Bonjour-bonjour
C’est parait-il la saison du brame des cerfs, qui du fond des bois font entendre leur « rugissement » appelant les femelles à s’accoupler avec eux.
C’est parait-il bouleversant – en tout cas ceux qui ont fait le déplacement pour écouter nuitamment ce cri le disent unanimement.
Alors, moi je m’étonne : faire cet effort, de nuit, dans les bois humides et froids, pour écouter un animal pousser un cri qui, si on veut bien être objectif, ressemble au meuh ! de la vache, c’est quand même bizarre. L’explication tient selon moi à la circonstance qui fait que le cerf pousse ce rugissement : le rut. Il serait lié au besoin d’évacuer l’excès d’énergie résultant des hormones mâles secrétées durant cette période et pas encore utilisée dans l’acte sexuel. Le brame c’est du sexe devenu cri.
« Du sexe devenu cri » – en écrivant cela je sursaute : ne serait-ce pas une réminiscence des thèses freudiennes qui veulent que la libido soit déplacée vers des activités non-sexualisées et qu’elle y déverse son énergie ? L’art est-il autre chose que « du sexe devenu création » ? Le sport n’est-il pas lui aussi lié à ce réinvestissement de forces psychiques ? N’est-il pas recherché pour cela ? Il y aurait alors une sorte d’alchimie, dont le cerf n’est peut-être pas capable mais que nous lui imaginons, qui ferait du besoin sexuel une force qui doit nécessairement s’écouler comme le torrent jamais tout à fait domestiqué par le barrage. Chez l'homme, cette alchimie fait que ce réinvestissement de l'énergie libidinale est « désexualisé » : Picasso ne poussait pas un brame quand il ressentait le besoin de produire une œuvre, parce que sa pulsion sexuelle était complètement sublimée par son geste créateur. Mais, tout comme le cerf, il lui fallait évacuer cette tension, et seule la création artistique le permettait.
J’évoquais récemment Schopenhauer pour qui le désir sexuel n’est qu’une ruse de l’espèce pour nous pousser à procréer ; selon lui, devant l’ennui et la souffrance de la vie, ce n’est pas vers le coït qu’il convient de se tourner mais vers l’art qui développe certes une illusion, mais qui nous apporte le bonheur. On voit que son erreur serait d’avoir séparé ces deux domaines.
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