Bonjour-bonjour
« L’université de Reims Champagne-Ardenne enrichit le monde entier » : en lisant cette phrase, le lecteur champardenais ressent de la fierté, teintée toutefois de scepticisme. Car en effet, comment la modeste université de Reims pourrait-elle prétendre à un tel effet qui, on le suppose, la mettrait sur le même rang que les plus grandes université mondiales – comme le MIT, Harvard ou Stanford ?
Toutes fois, poursuivant notre lecture, nous découvrons ceci : « L’achat d’un ordinateur par un étudiant entraîne de la création de valeur pour le commerçant qui lui a vendu, le transporteur qui a livré ce dernier, le fabricant qui a assemblé l’appareil ou les fournisseurs qui ont fabriqué les composants. » (Lire ici) Alors là, nous comprenons mieux : il s’agit de tracer la consommation de nos étudiants comme on le fait le « tracking » de l’épidémie. A ce compte, chaque fois que je mets un masque anti-virus sur mon nez, j’enrichis une usine chinoise et donc je contribue aussi à enrichir le monde. Et quand j’utilise du papier hygiénique – est-ce que je n’enrichis pas des fabricants suédois (ou autres) à chaque fois que je tire la chasse d’eau ?
- On peut facilement ironiser à propos de l’enthousiasme un peu ridicule de certains journalistes : il n’en reste pas moins qu’ils nous invitent à cette occasion à prendre conscience de la réalité de la mondialisation des échanges économiques. Sans aller jusqu’à compter combien chacun d’entre nous consomme de produits manufacturés à l’étranger, il suffit de nous rappeler quelle pénurie de biens de consommation courante a menacé lors du récent échouage d’un cargo géant dans le canal de Suez entrainant le blocage du trafic maritime qui l’emprunte. Sont ainsi restés en panne de livraison, des meubles Ikea, des lames de parquet, mais aussi du thé, 130.000 moutons et du pétrole iranien à destination de la Syrie etc. : on croit lire à un inventaire à la Prévert, sauf que pour le poète l’absence de logique était voulue, alors qu’ici elle est rationnelle, le caractère hétéroclite de cette énumération venant seulement de ce qu’elle reste fragmentaire du fait de la coupure accidentelle du trafic. Si on pouvait suivre sur un an les cargaisons qui transitent par ce lieu on aurait un catalogue raisonné de la consommation mondiale.
Alors, cette circulation de biens de part et d’autre de la planète suit-elle simplement le déséquilibre économique, l’abondance ici produisant des mouvements de marchandises vers des lieux où elle manque ? Oui, mais pas seulement. Quand notre étudiant rémois achète son ordinateur à la FNAC de Reims, la seule chose dont on soit certain c'est qu’il le paye plus cher qu’à la sortie des usines de Chengdu. La valeur des marchandises suit donc au cours de leur circulation une courbe ascendante, depuis leur départ de l'usine jusqu’à ce que la consommation la détruise et en renouvelle le cycle.
L’intérêt de ce circuit est qu’il fonctionne sans avoir besoin d’être pensé et voulu – peut-être même est-il d’autant plus efficace qu’il reste inconscient.
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