vendredi 4 septembre 2020

Schopenhauer et le suicide « assisté » – Chronique du 5 septembre

Bonjour-bonjour

 

 

« On ne peut être vraiment soi qu'aussi longtemps qu'on est seul ; qui n'aime donc pas la solitude n'aime pas la liberté, car on n'est libre qu'étant seul. » Cet éloge de la solitude sous la plume de Schopenhauer (1) me paraissait bien romantique, comme celle du jeune héros solitaire qui, du sommet de la montagne, contemple le monde à ses pieds : y aurait-il là autre chose qu’une posture ?

 

 

Caspar-David Friedrich - Der wanderer

J’en étais resté à cette attitude dédaigneuse lorsque l’actualité a placé sous ses projecteurs le cas de monsieur Cocq.

o-o-o

Monsieur Cocq, malade incurable qui souhaite mourir plutôt que de subir les souffrances et les infirmités de sa maladie est sur de devant de la scène en ce moment du fait de l’interdit qui le frappe. Souffrant depuis plus de 35 ans de douleurs terribles et entièrement paralysé, monsieur Cocq n’est néanmoins pas menacé par une mort imminente, et ne peut de ce fait être concerné par la sédation profonde permise par la loi alors qu’il en demande l’application. Il ne peut ni mourir de maladie ni se donner la mort faute de pouvoir accéder par ses seules forces aux produits qui l’entraineraient. Quant à obtenir le concours de ses proches cela en ferait des complices d’un acte homicide.

 

 Ayant écrit au Président Macron pour contourner cette interdiction, celui-ci lui a répondu dans une lettre pleine de compassion qu’il ne le pouvait pas car il n’était pas au-dessus des lois qui l’interdisent. La loi Claeys–Leonetti qui permet en effet la « sédation profonde » ne s’applique que pour des situations où le patient est en fin de vie, ce qui n’est pas le cas de monsieur Cocq qui souffre de la même pathologie depuis 35 ans. 

Ce cas est pourtant devenu urgent car monsieur Cocq a décidé de ne plus s’alimenter – et  cela depuis hier soir – afin de passer rapidement dans la catégorie « Fin de vie » où il pourrait bénéficier de la sédation profonde. Cette manière d’entrer dans la catégorie de patients concernés par la loi Leonetti permet de contourner le risque de voir l’entourage inculpé pour non-assistance à personne en danger. 

 

- La définition du suicide sur le plan pénal indique qu’il s’agit d’un acte caractérisé essentiellement comme solitaire. Si le suicide est une liberté reconnue, cette liberté porte avec elle l’obligation de non-assistance, quand bien même celle-ci serait indispensable pour son exercice. Ce qui veut dire que toute liberté doit être conçue comme acte solitaire, tant du côté de sa résolution que de celui de sa réalisation.

Nous voici revenu à Schopenhauer qui aurait eu raison au moins dans ce cas. 

Il est dans l’essence de la liberté d’être l’expression de la volonté qui l’a formulée et assumée, sans qu’aucune influence vienne la compromettre. Ni la passion à l’intérieur du sujet, ni les complicités à l’extérieures, ni même l’amitié profonde ne doivent intervenir sous peine de dénaturer le pur vouloir. 

Et pourtant… Le fait de se donner la mort peut paraitre une liberté essentielle propre à l’homme. Comment le déposséder de cette possibilité au nom de principes précautionneux comme de ne pas se compromettre avec des interdits légaux ?

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(1) Lire son texte ici

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