mardi 24 novembre 2020

A quand le retour du droit à la paresse ? – Chronique du 25 novembre

Bonjour-bonjour

 

Oui, mes petits amis : le Père Noël va pouvoir commencer ses achats – est c’est pour très bientôt : dans trois dodos, le 28 novembre très exactement ! Gardez votre CB bien à l’abri d’ici là parce que le 28 ça va flamber.

 

- Réjouissez-vous, amis lecteurs : jusqu’ici vous n’étiez qu’un porteur de virus dont le devoir était de cacher son nez ; et puis vous étiez éventuellement un travailleur autorisé par privilège spécial à prendre le métro. A partir de samedi vous serez en plus un client des commerçants qui vous attendent comme le messie. C'est promis-juré (voir ici).

Mais… Vous connaissez les français : râleurs comme pas un, et en plus, râleurs dépressifs : le message du Président, ça commence à faire beaucoup pour eux. Parce qu’au-delà des discours politiques pleins d’onctuosité, les voici, ces français, définis comme consommateurs missionnés pour faire fonctionner les tiroir-caisses. C’est très exactement ce que concluait le célèbre Droit à la paresse de Paul Lafargue, paru en 1880, qui reliait la production à la consommation. Alors que les prolétaires de l’époque ne pouvaient que travailler, Lafargue exige pour eux le droit de chômer et de consommer. Bien sûr on ne confondra pas la situation qui est la nôtre aujourd’hui et celle des ouvriers du 19ème siècles qui avaient à peine de quoi manger et auxquels les autorité civiles et religieuses affirmaient que l’épuisement au travail, que les souffrances de la misère et de la maladie étaient les vertus suprêmes. Ce pamphlet fut écrit en réponse au Droit du travail de Louis Blanc, mais pour nous il recèle bien d’autres messages, et hormis la critique de l’obsolescence programmée (1), il défend l’idée qu'il ne suffit pas de travailler, mais qu'il faut en plus consommer. 

Il est vrai que l’époque était propice aux discours moralisateurs, mais regardons-nous : ne sommes-nous pas nous aussi des simples facteurs économiques ?  Aujourd'hui tout comme en 1880 il faut non seulement produire, mais encore consommer. Ce qui était revendication au 19ème siècle est devenu contrainte aujourd'hui : mais qu'est-ce que ça change à la logique du profit ? Voici Noël et sommes-nous autre chose que des estomacs qu'on remplit simplement parce que ça rapporte aux producteurs ? Demandons-nous ce que font aujourd’hui les éleveurs de foie gras : ne sont-ils pas entrain de prier leur saint patron qu’il veuille bien ouvrir l’accès à tous ces estomacs, pour faciliter l’écoulement de leur marchandise en passant par leur tiroir-caisse ? La crise que nous vivons ne rend-elle pas évidente cette vérité qu’on s’efforce de nous cacher : de quelque manière que nous vivions, le système est fait pour que nous rapportions d’abord des profits aux entreprises et c’est tout. Qu’il faille pour cela nous donner en échange du plaisir, soit. Mais que ce plaisir, nous transforme en sacs de graisse ou en diabétique rempli de coca-cola, pour nos entreprises ça n’a aucune importance. Mais nous le savions déjà : les taxes sur le tabac le sucre ou l’alcool ont déjà donné lieu à des passes d’armes dont on a gardé le souvenir. Mais aujourd’hui, les masques tombent (sic !) : les stations de skis menacent de faire faillite parce qu’elles ne pourront plus nous vendre l’air pur et la neige des montagnes.

On en est là.

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(1) « Tous nos produits sont adultérés pour en faciliter l'écoulement et en abréger l'existence. Notre époque sera appelée l'"âge de la falsification", comme les premières époques de l'humanité ont reçu les noms d'"âge de pierre", d'"âge de bronze", du caractère de leur production. » (Chapitre 3)

 

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