Face à
l’inertie de l’ONU dans la guerre de Syrie, on se désespère : que de
souffrances, que de pertes irréparables dues à l’égoïsme d’hommes enivrés par
leur pouvoir et qui sont prêts à tout pour l’accroitre comme Vladimir Poutine
ou simplement pour le garder, comme Bachar el Assad. « Que périssent tous les syriens à condition
que nous gardions la Syrie ! »
Alors on
tressaute de joie à l’annonce d’un accord de paix signé chez nous, entre « le camembert de Normandie AOP » et « le camembert fabriqué en Normandie ».
(Voir détail ici)
Oh, certes,
une paix entre fabricant de fromage est peu de chose. Mais n’oubliez pas que
nous sommes en France, en Normandie, et que cela concerne des choses bonnes à
manger – et que nous avons un passé fort belliqueux en matière de
gastronomie : on pouvait redouter le pire.
- Vous ne
voyez pas de quoi je veux parler ?
Rappelez-vous,
Rabelais qui, en son Gargantua,
nous conte la Guerre Picrocholine ; où comment pour quelques fouaces un
horrible massacre fut perpétré. Il est vrai que les dites fouaces étaient
choses divines à manger : « Car c'est un régal céleste, notez-le, que de manger au
déjeuner des raisins avec de la fouace fraîche », écrit-il en son chapitre 25 (voir ici la version en français moderne) ; et que les fouaciers dans leur
arrogance refusèrent d’en vendre aux bergers de Gargantua sous prétexte qu’ils
n’étaient pas dignes de cela (1).
Il y a de quoi se fâcher n’est-ce pas ? Mais revenons à
nos camemberts : à quelle guerre avons-nous échappé ? S’agissait-il
comme avec les fouaciers rabelaisiens de refuser d’exporter le fromage hors des
limites de la Normandie, en raison d’une quelconque indignité des mangeurs de
fromages d’outre-Normandie ?
Point du tout et bien au contraire : nos
fabricants de camembert rêvent d’exporter toujours plus de fromages ; mais
ils veulent en avoir l’exclusivité pour bénéficier seuls de la manne
exportatrice. D’où l’idée d’interdire à quiconque d’en fabriquer en raison d’une
exclusivité qu’ils auraient usurpée. Le savoir faire, la qualité des matières
premières n’est pas en cause dans l’accord de paix : il ne s’agit que de
l’étiquette à coller sur la boite.
« Les producteurs de lait normands et tous
ceux qui produisent les camemberts dans la région ont fini par se mettre
d’accord jeudi 22 février, après dix ans d’invectives autour de leur étiquette.
D’ici à 2021, il n’y aura plus qu’un seul et unique camembert de Normandie AOP
(appellation d’origine protégée), a signalé jeudi l’Institut national des
appellations d’origine (INAO), à l’issue d’une réunion entre tous les acteurs
de la filière. »
OUF !!!
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(1) Il est
vrai que ce fut en termes très vexants qu’ils le firent : « Les fouaciers ne condescendirent nullement à
satisfaire leur demande et, ce qui est pire, les insultèrent gravement en les
traitant de trop babillards, de brèche-dents, de jolis rouquins, de mauvais
plaisants, de chie-en-lit, de croquants, de faux-jetons, de fainéants, de
goinfres, de gueulards, de vantards, de vauriens, de rustres, de casse-pieds,
de pique-assiette, de matamores, de fines braguettes, de mordants, de
tire-flemme, de malotrus, de lourdauds, de nigauds, de marauds, de corniauds,
de farceurs, de claque-dents, de bouviers d'étrons, de bergers de merde, et
autres épithètes diffamatoires de même farine. Ils ajoutèrent qu'ils n'étaient
pas dignes de manger de ces belles fouaces et qu'ils devraient se contenter de
gros pain bis et de tourte. » (Ch. 25)
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