dimanche 20 septembre 2020

La lutte des classes au temps du télétravail – Chronique du 21 septembre

Bonjour-bonjour

 

Comment se passe donc la lutte des classes au temps du télétravail ? Oui, la lutte des classes, vous savez bien ? Non ? Rappelez-vous.

Marx décrivant la condition ouvrière montrait qu’elle était faite d’exploitation du travail productif de sorte que le salaire des travailleurs ne couvrait qu’à peine les besoins de leurs familles et que toute revendication se soldait par une mise au chômage, voire même la prison en cas de réaction plus active. Selon Marx, cette exploitation était inéluctable : tant que le capital existera, tant qu’il sera la source des emplois, alors cette situation de conflit pour la survie existera aussi.

Toutefois il ne fallait pas oublier aussi l’existence entre patrons et travailleurs des idéologies, « rideau de fumée » faits de croyances et de représentations illusoires destinées à atténuer la situation révolutionnaire en empêchant la prise de conscience de la situation réelle, empêchant les ouvriers de s’unir dans le même combat.

 

- Oui, mais aujourd’hui, comment cela se passe-t-il ? En télétravail, quand on est tout seul derrière son écran, peut-on réaliser l’existence de l’exploitation économique par laquelle l’entreprise moderne pressure les employés et leur fait accepter jusqu’à des diminutions de salaires ? Et les réunions syndicales : par Zoom ? Comment ces discussions enfiévrées, comment cette contagion des passions, si particulière et si essentielle pour qu’une révolte se mue en lutte véritable pourraient naitre ? Imagine-t-on les Gilets-jaunes arborant dans les manifestations un masque jaune ? Un masque cachant l’expression de leur colère et étouffant en même temps leurs cris ?

Ce qui est curieux, c’est que les effets du télétravail ne se sont pas manifestés immédiatement ; comme si le fait de rester à la maison transformait le travail en loisir, la lassitude de la concentration sur l'écran en fatigue ordinaire du samedi après avoir passé l’aspi et fait les courses à Auchan. Et puis, c’est peu à peu qu’un sentiment de déréalisation s’est fait jour ; que « le monde d’avant » s’est disjoint du « monde d’après » que les collègues rencontrés en vidéo-conférence sont devenus de moins en moins réels, de moins en moins vivants, coïncidant de moins en moins avec le souvenir qui survivait encore il y a peu dans les mémoires.


- Plus de conscience de classe avec Skype. Mais aussi du côté des patrons de meilleurs profits : moins de frais généraux, et – la chose est avérée – une meilleure productivité. Et il y a eu même, dans certaines entreprises, des employés qui ont pu en profiter pour jouir d’une liberté impensable jusqu’alors : abandonnant leur domicile de proximité avec l’entreprise ils sont allés s’installer plus loin, parfois très loin de leurs bureaux – parfois même à l’étranger, et même (pourquoi pas ?) aux Bahamas… Certes, même sur la plage sable-blanc-cocotier, ils ont dû rester productif. Mais avouez que faire sauter l’opposition entre le travail et le rêve de paradis tropical, c’est quand même quelque chose !

 


A quoi bon faire la révolution dans ce cas ? 

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