Voilà bien le fait divers anxiogène par
excellence ! La tuyauterie du
système de refroidissement d’une vingtaine de centrales nucléaires françaises est
rouillée – et même en sachant que leur remplacement est imminent, une angoisse
étreint les populations voisines. De façon irrationnelle peut-être, mais bien
réelle quand même, quelque chose de cette dégradation paraît devoir subsister,
comme si l’âge de ces centrales continuait de frapper d’obsolescence les pièces
toutes neuves qu’on y installe.
Cette curieuse croyance fait écho à une énigme
philosophique qu’on appelle « Le bateau de Thésée »
Voici ce qu’en dit Wikipédia : « Le bateau de Thésée est une expérience
de pensée philosophique concernant la notion d'identité. Elle imagine un bateau
dont toutes les parties sont remplacées progressivement. Au bout d'un certain
temps, le bateau ne contient plus aucune de ses parties d'origine. La question
est alors de savoir s'il s'agit du même bateau ou d'un bateau différent. »
(1) Vous l’avez deviné, l’angoisse des habitants du voisinage est une réponse à
la question posée : oui, comme le bateau de Thésée reste identique à
lui-même malgré le replacement de pièces subi, une centrale nucléaire reste
toujours la même y compris lorsqu’elle a été réparée et ses composants
remplacés.
Comment comprendre autrement les craintes des
habitants de l’Alsace (et aussi des allemands de l’autre côté du Rhin) à propos
de la centrale de Fessenheim ? Supposez que tous les composants de
Fessenheim aient été changés : quel serait l’âge de la Centrale en
question ? 40 ans (selon la date de sa construction) ou 6 mois (âge
présumé des nouveaux composants) ?
Cette crainte est-elle seulement irrationnelle ou
bien constitue-t-elle une réponse à l’énigme de l’identité dont le bateau de
Thésée se faisait l’exemple ?
Moi, en tout cas, si on me remplaçait le col du fémur
et que je me remette à courir come un lapin, je serais prêt à déclarer
que j’ai non pas perdu mais retrouvé mon identité !
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(1) « Le navire à trente rames sur lequel Thésée
s’était embarqué avec les jeunes enfants, et qui le ramena heureusement à
Athènes, fut conservé par les Athéniens jusqu’au temps de Démétrius de Phalère.
Ils en ôtaient les pièces de bois, à mesure qu’elles vieillissaient, et ils les
remplaçaient par des pièces neuves, solidement enchâssées. Aussi les
philosophes, dans leurs disputes sur la nature des choses qui s’augmentent,
citent-ils ce navire comme un exemple de doute, et soutiennent-ils, les uns
qu’il reste le même, les autres qu’il ne reste pas le même. » - Plutarque, Vies
des hommes illustres
"Tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change".
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