Bonjour-bonjour
Émile Zola a écrit « La faute de l’Abbé Mouret » (Livre de Poche), l’un de ses plus beaux romans, pour célébrer l’ouverture d’un jeune abbé à la sensualité de l’amour et à la luxuriance de la nature. Ce roman, bien peu lu aujourd’hui, devrait-il être comparé aux débordements sexuels de l’Abbé Pierre ? J’avoue en avoir eu la tentation, mais si l’œuvre de Zola nous dépeint l’émerveillement d’un homme face à la sensualité, le cas de l’Abbé Pierre nous oriente plutôt vers une grave perversion, qui le mène à la violence infligée aux plus faibles, voire même à celles qu’il était en train de secourir.
Là-dessus l’impossibilité de comprendre confine à une sidération qui paralyse les commentaires qui font suite à la révélation des agressions sexuelles dont s’est rendu coupable l’Abbé Pierre.
--> Etant si bon, comment peut-il avoir été si mauvais ?
--> Ou alors : étant si mauvais, comment peut-il avoir été si bon ?
Les seules observations qui viennent à l’esprit font écho au débat qui a suivi les récompenses attribuées à Roman Polanski : comment les films qu’il a tournés ne seraient-ils pas contaminés par le viol d’une jeune fille qu’il avait droguée ?
- Ces deux affaires ont en effet en commun de soulever la question de la cohérence entre les œuvres et la vie criminelle du créateur qui les a portées. Dans le cas de l’Abbé Pierre il faut « penser ensemble » l’Abbé qui a sauvé de la rue des pauvres qui sans lui y seraient restés, et les violences qu’il leur a parfois infligées.
Le débat resté ouvert à propos de Polanski peut-il être tranché s’agissant de l’Abbé ?
Il se peut qu’on refuse de voir le moindre rapport entre le talent nécessaire au cinéaste et la perversité dont il a fait preuve envers sa jeune victime ; par contre, l’œuvre charitable peut-elle être remise en cause par l’indifférence aux souffrances infligées aux victimes de l’Abbé qui pourtant soulève des montagnes pour les soulager ? Peut-on mettre en balance la commisération pour les SDF et la cruauté des agressions contre certaines femmes ?
Le principe de la solution à ce dilemme consiste à établir si l’indignité du pervers contamine la charité admirable dont le Curé des pauvres (comme on l’a surnommé) a fait preuve.
- Emmaüs serait-il donc moins admirable pour être l’œuvre d’un « grand malade » ?
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N.B. Je reprends le titre de l'édito de Raphaël Enthoven qui est visiblement une allusion au roman de Zola.
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