lundi 12 février 2024

Le droit du sol un crypto-nationalisme ? – Chronique du 13 février

Bonjour-bonjour

 

En parlant du « droit du sol » on se réfère aujourd’hui à cette technique juridique qui permet de créer des citoyens français à partir d’enfants nés de parents étrangers. On a deux attitudes différentes face à cette pratique : soit on la refuse parce qu’on ne devrait pas toucher à un droit fondamental de la République ; soit on voit en elle une manipulation bien pratique permettant en cas de conflit de produire de nouveaux citoyens-soldats prêt être enrôlés par l’armée.

Entre droit fondamental et trafic cynique, on aimerait choisir.

 

Le sol dont nous parlons aujourd’hui a une signification « botanique » : il désignerait le lieu où se nourrissent et se développent nos racines ; métaphoriquement il constitue ce principe génétique qui transmet par le lieu de naissance l’appartenance à la Patrie ; ainsi les étrangers seraient bannis de notre nationalité puisque nés ailleurs. Mais cet enracinement peut-il rester actif pour les enfants nés sur le sol de la Patrie, quoiqu’issus de parents étrangers ? On aura reconnu la question posée plus haut : nous n’avons guère progressé…

 

- C’est que nous n’avons pas évoqué la source de cette vision de la nature politique des hommes. Il faut pour cela revenir à l’Antiquité et au mythe des autochtones. Issu d’Hésiode et repris par Platon, il évoque l’origine de la Cité d’Athènes issue d’un Héros né du sol c’est-à-dire poussant comme une plante. « Les premiers Athéniens sont nés directement de la terre qui constitue le sol athénien, qui les nourrit et qui continue aujourd'hui de les loger, comme une mère bienveillante et protectrice » dit en substance Platon dans le Ménéxène (Cf. le texte en annexe). Ainsi tous les athéniens sont frères parce qu’issus d’ancêtres né de la même mère, à savoir le sol de la patrie. Ensuite ils ne sont pas issus d’étrangers puisque directement enfantés dans et par la Cité. Enfin – et surtout – ces autochtones n’ont existé qu’à l’origine des temps, mais leur nature se transmets depuis de parents bien nés à enfants citoyens.

 

On comprend pourquoi le « droit du sol » constitue un principe sensible de nos lois fondamentales : loin de renvoyer simplement à un petite manipulation de l’État-civil, il institue une véritable essence politique des hommes devenus ainsi des citoyens.

Robespierre disait « On n’emporte pas la Patrie à la semelle de ses souliers » : c’est que la terre, source de vie, est bien ce à quoi nous devons notre origine, et si le Moyen-âge atteste que l’attachement au sol désignait le servage par lequel le paysan était soumis à un travail contraint sur la terre de son Seigneur, l'autochtonie fut d’abord un principe d’égalité pour tous ceux qui sont nés sur le même sol. Ce droit permet de tracer une frontière étanche entre le citoyen et l’étranger – raison pour laquelle il est devenu incompréhensible dans les sociétés où le métissage est la règle.


- Maintenant, à vous chers amis de dire si cette essence politique vous parait véritable ou s’il ne s’agit que d’une idéologie nationaliste.

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(1) « Le premier avantage de leur naissance est de n'être pas étrangers. Le sort ne les a pas jetés dans un pays dont ils ne sont pas. Non, ils sont autochtones, ils habitent et ils vivent dans leur véritable patrie, ils sont nourris par la terre qu'ils habitent, non pas en marâtre, comme d'autres, mais avec les soins [237c] d'une mère. Et, maintenant qu'ils ne sont plus, ils reposent dans le sein de celle qui les engendra, les reçut dans ses bras à leur naissance et les nourrit. C'est donc à elle, à cette mère, que nous devons nos premiers hommages : ce sera louer la noble origine de ces guerriers. » Platon – Ménéxène 237b-c

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