Il semble que de nos jours les migrants soient considérés comme des envahisseurs, des barbares qui, méprisant les règles de la civilisation viennent voler aux habitants légitimes d’un pays leurs mœurs, leur ressources, leur vie.
On ne les considère jamais comme des victimes, des exilés, auxquels devrait s’appliquer le statut de demandeur d’asile. C’est que le statut d’exilé porte en lui la chance d’avoir été hébergé par une terre accueillante, mais encore d’y trouver une liberté véritable.
Ainsi, Hannah Arendt qui a vécu exilée une grande partie de sa vie, a considéré ce statut comme une chance : « Aimer la vie est facile quand vous êtes à l’étranger. Là où personne ne vous connaît, vous tenez votre vie entre vos mains, vous êtes maître de vous-mêmes plus qu’à n’importe quel moment. » Hannah Arendt – (Biographie de) Rahel Varnhagen
L’exil est en effet la meilleure image de l’autonomie qu’on puisse trouver : vécu d’une part sous l’aspect d’un isolement ruineux pour l’individu qui passe sa vie à reconstruire ce qu’il a perdu en quittant son pays, l’exil pourrait néanmoins apparaître aussi comme une liberté qui lui est laissée de vivre sa vie comme bon lui semble. On n’attend rien d’un étranger, pas même qu’il se soumette aux règles qui oppriment les autres.
- L’exil pourtant s’inscrit en faux à cette image rassurante. Non, être réfugié quelque part ce n’est pas être dans une situation positive, même si on est accueilli par un peuple bienveillant.
Parce que même alors, on reste sous la pression des autres, qui, s’ils n’exigent pas que vous soyez comme eux, vont néanmoins s’attendre à ce que vous coïncidiez avec l’image qu’ils ont de vous, en raison de votre nationalité. Si vous êtes français par exemple vous serez aux Etats-Unis l’éternel Frenchie, collection de tous les clichés bon ou mauvais qu’importe : ce seront de toute façon des clichés.
Alceste, le Misanthrope de Molière, choisit de se réfugier au désert, pour éviter la fréquentation des humains qui le dégoutent : il faut croire que la solitude est moins pesante que l’ennui. Il en va de l’exil comme de la solitude : ruine du prisonnier contraint à l’isolement, ou bien salut du moine qui a choisi sa cellule comme lieu propice à son ascèse. D’ailleurs la solitude est toute relative : le moine est face à Dieu ; quant à Victor Hugo, photographié ici tourné vers la France, il est visité par ses compatriotes qui lui ont gardé leur estime.
L’exil réuni la perte de soi et liberté dans la mesure où il est vécu comme la condition de la liberté : Rester debout, dit Victor Hugo qui fit de son exil à Guernesey le totem de sa liberté politique associée à l’ostracisme dont il fut victime.
Victor Hugo au « Rocher des proscrits » à Guernesey
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