les amis » ou alors « Un petit noir et un croissant en bas de l’immeuble le matin au saut du lit ». Des petits plaisirs qui sont devenus de grandes libertés : la sagesse et la modération sont la norme de la liberté retrouvée.

Se laisser emporter par la foule que personne ne conduit comme par le flot de la marée montante : cet excès n’est pas du tout une liberté, ce serait même plutôt le contraire. 

Il ne pas confondre libération et liberté.

mercredi 28 avril 2021

Souriez, vous êtes filmé – Chronique du 29 avril

Bonjour-bonjour

 

« Jura : un homme de 72 ans renvoyé devant le tribunal correctionnel pour agression et injures racistes.

Un artisan électricien a été la cible, mercredi 21 avril, d'une agression à caractère raciste à Dole (Jura), de la part d’un homme qui l’a brutalisé avant de tenter de l'écraser devant son domicile.

La scène a été filmée par sa femme : sur les images il est possible de voir l'agresseur prendre un croisillon dans son coffre et se diriger vers Adil Sefrioui, tout en tenant des propos véhéments à son encontre. "Je ressentais qu'il avait du plaisir à prononcer ce mot : bicot, bicot, bicot", a raconté la victime. » (Lu ici et )

o-o-o

Occasion de redire combien les smartphones capable de saisir des scènes en vidéo et de les diffuser en direct ont bouleversé notre vie quotidienne, mais aussi la société. On sait que l’affaire Georges Floyd n’aurait sûrement pas eu le retentissement qu’elle a eu si elle n’avait été filmée de bout en bout par un témoin qui, après avoir essayé de faire reculer le policier l’a filmé en train d’écraser le cou de sa victime. En lisant cette phrase vous frémissez peut-être, mais c’est parce que vous avez en mémoire les images terrifiante de cet homme qui suffoque pendant que son bourreau, l’air détaché, parait totalement indifférent au geste abominable qu’il est en train de commettre.

Les images ont un double effet 

– d’une part elles apportent un preuve tangible : la vidéo de la violence du raciste de Dole vient démentir les raisons qu’il donne pour se justifier : les mots ne sont rien devant les images. C’est que celles-ci sont assimilées à des faits contre lesquels les raisons alléguées ne valent rien. 

– Mais c’est aussi qu’elles déclenchent des émotions que les mots peineraient à susciter. Nous n’y pouvons rien : notre cerveau génère des émotions devant un spectacle alors qu’il ne le fait pas quand on lui raconte le même évènement. Combien d’entre nous accepteraient de manger leur escalope de veau si pendant le repas on leur diffusait les images de l’abattage du pauvre petit animal ?

mardi 27 avril 2021

Speedy Joe – Chronique du 28 avril

Bonjour-bonjour

 

Quand un Président arrive au pouvoir, il a 3 mois pour faire à peu près tout ce qu’il lui plait : ce sont les mois de grâce. Certains l’utilisent pour se faire acclamer par les électeurs ; d’autres font passer en vitesse toutes les mesures, les plus fortes possibles, qu’ils ont concoctées durant la campagne électorale.

Comme vous l’avez deviné je veux parler de Joe Biden que Trump voulait renvoyer à l’hospice en le traitant de « Sleepy Joe ». Trump n’est pas un stratège sinon il saurait qu’il ne faut jamais sous-estimer son adversaire : Biden est en réalité  résolu dans la décision, ultra rapide dans la réalisation et voici son bilan économique trois mois après son élection :

- 1900 milliards de dollars pour renforcer la consommation

- 2250 milliards pour rénover les infrastructures américaines 

- 1000 à 1500 milliards de dollars, focalisés sur l'humain, l'enseignement par exemple. 

- Augmentation du taux marginal d'imposition des riches

- Doublement de la taxe sur les gains boursiers des riches.

Joe Biden met donc en surchauffe son économie pour l'équivalent d'un quart de son PIB.

En clair, est-il devenu anti-capitaliste ? On lira ici les conclusions de l’auteur de l’article cité. 

- Quant à moi et sans faire preuve de beaucoup d'originalité je me bornerai à dire, comme beaucoup de spécialistes (1), que ces mesures sont tout au contraire destinées à restaurer la compétitivité de la machine économique américaine sans laquelle les profits capitalistes n’existeraient plus. Car la réalité économique est que, sans producteurs pour produire, sans acheteurs pour acheter, sans paix sociale pour favoriser la prévisibilité du rendement des investissements, les capitaux fuient vers d’autres horizons et les profits fondent comme neige au soleil. Là où les riches deviennent de plus en plus riches, il faut que, dans le même temps, les pauvres deviennent un peu moins pauvres. Pas besoin de vertu morale pour guider l'action vers le bien, ni d’idéologie pour voir loin dans le futur : la connaissance des mécanismes économiques les plus simples et donc les plus réguliers suffit.

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(1) Au nombre des quels je citerai Thomas Piketty qui soutient que l’impôt est nécessaire pour le développement de l’économie, y compris en pays capitaliste.

lundi 26 avril 2021

P*** de virus ! – Chronique du 27 avril

Bonjour-bonjour


Petit rappel : quand elle est apparue l’an dernier, l’épidémie de covid a été particulièrement fulgurante dans les villes saintes : à al-Azhar, en Égypte, là où le coran est enseigné pour tous les fidèles ; à Qom en Iran, ville sainte chiite ; et plus récemment en Inde suite aux fêtes religieuses. Partout le message rapporté par les fidèles a été le même : « Dieu nous protège, il ne peut rien nous arriver ». Cette foi absolue les détournait – et leurs chefs religieux en tout premier – de suivre les prescriptions barrières et pour finir tous ont dû (quand c’était encore possible) revenir aux prescriptions médicales : situation illustrée par les précautions drastique imposée au pèlerins de la Mecque, soumettant le devoir des fidèles aux obligations de la science. 

o-o-o

Maintenant demandons-nous ce qui se passe quand la religion perd de sa force ? Aussitôt l’armée sort de son silence par un discours moral bien appuyé soutenant la vertu patriotique. C’est bien ce qui est arrivé avec la tribune récemment publiée dans Valeurs actuelles et co-signée par 20 généraux, appelant à un « retour de l'honneur de nos dirigeants » face à la montée du séparatisme (Lire ici). Pour ne pas être en reste, la présidente du Rassemblement national leur a adressé une lettre ouverte, dans laquelle elle déclare partager leur diagnostic et leur propose de la rejoindre en vue de la prochaine élection présidentielle.


- Le sabre et le goupillon seraient donc de retour, le fléchissement de l’un appelant au raidissement de l’autre ?  Il faudrait donc lutter contre le séparatisme par la force du sabre et par la vertu unificatrice du goupillon. Tout ça ne nous rajeunit pas, mais s’explique assez bien : quelle est la force qui soutient les valeurs, sinon celle qui vient de Dieu, source de toute transcendance ? On connait le discours de Nicolas Sarkozy, au Palais du Latran en 2007 (lire ici) : dans la France chrétienne, les instituteurs ne remplaceront jamais les prêtres. 

Et donc: hors de cette soumission à la transcendance divine, il n’est que barbarie ; d’où la légitimité de l’intervention des généraux porteurs de la transcendance de la Patrie et de l’Honneur. 

 

 


Armée française – Honneur et patrie – Blason AB047 (vu ici)


Ceux qui repoussent le goupillon ne méritent que le sabre : vraiment cette épidémie nous aura tout pris : nos terrasses, nos cinés et maintenant notre démocratie.

P*** de virus !

dimanche 25 avril 2021

Un crime = une sanction – Chronique du 26 avril

Bonjour-bonjour

 

La question du lundi : quel évènement a mobilisé nos médias durant ce week-end ? 

Sans hésiter, la réponse est : l’affaire Sarah Halimi, avec ces manifestants un peu partout en France pour demander que l’auteur du crime soit jugé quoiqu’il en soit du délire qui l’aurait possédé durant cet acte abominable. Ce crime monstrueux serait sans criminel reconnu ? Est-ce juste ? Juristes, politiciens et philosophes ont été mobilisés sans relâche afin d’apporter de la lumière là où l’obscurité règne. La palme de l’intervention à contre-courant a, comme bien souvent, été délivrée à Michel Onfray pour qui il ne s’agit pas de savoir s’il faut ou non faire une nouvelle loi, mais seulement appliquer rigoureusement celle qui existe, car « On a un seul problème en France, c’est que la loi n’est pas respectée. (…) Si on faisait respecter la loi, si effectivement il y avait une crainte du gendarme, du policier, à ce moment-là, les problèmes seraient réglés. Non, on a juste peur de gens qui ont décidé qu'ils ne respecteraient plus la loi. » (Lu ici

On est surpris d’entendre un philosophe réputé pour ses analyses habituellement subtiles chausser les gros sabots du gros bon sens – car le principe est simple comme bonjour : un crime = une punition. L’acte du criminel était-il antisémite ? Oui ? Alors on applique la loi qui punit l’antisémitisme. A quoi bon chercher plus loin ? « Dans mon village dit Michel Onfray, à Chambois, si un type est en tracteur et qu'il a pris un coup de gnôle avant de traverser le village une heure après le couvre-feu, celui-là on va l'arrêter, aller en justice et celui-là il va y avoir droit. » – La Mère Denis n’aurait pas dit mieux.

Pour appliquer ce principe, il suffit de se demander comment on aurait jugé ce criminel s’il avait tué n’importe qui – et tiens, même pas besoin d’aller consulter les annales de Chambois, se rappeler du jugement qui a condamné un homme qui, sous l’emprise de l’alcool, avait défenestré un chien : condamné !

Appliquer la loi et basta ! Sauf que pour ça, il faudrait non pas créer de nouvelles lois, mais supprimer certaines autres qui encombrent nos codes civils. Comme celles qui établissent la limite de la responsabilité stipulant qu’il est pensable de ne pas être responsable de ses propres actes. Quoi ? Une loi établit que l’auteur de crime ne serait pas criminel ? Virez-moi tout ça : Tel homme a tué, alors on doit le tuer à son tour. Si on est civilisé, on ne le tuera peut-être pas. Mais quand même, on va le punir férocement. 

- Quand même.

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P.S. Il y a deux ans on avait déjà abordé ce sujet sous le tire : Pas de crime sans châtiment. C'était ici.

samedi 24 avril 2021

La p’tite culotte – Chronique du 25 avril

Bonjour-bonjour

 

L’hôtel Matignon reçoit en ce moment par la poste des quantités de culottes, expédiées par des boutiques de lingeries fermées pour cause de pandémie.

 


 

 

On connait l’argument : bien que son commerce soit interdit en période de confinement, la culotte féminine reste un article de première nécessité ; les libraires ont fait de même durant la seconde vague. Par contre c’est le mode de protestation qui diffère : alors que les libraires n’ont pas envoyé de livres au premier ministre pour réclamer la reconnaissance de l’urgence de lire à tout moment, les marchands de lingeries ont mis la culotte féminine sous le nez du premier ministre. Dit comme ça, on flirte avec les sous-entendu graveleux ; mais il n’est pourtant pas indispensable d’en arriver là. La culotte féminine est un objet puissamment fétiche pour la libido masculine, inutile d’en rajouter. 


- On connait le processus qui fait d’un objet un fétiche : ce sont des choses qui ont été en contact matériel avec un personne aimée. La psychanalyse freudienne a décrit ainsi ce processus : nous laissons un peu de nous-mêmes dans tous les objets de la vie courante que nous avons l’habitude de toucher ou de manier. Déjà Rousseau disait en parlant de madame de Warens : « Combien de fois j’ai baisé mon lit en songeant qu’elle y avait couché ; mes rideaux, tous les meubles de sa chambre, en songeant qu’ils étaient à elle, que sa belle main les avait touchés … Un jour, à table, au moment où elle avait mis un morceau dans sa bouche, je m’écrie que j’y vois un cheveu : elle rejette le morceau sur son assiette, je m’en saisis avidement et l’avale. » (Lire ici)

Les Femens exhibent leurs seins pour capter le regard des hommes : c’est beaucoup trop frontal ; plus subtilement les marchands de lingerie donnent à toucher et à voir l’objet qui garde quelque choses du contact avec l’intimité féminine. Est-il nécessaire de rappeler que Madona fut célèbre pour sa coutume, lorsqu’elle était en scène, non pas de montrer son derrière – mais d’envoyer sa culotte dans le public ? On soupçonnait Jacques Chirac, admirateur avoué de la chanteuse, d’en détenir une. 

Bien sûr, il s’agit d’envoyer au Premier Ministre des culottes neuves et qui n’ont donc pas cette charge sensuelle. Mais le « devenir-fétiche » est inscrit dans le destin de la petite culotte ; sa puissance, même symbolique, n’en reste pas moins forte. 


vendredi 23 avril 2021

Où sont les hommes ? – Chronique du 24 avril

Bonjour-bonjour

 

Dans « La cité des femmes » Christine de Pisan énumère les situations où les femmes sont présentes mais jamais appréciées selon leur mérite. Ainsi des soins apportés aux malades, aux mourant, aux morts.

Et on se prend à songer qu’au Golgotha, au pied de la croix du calvaire de Jésus les femmes étaient là ; mais où étaient donc les apôtres ?

 

 

 Calvaire à Carcassonne


Christine de Pisan est bien l’annonciatrice du féminisme dans la mesure où elle exige que les femmes soient appréciées à leur juste valeur ; mais avec elle on est au tout début du 15ème siècle et il ne s’agit pas encore de demander aux hommes de partager avec elles les tâches traditionnellement dévolues aux femmes. Mais avec la crucifixion on touche à un élément capital du rôle des femmes : de même qu’elles doivent enfanter et prendre soin des enfants, elles doivent aussi prendre soin de malades et des mourants. C’est presque par nature qu’on leur attribue ce rôle, et cela personne n’en doute.

Il a fallu attendre le 20ème siècle et la doctrine du care développée aux États-Unis par Carol Gilligan.

« Le care désigne l’ensemble des gestes et des paroles essentielles visant le maintien de la vie et de la dignité des personnes, bien au-delà des seuls soins de santé. Il renvoie autant à la disposition des individus – la sollicitude, l’attention à autrui – qu’aux activités de soin – laver, panser, réconforter, etc. –, en prenant en compte à la fois la personne qui aide et celle qui reçoit cette aide, ainsi que le contexte social et économique dans lequel se noue cette relation. » (On peut lire cette définition d’Éric Gagnon ici). On comprend ainsi mieux ce qui est attendu des femmes dans les sociétés traditionnelles (on dirait aujourd’hui : paternalistes) : dans les gestes quotidiens la douceur supposée naturelle aux femmes les requiert pour les soins apportés aux malades ; mais on estime encore que leur psychologie – avec l’attention que par nature elles accorderaient aux autres, leur sens de la responsabilité, leur prévenance, leur souci de l’entraide, etc.  – les destine à cette prise en charge pour laquelle les hommes n’ont pas de dispositions innées. La nature des sexes étant mise en jeu on ne saurait ni reprocher aux hommes de ne pas se soucier du care, ni de féliciter les femmes de le faire.

On a donc un féminisme à deux degrés ; 

    - Premier degré : exiger que les femmes ne soient plus dévalorisées par les soins jugés ancillaires qu’elles apportent et qu’en conséquence elles soient rétribuées à la juste valeur de leurs services.

    - Deuxième degré : que ces tâches soient partagées avec les hommes.


- Après tout, c’est monsieur Dyson qui a inventé l’aspirateur ; il serait normal qu’il le passe lui-même dans le salon. 

- Oui, mais quand il s’agit de papas et de mamans : sont-ils interchangeables ? Et  la nature dans tout ça, qu’en faisons-nous ? Ne fait-t-elle pas que les femmes restent malgré tout de meilleures nounous que les hommes ? Hé bien il n’est que d'observer les papas d’aujourd’hui prendre en charge leurs nourrissons pour voir qu’ils leur apportent autre chose que les mamans, mais qui reste tout à fait indispensable.

jeudi 22 avril 2021

Clap de fin – Chronique du 23 avril

Bonjour-bonjour

 

On l’a appris hier, les chaînes Pacific Theatres et ArcLight qui sont propriétaires de nombreuses salles de cinéma à Hollywood où elles gèrent 300 écrans, vont fermer leurs salles suite à une année de fermeture liée au covid. Bien sûr, pendant que les exploitants se désespèrent, les grands studios comptent sur leurs plates-formes de streaming pour diffuser leurs films. (Lu ici)

La fermeture de ces salles de cinéma est l’indice que le monde a changé non seulement parce que désormais on devra s’abonner à une plateforme de diffusion pour voir les nouveaux films, mais encore – et surtout – parce qu’au lieu du cinéma en salle obscure sur grand écran, on verra les films n’importe où sur un écran potentiellement aux dimensions d’une poche de jean.

La disparition des salles de cinéma est un évènement de plus à faire entrer dans la catégorie de ce que j’appelle « ces disparitions aux quelles que je n’aurais jamais cru assister » : c’est ainsi qu’ont disparu les journaux papier qu’on achetait le matin en partant travailler, ou qu’on recevait dans sa boite à lettre et qu’on lisait déployés sur la tasse de café ; voilà aussi évanouis les billets de banque et même les pièces de monnaie, disparus – remplacés par la carte bancaire ou le smartphone. Quand les plus jeunes ne savent même pas que tout cela a existé un jour, c’est là qu’on s’aperçoit que le monde change, car les grands changements transparaissent souvent dans des micro-évènements.

« Micro-évènement » ? Je ne voudrais pas minimiser l’importance de la disparition des salles de cinéma. Bien des articles de presse ont, depuis des années, signalé que les salles de cinéma sont un lieu irremplaçable pour la manifestation de l’art cinématographique, mais aussi pour les échanges sociaux qui s’y produisent et comme il est impossible de s’abonner à toutes les plateformes existantes certains films ne pourront donc être visionnés par tous les publics. 

- Et puis enfin, pendant combien de temps va-t-on encore produire des films tels que Ben-Hur où Le jour le plus long ?

mercredi 21 avril 2021

Le digestat l’autre nom de la merde – Chronique du 22 avril


 (D’abord, je demande à mes fidèl.e.s lect.rices.eurs de m’excuser s’ils.elles sont en train de petit-déjeuner, mais mieux vaudrait attendre un peu avant d’entamer cette lecture qui risque de leur barbouiller l’estomac)

 

Bonjour-bonjour

 

Les tabous ont la vie dure, principalement dans le langage. On ne cesse d’inventer des périphrases ou des néologismes, rien que pour éviter les mots « sales » - entendez : ne pas imaginer la chose que signifie trop clairement le mot. Oui, ce qu’on veut, ce sont des mots qui ne portent pas avec eux de façon trop évidente la chose repoussante. Ainsi avons-nous « les personnes à mobilité réduite » qui sont en réalité les paralytiques ; les « malentendants », qui sont sourds comme des pots ; ou encore la formule « personnes à la peau noire », qui tend à se substituer péniblement aux « nègres », voire même tout simplement (trop simplement ?) aux « noirs » ? Le temps de tourner ainsi autour du pot, on a déjà oublié la chose pour ne s’en tenir qu’aux mots. S’ils pouvaient être incompréhensibles, ce serait encore mieux.

- Vérifions avec le cas des excréments. En redescendant les niveaux de langage du plus élevé au plus bas, on a : les fèces, les déjections, la merde – tout cela est en effet fort déplaisant parce qu’on y retrouve de façon inévitable cette réalité organique qui nous implique trop. Car ces déchets sont nos déchets et même si on les désigne comme étant issus de l’animal (comme les bouses), c’est encore un moyen de nous abaisser en nous rapprochant de lui.

D’où vient ce dégoût ? Est-il unique en son genre ou bien n’est-il qu’une variante d’un rejet beaucoup plus général ? En réalité ce rejet est extrêmement courant et on le retrouve dans les tabous alimentaires : entre la viande « impure »que nous mangeons et nous il y a une menace de contagion. De même que nous risquons d’être souillés en consommant de la viande impure, de même le nous risquons également avec nos déchets – pire encore : ne sommes-nous pas dans notre nature identifiés à ce que nous produisons ? les tabous excrémentiels donnent à penser que si nous faisons de la m***, alors c’est que nous sommes de la m*** 

Ce qu’il nous faut pour désamorcer ce dégoût, c’est faire de nos excréments une variante d’un phénomène naturel qui ne nous implique pas en tant qu’hommes ; par exemple que nos déjections puissent être produites par des machines au lieu de l'être  par nous-mêmes. 


- Inutile de tourner autour du pot (!) : ce produit analogue à nos excréments mais produit artificiellement par des machines existe et il a un nom : le digestat. Définissons : 

Digestat – Ce sont les résidus, ou déchets « digérés », issus de la méthanisation des déchets organiques. Le digestat est constitué de bactéries excédentaires, matières organiques non dégradées et matières minéralisées. Après traitement il peut être utilisé comme compost. (Lu ici) Autrement dit, on fabrique le digestat dans des usines à méthanisation, mais nous en avons une, déjà fournie par la nature : c'est notre système digestif.


Concluons : vous vous souvenez peut-être de la formule de Rabelais « Si les signes vous fâchent, O combien vous fâcheront les choses signifiées ! » : il ne suffit pas de dire d'une autre façon la réalité qu’on veut exclure : il faut la changer elle aussi.

--> Trouver un nom nouveau pour une chose nouvelle : voilà comment désamorcer le dégoût.

mardi 20 avril 2021

Changement de logiciel – Chronique du 21 avril

Bonjour-bonjour

 

Infectiologues et virologues se relaient pour nous expliquer le principe du développement de la pandémie et il est très simple : le virus le plus contagieux, même s’il n’est pas le plus dangereux, se propage au détriment du plus infectieux qui disparait alors. Comme on ne peut pas être infecté par les deux à la fois, c’est le plus contagieux qui l’emporte. C’est sans doute ainsi que la grippe espagnole a disparu sans qu’aucun vaccin ni aucun traitement ne soit venu la combattre. La nature se protège elle-même sans qu’il soit nécessaire d’invoquer aucune volonté bienfaisante ; ni Dieu ni Diable, simplement des aléas régulés par la même loi : celle de la propagation de l’espèce. Darwin avait raison.

Alors, pourquoi n’attendons-nous pas que ces variants bénins se développent ? Pourquoi vouloir à tout prix découvrir des vaccins alors que nous avons cette très simple possibilité alternative ? C’est que depuis la grippe espagnole il y a eu un « changement de logiciel » : se livrer au hasard des mutations du virus ne convient pas à notre époque dominée par l’exigence de sécurité ; et de surcroit la logique de l’individu, qui veut sauver sa peau, l’emporte sur celle de l’espèce qui ne se soucie pas des morts mais seulement de sa survie. Personne n’accepte l’idée qu’il va peut-être mourir mais que ça va quand même très bien à condition que son voisin survive pour féconder sa femme à sa place.

 On le voit bien avec le refus du vaccin Astrazeneca, en faveur duquel les hautes autorités clament sans cesse que le bilan avantages-risques est favorable. Tournez ça comme vous le voudrez, les gens vont quand même déserter les vaccinodromes, en disant : « Que m’importe que des milliers de morts par covid soient épargnés si c’est au prix de ma mort par thrombose ? Même s’il n’y a qu’un mort pour 1 million, je ne veux pas être celui-là »

Il faut l’avouer : le logiciel de l’héroïsme est bien périmé. 

lundi 19 avril 2021

La glorieuse incertitude du sport – Chronique du 20 avril

Bonjour-bonjour

 

On a beau être comme moi imperméable à tout ce qui vient du monde du football, le projet de 12 clubs européens de former un groupe fermé interdit à tout autre club, qui disputerait une « Super Ligue » qui viendrait concurrencer la prestigieuse Coupe européenne fait sursauter. Car voilà éliminée l’incertitude de la compétition qui jusqu’à aujourd’hui permet à chaque club d’espérer faire partie de l’élite de leur sport.

On est scandalisé de voir ces clubs s’autoproclamer « les meilleurs », sorte d’aristocratie qu’on ne pourrait jamais remettre en cause, puisqu’il ne serait pas permis de les défier ; ces « Dieux du sport » s’installeraient au sommet d’un Olympe cerné de barbelés interdisant à quiconque d’y grimper. 

Alors il est vrai que, année après année, on voit toujours les mêmes clubs jouer les phases finales de la compétition et s’en partager les trophées ; mais il n’en reste pas moins que chacun – même le plus petit – peut espérer entrer dans le palmarès. Car l’essence du sport, c’est ça : « Que le meilleur gagne », et pour connaitre le meilleur la seule façon c’est de descendre dans l’arène et de l’affronter.

D’ailleurs n’est-ce pas là le dogme fondamental du monde de l’entreprise – ce monde dont les capitaux alimente le football ? Que dans l’entreprise les chefs soient menacés, que la hiérarchie soit bouleversée en permanence par cette compétition qui permet au plus petit stagiaire de gagner ses galons de PDG : voilà ce qui alimente les fantasmes de tous les jeunes ambitieux qui ont la tête remplie du « rêve américain »

Hé bien oui, c’est comme cela. Et ça révèle simplement que, non, les financiers qui investissent des sommes colossales dans le football ne sont pas du tout animés par ce libéralisme-là. Banques, fonds de pensions, fonds souverains, toutes ces masses de capitaux ont besoin d’être investies en toute sûreté, et c’est la visibilité du retour sur investissement qui prime. L’affrontement sportif obéit à la logique de l’incertitude : en coupe de France, il y a toujours des « Petits poucets » pour faire tomber les « cadors » de la compétition. Dans le monde de la finance, par contre, la contingence de l’avenir, c’est le cauchemar – mais alors, pourquoi faire disputer aux joueurs une « Super coupe » puisqu’elle serait sans enjeu, les joueurs et leurs clubs étant membres à vie de l’élite ?

- Réponse : pour remplir les stades et gagner beaucoup d’argent versé par les amoureux du foot pour exulter à des matches exhibition, dont le score final pourrait fort bien être arrangé, la beauté du spectacle étant le seul intérêt de la chose.

Les Harlem globetrotters deviendraient alors le modèle à suivre pour l’élite européenne du football.

dimanche 18 avril 2021

L’avenir est de retour ! – Chronique du 19 avril

Bonjour-bonjour

 

Thierry Breton, le commissaire européen a déclaré : « Je crois sincèrement qu'on peut commencer à se projeter sur les vacances d'été ». Nous le remercions pour la bonne nouvelle, et nous en profitons pour interroger cette curieuse expression : « se projeter ».

o-o-o

Le verbe projeter a deux sens bien distincts : 

A – (Correspondant à projection) : Jeter en avant avec force ; et 

B – (Correspondant à projet) Former des projets. (Voir ici).

Mais ce n’est pas fini !

C – Ce verbe (au sens A) est de plus employé dans une forme pronominale : « se » projeter, qui selon le CNRTL (loc. cit.) veut dire Localiser hors de soi et attribuer à quelqu'un d'autre ses propres affects » comme dans la formule « tests projectifs ».

 

Mais on n’en a pas fini avec cette « auto-projection » dans le futur : on devine que le commissaire européen fait aussi entrer là-dedans l’idée de projet (sens B) : ce qu’on projette ainsi en avant (sens A) ce sont nos projets ceux qui nous définissent le mieux, ceux qui nous sont les plus chers. 

Récapitulons : ce que je projette (sens A), ce sont des projets (sens B) du moins ceux qui définissent le mieux mon avenir (sens pronominal C).

C’est un vrai tour de force de faire entrer tant de choses dans si peu de mots ! Mais on n’en félicitera pas particulièrement Thierry Breton, tant cette expression est devenue courante aujourd’hui : tout le monde se projette dans la période post-covid en formant des projets et surtout en cherchant à les réaliser.

Car voilà l’essentiel : dire que l’on se projette dans l’avenir n’a de sens que si on se propose d’y réaliser des projets. L’avenir n’est rien d’autre que l’anticipation, par espoir ou par crainte de ce qui va se produire. Si ne peut pas former des projets jugés réalisables alors on n’a littéralement pas d’avenir. Telle est la différence entre le rêve et la réalité : le rêve est donné, toujours dans le présent parce que toujours déjà-là, nous n’avons rien à faire pour qu’il soit ; le projet nous est peut-être donné, mais on doit en plus faire quelque chose pour qu’il devienne réel.

Vous, à poil sur la plage de Pamplonne, vous en avez rêvé ? Thierry Breton l’a fait !

samedi 17 avril 2021

Pourquoi avons-nous des oreilles ? – Chronique du 18 avril

Bonjour-bonjour

 

Vous connaissez sans doute de professeur Pangloss ? Non pas un de ces professeurs de médecine qui envahissent les plateaux télés depuis un an, mais celui qui, dans Candide, le conte philosophique de Voltaire, allait répétant à qui voulait l’entendre que « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». 

Professeur de métaphysico-théologo-cosmolonigologie, ce précepteur de Candide explique à mademoiselle Cunégonde (pour la quelle Candide a des sentiments) que tout ce qui existe a une cause qui justifie son existence. « Remarquez bien (disait-il à mademoiselle Cunégonde) que les nez ont été faits pour porter des lunettes ; aussi avons-nous des lunettes. » Et nous de conclure que de la même façon nos oreilles, qui ne sont qu’accessoires pour porter lesdites lunettes (puisqu’on peut aussi se contenter de lorgnons), sont par contre indispensables pour porter le masque chirurgical, protection sans laquelle il nous serait aujourd’hui impossible de sortir de chez nous. D’où le caractère indispensable des oreilles, qui devient apparent aujourd’hui après des millions d’années d’existence facultative. 

 

 

 

- Reprenant la thèse aristotélicienne selon laquelle « la nature ne fait rien en vain » Pangloss nous invite donc à revisiter notre corps en nous demandant si par hasard il n’y aurait pas d’autres organes dont l’existence appellerait l’invention de nouveaux dispositifs prenant appui sur eux, justifiant du même coup leur présence. 

Nous ne parlerons bien sûr pas de certains sont membres qui sont multifonctionnels comme les mains. Mais aussi il y a chez l’homme un organe dit « reproducteur » qui parait bien étrange : pour excréter et se reproduire les femmes n’ont pas un tel dispositif, alors pourquoi les hommes en auraient-il ? Les oiseaux et les poissons se reproduisent bien sans pénis et leurs espèces ne périclitent pas pour autant qu’on sache. Le docteur Pangloss nous donne une piste pour trouver cette explication. Car, de même que le nez est fait pour porter des lunettes, « les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses ». Le pénis ne serait-il donc pas fait pour porter un accessoire du même genre ?

 



Le koteka (ci-dessus) ou étui pénien du peuple dani, dans la vallée de Baliem en Papouasie indonésienne, (bientôt inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité à l’Unesco) donne une fière allure à cet appendice somme-toute assez ridicule en temps ordinaire.

Alors, que font nos stylistes pour mettre les hommes civilisés au niveau des hommes-premiers ? 

Ah ! Si Karl Lagerfeld était encore de ce monde !….

vendredi 16 avril 2021

Que demande le peuple ? – Chronique du 17 avril

Bonjour-bonjour

 

Les cafés et les cinés sont les deux endroits où bat le cœur de la France. Dit comme ça, c’est un peu … surprenant : n’est-ce pas un peu frivole ? Il est vrai que les églises quant à elles ne sont pas fermées du tout ; et si on ne peut toujours pas enterrer le grand-père avec le défilé du ban et de l’arrière ban, il n’est plus interdit de suivre la cérémonie en effectif réduit.

 

Il semblerait pourtant que le seul enjeu politique de ce printemps, ce sur quoi on va juger le gouvernement, ce soit sa capacité à rouvrir nos terrasses et nos salles obscures, suivant de près les réouvertures triomphalement annoncées par nos voisins réputés mieux organisés. C’est en effet hier que le porte-parole du gouvernement a déclaré : "c'est autour de la mi-mai que pourront démarrer les réouvertures de certaines terrasses et certains lieux de culture". 

- Qu’en penser? Devons-nous être satisfaits de cette mesure, ou bien devons-nous en dénoncer la frivolité ?

Que demande le peuple ? Pour le savoir, tournons-nous vers l’histoire, celle de la lointaine Rome antique. Nous trouvons dans les Satires de Juvénal (livre X) la critique des vœux du peuple, ceux qu’ils adressaient aux dieux et qu’ils inscrivaient pour cela dans les temples. « Ces Romains qui distribuaient naguère les faisceaux, les légions, tous les honneurs enfin, languissent aujourd'hui dans un honteux repos : du pain et les jeux du cirque, voilà l'objet unique de leurs désirs inquiets. » « Panem et circenses » : du pain et des jeux (du cirque) ; Juvénal se détourne, dégouté de la bassesse de ces vœux. Comment ose-t-on tourmenter les Dieux de désirs aussi vulgaires ? Juvénal n’y va pas par quatre chemins : « Croyez-moi, laissons aux dieux le soin de nos vrais intérêts : nous demandons ce qui plaît ; ils donneront ce qu'il faut ».

Telle est la leçon que l’Histoire (avec un grand « H ») nous propose de suivre : au lieu de demander au Gouvernement de satisfaire nos souhaits superflus, demandons-lui plutôt de nous dire quels doivent être nos désirs.

Notre dirigeant Bien-aimé qui n’a pas tremblé en se comparant à Jupiter doit lui aussi répondre à cette supplique – telle que Juvénal l’imagine : « S'il faut cependant que vous adressiez des vœux à Jupiter, que vous offriez des sacrifices sur ses autels, demandez-lui la santé de l'esprit avec celle du corps »

o-o-o

« Mens sana in corpore sano » Oui, s’il y a une revendication que le gouvernement doive satisfaire c’est bien celle-là : « corpore sano ». Quant au « mens sana »…  Tout compte fait on devrait plutôt exiger de nos gouvernants qu’ils nous laissent juges de ce qu’il faut faire pour l’avoir.

jeudi 15 avril 2021

Le cri de Tarzan – Chronique du 16 avril

Bonjour-bonjour

 

Une étude récemment publiée dans la revue scientifique PLOS Biology nous apprend que « les humains crient pour exprimer six émotions différentes : la colère, la peur, la douleur, la tristesse, le plaisir et la joie. Certes d’autres espèces expriment la peur ou la souffrance par un cri, mais il semble que seuls les humains crient pour signaler également des émotions positives » (Lu ici)

On apprend également que le cri est universel et que son origine est biologique : nul besoin de traduction pour comprendre les cris de nos semblables, qu’elle que soit leur origine ethnique. Reste que la liste des émotions donnée ci-dessus parait incomplète : où donc situer le cri de Tarzan ?

Certains humoristes ont cru pouvoir en faire un cri de douleur – ou de plaisir ?

 

 

« Le premier cri de Tarzan »


Mais pour qui veut être plus objectif, le fameux cri émis par Johnny Weissmuller (qu’on pourra
écouter ici
), semble bien être un cri de ralliement, un appel lancé aux animaux de la jungle. Non seulement il ne correspond à aucune des émotions listées plus haut, mais il ne répond même pas au caractère essentiel du cri à savoir qu’il exprime un état sans intention de communiquer (le cri du bricoleur maladroit est une « manière d’être » de la douleur du doigt qui a reçu le coup de marteau). On crie donc tout seul alors que le cri de Tarzan est un appel qui s’adresse aux animaux de la jungle ; le cri ne doit pas être adressé à un locuteur mais simplement exprimer l’état du « destinateur » (1) : on veut bien qu’il soit une manifestation de la force mais non qu’il soit là seulement pour intimider l’adversaire – et encore moins pour rassembler sa tribu.

Par contre il peut se propager à travers l’espace et être entendu par accident, sans qu’il ait été émis pour quiconque.  

 

 

Pour exprimer le cri, le célèbre tableau de Munch le montre embrasant le ciel qui retentit de son écho. Mais il montre aussi son effet sur l’homme qui reçoit ce signe qui certes ne lui est pas adressé – mais qui signifie quand même.

Signifier sans parler, voilà le propre du cri ce qui apparente sa force à celle des Dieux :

« Le maître dont l'oracle est à Delphes ne dit rien, ne cache rien – mais il fait signe. » Héraclite

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(1) Nous reprenons la terminologie de Jacobson vulgarisée par Laurent Binet dans son roman « La 7ème fonction du langage »

mercredi 14 avril 2021

Click and collect – Chronique du 15 avril

Bonjour-bonjour

 

Voilà un peu plus d’un an que la covid nous est tombée dessus et l’heure des bilans a sonné pour les journalistes en mal de sens à donner à notre époque. Qu’avons-nous appris que nous ne savions déjà ? Qu’un bel élan de solidarité nous a fait applaudir chaque soir les soignants ? Que sans l’État la misère aurait été le lot de beaucoup de Français ? Oui, c’est vrai, mais toutes ces prises de conscience ne durent pas, et notre reconnaissance est retombée au fur et à mesure que les vagues épidémiques se succédaient – quant à l’État a-t-il fait autant qu’on attendait de lui ? Et pour faire bonne mesure, le mouvement de repli des « Grandes démocraties » qui admonestent les pays « illibéraux » au nom de la solidarité humaine ont vite montré que leur puissance ne servait qu’à protéger leurs ressources et leur sécurité : « Moi, d’abord, et les autres ensuite – s’il y a des restes »

Ce n’est donc pas dans la conscience des citoyens qu’il faut chercher les nouveautés de l’année, mais dans des faits concrets structurant la vie matérielle. Et là, il y a au moins une nouvelle catégorie de comportements qui s’est imposée, ce sont les achats « click and collect » instituant des « drives », point de retrait des achats intermédiaire entre le magasin de proximité et Amazon. Des analystes à courte vue avaient reproché aux confinements successifs de booster les ventes « par correspondance », pronostiquant leur suprématie universelle. Ils se trompaient car très vite tous les commerces se sont mis au drive avec retrait en magasin « fermé » des commandes effectuées sur leur site internet. Et c’est ce comportement qui pourrait s’installer durablement et devenir l’alternative aux grandes surfaces qui pullulent dans la périphérie des grandes villes, annulant ainsi les interminables déplacements pour les courses du samedi matin avec la marmaille qui réclame son Kinder ou sa boite de Nesquick.

- Reste une question encore non résolue : qu’allons-nous faire avec ce temps gagné sur ces contraintes matérielles ? Et symétriquement : comment allons-nous récupérer les échanges sociaux perdus du fait de la suppression des rencontres avec le voisinage ? Les échanges par réseaux sociaux ne peuvent remplacer ces rencontres parce qu’ils ne sont que virtuels ; peut-être pourrions-nous compenser ces pertes, en multipliant les rencontres sportives et en nous faisant supporters pour vibrer à l’unisson dans les tribunes de stades ? 

 


 

Les anglais ont les pubs pour continuer à vivre ensemble. Devrons-nous multiplier les tribus de supporters pour continuer à aimer et haïr collectivement ?

mardi 13 avril 2021

La liberté ou la mort ! – Chronique du 14 avril

Bonjour-bonjour

 

En octobre dernier, un e-débat initié par le CNB (1) portait sur la question suivante : « Allons-nous arrêter de vivre pour ne pas mourir ? » (lire ici). Il s’agissait alors de savoir si le couvre-feu et autres mesures de protection sanitaires étaient compatibles avec le respect des droits et libertés garantis aux citoyens par la constitution républicaine. 

On n’entend plus parler de ce débat aujourd’hui. Pourquoi a-t-il disparu ? Parce que le gouvernement ne porte pas de nouvelles atteintes aux libertés qui nous restent ? Ou bien parce qu’on voit ce que leur refus produit au Brésil ?

Je m’explique : depuis le début de l’épidémie certains ont refusé les mesures de confinements : les uns ont dit qu’il ne fallait pas paralyser l’économie pour protéger des vieux qui vont de toute façon rapidement mourir ; les autres – les plus jeunes – disant que la crainte de mourir ne saurait justifier la moindre privation de vie.

 

 

 

(Inspiré d’une citation d’André Brassard)

Mais d’une façon comme d’une autre en refusant les contraintes on a accepté la propagation du virus, et donc assumé la maladie et la mort de citoyens que des mesures de privation de liberté auraient pourtant suffi à protéger. C’est là que la référence au Brésil arrive : ce pays qui a délibérément laissé le virus se multiplier a favorisé l’apparition d’innombrables mutations au nombre desquelles des variants extrêmement contagieux et particulièrement dangereux – y compris pour les plus jeunes. Les services de réanimation brésiliens sont en effet débordés par des malades qui ont moins de 40 ans et qui représentent plus de 50% des cas.

Et c’est cela qui change tout – du moins qui réduit drastiquement les protestations contre les mesures de confinement. On est prêt à prendre tous les risques lorsque ce sont les autres qui sont exposés. Mais lorsqu’il s’agit de risquer soi-même la mort, on y va avec moins d’entrain.

Plutôt souffrir que mourir, / C'est la devise des hommes. – Telle est la philosophie du bûcheron de la fable.

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(1) CNB = Conseil National des Barreaux, institution qui représente l’ensemble des avocats de France