mercredi 3 mars 2021

Noli me tangere – Chronique du 4 mars

Bonjour-bonjour

 

Noli me tangere, ne me touche pas ! 

 

 

Véronèse – Le Christ apparaissant à Marie-Madeleine (Musée de Grenoble)

 

Cette phrase par la quelle Jésus ressuscité retient le geste de Marie Madeleine n’évoque-t-elle pas cette période que nous vivons encore et qui dure maintenant depuis un an, durant laquelle nous n’avons ni touché, ni étreint, ni embrassé nos parents ou nos amis ? (1) Et si c’était là le fait le plus important de cette période, celui qui restera dans les mémoires, ou qui marquera le plus la société ? Tout comme l’occupation allemande des années 40 a été marquée par les rationnements et le marché noir, l’année 2020 serait celle de l’absence de contact avec nos semblables, la perte du toucher – peau contre peau, chair contre chair ? On sait en effet que depuis sa naissance le petit enfant a conservé ces contacts physiques avec le corps maternel d’abord, puis avec celui ses proches ensuite – au point que leur interruption cause de graves troubles dans son développement.

On cherche à contourner l’effet de ces barrières sanitaires par l’usage de la vidéo transmission, Zoom ou Skype ; mais on fait comme si la dématérialisation n’avait pas d’effet. Quelle naïveté ! Comme si le baiser donné à l’écran venait véritablement se déposer sur le visage ami…

Ronsard dont on connait l’épicurisme caractérisait ainsi la mort : le moment où le corps perdu nous ne pouvons plus nous embrasser : « Marie, baisez-moi / … Sucez-moi toute l'âme éparse entre vos bras ; (…) / Non, ne la sucez pas ; car après le trépas / Que serais-je sinon une semblance vaine, / Sans corps, dessus la rive, où l'amour ne démène / (Pardonne-moi, Pluton) qu'en feintes ses ébats ? » Ronsard – Second livre des Amours 

 

Oui, durant cette période de covid, ne serions-nous pas autre chose que des morts vivants ? Mais si c’etait vrai, alors arrêtons de réclamer le droit de sortir et de boire au café ou de manger au restaurant avec les amis. Proclamons plutôt que personne n’a le droit de nous empêcher de nous embrasser !

Certes cet éloignement est aussi la marque de certaines civilisations, telle que la japonaise où le souci de l’hygiène tourne à la phobie du contact. Mais justement, c’est au Japon que sont nés ces « Bars à câlins » qui visent à restaurer ces moments d’échange où les corps parlent au corps. On dira que ce sont des lieux de prostitution déguisés, comme certains salons de massages ; mais on aurait tort comme le prouvent ces descriptions

Le covid terminé, vite: ouvrez des bars câlins à la place des restaurants en faillite !

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(1) « Ne me touche pas » dit Jésus à Marie Madeleine à laquelle il apparait lors de sa résurrection (Évangile de Jean 20,17). Bien sûr on peut traduire aussi cette phrase par « Ne me retiens pas », mais elle a été comprise comme un refus du contact formule assez bien évoquée par ce tableau de Véronèse.

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