Bonjour-bonjour
Sidération générale devant le rapport Sauvé : personne ne pouvait imaginer que ce crime des clercs était d’une telle étendue et qu’il supposait le silence complice d’un grand nombre de personnes au courant de l’affaire. Sans parler de la hiérarchie qui, par son inaction encourageait à l’avance de nouveaux crimes.
Ce rapport implique en effet une anamnèse (1). On découvre qu’antérieurement, dans leurs propres rapports, les enquêteurs diocésains évoquaient ces actes de pédocriminalité comme des « gestes déplacé » : ils n’étaient pas comme aujourd’hui des « actes criminels ». On découvre ainsi (et la sidération dont nous parlions plus haut en découle) qu’il y a deux évaluations de ces actes et sans doute deux vécus différents, scandés par un tournant historique accompli ces dernières années : avant les années 2000, il y avait une tolérance de ces abus sexuels, comme si les prêtres avaient un droit à « tripoter les petits garçons », que ça ne faisait pas réellement de mal à quiconque. Bien sûr de tels agissements avaient également lieu ailleurs que dans les paroisses, et on réagissait de la même façon : « Y a pas mort d’homme ! ».
L’idée qui en découle c’est que la conscience des valeurs et l’évaluation des actes qui en relèvent diffèrent. Les mêmes qui affirmaient déjà que la personne humaine est inviolable, que les prêtres n’éprouvent que commisération pour leurs ouailles, et surtout qu’ils protègent les plus faibles, créatures aimées de Dieu – et en même temps pratiquer des obscénités sur les corps de jeunes enfants. L’horreur de cette situation est redoublée aujourd’hui lorsqu’on découvre que c’est en toute indifférence et – oserons-nous le dire ? – en toute innocence que ça s’est produit, parce qu’on a dit à ces prêtres que leurs pulsions pouvaient s’évacuer ainsi – que ce n’était pas un péché ??? Si quand même : mais péché véniel.
Poursuivons : si la faute est proportionnelle non à la grandeur de la valeur bafouée mais à la conscience du mal commis, irons-nous alors jusqu’à dire que ces prêtres sont devenus coupables alors qu’ils ne l’étaient pas ? Sophisme ou vérité objective ?
Mais ce n’est pas fini : si on va jusque-là, alors il faut aussi s’interroger symétriquement à propos des victimes : étaient-elles victimes à l’origine, ou bien le sont-elles devenues avec le tournant historique dont nous avons parlé ? Victimes rétrospectives ?
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(1) Anamnèse : MÉD. (psychol., psychanal.). Reconstitution de l'histoire pathologique d'un malade, au moyen de ses souvenirs et de ceux de son entourage, en vue d'orienter le diagnostic.
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