jeudi 11 mars 2021

Les petits boudins – Chronique du 12 mars

Bonjour-bonjour

 

Serge Gainsbourg est revenu dans l’actualité ces jours-ci où l’on célébrait le 30ème anniversaire de sa mort. Occasion de comparer la liberté parfois chère payée dont il a fait un très large usage, avec celle qu'on lui laisserait aujourd'hui : quelles chansons ne pourrait-il plus chanter du fait de l’ambiance moralisatrice actuelle ? En faire la liste nous informerait peut-être sur la mentalité actuelle plus que sur celle du compositeur ?

Parmi les chansons de Gainsbourg qui ont violé des interdits les plus fréquemment cités sont :

-  Je t’aime moi non plus, chanson qualifiée d’obscène qui mime un acte sexuel de façon la plus explicite possible. Voilà un tabou bien de l’époque où la chanson fut diffusée : 1969. Ça ne nous effraierait plus aujourd'hui.

Aux armes etc. : où Gainsbourg chante une version parodique de l’hymne national français sur un rythme de reggae. Est-ce que cela troublerait aujourd’hui encore, alors la Marseillaise a été instrumentalisée tant de fois par les Gilets-Jaunes qui s'en servaient pour revendiquer une légitimité révolutionnaire ?

Lemon incest : en duo avec sa fille Charlotte âgée alors de 13 ans et faisant de façon plus ou moins équivoque allusion à l’inceste entre un père et sa fille (paroles ici). Le scandale serait aujourd’hui encore plus grand qu’en 1984, car en plus d’inceste on l’accuserait de pédophilie.

 

Et puis, il reste encore une chanson qui au lieu de faire scandale quand elle fut diffusée en 1967 est apparue comme un divertissement léger et charmant ; il s’agit des petits boudins (à écouter ici) où l’on se moque des filles un peu boulottes – qu’on qualifiait alors de « boudins ». Le mépris pour ces femmes, dont on dit qu’elles sont justes bonnes à soulager la libido des hommes mais que jamais elles ne pourraient être comparée à leur chérie, est suffocant ; mais à cette époque traiter une femme de « petit boudin » n’était pas si grave que ça. Oh, ce n’était certes pas très élégant et les hommes en parlaient entre eux quand des femmes n’étaient pas là ; mais si cela arrivait ce n’était pas trop grave car aucune d’entre elles ne se considérait visée. Quant aux boudins « véritables », on n’avait pas de pitié pour elles : elles l’avaient bien cherché – exactement comme les « grosses » aujourd’hui.

Bref : quand la chanson est sortie en 1967, il était normal de réduire les femmes à n’être qu’un objet sexuel, ce qui fait scandale aujourd’hui. Sommes-nous bien rassurés ? Peut-être – mais faisons quand même bien attention : cette réduction au rang d’objet a-t-elle disparu de notre psychologie ?

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