vendredi 17 septembre 2021

Vos courses livrées en 15 minutes – Ce temps gagné, qu’allez-vous en faire ? – Chronique du 18 septembre

Bonjour-bonjour


« Vos courses livrées en 15 minutes » : dans les couloirs du métro parisien, cette promesse d'une nouvelle utopie urbaine s'affiche partout. Mieux : dans les grandes villes «ubérisées», les plateformes de streaming font économiser le temps de trajet vers le cinéma et les applications évitent la queue au restaurant. 

Là-dessus des grincheux (1) ouvrent leur exemplaire du Petit Prince et lisent ceci :

« Bonjour, dit le petit prince.

- Bonjour, dit le marchand.

C'était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l'on n'éprouve plus besoin de boire. 

- Pourquoi vends-tu ça ? Dit le petit prince.

- C'est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine. 

- Et qu'est-ce qu'on fait de ces cinquante-trois minutes ?

- On en fait ce que l'on veut... »

« Moi, se dit le petit prince si j'avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine... » (Ch. XXIII)

 

Je sais ! c'est pas sympa de venir vous saper le moral en vous faisant des remontrances pour l’usage de Deliveroo – alors que vous sortez d’une semaine épuisante de travail, les gosses conduire à l’école et puis les courses... Pourquoi se faire eng*** pour ça ? Et si le Petit Prince veut marcher jusqu’à la fontaine au lieu de se faire livrer son eau, grand bien lui fasse. Quand il aura crapahuté en plein cagnard pour constater que dans le désert il n’y en a pas, on en reparlera.

Sauf que... Ce n’est pas d’hier qu’on se demande si le progrès consiste seulement à gagner du temps : déjà dans les années 50, bien avant que nos courses nous soient livrées à domicile grâce à des livreurs zélés, Moulinex libérait la femme avec ses robots ménagers. 

 


 
Certains, suivant un vieux réflexe machisto-patriarcal, ont ricané : « Et les femmes que font-elles de cette liberté ? Elles vont faire de la médiation en pleine conscience, histoire de découvrir... le néant ! »

Pfuitttt ! Foutaise que tout cela ! Je conviens qu’il ne faut pas confondre temps libre et liberté. Ni qu’il suffit de souscrire un abonnement à deliveroo pour être heureux. Mais convenez qu’il ne faut pas s’étonner que ceux qui se sont mobilisés pour la réouverture des terrasses cherchent à dégager du temps pour y aller.

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(1) Voir l’article de Louis Heidsieck ici

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