mercredi 31 mars 2021

Poisson d’avril et fake news – Chronique du 1er avril.

Bonjour-bonjour

 

Il fut un temps où le 1er avril chacun faisait des blagues en diffusant des fausses nouvelles, bien grosses et bien désopilantes, qui ridiculisaient ceux qui y croyaient. Au point qu’on pouvait dire : « Le 1er avril, c’est le seul jour où les gens vérifient une info avant de la croire » car bien sûr le reste du temps toutes les informations avaient été vérifiées par les diffuseurs.

Autrement dit, comme il est permis de se déguiser en femme quand on est un homme ou en homme quand on est une femme uniquement en période de carnaval, on ne pouvait sciemment tromper les autres que le 1er avril.

 

Oui, « il fut un temps… » Mais ce temps n’est plus puisque les fakenews nous ont envahi désormais tous les jours et qu’elles n’existent qu’à condition que leur diffusion ne soit pas un délit – et que des réseaux soient équipés à grand frais rien que pour ça. Et en plus, tout le monde le sait mais personne ne s’en étonne : qu’on soit couillonné (permettez l’expression) tous les jours et avec notre assentiment, voilà qui étonne quand même pour peu qu’on y réfléchisse.

Comment une telle mutation s’est-elle opérée ? Comment le ridicule d’avoir pris pour vrai et défendu opiniâtrement un bobard ne couvre plus de honte ceux qui en ont été victimes ? Comment le fait d’avoir été piégé par des fakenews ne conduit pas à plus de prudence ? Comment ceux qui ont diffusé ces mensonges en tirent-ils une certaine popularité ? 

 

Voilà bien des mystères… Mais le privilège du philosophe c’est de pouvoir poser des questions sans qu’on n’exige de lui qu’il y réponde.

mardi 30 mars 2021

Les étudiants rémois enrichissent le monde entier – Chronique du 31 mars

Bonjour-bonjour

« L’université de Reims Champagne-Ardenne enrichit le monde entier » : en lisant cette phrase, le lecteur champardenais ressent de la fierté, teintée toutefois de scepticisme. Car en effet, comment la modeste université de Reims pourrait-elle prétendre à un tel effet qui, on le suppose, la mettrait sur le même rang que les plus grandes université mondiales – comme le MIT, Harvard ou Stanford ?

Toutes fois, poursuivant notre lecture, nous découvrons ceci : « L’achat d’un ordinateur par un étudiant entraîne de la création de valeur pour le commerçant qui lui a vendu, le transporteur qui a livré ce dernier, le fabricant qui a assemblé l’appareil ou les fournisseurs qui ont fabriqué les composants. » (Lire ici) Alors là, nous comprenons mieux : il s’agit de tracer la consommation de nos étudiants comme on le fait le « tracking » de l’épidémie. A ce compte, chaque fois que je mets un masque anti-virus sur mon nez, j’enrichis une usine chinoise et donc je contribue aussi à enrichir le monde. Et quand j’utilise du papier hygiénique – est-ce que je n’enrichis pas des fabricants suédois (ou autres) à chaque fois que je tire la chasse d’eau ? 

 

- On peut facilement ironiser à propos de l’enthousiasme un peu ridicule de certains journalistes : il n’en reste pas moins qu’ils nous invitent à cette occasion à prendre conscience de la réalité de la mondialisation des échanges économiques. Sans aller jusqu’à compter combien chacun d’entre nous consomme de produits manufacturés à l’étranger, il suffit de nous rappeler quelle pénurie de biens de consommation courante a menacé lors du récent échouage d’un cargo géant dans le canal de Suez entrainant le blocage du trafic maritime qui l’emprunte. Sont ainsi restés en panne de livraison, des meubles Ikea, des lames de parquet, mais aussi du thé, 130.000 moutons et du pétrole iranien à destination de la Syrie etc. : on croit lire à un inventaire à la Prévert, sauf que pour le poète l’absence de logique était voulue, alors qu’ici elle est rationnelle, le caractère hétéroclite de cette énumération venant seulement de ce qu’elle reste fragmentaire du fait de la coupure accidentelle du trafic. Si on pouvait suivre sur un an les cargaisons qui transitent par ce lieu on aurait un catalogue raisonné de la consommation mondiale. 

Alors, cette circulation de biens de part et d’autre de la planète suit-elle simplement le déséquilibre économique, l’abondance ici produisant des mouvements de marchandises vers des lieux où elle manque ? Oui, mais pas seulement. Quand notre étudiant rémois achète son ordinateur à la FNAC de Reims, la seule chose dont on soit certain c'est qu’il le paye plus cher qu’à la sortie des usines de Chengdu. La valeur des marchandises suit donc au cours de leur circulation une courbe ascendante, depuis leur départ de l'usine jusqu’à ce que la consommation la détruise et en renouvelle le cycle.

L’intérêt de ce circuit est qu’il fonctionne sans avoir besoin d’être pensé et voulu – peut-être même est-il d’autant plus efficace qu’il reste inconscient.

lundi 29 mars 2021

On ira à la morgue en dansant ! – Chronique du 30 mars

Bonjour-bonjour

Allons-nous vers un débordement des services de réanimation tel qu’il va falloir choisir parmi les malades entre ceux qui seront pris en charge et ceux qu’on laissera mourir faute de place ?

- On ne parle que de ça depuis plusieurs jours et la rumeur enfle : les atermoiements du gouvernement qui a les yeux fixés sur le chiffre des vaccinés, oubliant du coup de vérifier celui des malades admis en réanimation, finit par angoisser.

Le refus du Président de reconfiner, et qui ne veut même plus entendre prononcer ce mot, obligeant les médecins à faire un « tri » (encore un horrible mot !), est pointé comme une irresponsabilité insoutenable : comment peut-on ainsi sacrifier des vies qu’on aurait pu sauver, non certes en admettant en réanimation des gens très vieux, mais en intervenant bien avant en cassant la courbe des contaminations par un confinement strict ?

Mais en réalité c’est depuis le début de cette épidémie qu’on voit les autorités politiques décider ainsi de notre vie ou de notre mort. La vérité, c’est que ce n’est pas seulement l’épidémie qui nous fait courir ce risque : l’arbitrage des responsables politiques qui s’effectue par un savant dosage entre des impératifs économiques, sociétaux, mais aussi politique, laisse délibérément de côté les morts qui vont découler de ces options.

 

- Trop scandaleux pour être vrai ? Soyons alors plus clair : il suffit d’écouter ce que les ministres et les médecins ont à nous dire ; ils sont en désaccord entre eux, mais ils ont au moins une priorité commune : assurer la fluidité des services de réanimation. Supposez qu’on ait, comme en Allemagne, des lits de réa en nombre bien supérieur à celui que nous possédons ; alors on laissera les gens et leurs virus circuler gaillardement, puisqu’on pourra hospitaliser tout ce beau monde après. Autrement dit, que vous ou votre aïeul risque la mort par contamination n’est pas essentiel pour décider des mesures à prendre ; ce qui compte, c'est la  capacité à absorber le flux des malades – et des morts si les morgues ou les cimetières risquent de déborder.

Mais le gouvernement a bien raison de laisser filer les chiffres de la maladie : si peu qu’il fasse pour la combattre, c’est encore trop ! Que réclament les contestataires, le poing levé, comme le groupe HK Saltimbank ?

 


La revendication c’est : Nous on veut continuer à danser encore, Voir nos pensées enlacer nos corps… (Lu ici)

écouter ici.

dimanche 28 mars 2021

Les blancs ? Tous coupables ! – Chronique du 29 mars

Bonjour-bonjour

 

Suite aux réunions racialisées auxquelles assistent les gens de couleurs réunis en tant que présumés descendants d’esclaves et dont étaient exclus les blancs, la polémique connait un nouveau rebondissement avec la réaction d’Audrey Pulvar, adjointe de la maire de Paris qui a déclaré : « S’il se trouve que vient à cet atelier une femme blanche, un homme blanc, il n’est pas question de la ou le jeter dehors. En revanche, on peut lui demander de se taire, d’être spectateur ou spectatrice silencieux ». (Lu ici)

On la remercie de sa modération, et on en profite pour se demander : mais enfin, qu’est-ce qui est en jeu dans cette posture ? Et pourquoi est-elle si courante, au point qu’on se rappelle à cette occasion les meetings MLF des années 70 interdites aux hommes ?

C’est bien simple : les descendants d’esclaves sont supposés porter tout le malheur dont leurs aïeux ont été victimes dans les champs de coton ou de canne à sucre, tandis que la culpabilité de la barbarie de leurs maitres est collectivement portée par les blancs, supposés être leurs descendants.

Droit au but : comment appelle-t-on la faute dont la culpabilité se transmet héréditairement depuis les auteurs d’un crime jusqu’à leurs descendants – une faute qui se commet non en la réalisant mais par héritage ? Ça s’appelle le péché originel. Rien que ça.

A noter que du fait du recul de la foi religieuse, ce n’est plus Dieu qui est l’offensé, ce sont des hommes et des femmes courbés héréditairement sous la même férule que leurs ancêtres. Mais filons quand même la métaphore : les fidèles vont prier dans les églises pour demander à Dieu le pardon de leurs péchés – conséquence de la faute d’Adam. Alors, tandis que les « noirs » seront en meetings anti-colonialistes, que feront les blancs ?

- Rien, parce qu'une faute héréditaire est par définition impardonnable. Et quand bien même on pardonnerait, ça ne servirait à rien : une telle faute, ça repousse toujours !

samedi 27 mars 2021

On nous prend pour des billes ! – Chronique du 28 mars

- Bonjours, monsieur Jules ! Ça va ce matin ? Oh là là ! On dirait que vous êtes furieux ? Qu’est-ce qui vous arrive ?

- Il m’arrive qu’on nous prend pour des billes – voilà ce qui m’arrive.

- Comment ça ?

- Vous vous rappelez le Grand confinement ? Qu’est-ce qu’on nous disait à l’époque ?

- Euh… On nous disait « Pour éviter la maladie, restez chez vous »

- Exactement. Et aujourd’hui, qu’est-ce qu’on nous dit ?

- On nous dit : « Dedans avec les miens, dehors en citoyen ».

- Et donc ?

- Et donc ça veut dire qu’il ne faut pas rester enfermé tout le temps, mais qu’on risque moins la maladie si on sort en respectant les gestes barrières. Je ne vois pas ce qu’il y a de scandaleux à dire ça.

- Alors on vous dit d’abord : « la maladie vous la risquez quand vous sortez de chez vous » et ensuite, « la maladie c’est chez vous que vous la risquez le plus », et ça ne vous trouble pas ? vous ne trouvez pas qu’on nous dit tout et son contraire comme si on n’était pas capables de nous en apercevoir.

- En effet, mais il y a un an on n’avait pas encore fait de statistiques 

- Ben voyons ! Il y a trois semaines on a expliqué tranquillement ceci : « Les rendez-vous en extérieur sont nettement moins risqués qu'en intérieur, puisque seules 10% des contaminations y ont lieu. », comme si c’était quelque chose de parfaitement évident. 

- Oui, c’est vrai, on aurait pu s’excuser.

- Évidemment qu’on aurait pu s’excuser, mais ce n’est pas le genre de la maison ! Avec le masque défini comme inutile avant qu’on avoue qu’il faut le porter en tout temps en tout lieu – vous croyez qu’« on » se serait excusé ? Angela Merkel l’a fait elle, et pour beaucoup moins que cela.

- Je sais, je sais… Mais tout cela est fini, c’est certain.

- Ah oui, c’est certain ? Alors écoutez ça : on nous a promis de ne pas fermer les écoles, juré-craché. Seulement on ne nous a pas promis de ne pas fermer les classes : et on va avoir des écoles ouvertes avec toutes leurs classes fermées !

Oui, monsieur, on ne nous prend pas seulement pour des billes – on nous prend aussi et surtout pour des c***

vendredi 26 mars 2021

Le livre est-il essentiel ? – Chronique du 27 mars

Bonjour-bonjour

 

A l’heure où l’adjectif « essentiel » est employé dès qu’on évoque les commerces qui peuvent rester ouverts en période de confinement, la question qui vient à tous les esprits est la suivante : « Qu’est-ce qui est essentiel, et qu’est-ce qui ne l’est pas ? » C’est en profitant de ce flou que les libraires ont pu obtenir l’autorisation d’ouverture durant cette période, car on a convenu que le livre était essentiel – du coup les cinémas et tous les lieux de culture ont clamé qu’ils l’étaient eux aussi.

 

Alors on est allé voir les philosophes pour les sonder à ce sujet. Chez eux en effet l’essence et l’accident ne sont pas des termes qui appartiennent au monde de l’automobile mais des vocables techniques utilisés depuis Aristote. Dans les cours de philo, on  utilise généralement cette formule pour expliquer la différence entre l’essence et l’accident : « Selon Aristote, l'homme est par essence un animal raisonnable, mais il est accidentellement un bipède sans plume. » (Lire ici) (1) 

Pour l'être humain, lire un livre serait aussi accidentel que d'être un "bipède déplumé"

- Qu’est-ce que c’est que ce galimatias ? Écoutons plutôt Spinoza : "Appartient à l'essence d'une chose ce qui, étant donné, fait que cette chose est nécessairement posée, et qui, supprimé, fait que cette chose est nécessairement supprimée. " Autrement dit, tout ce qui, dans votre être ne peut vous être retiré sans vous dénaturer totalement fait partie de votre essence, c’est donc pour vous essentiel.

- On en déduit facilement la définition de l’accident qui lui est opposé : l'accident est ce qui, dans un être, peut être modifié ou supprimé sans changer la nature de la chose elle-même, c'est-à-dire sans que cette chose cesse d'être ce qu'elle est. (Réf. citée)

Dans cette hypothèse, le livre ne serait pas essentiel à l’être humain puisqu’il a existé longtemps après que l’humanité soit apparue sur terre : donc avant d’inventer les livres, l’espèce humaine existait déjà. La lecture serait alors un loisir, tout à fait accidentel dans la mesure où l’homme qui ne lirait jamais n’en serait pas moins homme.

Et hop ! Fermez-moi toutes ces librairies lieux pernicieux de contamination !

- Il y a encore une objection parce qu’on peut quand même interroger l’opposition qui distingue l’essence non plus de l’accident, mais de l’existence : et si le livre était indispensable aux hommes non pas pour être, mais pour continuer d’être ? Car c’est bien ce qui est apparu durant le Grand Confinement : sans livres nous pâlissons et nous nous desséchons ; que nous importe ce qui constitue notre essence si, privés du non-essentiel, nous mourons ?

Les métaphysiciens d’autrefois n’en avait cure, parce que « Toute essence peut être conçue sans que soit conçue son existence : je puis en effet concevoir ce qu'est l'homme ou le phénix, tout en ignorant si cela existe dans la nature des choses. Il est donc évident que l'existence est autre chose que l'essence. » disait Thomas d'Aquin (Ref. citée). Oui, mais cela c’est l’essence prise du côté de l’analyse métaphysique ; dès qu’on l’envisage du côté des vivants, ce n’est plus la même chose. Il y a donc une essence vivante dont les besoins sont essentiels – et non accidentels.

C.Q.F.D.

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(1) Cela parce qu'on perd son humanité en perdant la raison, mais qu'on la conserve en devenant un cul-de-jatte

jeudi 25 mars 2021

On ne peut vaincre la nature qu'en lui obéissant – Chronique du 26 mars

Bonjour-bonjour

 

« L’imprévu était-il imprévisible ? » – Cette question était un sujet de philo du bac, il y a de cela bien des années, et on se doute qu’elle a dû laisser les candidats perplexes. 

Aujourd’hui un fait divers nous propose une éclairante illustration pour mieux comprendre l’enjeu de ce sujet. Lisez plutôt cette dépêche  de l’AFP: « Le porte-conteneurs Ever Given, déporté par une rafale de vent, s'est échoué dans le Canal de Suez le 24 mars 2021. Ce porte conteneur, plus long que la Tour Eiffel, bloque le canal de Suez après s’être mis en travers du canal qui ne mesure qu’un peu plus de 300 mètres de large. 

 


 Rappelons que cet incident est l’effet d’une rafale de vent sur le navire : les ingénieurs, trop confiants dans leur technologie et leurs calculs, n’ont visiblement pas pris en compte la donnée venteuse lors de la navigation de ce mastodonte des mers. 400 mètres de long ! Près de quatre terrains de football ! Comment croire que les tempêtes puissent avoir un effet sur de telles carcasses ? Mais cette éventualité aurait pu être prévue puisqu’elle s’est produite – ne devait-on pas prévoir ce qui n’était imprévisible que pour l’orgueil démesuré des hommes ?

Et c’est là que notre sujet de dissertation dévoile son enjeu : si nous avions été un peu plus modestes, par exemple en construisant des cargos à voile qui nous auraient obligés à composer avec les vents aux lieu de leur opposer la masse de nos bateaux, alors on pu prévoir cet échouage, et donc on aurait su quoi faire pour l’éviter.

Il ne s’agit donc pas de posséder toujours plus de puissance pour avoir toujours plus de performances, mais de se soumettre aux lois de la nature pour atteindre notre but grâce à elles et non pas contre elle. On peut évacuer l'imprévisible et parvenir à une prévision exacte de l'issue de nos entreprises quand elles sont liées au déterminisme de la nature et non confrontées à lui.


« On ne peut vaincre la nature qu'en lui obéissant » écrivait Francis Bacon en 1620 : cela fait six siècles, mais cela reste toujours vrai.

mercredi 24 mars 2021

Boris Johnson et La Roche Foucauld – Chronique du 25 mars

Bonjour-bonjour

 

Lisez cette déclaration de Boris Johnson : « Le capitalisme et la cupidité ont permis à la Grande-Bretagne de réussir sa campagne de vaccination contre le COVID-19 » (mardi soir à des parlementaires)

 

Boris Johnson ayant dit regretter cette déclaration immédiatement après et demandant aux parlementaires présents de l’oublier, on pense qu’elle doit être quand même bien intéressante. C’est qu’en effet elle suggère qu’au lieu d’attribuer le succès de la vaccination au sens de l’organisation et au dévouement des soignants, des fonctionnaires et des ministres, elle constate, au risque de bafouer la morale et l’amour de l’humanité, que c’est tout bonnement l’espoir de réaliser des profits supplémentaires qui a permis d’obtenir ce succès ; même le sentiment national exacerbé est moins évident que l’appât du gain. Là où on croit au génie de l’homme et à son sens de la vertu il faut voir la cupidité : combien ça va me rapporter ?

- Ça secoue n’est pas ? Avec cette thèse on irait jusqu’à croire aux complots des labo pharmaceutiques inventant le virus pour profiter de la manne des vaccins : si le premier ministre britannique le dit, alors pourquoi en douter ?

 

Le philosophe que je suis ne cherchera pas si, dans les valeurs morales, certaines ne s’imposeraient pas à l’humanité avec une force et une évidence absolue, parce que c’est un acte de foi et non une déduction rationnelle. Par contre il se demandera s’il n’y aurait pas un moyen de réfuter la déclaration du Premier britannique ?

Pour parler comme Popper, peut-on « falsifier » cette affirmation et quelle situation pourrait démontrer qu’elle est fausse ? Par exemple un cas de dévouement qui serait non seulement désintéressé mais qui irait même à l’encontre de la cupidité de leur auteur ? 

Ce n’est pas la première fois qu’on chercherait une telle chose : rappelons-nous du duc de La Roche Foucauld affirmant que tout acte humain est guidé par l’amour propre et montrant que les plus grandes générosités sont en réalité l’effet de l’égoïsme : si la covid permettait de découvrir des actes complètements altruistes, alors cette épidémie ne serait pas uniquement une catastrophe.

mardi 23 mars 2021

Mort la trique en l’air – Chronique du 24 mars

Bonjour-bonjour

 

Désolé de revenir sur les agressions sexuelles dont ont été victimes les collègues journalistes de Pierre Ménès, le colossal commentateur foot de Canal+ : j’ai été hier un peu trop réactif en chroniquant ces nouvelles, car d’autres informations sont venues depuis, comme les réponses de l’intéressé à ces révélations.

- A propos des baisers imposés : « Le baiser à Isabelle Moreau, je ne referai plus ça aujourd’hui. Le monde a changé. On ne peut plus rien faire. Mais ce que je maintiens, c’est qu’un mec et une fille c’est pareil. Ne pas chambrer c’est insupportable ». Je décode : « chambrer » veut dire se moquer, charrier. Pierre Ménès revendique le droit à chambrer aussi bien les filles que les mecs. Et pour lui, chambrer une fille ça veut dire l’embrasser quand elle ne s’y attend pas : ce qui signifie que ce baiser n’a de rien de sexuel.

Refuser ça, serait donc révoltant car alors on ne pourait plus rire ? Je vous renvoie sur ce chapitre à mon blog d'hier.

 

- A propos de la jupe soulevée de Marie Portolano : « Je t’ai peut-être soulevé la jupe, je ne m’en souviens pas, mais est-ce que j’ai été incorrect avec toi au moins une fois ? » Donc soulever la jupe d’une femme ne peut être pris pour une incorrection – c’est clair et net. 

Reste à dire en quoi consisterait une incorrection dans ce cas.

De toute façon Pierre Ménès le dit : il n’a gardé aucun souvenir de ce non-évènement, et il s’en explique : c’était lors de la dernière émission avant que sa grave maladie ne soit diagnostiquée. « J’avais le masque de la mort », assure-t-il, tout en expliquant ne pas avoir attrapé les fesses de sa collègue comme certains le prétendent. Y a pas mort de femme !

Si j’ai voulu revenir sur ces incidents c’est pour souligner le fait qu’imprégné par l’angoisse de sa mort prochaine, Pierre Ménès reste quand même encore titillé par sa libido. Façon de se rassurer, puisque comme le chantent les carabins à propos du bon saint Eloi « Oh non-non Saint Eloi n’est pas mort… Car il b*** encore ! »

Hélas, comme le regrette Georges Brassens, nous refusons à présent aux mourants une ultime érection. Quelle époque de m*** !

lundi 22 mars 2021

Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste ! – Chronique du 23 mars

Bonjour-bonjour

 

Les excuses a minima de Pierre Ménès, suite au doc consacré au harcèlement des femmes journalistes sportives, sont douloureuses à entendre. Déjà parce qu’elles se terminent par l’excuse de l’humour dont manquerait la collègue féminine, manière de réduire le geste inapproprié à une blague (Tout de même : embrasser de force deux femmes journalistes) ; mais encore et surtout parce que ces « pratiques » sont si répandues que les victimes ont rempli tout un doc de Marie Portolano sur le sujet.

Cette excuse de l’humour qui est censé couvrir les propos sexistes fait appel à l’esprit de corps des hommes supposés former un club de gens qui blaguent entre eux et dans lequel les femmes ont certes une place : celle de potiches qui ne sont là que pour justifier par leur silence le mépris dont elles sont victimes (1). Et si l’un de ces messieurs se prend à soulever la jupe de leur collègue (comme c’est arrivé sur un plateau télé de sport), eh bien on dira qu’il ne fait que reproduire le geste des garçons dans la cour de l’école. Il n’y a pas mort d’homme, comme on dit…

Humiliation et aliénation sont les conséquences les plus couramment citées pour stigmatiser ces comportements. Et en face de cela, les excuses maugréées sans conviction et sous la pression de Canal+ par Pierre Ménès laissent deviner combien les hommes qui ont l’habitude de harceler les femmes ont la conviction que celles-ci sont essentiellement des objets destinés à soulager leur libido – et que celles qui regimbent ont mauvais caractère, justement parce qu’elles sont mal b*** ; moyennant quoi ils proposent leurs services.

Aujourd’hui certains hommes harceleurs ont peur et se posent en victimes : « Alors, on peut même plus rigoler ? Encore l’influence des américains, tous des c*** serrés ! » La peur n’est pas une issue, on le voit bien. Le problème ne sera résolu que lorsque les hommes auront honte de faire partie du même groupe que ces gens-là.

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(1) L’humour, l’ironie, le second degré en général servent souvent de couverture aux lâches qui veulent dire certaines choses sans les assumer : " Alors quoi ? On peut même plus blaguer ?"

dimanche 21 mars 2021

Mbappé : combien de millions d’€ par mois ? – Chronique du 22 mars 2021

« C’est une nouvelle étape de ma carrière, un nouveau pas vers l’histoire, ce sont des choses qui restent » a déclaré Kilian Mbappé après avoir marqué son 100ème but en ligue 1 durant le match victorieux du PSG hier à Lille.

 

Bonjour-bonjour

On est heureux de voir des gens fiers de ce qu’ils ont fait. C’est le cas de Killian Mbappé, après ce match contre Lille où il venait de marquer deux buts, franchissant ainsi la barre de 100 buts réalisés en Ligue 1 : « Je viens de faire un nouveau pas vers l’histoire ». On comprend alors que l’histoire vers la quelle il marche est celle du football où il pense laisser une marque durable. Rien à dire, sauf à douter qu’il y ait une « histoire » propre au football. Que faut-il pour faire l’« histoire » ? Que l’histoire existe justement, qu’il y ait une évolution impliquant une société, un peuple, l’humanité. A chaque peuple de dire s’il se sent touché irréversiblement par les résultats de son équipe de foot…

 

Mais qu’importe ? Cette incursion dans le domaine du foot nous permet de revenir sur la question du salaire des joueurs qui remue pas mal l’opinion en ce moment, période de vaches maigres liée à la déconfiture des droits-télévisés. C’est une question tellement prioritaire pour l’opinion qu’on trouve les chiffres en tête des pages-Google.

- Mbappé : 2 millions/mois

- Neymar : 3 millions/mois

            - Messi (à Barcelone) : 6 millions/mois

Etc. Ces chiffres seraient tout à fait anecdotiques si l’on s’arrêtait à l’indignation qu’ils soulèvent. Mais ils ont l’intérêt, pour qui s’efforce de comprendre, de mettre en lumière les critères qui fixent leur montant : car il y en a.

Marx expliquait qu’il y a deux façons de définir le salaire :

- l’une qui prend en compte l’argent que doit gagner le travailleur pour acquérir ce qui va lui permettre de reconstituer les forces dépensées lors de la période de travail. Même si Mbappé passe de longues heures à s’entrainer dur, on doute qu’il ait besoin de 2 millions d’euros chaque mois pour payer les céréales de son petit déjeuner et les McDo de son diner.

- Mais à ce salaire « naturel » on peut substituer un salaire fixé par le marché : le juste prix du travail de Killian Mbappé, c’est celui que le PSG est prêt à débourser pour qu’il joue avec eux et non avec Barcelone, Manchester ou Milan. 

 

Bien entendu, cela débouche sur un troisième critère : le juste prix du joueur, c’est l’argent qu’il permet aux financiers du club de gagner – et qui irait à la concurrence s’ils ne parvenaient pas à le garder dans leur équipe.

Car là est la véritable explication (qui vaut également pour les salaires mirobolants des PDG) : le prix d’un homme, comme pour toute marchandise, dépend du bénéfice qu’on réalisera en le mettant au travail.

« Je te paye aussi cher que tu voudras à condition que ça me rapporte encore plus. »

--> D’où le problème posé par la crise actuelle des droits télévisés : les joueurs doivent comprendre que s’ils rapportent moins, alors il est juste qu’ils gagnent mois. 

samedi 20 mars 2021

Éloge de l’inutile – Chronique du 21 mars

Bonjour-bonjour

 

Depuis que la paléoanthropologie existe, on se demande : Quelle est la trace la plus évidente d’humanité dans les vestiges retrouvés d’un lointain passé ? Non pas celle qui atteste d’une civilisation affirmée, mais bien celle qui marque le moment où l’humanité s’est séparée de l’animalité. 

On a cru d’abord trouver cette preuve d’humanité dans les outils de pierre découverts avec les fossiles ; mais on sait aussi que certains primates savent fabriquer des outils et que ces traces préhistoriques ne sont guère probantes. On a dit aussi que les Néanderthaliens appartenaient à l’humanité parce qu’ils donnaient une sépulture rituelle à leurs morts ; mais c’était déjà beaucoup trop, parce qu’on n’imaginait pas ces anthropiens mal dégrossis priant des idoles pour protéger l’âme de leurs défunts. 

Si l’outillage était insuffisant et la religion excessive, restait l’art comme preuve d’humanité. Or l’art néanderthalien existe, ainsi que l’atteste cet article de Simon Cherner : « C’est ainsi qu’à l'art pariétal néandertalien sont venus s’ajouter la découverte de mobilier ornemental - dents perforées, pendentifs en coquillage, os décorés, art figuratif sculpté attribués à Neanderthal. » (Lu ici) Mais ce n’est pas tout : l’homme de Denisova s’invite dans la partie : « une grotte dénisovienne permet d'attribuer à notre lointain cousin le mobilier ornemental trouvé sur place, comme des anneaux et des perles faites en os de mammouth. » (Idem)

Les plus anciennes traces de ce comportement ne sont donc pas l’art, mais la décoration. Pas des peintures pariétales, mais des guillochures sur des outils, ou des pendentifs décorés.

Aujourd’hui on a cessé de croire que les hommes se distinguent des animaux par la raison ou par la conscience. Le premier moment de l’humanité est arrivé lorsqu’il s’est occupé à fabriquer des artefacts inutiles, du moins inopérants en tant qu’outils. On a déjà vu des chimpanzés fabriquant des mortiers pour écraser les noix ou des harpons pour capturer des fourmis ; on n’en n’a jamais vu décorant leurs pilons pour les personnaliser. La preuve la plus originale de l’humanité est la production d’artefacts décorés (1).

Alors, vous voyez où je veux en venir ? Non ? Rappelez-vous : 

 


  

Les arts mineurs, tels que le music-hall, sont peut-être inessentiels – mais c’est pour cela qu’ils sont précieux. Dans les activités humaines ce sont les moins essentielles qui révèlent notre humanité, et ce sont donc elles qu’il faudrait sauver en cas de débâcle culturelle !

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(1) « En ethnographique et archéologique, un artefact ancestral peut être défini comme tout objet de matière première naturelle (silex, obsidienne, bois, os, cuivre natif, etc.) fabriqué par des personnes … » (Art Wiki)

vendredi 19 mars 2021

Youpi ! C’est le printemps ! – Chronique du 20 mars

Bonjour-bonjour

 

« La santé se mesure à l'amour du matin et du printemps. » Qui a dit ça ? Henry David Thoreau, vous savez, celui qui a vécu plusieurs mois au fond des bois dans une cabane construite de ses mains. L’amour du matin au fond des bois : c’est lui, et on peut croire qu’il s’y connait en matière de réveil de la nature… y compris de la nature humaine.

 

Et ça c’est vrai, principalement aujourd’hui. Car ça y est : c’est le printemps ! (1) Vous allez enfin savoir si vous êtes en bonne santé. Principalement ce matin, puisque s’y conjuguent et le printemps et le matin, l’idée étant que la santé se manifeste par un regain de vitalité – comme le matin quand on saute du lit avec des fourmillements dans les neurones ; ou quand la nature frissonnante dans la fraicheur d’un matin de printemps nous donne des envies de sauter par-dessus l’horizon…

Mais, figurez-vous qu’il y a des garçons qui vont dire :

- Moi, le matin, j’ai des fourmillements mais pas dans les neurones. J’ai aussi des raideurs qui ne sont pas dans des principes moraux, si vous voyez ce que je veux dire…

Ou encore :

- J’ai envie de sauter, oui, mais c’est de sauter Marion qui m’intéresse.


... Peut-être, mais de toute façon, le printemps est le signal du réveil animal.

"Réveil animal" : qu’est-ce que c’est ?

Pour le savoir, lisez ce mignon poème :

Réveil animal – « Les corneilles à cinq heures et quart / La volée d’outardes à cinq heures et demie / Le chat qui miaule à six heures moins vingt / Ma main entre tes jambes à six heures moins dix /… La nature est en émoi » – Jo (Poète québécois)

 

… Qu’allez-vous croire ? Que c’est pour célébrer Jo, le poète québécois que j’ai fabriqué ce petit texte ? Pas du tout ! Mais plutôt pour rendre hommage au gouvernement qui a eu l’idée géniale de nous confiner… dehors. Il est vrai que c’est venu du maire de Saint-Germain-en-Laye qui a suggéré au Président, que plutôt de confiner dans les logements, il vaudrait mieux obliger les français à sortir dans les jardins, les parcs et les forêts : les « saint-germinois » qui ont plus de la moitié de leur ville recouverte de foret et de parcs ont apprécié. En revanche il n’est pas sûr que ceux de Nanterre ou de la Cité des 4000 aient ressenti l’appel de la nature – même en ce jour de printemps.

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(1) A moins que ce ne soit l’automne si vous lisez ce Blog depuis l’hémisphère sud.

jeudi 18 mars 2021

Tous délibèrent, un seul décide – Chronique du 19 mars

Bonjour-bonjour

 

Je pensais à cet adage alors que des débats incessants venaient critiquer les décisions gouvernementales prises face à l’épidémie de covid. La rumeur dit en effet que ce n’est pas le gouvernement mais le Président seul qui, depuis son bureau, décide souverainement des confinements, couvre-feux, fermetures des commerces, musées, cinés, restos, bistrots etc. A force de dire que ces décisions ne peuvent être le fait que des responsables politiques, on en arrive à les imaginer concentrées entre les mains du plus puissant d’entre eux – le Président, chef de l’exécutif et de la majorité parlementaire.

 

Bref : la démocratie est-elle exclue de l’action sanitaire, dont on rappelle au passage qu’elle est encore aujourd’hui largement du domaine régalien des États ? Le bon sens observe que dans le domaine de l’action, l’urgence de la décision et de la réaction immédiates exclue le délai des consultations. Mais dans notre cas, ce n’est pas ce délai qui est en cause – on prend bien le temps de consulter le comité scientifique et de débattre avec les ministres et les conseillers ; mais le fait de décider à la majorité des voix, serait-ce une légitimation des choix ? Un autre précepte vient à l’esprit : Un seul peut avoir raison contre tous, car la vérité n’est pas affaire de suffrage mais de démonstration et de vérification. L’inanité des réseaux sociaux tient justement à ce qu’ils attribuent la plus grande valeur aux messages re-twittés par le plus grand nombre de followers, comme si une majorité d’imbéciles pouvait avoir raison contre une minorité de savants. Du temps de Galilée, une majorité de fidèles proclamait que le soleil tournait autour de la terre, tandis que Galilée soumis et agenouillé devant le Saint Office murmurait E pur si muove

Le principe de laisser le chef en capacité de décider contre les avis de son conseil n’est pas en soi scandaleux. Par contre ce qui le serait, c’est que cette décision soit soumise à une évaluation politique – par exemple que la décision de ne pas confiner soit prise en fonction des points gagnés dans les sondages, comme s’il ne s’agissait que d’un jeu de pouvoir.

C’est ainsi que les adversaires politiques de l’exécutif pour faire croire qu’ils parlent sous l’autorité scientifique s’affublent de la toge des savants comme le Méchant loup sous la peau de l’agneau, 

 


Il serait désastreux que toutes les décisions prises par l’exécutif pour nous protéger de la maladie soient du même registre.

mercredi 17 mars 2021

Corpus delicti – Chronique du 18 mars

Bonjour-bonjour

 

Suite à la « performance » de Corinne Masiero lors de la cérémonie de remise des Césars, c’est devenu une banalité de dénoncer sa mise à nu symbolisant le dénuement des intermittents du spectacle. À noter qu’on n’a pas dénoncé le fait qu’elle ait outragé les mœurs ; mais seulement qu’elle ait dévoilé un corps qui, à 57 ans, outrage l’esthétique. (1)

 

La réponse de l’actrice mérite qu’on s’y arrête : « Ma force, c'est d'être moche, populaire, et vulgaire. Parce que vulgaire, c'est « qui vient du peuple ». Donc, si ça gêne des gens, ben posez-vous la question de pourquoi ça vous gêne messieurs dames ! » (Voir ici) On reconnait l’attitude des gilets-jaunes qui ont martelé durant plus d’un an qu’ils sont le peuple souverain qui depuis 1789 possède seul la légitimité du pouvoir – mais que dans le même temps ce pouvoir a été accaparé par les élites qui, en plus de les dominer socialement, les humilient et les méprisent. Le raisonnement de Corinne Masiero consiste à dire : « Si mon corps vous gêne, c’est parce que vous avez décidé, vous et personne d’autre, qu’on ne doit pas montrer des seins qui tombent et des fesses en ruines ; et cela, ce n’est pas par admiration pour la beauté du corps, mais bien pour mépriser ceux qui ne possèdent pas ces perfections. » 

Cette analyse est toutefois incomplète : Corinne Masiero aurait dû ajouter que pour les élites la vulgarité vient de la laideur, laquelle serait (toujours selon ces mêmes élites) l’apanage du peuple. On voit bien qu’on s’engage dans un débat sur le beau et le laid impliquant le jugement de goût – le quel n’étant pas conceptuel ne peut jamais aboutir. Mais on voit surtout que le beau et le laid ne sont pas seulement des valeurs qui orientent nos choix esthétiques, mais qu'en plus elles permettent d'exclure ceux qui ne les reconnaissent pas.


- Bref : l’autre jour on a vu un corps nu – on a eu tort. On aurait dû le voir revêtu d’un gilet jaune 

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(1) On me permettra de ne pas montrer une nouvelle fois des images constituant ce corpus delicti, l’ayant déjà publié ici il y a 3 jours

mardi 16 mars 2021

M. Faber viré pour avoir désobéi aux lois du capitalisme – Chronique du 17 mars

Sur à l’« affaire » Emmanuel Faber, ex-PDG de Danone, connu pour ses positions sociales en tant que chef d’entreprise, et licencié pour mauvais résultats alors que Danone reste largement bénéficiaire.

 

 

Bonjour-bonjour

 

Autrefois on s’insurgeait contre les patrons qui saignaient à blanc leurs ouvriers pour en tirer un maximum de profit. Aujourd’hui des patrons vertueux peuvent bien prétendre mettre la fonction sociale et environnementale au cœur du projet d’entreprise, rien ne change car ce sont alors les actionnaires qui reprennent le rôle du méchant capitaliste, celui que Marx appelait « l’homme aux écus ».

Mais on pourrait tout aussi bien incriminer la logique d’un système qui exclut toute considération autre que la production et la récolte de profit du capital dans la finalité de l’économie. (Notez au passage que j’ai écrit « profit du capital » et non « profit » tout court : car il est naturel et nécessaire que le travail produise un profit – ce que les marxistes appellent « la plus-value » ; c’est, comme l’écrit Marx dans le Capital, son extorsion aux travailleurs qui constitue le crime du capitalisme.)

Oui, comment s’étonner que les actionnaires de Danone aient viré leur PDG puisque leur investissement dans cette entreprise rapportait moins de dividendes que chez Nestlé ? En effet, si l’on veut bien laisser de côté les considérations stratégiques, rien dans le projet du PDG de Danone ne paraissait prendre en compte l’existence du marché : ni l’objectif de progrès social, ni celui de protection de l’environnement ne paraissent soucieux de la réalisation de profit – or Danone ne peut réaliser ses objectifs sans attirer des investisseurs qui placent leur argent en fonction des performances attendues de l’entreprise. 

--> Pour cela il faut tenir compte d'une loi fondamentale du capitalisme :  pour l’investisseur capitaliste la valeur d’usage des marchandises n’est pas l’objectif qu'il poursuit parce qu’il ne recherche que la valeur d’échange. C'est bien  une loi fondamentale du capitalisme : si une marchandise n’apportait aucun avantage aux consommateurs mais que ceux-ci l’achètent quand même, alors au lieu de la rejeter on en poursuivrait la production. Même chose à propos des inconvénients environnementaux, et on voit aujourd’hui qu’avant de savoir si telle ou telle production est « bonne pour la planète » on se demande si elle va rapporter beaucoup d’argent.

Ne me reprochez pas de dire des banalités : si la réalité est comme ça, comment y échapper ?

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NB. On objectera que la valeur marchande suppose une demande et donc que la valeur d'échange  des marchandises dépend de sa valeur d'usage : chez Nestlé comme chez Danone on profite de l'augmentation de la consommation d'eau en bouteilles pour réaliser des ventes et donc des profits. Mais la requête d'une valeur d'usage n'est qu'une ruse du capitaliste pour réaliser ses profits. S'il pouvait s'en passer, il le ferait bien évidemment.

lundi 15 mars 2021

Entre l’être et le néant : l’image – Chronique du 16 mars

Bonjour-bonjour

 

« Happy slapping à Reims où la vidéo montrant des jeunes en train de se faire tabasser est diffusée sur des réseaux sociaux. » Thierry Delcourt, pédopsychiatre, met en jeu le rôle des images, nouvel et unique environnement des adolescents qui faciliterait le passage à l’acte dans des séquences violentes. « Le passage à l'acte, entre le virtuel et le réel, se fait beaucoup plus facilement. C'est-à-dire qu'à un moment donné, on peut faire comme si la réalité était virtuelle, et on va réaliser de façon impulsive des choses sur lesquelles d'habitude, on prend le temps de réfléchir. » (Lire ici)

Cette perturbation de la perception de la réalité n’explique certes pas tout, mais elle constitue un élément tout à fait intéressant : passer à l’acte n’est pas si grave puisque c’est dans une pseudo réalité, une réalité pas tout à fait réelle, et dont l’existence se manifeste par sa présence dans des séquences filmées. Il existerait ainsi une forme de réalité qui serait intermédiaire entre l'être et le néant, faite d’images susceptibles d’avoir été mises en scène et qui sont visionnables en boucle : le réel ne se répète pas, la séquence vidéo si.


Cette perturbation dénoncée comme altérant dangereusement le comportement des jeunes n’est pas nouvelle, mais elle se trouve inversée par rapport à celle qu’on craignait il y a près de 40 ans. On accusait alors les jeux de rôles, nouveau hobby de la génération des années 80 de les mener à confondre le fictif du jeu avec le réel de la vie. Au cours de ces parties, les joueurs interprètent des personnages imaginaires dans un environnement fictif, d'où la crainte de confusion entre la vie réelle et ces rôles inventés - crainte confortée par le fait que certains se seraient donné la mort lorsque leur personnage a été détruit au cours du jeu (1). 

A l’époque on dénonçait la confusion classique qui fait prendre l’image pour la réalité, le virtuel pour le réel. Mais aujourd’hui c’est la confusion inverse qui se produit : on prend le réel pour du virtuel et cela, c’est tout à fait nouveau. À l'opposé des voyous d'Orange mécanique qui jouissent de leur ultra-violence, ici les gestes, les postures, ont perdu leur consistance : puisqu’on peut les voir en image, alors ce ne sont pas des réalités effectives.

- Pour parler métaphysiquement, on a bien encore affaire à la catégorie de « sous-réalité », intermédiaire problématique entre l'être et le néant. Seulement elle n'est plus l'effet de la perte ontologique de l'image "virtuelle" par rapport à son modèle "réel".  

La vidéo n’est pas un double du réel, c’est le réel qui est un double dans la virtualité. Ou pour mieux dire, si ce qui a été filmé perd en même temps son ancrage dans la réalité, c’est parce qu’entre réel et irréel cette pseudo réalité est venue s’intercaler, qu’on la voit et donc qu’on croit pouvoir agir dans cet environnement.

J’entends bien que les jeunes voyous qui se filment en train de tabasser leur victime et qui mettent cela en ligne ne le font pas dans l’innocence de cette pseudo réalité. Mais ce sont les spectateurs de ces images qui le sont : ce n’est pas la même chose d’être témoin de ces violences et de les visionner.

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(1) Rappelez-vous : il s’agissait de ces jeux qu’on appelait « Donjon et dragon ». Mes enfants y ont passé des nuits entières et à l’époque certains craignaient que cela leur détraque le cerveau. Voir ici

dimanche 14 mars 2021

Corinne Masiero nue : ça fait un bide – Chronique du 15 mars

Bonjour-bonjour

 

La 46ème cérémonie des Césars a fait le buzz avec la performance de l’actrice Corinne Masiero, venue remettre le césar du meilleur costume … à poil. Malheureusement les commentaires sont implacables : c’est un double fiasco. Le prix en question est resté à l’écart de la rumeur : personne n’a remarqué qui en était le récipiendaire. Ensuite – et surtout – l’exhibition de ce corps a fait un second « bide » : comment cela a-t-il été possible ?

 

- Reprenant la recette des Femens, mais la poussant jusqu’au bout, Corine Masiero a ôté ses vêtements pour exhiber des slogans de soutien aux intermittents écrits sur sa poitrine et sur son dos. Seulement la mécanique n’a pas fonctionné : la sidération provoquée par cette exhibition a empêché la lecture des mots écrits, provoquant ainsi l’effet inverse de celui qui était attendu :

 

 

 

« Rends-nous l’art, Jean » et « No culture, no future »


Puisque l’exhibition de seins des Femens attire invinciblement le regard sur la propagande qui s’y trouve écrite, on pouvait croire qu’une opération « cul-nu » serait extrêmement performante en tant que support publicitaire ; il n’a a rien été. Pourquoi ?

- Premièrement, il faut dire que l’actrice a tout fait pour dégouter le spectateur et lui ôter l’envie de regarder son corps : Tampax sanguinolents en pendants d’oreille : – Beurk ! Et corps maculé de sang (en référence au film « Carrie au bal du diable ») : – Re-beurk ! Avouez que ça donne envie de détourner le regard au lieu de se régaler avec avidité des appâts ainsi dévoilés.

- Ensuite il faut compter avec l’effet de sidération provoqué par cette mise à nu inattendue. Il est en effet encore de nos jours admis que montrer ses parties intimes en public est un délit (outrage aux mœurs) et que « ça ne se fait pas ». Supposez que dans le bus une femme montre à tous les voyageurs qu’elle ne porte pas de culotte : serez-vous capable ensuite de dire comment elle était habillée, quelle couleur son t-shirt ? Ce blocage se produit lorsqu'on va au-delà de certaines limites, et c'est un effet exactement opposé à celui qui est obtenu par les Femens. Alors que celles-ci dévoilent de gentils tétons, Corinne Masiero a associé le corps féminin avec le sang. Et ça, ça ne passe pas du tout.

On peut jouer avec le désir, mais il faut ne pas l’effaroucher.

samedi 13 mars 2021

Faites le plein de libido sans plomb – Chronique du 14 mars

Bonjour-bonjour

 

Chers amis, ce matin vous vous réveillez un peu plus dynamique que d’habitude, n’est-ce pas ? Inutile de vous interroger : ce n’est pas seulement qu’on soit dimanche, jour du Seigneur, mais aussi parce que nous sommes à une semaine du printemps !

- À une semaine du printemps ? Et alors, qu’est-ce que ça fait ?

- Ça fait que ta libido commence à se réveiller et à titiller tes terminaisons nerveuses – et tes neurones aussi bien entendu aussi.

- Bouffff… Tout ça c’est pipeau et compagnie. Ton truc c’est juste pour étaler ta culture et rien de plus. Si je me réveille un peu plus énergique que d’habitude c’est à l’idée d’aller faire un jogging avec les potes et qu’après on se tapera le gueuleton meuh-meuh que Ginette nous a préparé. Et ça, ça m’excite pas mal.

- Ne te moque pas de la culture, elle peut nous apporter beaucoup. Ainsi quand je dis que ta libido se réveille, je ne fais qu’observer que le printemps, c’est la saison des amours. Tu es d’accord n’est-ce pas ? 

- Bien entendu, Monsieur l’enfonceur de portes ouvertes !

- Hé bien quand tu aimes, tout te parait plus tentant, plus facile, parce que tu es plus heureux. Ta libido qui se développe déborde de partout et fournit de l’énergie pour plein d’autres choses, comme de faire ton jogging par exemple. C’est elle le carburant de la vie ! D’ailleurs c’est bien cela que le monde animal nous révèle : quand les animaux hibernateurs se réveillent au printemps, vont-ils se restaurer après un hiver de jeûne ? Pas du tout ! Ils vont d’abord se reproduire.

- Mais dis-donc, alors il suffit de filer un aphrodisiaque aux travailleurs qui partent pour la mine et vas-y que je te fais péter les compteurs de performance. Dire que Staline n’avait pas pensé à ça !

- Non ça ne marche pas quand la libido est plombée par la contrainte. Si ta pulsion s’investit dans une activité c’est qu’elle y a trouvé un domaine symbolique qu’elle reconnait comme signifiant son désir.

- Ah, c’est donc ça… Quand je mange le mironton de Ginette, je pense en réalité déjà à la sieste crapuleuse qui va suivre ?

- C’est un peu fruste, mais pourquoi pas ? L’essentiel c’est que tant qu’il y a de la pulsion il y a du besoin d’extériorisation. C’est quand ça ne s’écoule plus et que ça fermente qu’on s’empoisonne en frustrations, angoisses et perversions. 

- Voilà pourquoi le confinement qui bloque tous nos loisirs dès qu’on s’arrête de travailler nous pourrit la vie.

- Oui, notre carburant est alors plombé.

vendredi 12 mars 2021

Votre argent dort-il vraiment ? – Chronique du 13 mars

Bonjour-bonjour

 

Les français, vous et moi, ne dépensent plus grand-chose depuis le début de cette crise sanitaire. Après avoir pleuré sur les commerces devenus déficitaires, et avoir détourné la tête devant les files des pauvres gens à la banque alimentaire, beaucoup se demandent : « Qu’est devenu l’argent qui n’a pas été dépensé ? s’active-t-il dans quelques fonds de pension, ou bien dort-il sur des comptes courants ? »

--> On compte aujourd'hui par centaines les milliards d'euros laissés par les français depuis un an sur leur compte en banque, ce qui parait une hérésie à l'heure où c'est justement par centaines  de milliards que l'Etat s'endette pour relancer notre économie. N'avons-nous pas un devoir d'investir cet argent dans l'économie ?

Écoutons Philippe Brassac, le patron du Crédit Agricole : « Prendre des risques, aujourd'hui, ne rapporte pas assez : les risques associés à ces produits financiers ne sont pas compensés par la faiblesse actuelle des rendements » (Lu ici) Les intérêts gagnés par les prêteurs sont proportionnels aux risques de ne pas récupérer son argent, et aujourd’hui encore les taux d’intérêts exigé pour les dettes souveraines correspondent au même calcul : c’est en effet cela le ressort de la finance.

Les français seraient donc des capitalistes rationnels ? Pourtant, comme on vient de le dire, on accuse les particuliers de ruiner les efforts de relance économique du pays en accumulant de façon stérile leur argent dans un bas de laine.

 


Faut-il crier au scandale ? Écoutons encore monsieur Brassac : « les liquidités déposées par les particuliers dans les banques sont utilisées pour l'octroi de financements. Les ressources laissées sur un compte courant participent donc bien, d'une façon indirecte, à une reprise économique. C'est notamment le cas grâce au PGE, le Prêt Garanti par l'État, qui a pour vocation de soutenir les entreprises en difficulté en raison de l'épidémie de coronavirus. » 

Il en résulte ce que vous devriez quand même savoir, bande d’ignares : 1° les banques font comme si votre argent leur appartenait et 2° elles le prêtent avec intérêt alors qu’à vous, déposants, elles ne donnent rien. Elles se font de la thune avec votre blé, et vous ne dites rien ? Et en plus on vous accuse d’être de mauvais français qui préfèrent leurs économies plutôt que d’aider le pays à se redresser.

Stop ! Les banques pensent pour vous à votre patrie : cet argent que vous leur confiez, elles l’empêchent de s’endormir en l’activant dans leurs réseaux financiers.

Alors, qu’est-ce qu’on dit à son banquier ?