Bonjour-bonjour
Un arrêt sur la question du débat me parait nécessaire ce matin, alors que la campagne du Président-candidat est critiquée de partout pour ne pas avoir mis à son programme un débat contradictoire avec ses challengers, certains n’hésitant pas, faute d’une telle confrontation, à remettre en cause la validité de la future élection. Avant la solitude de l’isoloir on veut le rassemblement des candidats débattant du meilleur programme.
Pour soutenir ceux qui pensent que le débat est la source du choix légitime en démocratie, on peut évoquer ce proverbe, venu du moyen-âge et relayé par Montaigne : « Pour néant pense qui ne contrepense » - autrement dit, seule une confrontation entre des thèses opposées peut valider une pensée. Mais on considérerait alors le débat comme un écho de la pratique de la disputatio médiévale, avec argument pro et contra : ce serait le réduire à une rhétorique, et oublier qu’il est aux sources même de la vie démocratique, reconnu comme l’une de ses racines.
Petit retour en arrière : nous sommes au 18ème siècle, et les philosophes de tout bord s’agitent : si l’on refuse l’autorité monarchique, comment penser une nouvelle légitimité politique ?
- Les uns, dont Kant, estiment que la politique est une science dont le but est d’accéder à la vérité ; dans ces conditions, face à l’erreur qui est le fait de la multitude, le savant seul incarne la science authentique ; il est donc le seul à être légitime pour éclairer la marche politique. Oui, un despote est compatible avec un pouvoir démocratique, à condition qu’il soit « éclairé » : Tout pour le peuple, rien par le peuple.
- D’autres, dont Rousseau, estiment que seule la volonté peut constituer la source du pouvoir politique à condition d’être l’expression d’un besoin vital. Point de vérité ni de déduction rationnelle ici : la vérité se démontre, le besoin se vit. La démocratie est l’affaire d’une volonté issue de tous, étant entendu que chaque citoyen l’exprime non comme son choix individuel mais comme celui d’une collectivité : « Rien ne peut être bon pour moi sans l’être aussi pour tous ». Tout le problème est de comptabiliser les avis dont certains peuvent être contradictoires avec les autres. Le débat est-il le meilleur moyen d’y parvenir ?
S’il s’agit, comme beaucoup le pensent aujourd’hui, d’éclairer les tenants et les aboutissants des programmes de chaque candidat en le frottant aux autres, alors on est dans l’optique kantienne : le débat démocratique fait partie des débats scientifiques. Si par contre il s’agit, comme on le suggère ici, de hiérarchiser les besoins à satisfaire, alors le débat n’est pas meilleur que le scrutin.
Reste que le débat est indispensable pour sortir chaque citoyen de son quant-à-soi en lui faisant prendre conscience des besoins et des urgences des autres. Mais alors, qu’avons-nous à faire d’un débat qui confronterait des candidats débattant entre eux ? C’est avec nos voisins qu’il faut discuter – Reconstituons les comités de quartiers mais au lieu de débattre des besoins du quartier, faisons-le pour ceux de la nation.
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