samedi 6 mars 2021

Marie (…) / Sucez-moi toute l'âme éparse entre vos bras… – Chronique du 7 mars

Bonjour-bonjour

 

Ce vers de Ronsard, je le citais il y a 3 jours pour évoquer notre besoin d’embrassades empêchées depuis un an par le virus. Je n’y reviendrai pas, sauf à demander : où donc se situe l’âme que Marie devrait embrasser ? 

- Ronsard a pensé que l’âme est « éparse » dans le corps, donc que transie d’amour, notre âme se répand un peu partout en nous.

- Certains voudront la situer dans le siège de la virilité, mais ce serait inapproprié puisque les femmes seraient écartées de cette situation, à moins de la situer dans l’organe du plaisir féminin. Mais outre que ça décalerait l’âme de la puissance virile vers la sensation de jouissance, ça aurait l’inconvénient de refuser l’identification de l’âme masculine et de l’âme féminine. 

- D’ailleurs, nul besoin de venir vers ces subtilités pour trouver des références. On connait en effet ce passage de la République où Platon distingue trois parties dans l’âme : l’âme intellective, l’âme irascible et l’âme concupiscible. La première siège dans la tête ; la seconde dans le poitrine (le cœur) ; la troisième dans le ventre (= le bas-ventre). L’âme peut être ainsi divisée en plusieurs parties parce que pour les grecs l’âme est conçue comme un souffle immatériel (le pneuma) source de mouvement et de détermination. Tout ce qui bouge ou agit en nous sans avoir à y être poussé par une cause extérieure est ainsi identifiable à une âme.

- On la localisera plus tard exclusivement dans le cœur parce que l’âme est identifiée au courage. Tuer un homme, c’est le frapper là où se situe son âme, c’est-à-dire dans la poitrine (« Soldats, visez droit au cœur ! » crie le maréchal Ney au peloton d’exécution). 

- Mais l’âme continue sa migration et on la retrouve ensuite sur le front, entre les deux yeux, localisation illustrée par la célèbre « botte de Nevers » (un coup d’épée entre les deux yeux, imaginée par Paul Féval dans son roman Le Bossu)

 


Vu ici

 

- L’idée majeure est que la manière dont un homme est tué équivaut à la destruction de son âme. Les films d’autrefois ne s’y trompaient pas : les « bons » mouraient d’une balle au cœur, comme le maréchal Ney ; les méchants périssent anéantis par une balle entre les yeux. On notera aussi que les suicidés peuvent se mettre une balle dans la tête, détruisant ainsi leur âme intellective. Mais que penser de ceux qui se logent une balle dans la bouche ? (1)

------------------------------

(1) Dans le même ordre d’idées mais plus trash, on trouve dans les Valseuses (le film de Bertrand Blier) le suicide du personnage incarné par Jeanne Moreau : « Ils font la rencontre de Jeanne (Moreau), une femme mûre avec laquelle ils vont au restaurant puis passent une nuit d'amour. Elle se suicidera le lendemain matin, d'une balle dans le vagin. À la Française » (Lire ici)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire