jeudi 4 septembre 2025

Faut-il faire payer les riches ? – Chronique du 5 septembre

Bonjour-bonjour

 

Écoutez cette fable de La Fontaine :

L'avarice perd tout en voulant tout gagner. / Je ne veux, pour le témoigner, / Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable, / Pondait tous les jours un œuf d'or. / Il crut que dans son corps elle avait un trésor. / Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable / A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien, / S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien. / Belle leçon pour les gens chiches : / Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus / Qui du soir au matin sont pauvres devenus / Pour vouloir trop tôt être riches ?

Jean de La Fontaine – La Poule aux œufs d’or

 

Cette fable est fréquemment évoquée de nos jours pour critiquer le slogan d’une certaine partie de la classe politique : il faut faire payer les riches. Ainsi de la taxe Zucman, proposée comme seule solution au déficit français. Faute de pouvoir produire les richesses qui nous manquent, nous pourrions les prélever là où elles existent – à savoir chez les riches.

Les économistes sont perplexes : certes, taxer les grandes fortune ne leur ferait pas grand mal, sauf que leurs détenteurs pourraient avoir envie de placer leur argent là où nulle taxe ne les menace, laissant leurs spoliateurs dans la situation de l’avare de la fable, avec un coffre-fort vide.

 


Soyons plus précis dans l’analyse de la fable : l’erreur dont La Fontaine veut nous préserver est l’hubris qui consiste à vouloir s’emparer de la fortune déjà constituée au lieu d’attendre qu’elle se fasse « naturellement » – Traduisons : par l’épargne et l’investissement productif.

 

Plus concrètement, si la Poule aux œufs d’or n’obéit pas à notre impatience, c’est parce qu’on ne peut programmer une machine à produire de la richesse selon notre volonté – il faut y mettre de la patience, ce qui impose l’effort de subir une vie de pauvre. 

Car c’est là la leçon de la fable : « Pauvres, acceptez votre sort avec patience dès lors que vous disposez de cette Poule miraculeuse qui vous assure de sortir de cette condition avec le temps. Les coffres-forts que vous croyez pleins sont en réalité vides et ils le resteront tant que vous voudrez les voir remplis instantanément. »


- D’où une double leçon :

- Il y a chez La Fontaine un mystère de la richesse : produite selon des lois qui ne ressemblent pas aux notre, ainsi qu'on le voit avec l’histoire du Laboureur et de ses enfants, nous devons accepter de leur obéir avec stoïcisme sous peine de tout voir rater.

- Mais ce n’est pas tout. Selon La Fontaine il y a une trajectoire qui va de la pauvreté à la richesse – d’où la patience prônée : la richesse vient à point à qui sait l’attendre.

--> C’est exactement ça qui est réfuté aujourd’hui. Pour devenir riche, il faut l’être déjà un peu - sinon comment investir ? Si les enfants du laboureur sont devenus riches, c’est parce qu’ils étaient quand même un peu des héritiers.

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