dimanche 31 octobre 2021

"Que l’État assume jusqu'au bout" – Chronique du 1er novembre

Bonjour-bonjour

 

15 départements refusent de prendre en charge le RSA des personnes ayant perdu leur emploi pour non-vaccination. Sans remettre directement en cause le bien-fondé de ce bénéfice, ces départements assurent que c’est à l’État de payer cette aide, considérant que cette mise à pied relève non d’une insuffisance des personnes sanctionnées, mais d’une mesure de rétorsion prise par lui-même. "Qu'il assume jusqu'au bout" déclarent les élus. Voir ici.

 

Ce qui est contesté ici, ce n’est pas le versement de ce secours, mais bien le licenciement qui l’a entrainé. Car le principe selon lequel la société doit secourir les personnes sans ressources reste quoiqu’il en soit valable et le « contrat » sur le quel est fondé la société et qui la met en demeure de secourir des pauvres et les indigents a été automatiquement déclenché par ce décret de l’État – qui doit donc en assumer la responsabilité.

Le raisonnement des élus de ces 15 départements contestataires se résume donc à dire : « Quant à nous, nous n’aurions jamais licencié pour ce motif des réfractaires à la vaccination. Si l’État passe pardessus nos têtes pour le faire, alors on se retire du jeu, et nous refusons de payer pour une décision que nous n’aurions, quant à nous, jamais prise. » 

Pour faire comprendre leur désapprobation, les départements n’ont trouvé que ce moyen pour se faire entendre de l’État : jouant le même jeu que l’État qui prive de ressources les réfractaires, ils attaquent le gouvernement au niveau de sa bourse. 

Comment se faire comprendre autrement ? En cas de délit le droit pénal vise d’abord les ressources du contrevenant en lui infligeant des amendes ; quand elles ne suffisent plus alors on confisque sa liberté de mouvement en le mettant en prison. Alors faisons de même pour l’État : on ne paye plus ses dettes lorsqu’elles ont été prises à tort. 

Quant à instituer la prison pour les gouvernants mal inspirés... rappelons que l'Etat, c'est nous !


samedi 30 octobre 2021

Les démolisseurs au pouvoir ! – Chronique du 31 octobre

Bonjour-bonjour

 

Sondage sur les ronds-points occupés par des Gilets jaunes hier samedi :

- "J’ai été très déçue par l'attitude de certains. Ça prenait une tournure que je n’ai pas aimé à casser, à saccager, à voler. Ce qu'il s’est passé à l’Arc de triomphe, je ne le digère pas." (Carole de Bretagne)

- "Vous passez des messages truffés de fautes, comment voulez-vous que les énarques comme Macron vous écoutent et vous prennent au sérieux si vous n'êtes pas fichus de parler français ?" (Idem)

- Comment parvenir à se remobiliser ces prochains mois ? En votant pour les extrêmes à la prochaine présidentielle. "À droite ou à gauche peu importe, mais en tout cas, il faut voter quelque chose de choc. Un mix entre Zemmour et Mélenchon, la violence de l’un et de l’autre." (Laurent de Bordeaux – Lu ici)



On le constate sur cette photo : les Gilets jaunes sont devenus vieux, ils sont fatigués, usés par l’âge et déçus par l’indifférence des élites au pouvoir. Mais si ce constat ne surprend guère, les conditions de remobilisation sont quand même un peu surprenantes : voter Zemmour ou Mélenchon, peu importe, le message à porter étant : les extrêmes plutôt que les partis de gouvernement. Car il ne s’agit pas d’élire des représentants mais des démolisseurs.

Et c’est là qu’on retrouve l’ADN Gilet-jaune : tout casser (sauf l’Arc-de-Triomphe comme on vient de le voir) parce que rien de l’ordre politique de la France ne peut aider les pauvres gens à sortir de la misère. Comment expliquer autrement l’indifférence devant les partis pour les quels voter : extrême-droite comme extrême-gauche, leur point commun c’est de rendre impossible l’exercice de la démocratie représentative telle que nous la pratiquons. Alors bien sûr, voter Mélenchon ce n’est pas la même chose que voter Zemmour : l’un veut des représentants élus à la proportionnelle, l’autre qui réclame le retour du droit de cuissage se verrait bien avec un descendant de Saint Louis au pouvoir. Mais qu’importe : quand on est au fond du trou, quoiqu’on fasse et dès lors que l’on bouge, ça ne peut qu’aller mieux.

Combien seront-ils en avril 2022 à être assez désespérés pour voter comme ça ?

vendredi 29 octobre 2021

Chronique du 30 octobre


 

Bonjour mesdames messieurs les journalistes,


Je vous présente ce jeune homme qui a été trouvé errant dans la rue, apparemment abandonné par ses parents partis sans doute en vacances sans lui.

C’est un gentil garçon et je me suis étonné qu’il ait été abandonné comme cela. Et voilà que j’apprends qu’il n’a pas du tout été oublié par ses parents mais par des amis qui ont négligé de l’avertir qu’ils avaient décidé de faire la teuf sans lui. 

Et voyez, mesdames et messieurs : il a fait un gros chagrin et il a fugué. Pourtant moi, Jo Biden, Président des États-Unis d’Amérique, « j’avais l’impression que la France avait été informée très en amont que le contrat [de sous-marins qu’elle avait passé avec l’Australie] ne se ferait pas. Devant Dieu, je vous assure que je ne savais pas que vous ne l’aviez pas été. »

 

-  Et devant l’opinion internationale, je m’engage à ne plus jamais recommencer et à être très gentil avec lui. Je vous demande d’ailleurs de faire de même en ne publiant que des informations favorables à la France (vous savez, c’est son pays, et il y tient). Par exemple, sachez dire que ses Rafales sont très efficaces et que leurs bombardements ne tuent que des méchants. Oui, bien sûr, il y a aussi des femmes et des enfants écrasés par les bombes, mais quoi, oubliez d’en parler, sinon il va sûrement être très chiffon.

 

Voilà : préparez vos objectifs : je vais vous le laisser après lui avoir fait un gros bisou.

 

(Pcc. Le Monde)

jeudi 28 octobre 2021

Les révolutions attendront – Chronique du 29 octobre

Bonjour-bonjour

 

Les multimilliardaires peuvent sourire : ils ne seront pas taxés à la hauteur prévue par le plan Biden pour financer les mesures sociales et environnementales que celui-ci prévoyait.

 



« Payez votre juste part ! : Joe Biden a répété à trois reprises cette injonction, jeudi 28 octobre, à destination des milliardaires. Cette incantation ne saurait masquer la réalité tombée dans la nuit : le président des États-Unis a bel et bien renoncé à taxer les milliardaires en abandonnant le projet de quasi-impôt sur la fortune. » (Lu ici)


Qui doit payer ? La réponse qui vient à l’esprit est « ceux qui le peuvent » - c’est à dire : ceux qui ont de l’argent – « Faire payer les riches », cette injonction naïve reste obstinément posée. Sauf que dans le monde d’aujourd’hui ce n’est pas la bonne réponse ; n’oublions pas qu'en réalité ceux qui payent sont ceux qui n’ont pas le pouvoir d’empêcher l’État de prélever l’impôt sur leur fortune. Entendu comme cela on n’est plus dans la sphère de l’éthique mais dans celle de la politique, qui s’entend comme domaine du pouvoir.

On sursaute quand même : comment le pouvoir peut-il se concentrer dans ces quelques mains, alors que des peuples innombrables gémissent dans les affres de la misère ? C’est l’occasion de vérifier que la démocratie n’existe toujours pas, y compris dans la première économie du monde : comprenons que l’intérêt général passe derrière l’intérêt des particuliers que sont Jeff Bezos, Elon Musk ... ou Bernard Arnaud (oui, chez nous aussi les politiciens tremblent devant les milliards). 

On se souvient peut-être d’Etienne de La Boétie écrivant dans son Discours de la servitude volontaire : « Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genou ». Il considérait le pouvoir de la noblesse confronté à l’impotence de la multitude. D’où vient la puissance ? Les grands dont parlait La Boétie étaient les nobles, leur « grandeur » n’était établie que sur des symboles telle que la noblesse attribuée à la naissance. Il affirmait alors qu’un consentement à la soumission était la seule cause pouvant expliquer les privilèges. Pouvons-nous transposer ce Discours en remplaçant le privilège de la naissance par celui de la fortune ? L’argent à la place du sang bleu ?

Il y a quand même une différence : le sang bleu ne peut se transmettre, en particulier il ne permet pas d’acheter des mercenaires. Bien évidemment c'est cela que l’argent peut faire : en réalité un seigneur ne pouvait acheter des soldats pour mater le peuple qu’à la condition de pouvoir les payer. Or, on pouvait être noble sans être riche. Aujourd’hui le privilège de la naissance n’existe plus, la puissance est toute entière concentrée dans la fortune : même le pape ne pourrait obliger Jeff Bezos à fiancer un plan environnemental.

Au fait, le Pape : combien de milliards de dollars ? 

mercredi 27 octobre 2021

Tout à un prix – Chronique du 28 octobre

Bonjour-bonjour

 

Il y a des rapprochements curieux, tel que celui-ci : « la Pologne en instituant une chambre disciplinaire de la Cour suprême porte un préjudice grave et irréparable à l’Union européenne ainsi qu’aux valeurs qui la fondent ». Et ce constat débouche sur ce cette décision : « La Pologne a été condamnée ce mercredi 27 octobre à payer à l’UE une astreinte d’un million d’euros par jour » (Lire ici)

Un million d’euros par jour : tel est le prix de cette remise en cause de l’indépendance de la justice. Tout à un prix, il suffit de l’évaluer à son juste niveau : voilà la conclusion. Oui, mais comment ça marche ?

La Pologne est tenue au respect des traités qu’elle a signés, mais pour l’imposer on ne va pas nous aussi envahir la Pologne – d’autres l’ont fait (1) et ça s’est mal terminé. Reste que de l’argent est versé par la communauté européenne et la Pologne en a besoin. Agir sur ce levier en refusant de verser cet argent ou en condamnant le pays à payer de lourdes amendes est simplement « pragmatique ». Peu importe la cohérence entre le délit et la sanction imposée : seule l’efficacité compte.

A ce compte on peut aussi justifier les châtiments corporels. Pas celui qui consiste à couper la main des voleurs, puisqu’il y est logique de priver le délinquant de l’organe qui lui permet de commettre son délit. Mais donner des coups de fouet à ceux qui enfreignent la loi coranique : quel rapport entre la peau du dos et (par exemple) l’adultère commis ? Aucun, mais ça marche : que réclamer de plus ?

- Mais pour taper là où ça fait le plus mal, chez nous il n'est pas besoin d’un fouet : les amendes et les taxes suffisent à imposer le respect de la loi. Au lieu de nous mettre en prison, ce qu’on ne peut pas toujours faire, privons les individus (ou les pays) de la capacité d’agir que représente l’argent.

Voilà pourquoi nous sauvegardons notre argent plus encore que toute autre liberté.

- Rousseau le soulignait en 1763 : « Par tout pays, le peuple ne s’aperçoit qu’on attente à sa liberté que lorsqu’on attente à sa bourse » et il ajoutait aussitôt : « ce qu’aussi les usurpateurs adroits se gardent bien de faire que tout le reste ne soit fait. » (2)

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(1) Voir Ubu roi d’Alfred Jarry

(2) Rousseau – Lettres écrites de la montagne (7ème lettre) Edition du Seuil, p. 458

mardi 26 octobre 2021

Le pardon et la prescription – Chronique du 27 octobre

Bonjour-bonjour

 

Après la publication de son livre Éloge de la prescription, son autrice Marie Dosé s’est exprimée sur les plateaux télé, ce qui me permet d’évoquer le sujet de la prescription.

 

La prescription juridique est un principe général de droit qui désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice, civile ou pénale, n'est plus recevable (lire ici). Quoique très technique dans son application, sa définition est relativement simple : la prescription établit qu’au-delà de 5 ans (sauf cas spéciaux) les poursuites judiciaires sont éteintes du fait de l’inaction des enquêteurs ou des titulaires des droits. Ainsi un débiteur est libéré de sa dette lorsque son créancier n’est plus en mesure d’établir la preuve d’un paiement – ce qu’on décrète être le cas au-delà de la période définie plus haut.

En dehors de ses aspects techniques, la prescription nous intéresse par les principes qui la conduisent.

- On assimile souvent la prescription à l’oubli, mais ce n’est pas tout à fait exact. Il s’agit aussi d’établir qu’en matière de droit pénal rien n’est éternel. Tout doit donc s’oublier, ce qui suppose qu’au-delà d’un délai durant lequel la justice peut passer, la poursuite de la faute doit cesser. Sous cet aspect la prescription remplit la même fonction que la sanction pénale, qui doit rendre possible la réinsertion du criminel dans la vie collective

 

Dans toute société il faut qu’un principe général régisse la vie en communauté. Dès qu’un délit empêche que cette vie se poursuive, alors ou bien on élimine de fautif (peine de mort ou de relégation) ou bien on établit une peine au-delà de laquelle le criminel est réinséré dans la vie sociale.

Le principe majeur qui se dégage est que la vie en société doit suivre son cours dès lors que l’évènement qui l’a troublée est dépassé. En matière de morale, c’est le pardon qui assure cette fonction : dire « Je te pardonne » ne revient pas à dire « J’ai oublié ta faute », mais « J’accepte de vivre avec toi comme si rien ne s’était passé ». En matière juridique où aucune règle ne peut imposer un tel principe, la prescription, qui annule les poursuites du délit, agit comme la peine de prison qui rachète le crime.

Maire Dosé prend comme exemple de refus de la prescription le cas de Bertrand Cantat, qui après avoir purgé sa peine pour le meurtre de sa compagne Marie Trintignant, est harcelé par des groupes féministes qui l’empêchent de poursuivre sa carrière de musicien. Ces actions qui cherchent à démontrer que ce crime est irréparable sont non seulement des formes d’injustice, mais en plus elles rendent la vie sociale impossible.

lundi 25 octobre 2021

Deux chroniques pour le prix d’une – Chroniques du 26 octobre

Bonjour-bonjour

 

Au jury Femina, on prétend pratiquer la non-discrimination positive.

 

Présidé par Josyane Savigneau, le jury du Femina a proclamé, lundi 25 octobre, ses trois récompenses depuis la salle des enseignes du musée Carnavalet, couronnant Clara Dupont-Monod pour son roman S’adapter.

« Cette année, nous avons eu envie de couronner une femme, a expliqué Josyane Savigneau. Il se trouve que de très bons romans de cette rentrée ont été écrits par des femmes, et ce n'est pas de la discrimination positive, on est le Femina, pourquoi aller chercher un homme ? » (Lu ici)

 

Ainsi donc, dire « nous avons eu envie de couronner une femme » n’est pas de la discrimination positive ? Pourtant ce roman quoique très bon, n’aurait pas eu le prix s’il avait été écrit par un homme ? On n’y comprend plus rien.

Sauf que... Le jury Femina est né d’une discrimination, puis que les hommes en sont exclus ès qualités.  Créé en 1904 pour faire pièce au jury Goncourt jugé misogyne, le Jury Femina, est composé exclusivement de femmes qui se donnent pour tâche de récompenser une œuvre en langue française : on voit que, ne faisant pas de différence entre œuvres écrites par des femmes ou des hommes, ce jury ne reproduit pas l’exclusion dont le Goncourt se rendrait coupable.

On voit donc que c’est très injustement que la Présidente d’aujourd’hui se réfère à la féminité du jury pour justifier d’un choix impliquant la féminité de « l’autrice ». 

... Autrice... Ce néologisme montre que le féminisme actuel est bien plus radical qu’autrefois : si on créait un jury féminin de nos jours, celui-ci aurait pour tâche de distinguer uniquement des femmes.

 

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Re-bonjour

 

Suite à l’accident survenu sur le tournage d’un film avec une arme chargée à balles réelles, le réalisateur Joel Souza, blessé à l'épaule par le tir et en convalescence, a déclaré avoir entendu ce qui ressemblait au bruit d'un fouet, et un gros « pan ! »

 

Comment les américains, avec leur culture des armes à feu, leurs westerns où chaque « gun » tire 55 coups à la minute ont-ils pu commettre une telle bévue ? Habituellement cela n’arrive que dans les romans policiers – et encore, à condition que l’auteur invente une invraisemblable fiction. Mais on a vite trouvé le maillon faible : une jeune femme de 24 ans à qui était dévolue la responsabilité de préparer les armes pour le tournage, et qui livre une arme censée être « froide » alors qu’elle est chargée à balles réelles.

Quoi ? alors que la parité hommes femmes progresse à toute allure, devrait-on en conclure que les femmes ne sont pas compétentes pour le maniement des armes ? Que les westerns nous ont à juste titre habitués à voir exclusivement les hommes faire usage d’armes à feu ?

Pourtant chez nous de telles discriminations n’ont pas lieu : les françaises font jeu égal avec leurs collègues masculins :


dimanche 24 octobre 2021

Le bateau de Thésée – Chronique du 25 octobre

Bonjour-bonjour

 

Grande nouvelle ! On pourra bientôt remplacer nos organes défaillants par des organes correspondants du porc : plus besoin d’attendre un éventuel donateur ! Une récente greffe expérimentale sur l’humain vient en effet de démontrer qu’un rein de porc convenablement préparé pouvait fonctionner dans un organisme humain ! (voir ici)

Il en résulte pourtant un certain trouble : on croyait la barrière inter-espèces biologiquement infranchissable et voilà que bientôt nous pourrons vivre avec des organes prélevés sur des animaux malgré les interdits culturels qui s’y opposent. Ce n’est pourtant pas nouveau : en 1984 un bébé avait survécu 21 jours avec le cœur d’un babouin – mais rien n’y fait : on ne veut pas y croire. C’est que de puissants tabous s’y opposent : énumérons-les.

- D’abord un tabou religieux. Les juifs comme les musulmans croient que le porc est un animal impur qu’ils interdisent de manger ; alors bien sûr vivre avec leurs organes est impossible.

- Ensuite il y a une hiérarchie des espèces : certains animaux jugés plus proches de nous seraient d’avantage supportables que le porc, animal méprisé et considéré comme inférieur qu’on met sur la table tout rôti sans que cela nous coupe l’appétit

 


 

- Mais surtout ces greffes touchent un point extrêmement sensible : celui de notre identité. Nous considérons notre corps comme un tout et non comme un organisme fait d’un assemblage d’organes susceptibles d’être remplacés, comme on remplace par exemple le moteur d’une voiture sans que celle-ci soit transformée. On connait le paradoxe du bateau de Thésée : « Au cours de ses voyages, le bois se brisait ou pourrissait et devait être remplacé. Lorsque Thésée rentra chez lui, le navire qui accosta au port n’avait pas un seul morceau du navire qui en était parti. Malgré tout, l’équipage ne doutait pas que c’était le même bateau. » La réponse la plus simple consiste à dire que l’équipage se trompe et que le bateau a cessé d’être ce qu’il était dès qu’on a changé une seule pièce – idem pour notre corps.

- Il y a pire : nous vivons dans notre corps en le considérant comme étant indissolublement nous-mêmes ; c’est lui qui incarne notre identité. On sait que souvent l’ablation des seins cancéreux plongent les femmes dans une profonde dépression : plus que mutilées, elles se sentent dépersonnalisées. Alors comment ne nous sentirions-nous pas dénaturés en ayant un organe animal en nous ?  

- Mais – pire encore – on nous apprend que cette greffe de rein a eu lieu alors que le cochon en question avait été génétiquement modifié pour produire des cellules ressemblant à des cellules humaines afin d’échapper à notre barrière immunitaire (1). Alors que nous allons être « animalisés », l’animal lui, va être humanisé !

Trop, c’est trop ! 

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(1) On a élevé un porc génétiquement modifié dont les organes sont à priori à l'abri des défenses immunitaires humaines. Ce porc présente comme marqueur à la surface de ses cellules la protéine humaine "TNF alpha-related apoptosis-inducing ligand". Elles sont ainsi protégées in vitro contre les cellules du système immunitaire humain. (Article cité)

samedi 23 octobre 2021

Un “troisième œil” pour marcher dans la rue tout en regardant son smartphone – Chronique du 24 octobre

Bonjour-bonjour

 

Revoici l’époque du Concours Lépine, qui concentre un nombre considérable d’inventions inutiles, telles que celles qui sont énumérées ici : une piscine à roulettes pour amener la natation jusque dans les recoins les plus pourris de banlieue ; la « coudière de porte » pour les ouvrir sans les mains, contaminées en période de pandémie – pourquoi pas le capuchon de nez pour tourner les pages sans les doigts ?

 

Mais le plus intéressant nous vient de Corée du sud : il s’agit d’une caméra frontale couplée à un smartphone qui permet de marcher dans la rue tout en continuant à regarder son écran.

 


 

Stupide invention, direz-vous, puisque ce jeune homme ne peut voir sur son écran que l’image de sa go-pro, sans quoi celle-ci ne sert plus à rien. Et alors ? Ne sommes-nous pas déjà dans cette situation, qui consiste à ne voir ce qui nous entoure que par la médiation d’un écran – qu’il s’agisse de la télé qui nous montre ce qui se passe dans notre quartier et que nous avons d’ailleurs déjà vu (« Chérie, viens voir ! La télé, montre la voiture qui a défoncé la vitrine de notre boulangerie ! ») ; ou de la vidéo du voisin qui filme sur le pas de sa porte. 

- Stupide, oui, mais quand même : cette image qui nous vient de l’extérieur pour nous monter ce que nous avons déjà vu relève d’une démarche bien plus large qui consiste à aimer recevoir de l’extérieur ce que nous avons déjà en nous, car cela confère une objectivité à ce qui sans cela n’était que subjectif.

Et que dire des opinions ? Le propre des réseaux sociaux est de valoriser les opinons en fonction du nombre de ceux qui l’aiment ou qui la suivent (likers, followers). De même que notre jeune coréen ne s’intéresse qu’à l’image de la rue où il marche, de même l’opinion personnelle devient vérité quand elle est répétée par des milliers d’autres personnes qui pensent exactement pareil. Or ce n’est pas le nombre qui fait la vérité, de même qu’en démocratie la majorité ne fonctionne que s’il s’agit d’un choix politique – et non l’efficacité de la Chloroquine.

vendredi 22 octobre 2021

Le masque ? Et si c’était pour toujours ? – Chronique du 23 octobre

Bonjour-bonjour

 

S’il y a quelque chose qui n’a pas changé, ce sont bien ces visages masqués dans la rue, au ciné, à la bibliothèque et bien sûr au travail. Cette obligation, prolongée de mois en mois, ne fait pas de vagues, pas de manif’, pas de sondages vengeurs : comme si on s’y était fait, et que désormais on avait acté que toujours et (presque) partout il nous faudrait nous flanquer ce bout de papier sur le museau. Nous voici devenus comme les japonais, accros aux masques.

 

- Mais il n’y a pas que ça : les poignées de main, remplacées par des "checks" plus ou moins ésotériques. Et même les bisous : finis ! 

  


 

Hélas ! Plus de bisous ! Saloperie de covid !

... Oui-oui – mais le covid, il a bon dos... Car on l’entend ici ou là : les dames en avaient plus que marre de ces bisous qu’elles étaient obligées de subir en toute occasion, alors que les messieurs se contentaient de se serrer la main. Aujourd’hui, plus personne pour leur claquer la bise, ça fait du bien. Et si ce n’était là que le début de reconquête de leur indépendance ? Si les familiarités habituelles, du genre appeler systématiquement et uniquement par leur prénom des collègues féminines, alors que le nom de famille suffit pour les messieurs, devaient aussi disparaitre ?

Si à Marlène Dupont-Durand, votre secrétaire que vous interpellez le matin comme cela : « Marlène ! Mon café ! », vous disiez « Dupont-Durand ! Mon café ! »

jeudi 21 octobre 2021

Pour noël je voudrais un Taser X2 – Chronique du 22 octobre

Bonjour-bonjour

 

Oyez-Oyez, braves gens ! Le taser X2 est arrivé ! Capable de neutraliser l’agresseur sans le blesser et sans lui infliger de douleurs, agissant à distance (jusqu’à 7 mètres) susceptible de tirer 2 flèches et de se recharger rapidement, c’est l’arme de défense la plus sûre et la moins dangereuse. « Le taser apaise les conflits » comme dit le fabricant. (Lire ici)

 

 


 

Oui chers amis, ma lettre au Père Noël est prête : j’espère qu’il pourra caser le Taser X2 dans sa hotte : d’encombrement réduit, il a déjà sa place dans tous les sacs à main.

Mais quand même, oser dire que « cette arme apaise tous les conflits », c’est un peu risqué. Autant dire que la kalach’ est une arme de paix, puisque, quand on a tué tous ses ennemis, celle-ci peut revenir. Mais c’est sans doute un signe des temps : ne pas blesser, ne pas faire souffrir, telle est la devise de notre époque : les animaux qu’on saigne dans les abattoirs ont été étourdis avant : ils passent directement de leur prés fleuris à notre assiette sans même s’en apercevoir.

C’est rassurant... Quoique : on devrait se méfier. Avec de tels principes, on peut s’attendre à ce que le Pouvoir en fasse de même avec nous. Ce ne serait pas une nouveauté, « l’art de l’imposition consiste à plumer l’oie sans la faire crier » disait Colbert. D’où le prélèvement de l’impôt à la source, mais ce n’est pas le seul exemple. Je recevais récemment une contravention pour excès de vitesse. Montant : 135 euros, réduit à 90 euros si paiement dans les 15 jours. « 45 euros d’économie ! Chic alors ! » L’oie n’a pas bronché. 

mercredi 20 octobre 2021

Premiers de cordée – Chronique du 21 octobre

Bonjour-bonjour

 

Dans un récent article le journal Libération revient sur cette constante de la France : les inégalités en matière d’études y sont toujours plus fortes qu’ailleurs.

- Classement Pisa de 2018 : les élèves de familles défavorisées ont cinq fois plus de risques d’être en difficulté à l’école que ceux venant de milieu aisé.

-  l’Observatoire des inégalités montre en 2019 que les enfants d’ouvriers ne représentent que 12 % des effectifs à l’université et 7 % dans les classes préparatoires.

- l’Institut des politiques publiques (IPP) enfonce le clou en 2021 en montrant que dans les grandes écoles les élèves issus de milieux défavorisés représentent 36 % de la population mais moins de 10 % de leurs étudiants. (Lire l’article cité)

 

Quant à moi lorsque je suis entré à l’Université, en 1962, notre professeur de sociologie (il s’appelait Raymond Aron), nous expliquait déjà que les fils et filles d’ouvriers représentaient moins de 20% des étudiants (et c’est pire aujourd’hui). On dit que l’ascenseur social est en panne – et si c’était simplement qu’il soit beaucoup trop petit ? Est-ce que les classes défavorisées pourrait en faire profiter d’avantage leurs enfants s’il était aussi grand qu’un monte-charge d’usine ? 

On rétorque qu’il est à la taille du nombre de candidats qui se pressent devant sa porte. Pour mémoire, certaines agrégations ne parviennent pas à attribuer les postes offerts car les candidats sont de qualité insuffisante. Ces jurys ont été critiquées pour excès d’élitisme, et c’est je crois justifié. 

Qu’on me permette à ce propos une anecdote. Dans l’établissement où j’enseignais alors, une filière s’est trouvée déficitaire : elle ne comptait qu’une classe et celle-ci n’avait qu’une douzaine d’élèves. Au moment de décider du passage en terminale, il fut clair qu’ou bien faisait redoubler les canards boiteux - et alors on fermait la section. Ou bien on faisait passer tout le monde, même ceux qui, au vu de leurs médiocres résultat, auraient dû redoubler – et alors on sauvait la section – et les postes de profs correspondants. Ce fut cette solution qui fut retenue, et on attendait les résultats du bac en courbant l’échine. On l’a déjà deviné : tout le monde fut reçu, même ceux qui étaient désignés pour redoubler. 

Cette édifiante anecdote suggère que nos piètres résultats dans le domaine de la lutte contre les inégalités relèvent peut-être d’un élitisme exagéré de la part des enseignants – non pas que les élèves issus de classes défavorisées ne méritent pas une aide spécifique ; mais bien qu’on la leur refuse considérant que la compétition sociale devait s’apprendre déjà sur les bancs de l’école.

Lorsque je fus en charge d’élèves de sections technologiques qui étaient fort embarrassés par les exigences de la dissertation philosophique, je proposai d’introduire dans le programme des heures destinées à travailler spécifiquement l’écrit. La plupart de mes collègues m’ont regardé avec commisération parce que selon eux j’ignorais que cette compétition devait être conservée : le désir d’égaler les meilleurs suffisant à stimuler les autres. On m’a parlé alors d’émulation républicaine.

Les premiers de cordée n’étaient pas loin.

mardi 19 octobre 2021

Macron : bœuf devenu grenouille – Chronique du 20 octobre

Dans son dernier livre, François Hollande décrit Emmanuel Macron comme un homme "changeant d'opinions au gré des événements, sautant d'une conviction à l'autre comme une grenouille sur des nénuphars". (Voir ici)

 

 


 

Bonjour-bonjour

 

Emmanuel Macron, l’homme qui s’était cru Jupiter et qui se révèle grenouille sautant de-ci de-là... L’image est cruelle et on peut se demander si elle sert à autre chose qu’à ridiculiser, l’intention étant clairement de montrer un Président gouvernant sans cap, et agissant par soubresauts un peu comme la grenouille saute dans n’importe quelle direction – pourvu que ça saute !

Ça n’est pas très sérieux, car dans le même temps, le même homme reproche au même Président d’aller toujours dans le même sens : vers la défense des plus riches, vers d’avantage d’opposition entre les français, vers toujours plus de centralisation du pouvoir, et toujours moins de parlement. Bref : il a eu de la persistance, mais c’était dans l’erreur ; et de l’ondoyance, mais c’était faute de savoir résister aux évènements.

 

Donnons la parole à la défense : « L’ex-président Hollande aveuglé par le dépit d’avoir dû quitter piteusement l’Élysée sans pouvoir briguer un nouveau mandat oublie le principe fondamental énoncé par Emmanuel Macron dès 2017 : son action serait placée sous le signe de « l’en même temps », et il s’y est tenu de façon délibérée et courageuse.

Agir pour le long terme, construire un système économique en cohérence avec le monde tel qu’il devient – et en même temps, être pragmatique, répondre sur le champ aux à-coups de l’histoire en train de se faire. Et c’est exactement ce qui a été réalisé, avec un programme libéral pour le long terme et du soutien massif de l’État aux entreprises en difficultés. »

La macronisme, c’est de la dialectique, mais sans synthèse.

Hegel a dû se retourner dans sa tombe !

lundi 18 octobre 2021

La loi du Seigneur – Chronique du 19 octobre

Bonjour-bonjour

 

Hier, Jean Castex déclarait au Vatican, en présence du Pape : « La séparation de l’Église et de l’État ne signifie pas la séparation de l’Église et de la Loi ». Cette déclaration est à mettre en balance avec celle de Monseigneur Moulins-Beaufort, Président des évêques de France  qui avait déclaré que le secret de la confession était « plus fort que les lois de la République ».

Sans revenir sur cette impossibilité de concilier le dogme du secret de la confession avec le code pénal qui impose la dénonciation des crimes, c’est l’existence même de ce dilemme qui interroge. Car depuis 1905 (date de la séparation de l’Église et de l’État), combien de fois le juge d’instruction a-t-il dû se heurter à ce secret de la confession ? On en a même fait des pièces de théâtre et des films (1). Mais à chaque fois le dilemme était moral (le confesseur devant affronter le tragique de la non-dénonciation) alors qu’aujourd’hui il est de nature juridique : y a-t-il donc en France des lois supérieures aux lois de la République ? Posé comme cela, dans le contexte de la contestation musulmane des lois républicaines, cette question est explosive et on comprend que Monseigneur Moulins-Beaufort ait regretté de l’avoir fait. Car si le juge tolère, au nom d’une jurisprudence obscure, que ce refus de répondre soit opposé aux enquêteurs, c’est parce qu’on a « accepté »

 de faire comme si le secret de la confession était une variante du secret professionnel qui concerne déjà les médecins, les pharmaciens, les avocats, les policiers, etc. La liste est longue et on pourra la consulter ici

Mais, à supposer que ce soit vrai, il faut quand même noter que ce secret ne s’auto-attribue pas et qu’invoquer cette exception pour le secret de la confession est totalement illégitime. On voit bien aussi que, puisque ce secret est décrété par la loi, celle-ci peut également le lever dans des cas bien spécifiques. On n’a plus affaire à un dogme mais à la volonté du Législateur. C’est là-dessus que porte le différend qui a sans doute conduit Jean Castex au Vatican.  

Et ce serait donc cela qui n’aurait pas été réglé depuis 1905 ?

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(1) Dont justement « L’auberge rouge » tourné en 1951 et « la loi du silence » d’Alfred Hitchcock en 1953. On peut citer aussi « Une vie », roman de Maupassant. Voir ici

dimanche 17 octobre 2021

Féminisme : des femmes ne veulent plus vivre en couple – Chronique du 18 ocotbre

Bonjour-bonjour

 

« Harassées par la charge mentale, lassées d’être à la fois « bonniche, cuisinière, amante, maman, blanchisseuse » elles ont décidé de quitter leur compagnon et de rester célibataires. » Lu ici.

Ça, c’est radical ! Oui, bien entendu, mais c’est surtout énigmatique. Si quitter la vie de couple c’est d’abord refuser toutes les « fonctions » énumérées ci-dessus, alors comment imaginer le monde de demain, sans mamans, sans cuisinière, sans amantes ? La grève des femmes, on nous l’a déjà fait, ça va bien (1). 

Mais plus sérieusement quel est le bien-fondé de cette dénonciation ? De nos jours Madame Sans-gêne devrait-elle rougir de lessiver les culottes du futur Empereur ? Et la Mère Brasier devrait-elle rendre son tablier ? Quant à Juliette doit-elle faire à son Roméo un doigt d’honneur du haut de son balcon ?

Imaginons :

- Chérie, qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ?

- Je ne sais pas mon lapin. Qu’est-ce qui te tenterait ?

- Un petit tartare de saumon à la crème, ça serait pas mal ?

- OK chéri. Tu t’y colles ?

Ou encore :

- M’man... J’ai pas envie d’aller à l’école aujourd’hui... J’suis fatiguée...

- Julie, c’est pas le moment ! J’ai mon groupe d’Aérobic ce matin et je ne veux pas que tu traines à la maison.

- Mais M’man j’ai mal à la tête. J’ai sûrement de la température

- Va voir ton père, il va sûrement rester ici pour s’occuper de toi.

Mais on a gardé le pire pour la fin.

- Mimine, j’ai eu le manager sur le dos toute la journée. Un enfer... Tu peux m’apporter un whisky s’te plait ?

- Moi aussi j’ai eu une journée d’enfer. Va le chercher toi-même

Et un peu plus tard :

- Amour-de-ma-vie, tu viens contre moi ? J’ai envie de déposer un doux baiser sur ton minou...

- Je te vois venir, mon lapin. Va miauler ailleurs. Quand j’aurai envie d’une chatterie je te le dirai... ou pas.

- Comment ça ou pas ?

- Oui, nous les femmes ce qu’on veut c’est choisir notre vie selon notre génie propre et non selon les normes posées par la société patriarcale.

 

Car, voyez-vous, on imagine que les femmes veulent seulement rester seules pour être libres. Mais quel manque d’imagination !

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(1) En Suisse chaque année les femmes se mettent en grève le jour à partir duquel elles ne sont plus payées compte tenu du salaire auquel elles auraient droit si elles touchaient autant que les hommes.

samedi 16 octobre 2021

Devons-nous élire un Président rmiste ? – Chronique du 17 octobre

Bonjour-bonjour

 

Je lis ceci ce matin : « Des « gilets jaunes » ont tenté un timide retour sur les ronds-points

un membre du collectif chalonnais Liberté citoyenne explique : « Nous sommes apolitiques mais on ne se retrouve plus dans ce gouvernement ni dans les candidats à l’élection présidentielle, on veut un candidat qui connaisse la misère sociale».

Cela me rappelle qu’ATD Quart-monde exigeait de ses bénévoles qu’ils partagent personnellement le mode de vie de ceux qu’ils secourent dans leur grande pauvreté. On découvre ainsi que seule l’expérience vécue de cette précarité permettrait de la comprendre. Faudrait-il que le futur Président sorte de cette misère pour en faire l’objet d’une campagne d’éradication nationale ? Les chiffres étourdissants de la fortune de certains candidats seraient alors un obstacle dirimant. 

 

Mais alors, pour briguer la Présidence, faudrait-il être né dans les quartiers nord de Marseille ?  Ou être une femme victime de harcèlement ? Ou – mieux encore – l’une des héroïnes du film de François Ruffin « Debout les femmes ! »

Impossible, mais l’idée qui reste est quand même forte : seul le vécu concret des gens permet d’en avoir une connaissance réelle. C’est avec raison qu’on critique les décideurs qui décrètent du montant des minimas sociaux ou des seuils de leur obtention – du fond de leurs bureaux dorés : pour faire leur travail, que ne vont-ils sur le terrain de ces gens obligés de se lever à 4h pour galérer dans les transports et rentrer à 20h dans leur logement humide et plein de cafards ? Que ne vont-ils faire les courses de fin de semaine chez Lidl avec une liste plafonnée à 50 euros ?

Il y a des moments où la compétence ne suffit plus. Où les techniques apprises à Science-Po ou ailleurs sont obsolètes. Des moments où la seule autorité qui vaille est l’empathie, mais pas celle des bonnes paroles susurrées dans de beaux discours.

Dans Les Misérables, Jean Valjean ne câline par Cosette pour la consoler. Il l’aide à porter son seau.

 



Jean Geoffroy – Jean Valjean et Cosette


vendredi 15 octobre 2021

L’intensité « heureuse » - Chronique du 16 octobre

Bonjour-bonjour

 

Vous vivez à Suresnes ou Nanterre, dans un 4 pièces aux murs en carton datant de 1975 ? Vous rêvez d’un pavillon avec jardinet et terrasse pas trop loin d’ici ? Eh bien vous êtes un ennemi de la planète, vous vivez sur des mensonges datant des années 70 qui vous ont fait croire que la maison individuelle pour tous, c’était ça l’avenir.

--> Il faut oublier tout ça. Motif ? « Nous sommes face à une urgence climatique qui ne se négocie pas », c’est du moins ce que déclare Emmanuelle Wargon ministre du logement. (Lire ici)

Oh, bien sûr il n’est pas question de se remettre à construire des logements collectifs en carton comme le vôtre. La ministre l’assure : « il n’est pas question de renoncer à loger les Français mais de le faire autrement ». En respectant un principe : « l’intensité heureuse ». À savoir une « densité d’habitat qui crée des quartiers dynamiques, vivants et chaleureux ».

L’intensité heureuse : nous y voilà. Autrement dit on peut être heureux à vivre dans un 5 pièces dans un immeuble de 15 étages dans une cité comportant des barres à perte de vue.

Bla-bla-bla (comme aurait dit Greta Thunberg) : la vérité c’est qu’on ne sait plus comment nous faire renoncer à notre mode de vie en espérant quand même vivre mieux qu’avant.

... Reste que cette idée peut faire son chemin : moins de moyens matériels moins d’énergie consommée, ça veut donc dire plus de collectif.

- L’idée basique est que les équipements collectifs sont mieux amortis quand ils sont faits pour une plus grande collectivité. Une patinoire ou une piscine, impensables dans un village deviennent possibles dans une ville ou dans un quartier un peu dense.

- Et puis, plus on est de fous, plus on rit comme dit le proverbe. La fête des voisins récemment célébrée nous le montre : tous ces gens méritent d’être mieux connus ; pourquoi pas un réveillon des voisins ? Et une Saint-Valentin des voisins ? Ce qu’on peut à deux est bien meilleur à dix ou quinze.  Ce serait ça l’intensité heureuse.

Hum... Je m’égare. Restons sur l’idée que nous pouvons espérer que l'avenir qu’on nous promet ne soit pas fait d’une morne austérité, mais que la chaleur humaine soit au rendez-vous du retour à la ville du 19ème siècle. 

 

 

Renoir – Le bal au moulin de la galette


Ah !... Retrouver Paris-village, ses lampions du 14 juillet, ses bals populaires...

jeudi 14 octobre 2021

Eloge de l'impôt – Chronique du 15 octobre

Bonjour-bonjour

Vous savez quoi ? Je suis heureux. Comme Snoppy ? 

 

 


Sans doute. Et pourquoi suis-je heureux ? Parce qu'aujourd'hui je paye ma taxe foncière. Serais-je heureux qu'on vienne piller mon argent ? Non, bien sûr, mais quand même. C’est une occasion de savoir qu’à 80 ans je suis encore utile à la communauté, pour entretenir les lycées ou les hôpitaux. 

Bien sûr : impôts, taxes, prélèvement : tout cela suggère un détournement arbitraire de ressources personnelles. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le précise dans son article 13 : il s'agit en fait de contribution. (1) C'est ainsi qu'à plus de 80 ans je contribue encore au bon fonctionnement de la France, et quand bien même je pourrais m’y soustraire, je devrais le rechercher.

Mais alors, quid des Iles Caïman, des Bahamas, du Luxembourg ou de la Suisse ? Les capitaux qui vont s’exiler là-bas appartiennent-ils à des apatrides ? Non bien sûr. Les gens qui profitent de ces opportunités aiment-ils leur argent plus que leur patrie ? Peut-être, encore que de tels calculs soient hors de portée de la plupart des esprit, piégés dans l’immédiat du quotidien. Oui, chacun est seul dans ce monde, il ne gagne de quoi vivre qu’en compétition avec d’autres qui cherchent à en faire autant. 

Et pourtant on veut des écoles, de la police, des hôpitaux etc. Tout se passe comme si les biens communs, équipements, services, étaient non seulement gratuits pour leurs usagers, mais encore ne coûtaient rien à personne. Tout ce qui est commun est invisible, comme en témoigne les remboursements de santé, dont on ne sait jamais à combien ils s’élèvent. Il faut que, comme aujourd’hui, les tests PCR soient déremboursés pour qu’on sache qu’ils coutent presque 44 euros.

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(1) « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » 

mercredi 13 octobre 2021

Russie riche, Russes pauvres – Chronique du 14 octobre

Bonjour-bonjour

 

On ne cesse de le dire : depuis quelques décennies les inégalités sociales et économiques ne cessent de s’accroitre dans le monde ; toujours plus de famine dans certains pays où le PIB ne cesse pourtant d'augmenter. La conclusion est inéluctable : pendant que ces pays s’enrichissent, les habitants pauvres ne cessent d’être toujours plus nombreux.

Le cas récemment cité est celui de la Russie. Le pays n’a jamais été aussi riche ; ses habitants s’appauvrissent année après année. Ainsi :

- La dette publique ne dépasse pas 18 % du produit intérieur brut (PIB) ; 

- Au dernier pointage en septembre, les réserves financières atteignaient 618 milliards de dollars (535,2 milliards d’euros), soit deux années et demie de budget ;

- Mais 62 % des Russes ont des revenus qui suffisent seulement à payer nourriture et habits. (Lu ici)

 

Comment remédier à cette situation ? Les économistes américains disent : « Si vous voulez avoir une plus grosse part du gâteau ou bien vous changez la personne qui le découpe ou bien vous faites que le gâteau soit plus gros ». Si vous êtes pour la première solution vous êtes de gauche ; si vous préférez la seconde 

vous êtes un libéral de droite.

 


 

 Pour les premiers, faire payer les riches est la seule solution possible : ils ricanent quand vous leur parlez de ruissellement et si vous insistez, ils vous renvoient aux rapports récents sur les paradis fiscaux. 

Les seconds citent Guizot (ministre de Louis-Philippe) : « Enrichissez-vous par le travail et par l’épargne ... ». Peu importe que cette citation soit contestée, reste une certitude : Guizot pensait que seul le travail et l’épargne peuvent enrichir les hommes. Les pauvres seraient donc des feignants ou de piètres rentiers ? C’est cette affirmation qui est réfutée aujourd’hui par des économistes au rang des quels on compte Thomas Piketty. Alors que la concentration des capitaux n’a jamais été aussi grande, la redistribution est, selon lui, essentielle pour faire prospérer les richesses. Il faut que les fortunes soient ponctionnées par l’impôt ou les taxes sur les successions pour être redistribuées à tous. Ce sont les pauvres qui sauront produire le plus de richesses nouvelles, aidant ainsi à la prospérité de tous.