jeudi 9 octobre 2025

Le droit ne lui suffisait pas – Chronique du 10 octobre

 


Bonjour-bonjour

 

« À son ombre, nos chefs d’aujourd’hui paraissent  encore plus petits. »

Cette phrase se promène dans ma tête depuis mon réveil, fabriquée par mon esprit le plus profond, celui qui ne s’éveille que pendant la nuit. Inspirée par la cérémonie de « panthéonisation » de Robert Badinter, elle résulte du cruel décalage entre l’homme qu’il fut à la tribune du Palais Bourbon et les rumeurs de chahut indigne qui accompagnent la moindre déclaration politique. La comparaison est cruelle avons-nous dit, mais elle ne suffit pas.

Robert Badinter est un de ces hommes (comme de ces femmes) qui porte en lui une autorité morale, qui dépasse tout ce que la position sociale peut donner comme ascendant.

Difficile de le démontrer sauf à demander d’écouter ses paroles lorsque le 17 septembre 1981 il commença son discours ainsi : « j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France. »

Depuis on a dû sanctuariser cette abolition en l’inscrivant dans la Constitution : c’est qu’en permanence (et aujourd’hui encore), les victimes crient vengeance et les bourreaux restent prêts. C’est que les raisons ne manquent pas, à commencer par l’idée que la mort vient couronner l’échelle des sanctions. Comme si détruire judiciairement une vie pouvait être distingué de l’assassinat. La chanson de Julien Clerc sur la parvis du Panthéon le disait bien : on assassine l’assassin.

Démontrant que le droit ne suffisait pas, Robert Badinter est allé jusqu’à invoquer la valeur fondamentale de la personne humaine, que rien ne pourrait faire disparaitre alors que pourtant on s’arroge le droit de la supprimer. Pour faire entendre la force de cette valeur, il fallait l’incarner par une grâce inexplicable mais qu’on retrouve chez certains humains, hommes comme femme. Je pense que Simone Veil en faisait partie ; et je pense que beaucoup d’autres personnes l’incarnent aussi ; des personnes qui n’ont presque pas besoin de parler, tant leur visage exprime cette force morale. On parlait autrefois d’aura– bien mystérieuse, mais c’est une façon de désigner ce qui se passe alors.

Oui, nos chefs politiques sont ridiculement petits face à cela – mais ne leur demandons pas d’incarner une puissance morale, tout le monde ne possède pas ce don ; mais qu’au moins ils laissent au premier rang ceux qui, parmi les leurs, la possèdent.

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