mercredi 26 octobre 2022

Une peinture est une chose et non un signe – Chronique du 27 octobre

 Bonjour-bonjour

 

« Pierre Soulages est mort dans la nuit du 25 au 26 octobre, à l’âge de 102 ans. Tout au long de sa carrière, il a voulu montrer tout ce que la rencontre du noir et de la lumière peut engendrer, y compris aussi une forme de sublime. » C’est en ces termes que la presse a annoncé hier la mort de Pierre Soulages à 102 ans.


Si je reviens ce matin sur la mort de ce peintre, ce n’est pas pour son extraordinaire longévité, mais plutôt pour le caractère surprenant de son œuvre ; car selon ses déclarations, ses tableaux sont « des choses et non des signes ». Inutile de rechercher derrière eux une vision du monde ou le souvenir d’un paysage. Rien ne va au-delà de leur matérialité, et si la nature produisait des œuvres d’art, elles seraient comparables à ces tableaux.

- Autrement dit on ne peut pas plus les reproduire qu’on ne pourrait le faire pour une boite de petits pois si on devait se contenter d’une image. La raison est que c’est la lumière réfractée par la surface du tableau qui produit l’effet artistique, en fonction des coups de pinceaux, en réalité des spatules, des raclettes ou des couteaux, dont la toile va garder la trace. (Sur le travail de Soulages, voir ici)

 


Trois remarques :

1 – On dira que tous les tableaux sont des objets, de même que toutes les sculptures. Reproduire photographiquement la Joconde, c’est non pas en donner une image exacte, mais seulement un témoin pour notre mémoire, parce que la photo ne conservera pas les traces du travail du peintre (ici le sfumato). Reste que le rapport de l’œuvre à sa matérialité est la plupart du temps oubliée, en particulier par le public peu habitué au contact direct avec les œuvres.

2 – Un tableau peut être soit non-figuratif, soit figuratif. Dans ce cas il est un signe comme le dit Soulages dans son interview :  on peut alors oublier le tableau dès qu’on a compris et ressenti l’intention du peintre. Même exceptionnel, comme avec « Impression au soleil levant » de Claude Monet, un tableau est perçu comme étant d’abord ce qui nous « donne à voir » (par exemple ici un paysage sur un port)


 

Les tableaux de Pierre Soulages ne sont pas de cet ordre : ils sont eux-mêmes un élément de la réalité et ce qu’ils nous donnent à voir ne va pas au-delà d’eux-mêmes.

3 – Alors, bien sûr tous les tableaux des artistes peintres sont de cet ordre : leur matérialité fait partie intégrante de l’œuvre et on ne saurait l’oublier. Simplement ils conservent la plupart du temps une référence dans la réalité qui nous occulte leur réalité matérielle propre. L’usage du noir « mono-couleur » est là pour faciliter cette perception, mais selon Soulages il est aussi la couleur de la spiritualité.

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