Bonjour-bonjour
Gouverner c’est choisir : on connait par cœur cette formule de Pierre Mendès-France, qui a été prononcée à l’Assemblée Nationale le 3 juin 1953.
Pierre Mendès-France précise sa pensée en ces termes : « Choisir, cela ne veut pas dire forcément éliminer ceci ou cela, mais réduire ici et parfois augmenter ; en d'autres termes, fixer des rangs de priorité. »
Cette déclaration est fort habile car elle repousse le soupçon de politique de l’austérité – il n’est pas question de se priver mais seulement de donner ici ce qu’on a supprimé là. Aujourd’hui, l’exemple en viendrait (selon la rumeur) de l’Éducation Nationale qui renonce au budget-formation pour réinvestir l’argent dans … le payement des salaires des enseignants.
Pas beau ça madame !
- Laissons de côté ces polémiques et tournons-nous vers le contenu plus politique que politicien de cette formule. A quels choix notre actuel gouvernement est-il contraint ? Renoncer à des dépenses qui sont superflues (mais y en a-t-il ?) ou du moins dont le sacrifice est générateur de nouveaux programmes : par exemple laisser Sanofi vendre le Doliprane mais investir dans l’usine qui fabrique le paracétamol.
Si vous me permettez, tout cela c’est quand même de la gestion de raclures de balai : on pense que les choix budgétaires devraient être coordonnés à une vision à moyen ou long terme, et non plus au court terme qui limite le bénéfice de l’investissement au gain en voix pour les prochaines élections.
Par exemple, pour empêcher les inondations de villes et de villages, ne pas se contenter de digues mais investir dans des travaux plus longs pour reconquérir les terrain inondables et permettre à l’eau de s’écouler normalement. Et puis persuader les citoyens d’avoir un comportement vertueux en termes de réchauffement climatique.
- Et c’est là que la citation de Pierre Mendès-France prend toute sa force : si gouverner est un art que tout le monde n’a pas, et si gouverner c’est choisir, alors ces choix relèvent d’une habileté qui est plus rare que le talent de se sauver la mise dans des circonstances politiquement dangereuses. Et pour être plus explicite encore, disons que l’art du choix politique ne comporte pas seulement celui de la science qui sauve, mais aussi qui connait le « kairos » capable de se saisir du moment opportun pour faire accepter son choix (1).
- Comme l'indique cette référence au kairos le choix politique suppose l'art de choisir le moment de choisir - comme par exemple, faire accepter les mesures de contrôle du dérèglement climatique juste au moment où les français sortent tout mouillés de crues qui de centennales sont devenues annuelles.
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(1) Chez les grecs la sagesse comporte deux volets :
- l’un qui est la sophia, faite de science capable d’éclairer le jugement qui va guider l’action ;
- l’autre la prudence (phronêsis) qui est l’art de délibérer de l’action selon qu’elle est bonne ou mauvaise lorsque la science n’y suffit pas. A la sagesse théorique elle s’ajoute comme sagesse pratique.
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