mercredi 13 mars 2024

Errare humanum est – Chronique du 14 mars

Bonjour-bonjour

 

A l’occasion du Festival des neurosciences de nombreuses conférences ont eu lieu ces jours-ci en France, occasion pour l'auteur de cet article de revisiter certaines idées reçues.

Telle celle-ci : une intelligence artificielle peut-elle aujourd’hui égaler la créativité humaine ? On nous inonde en effet de cas où des robots artistes, peintres ou écrivains, produisent des œuvres confondues avec celles des musées, voire même aident à la production de livres couronnés par les prix littéraires (1).

Cette thèse ne résiste pourtant pas à l’examen : la création humaine est beaucoup plus déroutante que cela, elle survient là où on ne l’attend pas, avec des idées jamais imaginées jusqu’alors. Là où on chercherait la nouveauté en prolongeant inutilement la trajectoire des théories déjà acquise, il fallait une rupture, un saut dans l’inconnu, un peu de folie et non un peu plus de raison. Bref : l’IA n’aurait pu créer la théorie de la relativité, même en possédant toutes les données dont disposait Einstein. 

 

Pourquoi une IA ne saurait inventer ni créer ? Revenons à l’article cité : « Une IA peut imiter et mixer des styles artistiques existants et compter sur l'aléatoire pour en faire des œuvres uniques, mais pour la créativité de transformation, celle qui innove, et qui s’affranchit des modèles existants : là les robots sont beaucoup moins doués. L’esprit humain garde l'avantage. »

L’IA peut donner à croire qu’elle invente dans la génération de textes ou d’œuvres. En réalité, et en mettant les choses au mieux, elle mixe les données préexistantes – au besoin en faisant appel au hasard. Certes le cerveau humain peut lui aussi faire appel au hasard pour créer du neuf – les surréalistes on largement exploité ce filon. Mais la rupture totale avec le monde existant, la machine n’y parvient pas parce qu’elle fonctionne toujours sur une base de données, immense certes, mais qui ne possède que ce qu’on a déjà découvert.

Comment l’humain s’affranchit-il de cette barrière des acquis préalables ? Avec l’imagination, et en particulier cette fonction de l’imagination qui consiste à inventer un monde autre que celui qui nous entoure. Ce que nous inventons aujourd’hui aurait pu être également imaginé il y a 2000 ans : les mythes regorgent de scènes incroyables, qui nourrissent encore notre imagination.

Alors, certes cela peut aussi conduire au délire et à la folie : les productions de notre créativité regorgent d’échecs, d’impasses et de fausses routes. Mais nos erreurs en sont la preuve : même quand il se trompe, l’esprit humain ne suit pas la même route que la machine et il n’entre pas en compétition avec elle.

L’erreur est strictement humaine.

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(1) Rie Kudan, récente lauréate du prix littéraire japonais le plus prestigieux, a reconnu avoir écrit son roman avec ChatGPT. Lire ici

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