vendredi 18 septembre 2020

L’habit fait-il le moine ? – Chronique du 19 septembre

Plusieurs députés ont quitté une commission parlementaire pour protester contre la présence de Maryam Pougetoux, une syndicaliste étudiante voilée, considérée comme adepte d’un islam politique.

Celle-ci proteste : « On lui donne une signification que moi-même je ne lui donne pas. (…) On me prête des intentions qui ne sont pas les miennes ». (Lire ici)

 

 

Bonjour-bonjour

 

Alors, le voile islamique fait-il de toute femme qui le porte une femme soumise à une société patriarcale, soumise à la loi du Coran, propagatrice d’un islam politique qui recommande l’instauration de la charia en France ?

Ce débat-là est ouvert depuis plus de 30 ans et il n’est sans doute pas prêt de se refermer. Mais on pourrait s’interroger plus généralement sur cette attribution de pensées d’attitudes à des individus simplement au vu de leurs habits. Car finalement, l’hidjab n’est qu’un bout de tissus – et le décolleté plongeant repéré l’autre jour à l’entrée du musée d’Orsay ? Évidemment aussi. 

Bref, nous dirons qu’ici tout est affaire d’interprétation – mais que celle-ci peut être liée si intimement à une imprégnation culturelle que nous ne sommes mêmes plus maitres de celle-ci. D’une certaine façon, on peut même dire que se présenter nu fait appel au même mécanisme : les Femens (dont nous parlions dans le même article consacré au Musée d’Orsay) le savent bien qui emploient leurs seins nus, utilisés comme supports de slogans, pour attirer sur ceux-ci les regards.

 

Toutefois l’information du jour nous conduit à une autre observation : madame Pougetoux fait l’innocente en disant que l’interprétation qu’on donne à son voile lorsque l’on s’en scandalise n’est pas valable, parce qu’elle-même n’a pas l’intention de propager cette option politique. Autrement dit : « Je m’habille comme je veux et ne cherchez pas pourquoi, ça ne regarde que moi. » Or, il est pourtant évident que personne n’est maître de cette interprétation, et du coup le débat porte sur la valeur de celle-ci. Car nous sommes dans le domaine de ce que Durkheim nommait la conscience collective, qui se définit par l’« ensemble des croyances et des sentiments communs à la moyenne des membres d'une société … et fonctionnant comme une force séparée et généralement dominante par rapport à la conscience individuelle ». Bien que nos sociétés aient évolué depuis un siècle dans le sens d’un bouleversement des rapports entre l’individu et la collectivité, ceci ne va quand même pas jusqu’à l’affranchissement total de la conscience individuelle par rapport à ce déterminisme social. Dans ce domaine comme dans d'autres on assiste à la lutte entre la liberté individuelle et le jugement collectif, pour établir le quel des deux devrait l’emporter : nous pouvons lutter pour l’un et nous défendre de l’autre, mais nous ne pouvons pas oublier que cela existe. 

On voudrait croire que tout cela est trop connu pour qu’on s’y attarde ; et pourtant Myriam Pougetoux se présentant voilée devant la commission de l’Assemblée nationale fait comme si cela n’existait pas, comme si dans la France de 2020 le foulard islamique était devenu banal et sans signification engageant le statut des femmes.

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