vendredi 10 septembre 2021

Souvenirs, souvenirs... – Chronique du 11 septembre

Bonjour-bonjour

 

« Vous vous rappelez sûrement où vous étiez, ce que vous faisiez le 11 septembre 2001, lorsque vous avez appris l’attentat contre les Tours-jumelles » : voilà une rengaine à laquelle on ne peut échapper depuis hier, et c’est très irritant parce que, répété des dizaines de fois, ça fatigue ; et puis du coup, on se demande quoi faire avec ce souvenir. Est-il un signe de l’importance de l’évènement ? Ne fait-il que signaler un mécanisme de la mémoire qui peut se retrouver un peu partout et tout le temps ?

 

- Déjà, on peut noter que ce genre souvenir possède une précision et un relief que bien peu de souvenirs plus proches n’ont pas (1). Normal dira-t-on : c’est simplement la preuve qu’il s’agissait d’un évènement historique et d’ailleurs si on répète ad nauseam qu’on a conservé ce souvenir, c’est justement pour embrayer illico sur cette dimension historique.

Seulement voilà : nous avons aussi beaucoup d’autres souvenirs, très ordinaires la plupart du temps, venus de notre enfance et qui restent bien des années plus tard dans notre mémoire avec toute cette vivacité. Alors, on s’interroge : pourquoi se rappelle-t-on de ça avec tant d’acuité, alors qu’il s’agit d’évènements minimes que l’on n’a peut-être même pas retenu sur le moment ? 

C’est la psychanalyse qui a rendu compte de ce phénomène avec la notion de « souvenir-écran », qui est un souvenir caractérisé par le fait « qu’il doit sa valeur pour la mémoire non à son contenu propre, mais à la relation entre ce contenu et un autre contenu réprimé » (lire cet éclairant article ici). Même si, sorti de l’enfance on ne devrait pas avoir de nouveaux souvenir-écrans, on peut au moins en tirer la conclusion que se rappeler est encore plus mystérieux qu'oublier. Car si un oubli peut s’expliquer par le caractère traumatisant de l’évènement oublié, l’inscription dans une mémoire particulièrement vivace peut aussi être lié à son retentissement dans l’inconscient.

Occasion encore une fois de dire qu’on devrait s’étonner non seulement d’avoir oublié, mais aussi de ne pas avoir oublié.

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(1) S’agissant de l’attentat du 11 septembre, je peux en effet me rappeler exactement de l’heure et de l’endroit où j’étais lorsque je l’ai appris : j’entrais dans ma voiture et j’allumais la radio de bord. J’ai conservé aussi le souvenir du contenu de l’information : on savait déjà qu’il s’agissait d’un attentat ; je peux également me rappeler avec une très grande précision la pensée qui a traversé mon esprit : « C’est Pearl Harbour ! » Je me souviens qu’en arrivant chez moi, je retrouvai ma femme médusée devant la télé : les tours étaient en train de s’effondrer.

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