mercredi 30 septembre 2020

« C'était le bordel absolu » – Chronique du 1er octobre

Bonjour-bonjour

 

Que s’est-il donc passé l’autre soir lors du premier débat des présidentielles américaines ? Il n’est pas utile d’énumérer une fois de plus les quolibets, injures, interruptions de l’adversaires. C’est plutôt l’absence définitive de débat qui a choqué les américains : « Je peux le dire : c'était le bordel absolu» a déclaré Dana Bash, correspondante politique pour CNN. (Lu ici)

Ce débat aurait dû avoir pour enjeu la mise en évidence du bilan du mandat précédent, ou la description du programme du suivant. En réalité, chacun avait non pas un interlocuteur, mais une cible ; non pas des arguments mais des insultes ; non pas le souci d’interpeller l’autre, mais la volonté de le faire taire définitivement. Pugilat, disent les journalistes ; logomachie diraient les spécialistes – bordel disent les salles de rédactions.

 

Et il ne pouvait en être autrement, parce qu’on refusait de faire référence à une réalité commune, qui aurait été la réalité, ou du moins une appréciation vérifiable sur laquelle on pourrait discuter. La discussion n’a pu naitre entre les deux hommes, parce qu’aucun des deux n’est parvenu à trouver un ancrage dans une objectivité quelconque, Trump annonçant effrontément des contre-vérités et Biden faisant de même peut-être pour se défendre. Mais de toute façon, pour débattre il faut être deux, et de toute évidence quand il n’y en a qu’un, alors il n’y a pas du tout de débat. Dans un duel, on cherche à détruire l’autre parce qu’aucun accord n’est pensable ; ici, de la même façon il était impossible de rencontrer l’autre sur un terrain commun, faute d’être d’accord sur son existence. 

On dira peut-être que ce qui opposait ces deux hommes, c’était un système de valeurs différent, et que l’un défend l’intérêt des nantis alors que l’autres est à la recherche d’une adhésion populaire capable de faire exister un peuple… En réunissant ces deux entités, on constate que la société américaine est constituée de deux groupes qui ne vivent pas dans le même monde. Deux mondes différents, mais avec un seul système de lois, des héros identiques, un rêve unique ? Ou bien deux mondes différents, mais sans communication, sans territoire commun, entre lesquels il ne peut y avoir que des rapports de force ?

Encore une fois, le débat de l’autre jour avait pour intérêt de révéler ce qu’on hésitait à admettre : il y a deux Amériques, et chacune refuse l’existence de l’autre.

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