Bonjour-bonjour
Bérénice, interroge Titus : « Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, / Seigneur, que tant de mers me séparent de vous… » (1) Cette citation est connue encore aujourd’hui comme la parfaite illustration de l’ignorance de l’avenir : l’incertitude où Bérénice est plongée n’est-elle pas aussi celle où nous sommes de l’avenir de la guerre d’Ukraine ?
Ukraine aujourd’hui – Source : le Monde
- Oui, mais non : nous refusons l’ignorance, nous voulons à tout prix que l’avenir se déroule devant nous, comme une route qui file, toute droite vers l’horizon. La guerre que nous voyions hier gagnée par les ukrainiens – au point qu’on se demandait avec angoisse quel prix Poutine nous ferait payer sa défaite – présente aujourd’hui un avenir de chaos, où le peuple ukrainiens n’aurait à gagner que le titre de martyr.
Cela, nous aurions pu l’imaginer, les russes ayant logiquement attendu pour planifier leur attaque contre le réseau électrique que l’hiver s’installe et que le froid, le manque d’eau et l’obscurité détruise la volonté de résistance du peuple. Comment n’avons-nous pas vu que pour assiéger un pays entier, ce qui était impensable hier, il suffisait aujourd’hui de détruire les lignes électriques et les centres de distribution ?
Mais alors, peut-être pouvons-nous imaginer que la capitulation des ukrainiens est assurée, et que l’avenir de nouveau se profile devant nous ? Ce n’est peut-être pas celui que nous espérions, mais enfin, c’est mieux que pas de prévision du tout.
De fait nous n’en savons rien : outre la capitulation ukrainienne, toutes sortes d’issues restent possibles : des armes nouvelles pour protéger l’approvisionnement, des réparations plus rapides que prévues, une résistance héroïque assortie de succès sur le terrain conduisant à une reprise de négociation équilibrée…
Mais rien n’y fait : notre cerveau déteste l’hésitation, l’opinion fluctuante : comme disait Pascal (2), nous préférons être dans l’erreur que dans l’ignorance
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(1) Racine – Bérénice, acte 4, scène 5
(2) « Lorsqu’on ne sait pas la vérité d’une chose, il est bon qu’il y ait une erreur commune qui fixe l’esprit des hommes, comme, par exemple, la lune, à qui on attribue le changement des saisons, le progrès des maladies, etc. ; car la maladie principale de l’homme est la curiosité inquiète des choses qu’il ne peut savoir ; et il ne lui est pas si mauvais d’être dans l’erreur que dans cette curiosité inutile. » Pascal – Pensées fragment 295
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