lundi 11 mars 2024

Euphémisme, litote, périphrase… – Chronique du 12 mars

Bonjour-bonjour

 

Personne ne parle aujourd’hui d’agonie, de mort, de suicide, mais de « Personne en fin de vie », « aide à mourir », « soins palliatifs »…. On songe à l’avertissement de Rabelais : « Si les mots vous fâchent Ô combien vous fâcheront les choses signifiées » : aujourd’hui on ne veut plus affronter ces mots qui fâchent, on espère, en les modifiant faire oublier les choses qu’ils signifient.

 

- Hélas ! Si les mot changent, la réalité reste.

Euphémisme, litote, périphrase… Tout l’attirail du lexique y passe : mais rien ne change, car changer les mots ne suffit pas à faire changer les choses.

La plus récente tentative en la matière a été proposé par Nicole Belloubet Ministre de l’Éducation nationale, qui refuse d’évoquer des « groupes de niveau », au profit de « groupes de besoins en fonction des compétences à acquérir ».

Mais qu’on y prenne garde : on a ici quelque chose de différent : il s’agit de remplacer le mot par la chose qu’il désigne, ce qui permet simplement de vérifier la rectitude de la dénomination. On ne voit pas bien quel est le profit d’une telle pratique – sauf à croire que prononcer le mot honni, suffit à déclencher des cataclysmes, un peu comme ces mots magiques qu’il suffit de prononcer sans même savoir ce qu’ils signifient pour provoquer des effets extraordinaires.

Ces mots magiques possèdent un pouvoir performatif surpuissant : dites « Abracadabra ! » et vous voilà pourvu d’un talisman qui surpasse tous les autres. 

De la même façon, mais en sens inverse, dire « Groupe de niveaux » suffit à ouvrir la gueule de l’enfer et à vous y engloutir

 

 

Lorsque nous étions petits, nous aimions jouer avec les mots, ou plutôt avec leur sonorité : le « Tout-petit-Rikiki », le « Petit chat gris qui mangeait du riz » : prononcer ces mots nous plaisait parce que ça chatouillait agréablement notre langue. Ce pouvoir des mots, indépendant de leur signification, nous est resté, et c’est même lui qui aujourd'hui encore nous fait peur - un peu comme les petits enfants anglo-saxons qui sont punis d’avoir dit un gros mot (un mot « sale » « dirty word » en anglais) : leur maman leur lave la bouche avec du savon. 

-Allez-y ! Dites « Groupe de niveau », et on sort le Kärcher.

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